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ÉCROULEMENT EN 1862 DE L'ÉGLISE SAINTE-CROIX DE QUIMPERLÉ

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Un affreux malheur est venu attrister notre ville, le 21 mars (1862) dernier.

M. Rousseaux, adjoint faisant fonctions de maire, fut informé, dans la matinée de vendredi dernier, que de sourdes rumeurs circulaient dans le quartier qui avoisine Sainte-Croix, et dans une inspection qu'il fit aussitôt de l'église, il ne remarqua rien qui fût de nature à motiver des craintes sérieuses ; cependant, par mesure de précaution, il crut devoir interdire l'exercice du culte.

Abbaye Sainte-Croix

A onze heures environ, il fit une nouvelle inspection avec M. le Sous-Préfet et M. le Curé ; ils remarquèrent un travail qui se faisait dans deux des piliers supportant la tour. Aussitôt M. Rousseaux congédia les ouvriers qui travaillaient à la restauration de l'église, et ordonna la fermeture immédiate de l'édifice.

Peu de temps après, et sans qu'on put prévoir un événement si précipité, la massive tour qui surmontait l'église s'affaissait sur elle-même et entraînait dans sa chûte la majeure partie de l'église : le clocher tombait sur le côté de l'édifice occupé par la famille Duparc, concierge du tribunal, et un pan du mur occidental écrasait de son poids la maison de M. Chesnel, receveur de l'octroi.

Eglise Sainte-Croix de Quimperlé (Bretagne) suite à son écroulement en 1862.

Aussitôt l'alarme est donnée : tous les habitants de Quimperlé, fonctionnaires, ouvriers, employés, se pressent sur le lieu du sinistre. Quatre personnes sont sous les décombres : trois demoiselles Duparc et M. Chesnel ; deux des demoiselles Duparc sont retirées par M. Jarno, sergent des pompiers, avec l'aide de M. Mainguy, marin de passage à Quimperlé.

Mais deux personnes restent encore sous les décombres : chacun se multiplie pour porter secours ; tandis que les pompiers, les gendarmes et les douaniers rétablissent l'ordre et la circulation, une commission, composée de MM. Dat et Dumoutier, conducteurs des ponts et chaussées, Allotte et Pillerault, conducteurs-adjoints au chemin de fer, Dubreil, entrepreneur, et Burgeat, dessinateur au chemin de fer, dirige les travailleurs dans leurs fouilles, et bientôt l'on retrouve les cadavres des deux victimes.

L'enterrement a eu lieu le lendemain ; M. le Préfet, Mgr l'Evêque, toutes les autorités de Quimperlé y assistaient ; la population, en grand nombre, faisait voir par sa contenance la part qu'elle prenait à cette catastrophe, et la sympathie qu'elle éprouvait pour les victimes.

M. Rousseaux, par quelques paroles bien senties, a fait vibrer les cœurs, lorsque sur ces deux tombes il a rappelé les vertus de M. Chesnel et déploré la mort de cette jeune fille si cruellement enlevée à l'affection de sa famille.

« Si quelque chose, a-t-il dit en finissant, peut atténuer le chagrin que nous éprouvons, c'est la confiance que nous avons que les deux victimes dont nous déplorons la mort, étaient prêtes à paraître devant Dieu. ».

Dès le jour même du sinistre, on s'est introduit dans l'église ; alors il a été possible de juger l'immensité de notre perte. Le sauvetage aussitôt commencé par les équipes des chantiers du chemin de fer, sous l'habile direction de la commission, s'est continué les jours suivants.

La crypte qui se développe sous le chœur a été préservée ; le retable en pierres de Taillebourg qui décore le portail a peu souffert. Des précautions ont été prises pour le préserver d'une perle totale. Un très beau christ du XIIIème siècle a été sauvé ainsi que des ornements et des statues ; la boiserie du chœur et les autels ont été démontés.

L'administration municipale a cru devoir, par mesure de précaution, faire évacuer les maisons qui avoisinent l'église. Les pompiers, secondés par la garde nationale organisée en un instant, ont constamment veillé jusqu'à l'arrivée de la troupe à la conservation de ces maisons et au maintien de l'ordre. Gràce à ces généreux citoyens nous n'avons pas eu d'accident fâcheux à déplorer.

