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La Ville Close de Quimper.

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 I.

Nous franchissons la place qu'occupait la porte Sainte-Catherine, supprimée en 1753, et nous sommes dans l'ancienne Ville Close.

Cette rue sinueuse qui s'ouvre à notre gauche, conduit à la rue et au couvent de Saint-François. Le plan la nomme inexactement rue Dorée. Son nom est rue Douaric. L'aveu de l'Evêque de 1682 la nomme en breton rue an Douar [Note : L'aveu mentionne la maison marquée au plan, auprès de laquelle était « un degré » qui servait à monter sur le mur de ville]. André la rectifie et l'élargit, bien loin de la supprimer. Cette voie secondaire, mais fort utile, n'existe plus : on en voit seulement l'amorce dans la rue Saint-François.

Ville close de Quimper (Bretagne).

Nous avons à notre droite le palais épiscopal. Celui que figure le plan n'est pas le même que nous voyons aujourd'hui. De 1507 à 1518, Claude de Rohan, à la suite du modeste « bâtiment de Rosmadec », avait élevé le somptueux « logis de Rohan ». En 1595, le bâtiment de Rosmadec et une partie du logis de Rohan furent brûlés (MOREAU, p. 347). On tarda à faire les réparations nécessaires ; et, en 1617, le mur de ville s'écroula entraînant dans sa chûte la partie du logis de Rohan qui s'appuyait sur lui (M. LE MEN, p. 229). En 1619 et 1623, deux arrêtés du Parlement ordonnèrent à la communauté de ville de reconstruire le mur ; et il servit encore de soubassement au nouveau palais épiscopal dont l'édification commença aussitôt. Enfin, en 1778, au cours de grandes réparations, le mur de ville tomba de nouveau (Subdélégué, p. 3) ; et presque tout ce qui restait du logis de Rohan disparut, pour faire place à des bâtiments s'étendant vers l'est et appuyés sur le mur de ville transformé en terrasse. Il ne reste plus du logis de Rohan, à l'extérieur, qu'une étroite façade que signalent deux fenêtres du XVIème siècle, et, à l'intérieur, que la charmante tour de l'escalier.

Mgr. Conen de Saint-Luc, quand il reconstruisait le palais épiscopal en 1780, ne se doutait pas que, quelques années plus tard, on pourrait écrire : « Le beau bâtiment de l'Evêché sert aujourd'hui d'auberge : on y reçoit les étrangers dans des appartements vastes, propres, bien éclairés, meublés avec recherche... ». Et Cambry (car il est l'auteur de ces lignes) s'applaudissant d'avoir trouvé si bon gîte, ajoute : « Les tabagies de la Pretagne et même de la France entière donnent du prix à ces maisons commodes » (CAMBRY, II, p. 335. Le palais épiscopal avait été vendu nationalement le 28 décembre 1792 pour 28.700 francs ; un vingtième du prix, ou 1.435 francs seulement était payable comptant et le reste en dix annuités. Le département a dû le racheter pour 75.000 francs. Voilà une jolie opération ! et combien la nation en a-t-elle fait d'analogues !). C'est donc pour le mieux !.

Cambry aurait pu ajouter que la salle synodale était transformée en salle de danse. Les portraits de Benoit XIV et de onze évêques entourent cette salle. Brûler les images des vieux évêques de Cornouaille, en même temps qu'on jetait leurs cendres au vent, était une oeuvre patriotique ! Le peintre Valentin habitait alors Quimper. Il dut recourir à la ruse pour sauver les vieux portraits. Il fit remarquer que leurs cadres de bois sculpté ornaient la grande salle et obtint qu'on les laissât en place ; puis il recouvrit les portraits de toiles sur lesquelles il peignit Apollon et les Muses. Quand l'Evêché fut rendu à sa première destination, Valentin enleva ses peintures, et les évêques reparurent dans leur palais purifié. Aujourd'hui encore ceux de ces portraits (au nombre de six) qui n'ont pas été restaurés, gardent la marque des pointes qui servirent à fixer sur leurs cadres les toiles protectrices de Valentin [Note : La prison de l'Evêque était anciennement située non dans le manoir épiscopal, ce qui était rigoureusement interdit par les ordonnances, mais dans ses dépendances. Elle s'appuyait probablement contre le mur de ville, puisqu'elle avait au moins une fenêtre donnant sur l'entrée de la rue Neuve ; et elle devait être contigüe au manoir épiscopal, puisqu'elle était séparée du jardin par la basse-cour. On peut conjecturer qu'elle occupait un emplacement voisin du pont de l'Evêché ; et peut-être comprenait-elle la tour qui défendait le pont, et qui fut détruite en 1753. Je puise ces renseignements dans un reçu du prix des réparations faites à la prison en 1645, et dans des actes authentiques constatant les baux de la prison concédés par l'Evêque de 1627 à 1650. Dans un de ces baux (1649) l'Evêque se réserve « la promenade du jardin et des herbes potagères pour sa maison ». Ce dernier point demande une explication. Aujourd'hui on paie les geôliers, autrefois les geôliers payaient la ferme de la prison. Le Roi, dans les prisons royales, les seigneurs, dans leurs prisons, ne fournissaient que le pain, et le geôlier « n'était assujetti à fournir que l'eau ». Les prisonniers ajoutaient ce qu'ils pouvaient à cette maigre pitance, et le geôlier tirait profit des fournitures qu'il faisait probablement largement payer].