Dans cette circonstance chacun a fait son devoir.

L'administration municipale, dirigée par M. Rousseaux, assisté de M. Bornigal, n'a cessé un seul instant d'encourager les travailleurs, ainsi que M. de Bremond d'Ars, notre sous-préfet, que nous sommes habitués à rencontrer partout où il y a un malheur à empêcher et de bons conseils à donner ; M. Bellamy, président du tribunal, M. de Kernisan, procureur impérial, M. Fornier, juge d'instruction, tous les fonctionnaires de Quimperlé qui se sont immédiatement rendus sur le lieu du sinistre, et ne l'ont pas abandonné tant que leur présence pouvait stimuler le zèle des travailleurs.

M. le Curé de Quimperlé, lui-même, supportant avec courage la dure épreuve qui lui était réservée, prodiguait partout des consolations.

L'administration télégraphique mérite aussi des éloges ; ses employés ont compris que leur place n'était pas sur le lieu du sinistre, et grâce à eux les communications interrompues par l'écroulement de la tour ont été rétablies le jour même.

Enfin, tous les habitants de Quimperlé, les équipes des chantiers du chemin de fer, tous rivalisant de zèle et de courage, ont droit à nos remercîments. Nous voudrions citer ici les noms de tous ces généreux citoyens qui ont exposé leur vie pour sauver les victimes. Ils recevront plus tard, nous en sommes persuadés, la récompense de leur dévouement.

Pour plus de détails nous renvoyons nos lecteurs, au rapport de M. le Maire de Quimperlé. Dans ce rapport ils trouveront les noms de ceux qui se sont le plus signalés dans cette triste circonstance.

Nous croyons devoir faire suivre cet article d'une courte description de l'église de Sainte-Croix.

Cet édifice, autrefois chapelle des Bénédictins et aujourd'hui église curiale, est l'un des monuments religieux qui méritent le plus de fixer l'attention des archéologues. Il présente dans sa construction l'une de ces réminiscences du Saint-Sépulcre de Jérusalem, dont la France ne conserve que trois exemples.

C'est une construction à plan circulaire cantonnée de quatre croisillons, dont deux, ceux de l'est et de l'ouest simulent, l'un le chœur, l'autre la nef ; ceux du nord et du sud représentent les transepts. Quatre gros piliers situés au milieu forment une deuxième enceinte plus élevée que la nef et le transept, mais plus basse que le chœur. L'exhaussement du chœur couvre la crypte ou chapelle souterraine de saint Gurlo ou Gurloës (Daniel. Histoire de Quimperlé).

Le grand autel est situé à l'entrée du chœur. « Je ne sais si je me trompe, disait M. Mérimée, mais ce temple où l'officiant est caché à la plus grande partie des fidèles, a quelque chose de mystérieux qui frappe l'imagination, et on a peine à croire qu'on y célèbre les mêmes mystères que dans les autres églises » (De Blois. Not. hist. sur Quimperlé).

Sans vouloir prendre part à la controverse qui s'agite entre les archéologues bretons sur de l'église Ste-Croix, nous en reportons la fondation à l'année 1083 ; c'est l'année indiquée par la chronique du monastère, mais elle était loin d'avoir à cette époque l'importance qu'elle a de nos jours.

Le croisillon du nord n'a été fait qu'en 1476, et celui de l'ouest fait ou peut être seulement refait en 1680 (Daniel. Histoire de Quimperlé).

Le portail de l'ouest est décoré de sculptures en pierres de Taillebourg. Dans la partie élevée de ce retable on aperçoit le Christ porté sur des nuées et entouré des anges ; au-dessous sont les statues des quatre évangélistes. Dans les ornements qui encadrent ces statues on remarque huit autres statuettes. Ce retable porte les dates 1541 — 1723. Les boiseries du chœur portent la date 1733 (Daniel. Histoire de Quimperlé).

Dans le croisillon du sud, l'abside de l'autel du Rosaire conserve des restes de fresque représentant le couronnement de la Vierge ; c'était une peinture assez médiocre exécutée dans le XVIIème siècle, par un sieur Romme, originaire de Quimperlé (De Blois. Not. hist. sur Quimperlé).