A notre droite, voilà l'église cathédrale. Elle n'a pas le même aspect qu'aujourd'hui ; elle est encombrée d'échoppes en appentis qui s'appuient contre ses murs, même à côté du portail principal [Note : L'église qui a précédé la Cathédrale actuelle était, dès le XIIIème siècle, accostée de boutiques. Nous avons la preuve de ce fait dans un acte du mois de février 1249, rapporté au Cartulaire de Saint-Corentin. Par cet acte, « Jean, fils d'Absalon, clerc, abandonne la boutique ou atelier (edificium seu operarium) que son père avait bâti contre la façade occidentale de l'église » (Cart. 56, 21). Un compte du Chapitre pour les trois années 1655-1656-1657, énumère 19 boutiques et donne les noms des 18 locataires et la profession de la plupart d'entr'eux. Ils sont pinthier (fabricant ou marchand de poterie d'étain), chaudronnier, savetier, sergent, horloger, cordonnier, maçon, peintre, mercier, et plusieurs sont marchands ; mais, quoiqu'on ait dit, il n'apparaît pas que les chanoines eussent pour locataires des cabaretiers. La location pour les trois années a été en tout de 1.140 livres, soit pour chaque année 380 - Une boutique venait d'être bâtie de neuf en 1655. (Archives départementales, fonds du Chapitre)]. Cet état datait de la construction de la nef [Note : M. LE MEN dit du XIIIème siècle (p. 223) ; il se réfère évidemment à la cathédrale primitive. En effet, en 1249, on donnait au Chapitre « operarium quod pater œdificaverate juxta frontem ecclesiœ à parte occidentali ». Cart. 56. F° 21]. Au XVIème siècie, toutes ces boutiques (boticœ) étaient la propriété du chapitre ; quelques-unes étaient, données en location, d'autres arrentées. En 1670, le chapitre avait dix-sept locataires [Note : Compte des recettes. Fonds du chapitre. Archives départementales. En 1749 (22 août) les sieurs Mouillard « et autres firent exponse et abandon d'une maison contre l'église cathédrale pour être déchargés d'une rente de 50 livres ». Enregistr. En 1793, onze de ces échoppes furent vendues nationalement (Archives départementales, 104-105). Il eût mieux valu les abattre tout de suite que d'avoir à les exproprier plus tard].

Contre le mur nord de l'église s'élevait un élégant ossuaire du XVIème siècle. Il a été mal à propos compris dans la condamnation très-justement prononcée contre les échoppes voisines. Une croix de pierre marque aujourd'hui sa place.

Les tours commencées en 1424 [Note : 26 juillet 1424. On lit dans nombre de dictionnaires géographiques copiés, selon l'usage, les uns sur les autres, que la cathédrale a été commencée à cette date. La vérité est qu'elle était construite toute entière à cette époque, qui est celle de la pose de la première pierre des tours] n'étaient pas couronnées de leurs flèches et allaient les attendre encore près d'un siècle. C'est seulement en 1856 que Quimper a pu admirer les flèches construites sur les dessins et sous la direction de M. Bigot, architecte diocésain. Il faut rappeler cette date et le nom de l'architecte. Trente années ont paré les flèches de la même teinte que les siècles avaient donnée aux tours ; flèches et tours semblent contemporaines. Parmi ceux qui sont mieux informés de l'âge des flèches, plus d'un, en les admirant, les attribue à M. Viollet-le-Duc. Double méprise, toute à l'honneur de l'architecte quimpérois, notre confrère [Note : Sur la construction des flèches. Voir BULL. X, p. 262. Lire dans le Catalogue de Cambry (p. 12) les dévastations commises à la cathédrale le 12 décembre 1793, jour de Saint-Corentin. Lire aussi le récit indigné de M. LE GUILLOU-PENANROS. Administ. du dép. du Finistère, p. 374]. Une statue équestre du roi Gradlon qui, en 1764, comme aujourd'hui, existait entre les deux tours... ? La statue brisée et jetée bas en 1793, a été rétablie après l'édification des flèches, en 1858. On sait l'hommage poétique et musical que, de temps immémorial et jusqu'à la fin du siècle dernier, le roi Gradlon recevait le jour de sainte Cécile .

Devant nous, s'ouvre la place Saint-Corentin.

Depuis les temps les plus reculés jusqu'au dernier siècle la place Saint-Corentin a porté le nom de Tour du Châtel, en latin Turnus ou Circuitus Castri [Note : M. DE FREMINVILLE, I., p. 304, se méprend quand il parle d'une tour de la ville nommée la Tour du Châtel]. Ce nom rappelait le souvenir et le site du Château que le roi Gradlon donna à Saint-Corentin pour bâtir son église ; et il marquait les limites de la première enceinte fortifiée de Quimper, élargie au XIIIème siècle. Le château de Gradlon paraît avoir été situé vers l'angle que forment l'Odet et le ruisseau de Frout ou de Penruic, qu'un titre du XIVème siècle nomme le ruisseau du château. (Froutquestell, 1336) (M. LE MEN, p. 4). L'enceinte s'étendait à l'ouest jusqu'à l'entrée de la rue Kéréon et de la rue du Guéodet. Au bout de chacune de ces rues, il y avait une porte. Celle de la rue Kéréon est mentionnée dans nombre d'actes sous le nom de Porta Lapidea en latin, Porz-Men en breton, c'est-à-dire Porte de pierre : elle n'est plus figurée au plan de 1764. Quant à la porte du Guéodet, beaucoup de personnes vivant à Quimper, qui, comme celui qui écrit ces lignes, ont passé sous son étroite ogive.

Le tour du Châtel était autrefois le quartier aristocratique et surtout le centre de la vie à Quimper. C'était le point d'intersection des principales voies de la ville. La cathédrale, des hôtels de gentilshommes, des maisons prébendales l'entouraient. Le sénéchal Jacques Laurent, resté fidèle au Roi, demeurait, avant la Ligue, à l'angle de la place et de la rue des Regaires ; au dernier siècle, le sénéchal Hervé de Silguy habita et mourut dans une des maisons de la longère ouest entre la rue Kéréon et l'angle sud-ouest (Sépulture de la Chandeleur, 16 avril 1768).

A cet angle de la place était une maison prébendale, dite hôtel de Lestulan. On en voit une autre dans la maison qui fait l'angle de la rue du Guéodet et de la rue Obscure (Aveu de l'Evêque, 1682). Enfin il y en avait une troisième, qui fut occupée par le chanoine Moreau, à peu près sur l'emplacement de la Mairie ou de la cure actuelle (M. LE MEN, p. 16).

C'était au Tour du Châtel que se trouvaient les auberges et les tavernes les mieux achalandées. A l'angle sud-ouest pendait, en 1594, l'enseigne de la Grand'maison (aujourd'hui hôtel du Lion d'or) [Note : Ces vieux noms de Grand'Maison et de Lion d'Or se retrouvent en nombre de villes. En 1594, Quimper avait aussi son Lyon d'Or ; mais cette hôtellerie était sur la place Médard (MOREAU, p. 313). Les titres du propriétaire du Lion d'Or actuel nous apprennent que l'hôtel portait encore le nom de la Grand'Maison en 1781. C'est au Lion d'Or, place Médard, que descendit le sieur de Grandville quand il vint porter secours à la ville contre Lezonnet (BULL. XII, p. 148). De même Jean de Jégado quand il vint secourir la ville contre La Fontenelle. MOREAU, p. 313). Lire au BULL. XII, p. 148, le curieux débat auquel donna lieu la dépense faite par le sieur de Granville et sa troupe].

En 1551, la taverne à la mode tenue par Denys Perrault, marchand notable, était à l'angle de la rue Obscure, aujourd'hui rue Royale. Cette taverne était le rendez-vous des gentilshommes de loi et bourgeois notables ; aux beaux jours, une table était dressée devant la porte sur la place ; et des chanoines, en revenant de l'office, ne dédaignaient pas de s'y arrêter acceptant et rendant les santés qui leur étaient offertes (Voir le curieux récit inséré par M. LE MEN au Bull. VII, p. 122).