La tour a été construite en 1680 ; elle repose sur les quatre piliers du centre, commence par un soc quadrangulaire couronné par une galerie formée d'un rang de fuseaux supportant l'entablement. Sur cette première partie s'élève une lanterne octogonale avec ses huit portes cintrées, couverte par un dôme, lequel est surmonté d'un clocheton à huit arcades très évidées supportant un petit dôme et sur celui-ci s'élève un autre clocheton terminal plus petit et à peu près de la même forme, mais moins évidé.

L'extérieur de l'église de Sainte-Croix n'a rien de remarquable. Masquée en partie par des masures, en partie par les monuments du monastère, elle ne laisse guère à découvert que des murs construits en simple maçonnerie. La seule partie qui mérite d'être observée est celle de l'abside orientale ou du chœur qui est ornée de pilastres (De Blois. Not. hist. sur Quimperlé).

RAPPORT DE M. LE MAIRE DE QUIMPERLÉ

A M. le vicomte de Bremond d'Ars, Sous-Préfet de l'arrondissement.
Quimperlé, le 21 mars 1862.

MONSIEUR LE SOUS-PRÉFET,
J'ai l'honneur de vous adresser mon rapport sur la catastrophe qui est venue si inopinément attrister notre ville.

Je m'empresse de le reconnaître, la Providence a voulu que ce grand désastre ne s'accomplit qu'alors que notre église, ce beau monument historique dont la restauration nous rendait si fiers et si heureux, venait d'être fermée par mon ordre.

Ce matin, Monsieur le Sous-Préfet, à neuf heures environ, je me rendais, à la mairie pour ouvrir les dépêches, lorsque je rencontrai M. Le Corre, marchand drapier, demeurant près de l'église Ste-Croix : il me fit part de ses appréhensions. Je l'engageai énergiquement à ne point exagérer le danger — si danger il y avait — pour éviter une panique dans la population qui ne manquerait pas de se porter en masse aux abords de l'édifice, peut-être même dans l'intérieur. Je me rendis immédiatement dans l'église, Monsieur le Sous-Préfet; et je fis de vifs reproches à Monsieur Doléans, surveillant des travaux, de ne m'avoir point signalé, dès qu'il s'en était aperçu, le travail ou écrasement qui s'était produit dans la nuit ; et qu'il attribuait, me dit-il, à la violence du vent. Cet agent me répondit qu'il s'était présenté à la mairie un instant avant que j'y fusse arrivé. A peine entré dans l'église, je remarquai l'écrasement de six grosses colonnes des principaux piliers. Je recommandai à Monsieur Doléans, dès cette première visite pendant laquelle une grosse pierre, détachée par le choc d'un étai, tomba très près de moi, de prendre toutes les précautions que commandait le travail qui s'était opéré. Il m'assura que pour le moment il n'y avait point imminence : en effet, comme il me le fit remarquer, aucune fissure n'apparaissait dans les voûtes. Je n'hésitai point, cependant, à adresser à Monsieur Dubrujaud, entrepreneur des travaux de restauration, la dépêche télégraphique dont suit la teneur :

« Quimperlé, le 21 mars 1862.
M. Dubrujaud, entrepreneur, rue des Ecluses, 8, Paris.

Il s'est produit dans les six grosses colonnes des piliers principaux un écrasement tel qu'il est urgent que vous veniez ici.

Pas de fissures dans les voûtes ».

Je me hâtai ensuite, Monsieur le Sous-Préfet, de vous prier de m'accompagner : c'était entre dix et onze heures, je ne puis bien préciser. Monsieur le Curé que j'avais invité à se trouver avec nous, était déjà sur les lieux. Dans cette seconde visite, j'appelai votre attention et celle de M. le Curé sur l'écrasement des colonnes : vous pûtes tous les deux remarquer comme moi qu'il n'existait point encore de fissures dans les voûtes. Tous les trois nous fimes les recommandations les plus pressantes au surveillant et aux ouvriers. Dans ce moment, personne n'aurait pressenti l'imminence d'un désastre.