Depuis plusieurs siècles et très certainement depuis la construction de la nef de la cathédrale, l'église décrit sur la place un angle prononcé qui la partage en deux. Chacune de ces parties de la place a son histoire.

Ville close de Quimper(Bretagne) : la rue Royale.

II.

Sur celle qui s'étend devant la porte principale de la cathédrale, le parvis proprement dit, se tenaient les marchés, mercredi et samedi de chaque semaine (Evêque, 6 v°).

L'Evêque avait commencé dés 1209 à bâtir une halle dans la ville close (Hévin. Questions féodales, p. 82. — Nous reviendrons plus tard sur ce point). Le roi en avait eu deux successivement dans la Terre au Duc (Hévin. Id. Réform. 1539). La seconde, bâtie en 1510, était neuve, quand, comme nous l'avons vu, les bourgeois de Quimper firent la folie de l'abattre, en 1594.

De ce moment jusqu'à 1845, Quimper n'eut plus de halle et les marchés se tenaient en plein air (Chanoine MOREAU, p. 207). Devant la porte de la cathédrale était le marché au pain (OGEE. Quimper, p. 399) ; vers le bas de la place, se vendait le poisson [Note : Subdélégué 1781. Nous trouverons bientôt le marché aux Légumes dans la rue Kéréon]. C'est au marché au pain que se faisaient les feux de joie aux jours de réjouissances publiques [Note : On lit en marge d'un acte de baptême de la paroisse de Saint-Julien (21 juillet 1704), « jour qu'on fit le feu de joye pour Monsgr. le Duc de Bretagne et les chandelles allumées le soir avec toute la réjouissance publique ». Le duc de Bretagne était le fils aîné du duc de Bourgogne, frère de Louis XV : moins de huit ans après, le même char funèbre emportait à Saint-Denis le duc, la duchesse de Bourgogne et le duc de Bretagne].

« La veille, le maire de la ville ou au moins deux anciens syndics étaient venus prier M. l'Evêque et Mrs. du Chapitre de mettre le feu. Le lendemain, après le Te Deum chanté à la cathédrale, M. l'Evêque en chappe et mitré, assisté de deux archidiacres en chappe, M. le chantre aussi en chappe, portant son bâton, et les sous-chantres aussi en chappe, la croix les précédant, sortaient processionnellement de l'église en chantant l'Exaudiat ». Mrs. du présidial suivaient ; le peuple venait ensuite. « Les héraults de la ville en grand costume, casaques de satin blanc doublées de bleu, semées d'hermines avec les écussons de la ville brodées par devant et par derrière, armés de pertuisanes et portant la bandoulière, tenaient en mains des flambeaux de cire blanche allumés, — que M. le Maire et autres anciens syndics présentaient à M. l'Evêque, à M. le Chantre, aux Archidiacres et à l'ancien (au doyen) des chanoines, qui mettaient le feu en même temps » [Note : Ces détails sont empruntés à un curieux manuscrit de l'Evêché intitulé Cérémonial du Chapitre, 1749. M. DE BLOIS (Ogée, Quimper, p. 416) m'a fourni le détail du costume élégant des héraults de la ville, en usage jusqu'à 1743].

En 1745, au lendemain de Fontenoy, un Te Deum fut ordonné par le Roi et un feu de joie suivit. Cette double cérémonie s'accomplit sans la présence du Présidial. Le Sénéchal, au lieu de répondre à l'invitation de l'Evêque, faisait au même moment chanter un Te Deum à l'église des Cordeliers (Evêque).

Ce fut pour les Quimpérois un scandale plutôt qu'un étonnement, car la place Saint-Corentin, avait déjà été le théâtre de bien d'autres actes d'hostilité du Présidial contre l'Evêque.

A la fin du XVIIème siècle, le Roi avait ordonné la réformation de son domaine. L'Evêque rendit aveu, le 14 juillet 1682 ; il employa dans sa déclaration l'universalité de fief et de juridiction sur la Ville Close et le territoire suburbain. Bougis, préposé à la Réformation, impunit l'aveu. Une première sentence intervint qui ne satisfit personne ; Bougis et l'Evêque en relevèrent appel. C'est à cette occasion qu'Hévin rédigea l'important mémoire inséré au Chapitre II de ses Questions féodales.

On lit à la première page de ce mémoire que « les présidiaux de Quimper se couvrent du nom de Bougis et sont les véritables parties appelantes » [Note : HEVIN, p. 57 du volume. Le lumineux mémoire de l'illustre feudiste est à lire tout entier]. Ce qui est certain, c'est que le présidial crut le moment favorable d'entrer en lutte avec l'Evêque. En 1683, de nuit, et par surprise, un poteau, avec carcan aux armes du Roi, fut planté au milieu de la place, au marché au poisson. Bien plus ! la communauté de ville, s'associant à l'entreprise des présidiaux, appliqua ses armes au-dessous de celles du Roi ; « par où comme dit Hévin, les habitants d'hommes de fief proche du Regaire, s'érigeait en seigneurs supérieurs » (HEVIN, p. 73). Tentative ridicule !... L'Evêque, seigneur haut justicier, prit des conclusions incidentes de ce chef ; et l'arrêt du 15 décembre 1693, qui statua sur le double appel, ordonna que les armes de la communauté seraient remplacées par celles de l'Evêque.

Qui l'aurait cru ? Comme pour prendre une revanche éclatante, en 1694, le Présidial fait planter à demeure une potence aux armes du Roi devant la porte de la cathédrale. Nouvelle protestation de l'Evêque : nouvel arrêt du Parlement ordonnant l'enlèvement de la potence (4 octobre). Mais l'arrêt a omis de fixer un délai pour l'exécution ; la potence reste en place ; et il faut un second arrêt (12 novembre 1694) qui, d'une manière générale, fasse défense au présidial d'élever une potence sur les terres de l'Evêque.

Cette victoire de l'Evêque met fin à la campagne ; mais la guerre va recommencer bientôt.

L'Evêque a une mesure particulière en pierre déposée sous le grand portail de la cathédrale, à l'endroit qu'on nommait le Porcher du baptême. En 1742, pendant une absence du prélat, les présidiaux en font piquer les armoiries, et veulent même faire enlever la mesure. Mais les juges du Regaire tiennent bon et la mesure reste en place (Sénéchal et Evêque, 10 r°.).

En 1745, le poteau du roi planté en 1683, est vermoulu. Le sénéchal Hervé de Silguy le fait remplacer. L'Evêque aurait pu se contenter, comme en 1693, de faire peindre ses armes sur le nouveau poteau ; il fait autrement : il fait planter un poteau à ses armes ; mais en lieu moins éminent, tout-à-fait au bas de la place et à trente pas du poteau royal.

Le Sénéchal, qui demeure dans une maison voisine, s'oppose par menaces à ce qu'il nomme une usurpation ; et, sans avertir l'Evêque, il adresse sa plainte au Gouverneur de la province, sous la forme d'un long et compendieux rapport. Mais le Gouverneur (et c'était de toute justice) communique le rapport à l'Evêque qui répond... et victorieusement.

Pourquoi tant de récriminations ? — Le Sénéchal reconnaît lui-même que l'Evêque a eu jusqu'à 1675 un poteau avec collier incrusté dans le mur de l'Evêché, à la porte de l'auditoire des Regaires. Si ce poteau n'existe plus, c'est qu'on a refait les jambages de cette porte. L'Evêque a compris le poteau avec carcan dans les aveux ; et cette déclaration a été reçue sans aucune difficulté. Il a donc le droit et la possession du poteau (Sénéchal et Evêque)

N'importe ! voilà la guerre allumée ! et le Sénéchal, renouvelant toutes les contestations jugées contre Bougis par l'arrêt souverain de 1693 ! Les choses en vinrent à ce point que Mgr. Farcy de Cuillé ayant récusé le présidial pour suspicion légitime, la récusation fut admise et les affaires de l'Evêque renvoyées au présidial de Vannes (arrêt du 31 août 1745). — Plus tard, Mgr. Conen de Saint-Luc fit de même ; et nous trouvons au pied de sa requête du 8 mars 1779, des conclusions du procureur général Caradeuc de la Chalotais, demandant le renvoi des affaires de l'Evêque à Vannes. La lutte renouvelée par le Sénéchal a produit pour lui-même une défaite complète, pour l'Evêque beaucoup d'ennuis, et pour nous deux mémoires très instructifs. — Le profit est pour nous seuls... auxquels le Sénéchal ne pensait pas.