Vous vous empressâtes de signaler à M. le Préfet, par dépêche télégraphique, le travail qui venait de se produire, en le priant de nous envoyer immédiatement l'architecte du département et de prévenir l’architecte des monuments historiques chargé des travaux de restauration de notre église. Je retournai une troisième fois : je fis sortir toutes les personnes étrangères au chantier, et je dis à Monsieur le Curé que j'interdisais, dès ce moment, l'exercice du culte dans l'église et dans la sacristie. Lors de ma dernière inspection, quelques minutes avant l'écroulement de la tour qu'il était en dehors des prévisions humaines de considérer comme aussi prochain, j'ordonnai énergiquement à Monsieur Doléans de fermer les portes. Je dois constater ici, Monsieur le Sous-Préfet, qu'un jeune conducteur, Monsieur Allotte, homme fort intelligent et plus compétent que moi dans la circonstance, suivait depuis le matin les phases du travail qui se faisait, et que son appréciation personnelle, quant aux signes précurseurs d'un danger, était si bien d'accord avec la mienne qu'il se proposait de retourner sur les lieux dans l'après-midi avec ses camarades. Je ne me dissimulai point, cependant, Monsieur le Sous-Préfet, la gravité de ma position : quelques personnes furent averties avec calme. Je rends grâce à Dieu d'avoir conservé tout mon sang-froid. Si j'avais donné l'alarme, la panique s'en mêlait !... N'aurions-nous pas, à l'heure qu’il est, de plus grands malheurs, s'il est possible, à déplorer ?

J'arrive, Monsieur le Sous-Préfet, au terrible moment de la catastrophe : midi allait sonner. J'étais à peine rentré que j'entendis un horrible fracas. La tour venait de s'affaisser !...

Dominer le sentiment de profonde tristesse qui m'accablait, pour accourir sur le théâtre du sinistre, fut ma seule pensée.

Nous nous trouvâmes aussitôt réunis. Votre présence, Monsieur le Sous-Préfet, l'appui moral de nos honorables magistrats et du clergé, le concours de M. Audran, commandant de notre section de pompiers, du lieutenant de gendarmerie, du capitaine des douanes, l'attitude calme de la population, l'arrivée au pas de course des équipes du chemin de fer qui se mirent spontanément à ma disposition, le dévouement de tous, notamment des ouvriers, nous donnèrent à moi et à mon collégue, Monsieur Bornigal, une très grande autorité pour assurer l'ordre, organiser promptement les secours et prendre toutes les mesures que commandaient les malheureuses et menaçantes conséquences du désastre. Avec votre approbation, je nommai de suite une commission composée d'hommes compétents et je dis à haute voix qu'on n'exécuterait que les ordres du président de cette commission et ceux que nous pourrions donner.

Notre premier mouvement, Monsieur le Sous-Préfet, fut de faire procéder au sauvetage des personnes présumées sous les décombres, et d'interdire la circulation près des ruines de l'édifice.

Bientôt deux demoiselles Duparc, filles du concierge du tribunal, furent retirées par M. Antoine Jarno, maître menuisier, sergent dans notre section de pompiers, et par le sieur Mainguy, marin, de passage à Quimperlé. Les efforts inouis des honorables citoyens, des travailleurs courageux qui, au péril de leurs jours, avaient entrepris de retirer des décombres les deux autres victimes, méritaient une récompense à laquelle ils eussent attaché, je n'en doute point, un bien plus grand prix qu'à tous les éloges que nous, leur avons adressés. Hélas ! ils n'ont retiré que deux cadavres.

Le corps de M. Chesnel était enfoui sous une masse de pierres et de bois ; il a été retiré par MM. Burgeat, Pillerault, Martin, Brieux et Charles Audran.

J'ai passé rapidement sur ce drame dont vous avez suivi comme moi avec la plus vive anxiété les touchantes péripéties ; mais j'éprouve le besoin de vous signaler maintenant les citoyens qui se sont le plus exposés.