Vers l'entrée de la rue Kéréon, le plan figure la place de maisons incendiées. Elles ont brûlé dans la nuit du 17 au 18 juin 1762. — L'une d'elles était l'habitation de la dame de La Roque-Kerandraon, veuve du greffier du Présidial et des Regaires, mort depuis quelques mois. Son successeur, Jacques-Corentin Royou d Pennanrun, cousin, puis beau-père de Fréron, ne s'était pas pressé de prendre livraison de ces archives ; et la dame Kerandraon en était restée dépositaire. « Le feu consuma généralement tous les titres et papiers des deux greffes ». Ces papiers brûlaient encore, le 1er juillet, quand le sénéchal des Regaires, René Guesdon de Clécunan, dressa procès-verbal de l'incendie [Note : P.-V. aux Archives de l'Evêché. La fille du sénéchal devint mère du docteur Laënnec : la veuve La Roque-Kerandraon (Corentine Laënnec) était soeur du bisaïeul du docteur]. Cet incendie, que les pompiers du temps laissent se perpétuer pendant douze jours, a été une perte irréparable pour l'histoire de Quimper [Note : « ... Les pompiers du temps ». Je n'invente rien. Quimper avait des pompes et par conséquent des pompiers, en 1764, et même en 1745 et auparavant. Le 10 septembre de cette année, la ville mit en adjudication l'entretien des pompes et des 200 seaux de cuir employés à leur service : « L'adjudicataire doit graisser les manches et ustensiles et seaux quatre fois par an avec de l'huile de lin, — les réparer et les exercer tous les trois mois, enfin les conduire à ses frais en cas d'incendie, à la première réquisition de MM. les Juges, Maires et Syndics, etc. ». Le sieur Gouezou offre de faire ce service pour 110 livres par an, le sieur Doucin reste adjudicataire pour 85 livres « plus l'exemption de la garde, du logement des gens de guerre et des fournitures aux casernes ». Plus tard, en 1772, la ville a trois pompes : elle les tient elle-même : elle a cru faire une économie ; mais cette économie coûte trop cher : « Pour une seule fois que la ville les a fait graisser en six mois, elle a payé 13 l. 14 s. ». — Le Procureur du Roi demande que l'on revienne au marché. — L'adjudication n'est plus possible : personne ne veut prendre l'entretien des pompes. Elles ont vieilli, les seaux de cuir aussi ; et une des obligations de l'entrepreneur sera « de rétablir toutes les coutures des manches et des seaux pendant que les cuirs seront en état de les soutenir ». Enfin, un homme de bonne volonté, le sieur Godard, se charge de l'entretien pour cinq ans, au prix de 80 livres par an et l'exemption des gens de guerre (3 février 1772). L'Intendant élève le prix à 100 livres et supprime l'exemption. Le 24 avril 1772, la communauté nomme « Jean Tiblier, Paul Jardinier et François Bodoner pour conduire les pistons des pompes à incendie. Ils seront tenus de se rendre au premier son du tocsin et lors des exercices des pompes, moyennant chacun vingt livres par an » (Archives départementales, E. 2)].

Ville close de Quimper(Bretagne) : la Place au Beurre.

III.

L'autre partie de la place prenait, à certains jours, un aspect sinistre c'est devant l'entrée de la rue Obscure que se dressait la potence.

Cette partie de la place a été originairement le paradis, c'est-à-dire le cimetière de la cathédrale. C'est un point sur lequel le Sénéchal et l'Evêque sont d'accord en 1745 ; mais la place avait perdu cette affectation depuis longtemps, bien que le Sénéchal constate (en 1745) « qu'on y voit encore ce qui peut désigner un ancien cimetière » (Sénéchal, 16 v°, 22 v°).

Aux derniers siècles, les inhumations ne se faisaient plus que dans un cimetière de dimensions très restreintes, puisque, en longueur, il ne s'étendait que de la porte latérale du bas au croisillon du transept : il comprenait l'ossuaire dont j'ai parlé plus haut. Le reste de la place était, comme aujourd'hui, au public. [Note : « Les places au-devant des églises étaient originairement des cimetières, appelés pour cette raison paradis, d'où l'on a fait parvis... La place devant l'église de Notre-Dame (de Paris) est nommée anciennement Paradis de Notre-Dame. L'expression était employée même à Quimper, où nous trouvons auprès du porche de Saint-Mathieu, la chapelle de Notre-Dame du Paradis. Dict. de TREVOUX, v° Parvis, HEVIN. Questions féodales, p. 73 ; et il cite d'autres exemple].

Si l'on s'étonne de cette exiguité du cimetière de Saint-Corentin, qu'on se rappelle qu'il y avait dans la Ville Close un autre cimetière, celui de Saint-Nicolas, au quartier de Mez-Gloaguen ; et, hors des murs, il y en avait trois ; celui de Sainte-Thérèse ou Sainte-Catherine, très ancien et antérieur à la Ligue, au pied du mont Frugy, celui de Saint-Primel, consacré en 1687, et celui de Saint-Louis, qui datait au moins de 1748.