M. Aubin Jérôme, a pénétré le premier dans la chambre d'où l'on a retiré le cadavre de la demoiselle Duparc, et y a bientôt été suivi par MM. Charles Dubreil et Gautier, membres du conseil municipal, Desniard, maître charpentier au viaduc du chemin de fer, Jarasson, maçon, Henrion Charles, charron, Audran Charles, Deval François, serrurier-mécanicien, Séverin, couvreur, Courrier Amédée, menuisier, Le Nestour Louis, maçon, Evrard, capitaine de la Saline au quai de Quimperlé, Sainval, forgeron, Moren Achille, couvreur, Brémoulé, relieur, Louis Blin, cocher chez M. Déal, Montellier, caporal aux chasseurs de la garde impériale, Pillerault, piqueur au chemin de fer, Martin Auguste, maître maçon, Brieux Jacques, aussi maître maçon, Lacroix, tanneur, Autret, gendarme, Cheminade, Le Merle, Dodeur, Le Bris, Hervé Pierre, Perret François, mineurs, Buron, apprenti, Régnier et Monnery, tâcherons.

J'ai pris ces noms à la hâte, sur les lieux mêmes, Monsieur le Sous-Préfet. Si dans ma précipitation j'avais omis quelques courageux citoyens qui se seraient exposés dans le sauvetage, comme ceux dont j'ai l'honneur de vous indiquer les noms, je m'empresserais, sur leur réclamation, de vous les faire connaître. Aussitôt que les victimes ont été retirées des décombres, j'ai fait faire des fouilles dans la maison qu'occupait Monsieur Chesnel, comptable de la commune. Elles ont eu pour résultat de faire retrouver des régistres et des valeurs importantes, qui ont été mis sous scellés sur ma requisition.

Il me tarde, Monsieur le Sous-Préfet, de vous signaler, d'une manière particulière, les membres de la Commission que j'avais nommée et que vous aviez acceptée :

MM. Dat et Dumoutier, conducteurs des ponts et chaussées, Allotte, conducteur à la Compagnie d'Orléans, Dubreil, entrepreneur, Pillerault, piqueur, et Burgeat, dessinateur.

Comme mai, vous les avez vus à l'œuvre : leur conduite nous a prouvé ce que nous pouvions attendre de leur zèle et de leur dévouement. Je n'ai à constater, dans cette journée, que la démolition de l'abside du sud, reconnue urgente par les membres de la Commission. De concert avec vous, Monsieur le Sous-Préfet, et mon collègue, j'ai pris toutes les mesures de manière à ce qu'il n'arrivât point d'accident pendant la nuit.

Samedi matin, 22.
Dès dix heures, arrivaient Monsieur le Préfet et Monseigneur l'Evêque de Quimper.

Leur sollicitude nous a prouvé combien ils sympathisaient à l'affreux malheur qui venait de nous frapper.

Ils ont visité les ruines de l'édifice et imprimé une bonne direction à ce qu'il restait à faire, en encourageant encore par leur présence les nombreux travailleurs.

Des mesures préservatrices pour le retable ou jubé ont été prises.

A deux heures a eu lieu l'enterrement des victimes, auquel assistaient Monsieur le Préfet, Sa Grandeur et toutes les Autorités de la ville escortés des pompiers et de la gendarmerie.

Le recueillement de la foule immense qui accompagnait le convoi témoignait des sympathies que les victimes emportaient dans la tombe.

Dimanche 23.
Les équipes Demiard, Martin et Cheminade, dirigées par MM. Allotte et Pillerault, ont retiré de la sacristie des statues, des croix, des ornements, tous les objets garnissant l'église ainsi que les boiseries du chœur. Ce déménagement, fait avec discernement et sans trop de précipitation, en quelque sorte sous les yeux de Monsieur le Préfet et de Sa Grandeur, a été très heureusement achevé. Mon collègue au conseil, municipal, M. Fornier, juge d'instruction, s'était chargé d'enlever lui-même ce qu'il y avait de plus précieux dans la chapelle saint Gurloës et s'est très habilement acquitté de sa mission.

Eugène Peyrot a enlevé à lui seul le Christ du XIIIème siècle.

Lundi 24.
Nous n'en étions pas à la fin de nos épreuves.

Les essais de mines n'ont point produit le résultat que nous espérions.

Le mur du transept, donnant sur la rue a été étayé.

Mardi 25, Mercredi 26 et Jeudi 27.
Arrivée d'un détachement de 54 artilleurs de marine envoyé sur votre demande par M. le Préfet maritime de Lorient qui a mis dans cette circonstance une obligeance toute particulière.

Mines dans le pilier est-midi.

Bélier pour parvenir à la démolition de ce pilier.