Ces cimetières seraient insuffisants aujourd'hui : ils suffisaient autrefois ; les concessions n'étaient pas en usage dans les cimetières, et les inhumations dans les églises et chapelles étaient nombreuses. A Quimper notamment, le couvent des Cordeliers tout entier, cour, église, cloître, a été, jusqu'au milieu du XVIIème siècle, une vraie nécropole (Voir le Nécrologe de Saint-François. Bull. XI, 2° p., p. 3).

Cependant, chaque année, le 2 novembre, jour que l'Evêque consacre plus spécialement à la prière pour les morts, le clergé de la cathédrale, suivant un usage immémorial, fait en procession le tour de cette partie de la place. C'est une habitude en beaucoup de paroisses de faire ainsi une visite au cimetière. La procession de Quimper n'a pas, selon nous, une autre origine.

Toutefois, le chanoine Moreau pensait autrement :

Il dit que 1400 personnes ayant été massacrées par les soldats de Charles de Blois, lors de la prise de la ville, en 1345, il fut creusé sur le Tour du Châtel de grandes fosses où les corps furent jetés en monceaux. Il ajoute que cette procession du 2 novembre est un pieux hommage rendu à la mémoire des malheureux massacrés (p. 13).

Ainsi, au temps du chanoine, la place n'était pas un cimetière ; bien plus, d'après lui, deux siècles et demi auparavant, elle ne servait pas aux sépultures ; les victimes de la fureur des soldats de Charles de Blois et de la coupable insouciance de leur chef, ont été seules et par exception inhumées dans le sol de la place.

Le chanoine Moreau est-il bien informé ?

En ce qui concerne la procession, M. Le Men a écrit : « Ce qui est certain c'est que cette procession avait lieu au moins depuis le XIVème siècle ». Et il met en note : « (Processio) in crastino omnium Sanctorum in circuitu castri (Procession le lendemain de la fête de tous les Saints au tour du Châtel). Cart. de Quimper, n° 31 » (Monog., p. 227). Or M. Le Men s'est mépris sur la date de l'écrit qu'il cite ; et le Cartulaire lu attentivement, bien loin de le confirmer, va démentir le récit du chanoine.

Le Cartulaire de Quimper est déposé à la Bibliothèque nationale ; mais la Bibliothèque de Quimper possède une copie de ce document faite avec un soin extrême. On y trouve f°. 59 v° et f°. 60 r° une longue délibération du Chapitre mentionnant : 1° les jours de fêtes doubles et semi-doubles ; 2° les processions auxquelles assiste le Chapitre. Une de ces processions est indiquée comme il est dit plus haut, et c'est assurément ce texte que M. Le Men a reproduit.

La délibération du Chapitre est de 1278, antérieure de soixante-six ans à la prise de Quimper par Charles de Blois. Aucun doute ne peut s'élever sur la date de la délibération que suivent d'autres délibérations antérieures à 1345. Donc la procession du 2 novembre n'a pas été établie en mémoire des habitants massacrés cette année [Note : M. DE FRÉMINVILLE (Finistère, I, p. 304) admet cette tradition ; mais il se méprend quand il dit que les corps furent inhumés auprès d'une tour de la ville dite la Tour du Châtel].

Mais une question en amène une autre et de toute autre importance : Le chanoine Moreau s'est mépris sur l'origine de la procession du 2 novembre ; est-il bien certain que des habitants de Quimper aient été massacrés par les soldats de Charles de Blois ?...

Beaucoup se sont posé cette question sans l'examiner : elle vient enfin d'être étudiée à fond et résolue. Dom Plaine, bénédictin de Ligugé, a eu cet honneur. Qu'on lise sa dissertation insérée par lui dans la Revue des Questions historiques, et on demeurera convaincu que le massacre de Quimper est une fable sinistre imaginée, en 1394 seulement, par un chroniqueur dévoué à la maison de Montfort ; et, depuis, répétée sans examen par les uns, complaisamment exagérée par les autres [Note : Revue des Questions historiques, 21ème livraison. Janv. 1872. p. 41. J'ose reprendre en sous-oeuvre le travail du savant Bénédictin ; et je veux suivre de proche en proche le récit du massacre de Quimper, de 1394 jusqu'à nous. J'espère démontrer que Charles de Blois ne fut pas « le dévot consciencieusement cruel », — « le bigot sanguinaire » que nous représentent MM. Michelet (III, p. 305, 2ème édition) et Henri Martin (V. p. 59, 4ème édition)].

Ville close de Quimper(Bretagne) : la rue Gueodet.

IV.