Vendredi 28.
Démolition du pilier au moyen de pétards, qui ont pu être placés par Cheminade, Combaud dit Périgord et Lacroix, dans un trou où se trouvait une pièce de la charpente qui venait de s'écrouler.

Eboulement de la toiture et des voûtes qui menaçaient.

Cette opération présentait de grands dangers : conseillée par M. Vindrinet, chef de section, qui était malade lors de l'événement, et par M. Desroques, entrepreneur du viaduc, elle, a parfaitement réussi.

Ici, Cheminade, son équipe et Combaud dit Périgord méritent une mention sur laquelle je prends la liberté d'appeler votre bienveillante attention.

M. Desroques, dans cette dernière journée, s'est montré comme il l'eut fait, je n'en doute point, dans celles qui l'ont précédée, s'il n'avait pas été absent.

Je ne puis oublier non plus MM. Allotte et Pillerault qui se sont réellement fait remarquer.

Depuis son arrivée, l'architecte du département a pris d'excellentes mesures et a été de bon conseil.

L'architecte et l'entrepreneur, chargés des travaux de restauration, sont arrivés le lundi.

L'Inspecteur général des monuments historiques, arrivé le mardi, est parti le lendemain à midi.

J'ai oublié, Monsieur le Sous-Préfet, dans mon rapport de la première journée deux faits qui, selon moi, ont bien leur importance : vous eûtes l'attention de transmettre des dépêches à vos collègues de Châteaulin et de Lorient pour leur annoncer le fatal évènement, leur indiquer le nombre et les noms des victimes. De mon côté, j'envoyai une dépêche télégraphique à Paris pour être insérée dans trois des principaux journaux, en vue de rassurer les familles qui avaient des parents à Quimperlé. Par un malentendu que je déplore, cette dépêche n'a point paru.

Monsieur le Sous-Préfet, chacun, le premier jour, jour vraiment néfaste pour Quimperlé, a fait son devoir.

Mon rapport est bien long ; je crains cependant de n'y avoir point signalé tous les dévouements. Les pompiers, la garde-nationale improvisée, les artilleurs commandés par le capitaine Merme et le lieutenant Masse ont rendu de grands services. Les canonniers Schifferlé et Daroux méritent d'être particulièrement cités, ainsi que les gendarmes Autret, Guyavarch et Lamic.

J'ajouterai les noms suivants pour compléter la liste des ouvriers qui se sont le plus signalés :
Equipe de charpentiers. — Desniard, Coton, Siméon, Beurger, Guillou, Turpin, Couliou, Formal, Hervé. Se sont surtout distingués, Desniard et Coton.

Equipe de maçons. — Martin, Peyrot Eugène, Vergniaud, Lacroix fils, Catinat Sylvain, Henrion, Chebroux Félix, Brishoual Félix, Molard François, Riccoux Guillaume, Chebroux Henri, Poissonnier Jacques, Chebroux François, Jouard Auguste.

Martin Auguste, Combaud dit Périgord, Lacroix, Peyrot, Vergniaud et Catinat se sont particulièrement signalés.

Equipe de mineurs. — Cheminade, Rodier, Dodeur, Henrion, Le Merle, Le Bris, Buron, apprenti, Hervé, Perretet Lacroix. — M. Sainval, maître forgeron à Quimperlé, s'est montré d'un dévouement sans bornes, et a travaillé nuit et jour.

Nous sommes heureux de n'avoir à déplorer aucun accident depuis la catastrophe.

M. Desroques a été chargé par l'entrepreneur d'achever de démolir les parties en ruine qui pouvaient menacer les maisons voisines de l'édifice.

Quant aux causes du désastre, il ne m'appartient pas de les indiquer : je laisse cette tâche à des hommes plus compétents que moi.

Je ne terminerai point ce rapport, Monsieur le Sous-Préfet, sans vous remercier, en mon nom et au nom de mes concitoyens, du concours empressé et de l'appui bienveillant que vous m'avez prêtés.

Veuillez agréer, Monsieur le Sous-Préfet, l'assurance de ma considération la plus distinguée et de mon sincère dévouement.

Le premier Adjoint, faisant fonctions de Maire de la ville de Quimperlé, ADHÉMAR ROUSSEAUX.

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