Depuis 120 ans, quelques rues ont été élargies ou rectifiées, mais pas une seule n'a été ouverte dans l'ancienne enceinte, et peu de rues ont changé de noms [Rectificatif : J'ai écrit : « Pas une seule rue n'a été ouverte dans l'ancienne enceinte... ». C'est une inadvertance. Sans parler du quai du Stéïr, trois rues ont été ouvertes en 1845, quand l'église des Cordeliers a été abattue et la halle construite, savoir : la rue du Stéïr au sud de la halle, la rue Astor au nord ; et la rue des Halles, entre la halle et la rue Kéréon].

J'ai déjà nommé la rue du Guéodet, à l'angle nord-ouest de la place Saint-Corentin. Voici à l'angle opposé, au nord de la cathédrale, la rue du Frout, qui prend son nom du ruisseau de Penruic nommé aujourd'hui Frout : cette rue nommée quelquefois rue du Chapitre, nous conduit à la rue Toul-al-Ler, dont le nom est conservé. Ce nom s'écrivait anciennement Toul-al-Lazrr, c'est-à-dire le Trou-du-Cuir, du voisinage des tanneries dont nous avons parlé. La rue Toul-al-Ler du plan figure les deux branches d'une équerre : l'une vers la rue du Frout, l'autre vers l'angle nord-est de la place Saint-Corentin. Entre elles se trouve la place dite aujourd'hui Toul-al-Ler, auparavant place de l'Equerre. La partie de la rue Toul-al-Ler allant de la place à la rue du Frout s'est appelée autrefois rue Treus, c'est-à-dire Traversière [Note : Sur la rue Treus, aveu de l'Evêque (1682)]. Au XIIIème siècle, une partie de la place se nommait Poulpezron, du nom d'une petite source qui coule entre la place Toul-al-Ler et la rue actuelle des Ursulines.

Cette dernière est inscrite au plan sous le nom de rue Verdelet qu'elle garde encore dans l'usage ; autrefois, elle se nommait rue Verderell (LE MEN, p. 65).

A l'encoignure de cette rue et de la rue Obscure, à gauche, se trouvait la prison du Roi, maison particulière louée d'abord en 1667, puis acquise par le Domaine, et qui a servi jusqu'en 1807 [Note : Un arrêt du Conseil du 3 juin 1681 réglant les dépenses de la communauté porte : « il sera payé la somme de 165 livres pour la maison servant de prison, à François Baron, sieur de Kernaffiet, propriétaire d'icelle... tant que la maison servira de prison ». Ainsi, en 1681, le Roi n'avait pas de prison à lui (Archives départementales, E.)]. C'était un édifice absolument insuffisant et incommode : il avait seulement douze mètres de longueur sur neuf de largeur et était élevé de trois étages.

Le nom de rue Obscure anciennement Themer (1219), Diner (1471, 1489), Demer ou Teval (en breton), s'étendait à toute la voie qui va de la Tourby à la place Saint-Corentin [Note : Fonds du Chapitre. Actes de Saint-Ronan. — Tous ces noms sont traduits par le mot Obscure]. Plus tard l'usage, et non sans raison, a réservé le nom de rue Obscure à la partie basse de la rue, à partir du carrefour de la rue Verdelet. Seule, en effet, cette partie de la rue méritait ce nom : elle était à peine large de quatre mètres, et ses maisons se touchaient presque au troisième étage. La rue ayant été élargie en 1825, et ses maisons rebâties à la moderne y laissant désormais pénétrer le jour et le soleil, son nom ancien ne lui convenait plus : il a été remplacé par le nom de rue Royale, que la rue a perdu tour à tour et repris... Mais pourquoi n'avoir pas conservé à la partie supérieure de la rue le nom ancien de rue de Tourby, qui rapelle la mémoire de la vieille Tour-Bihan ?... On dirait que Quimper a peur de ses vieux souvenirs.

C'est dans l'ancienne rue Obscure qu'est né, le 20 janvier 1718, de sept à huit heures du soir, Elie-Catherine Fréron [Note : Baptême de Saint-Ronan (24 janvier 1718). Je donne ci-dessous l'Acte de baptême de Fréron. Voir note suivante]. Tous les biographes rapportent sa naissance à l'année 1719. C'est la date indiquée par l'Espion Anglais dans une lettre écrite au lendemain de la mort de Fréron, le 15 avril 1776. Cette indication un peu hasardeuse a suffi : car c'est une habitude chère aux biographes de se copier religieusement : et cette date fausse se trouve même dans des livres écrits à Quimper [Note : J'ai déjà publié l'acte de naissance de Fréron. Je le publie de nouveau ici, ne fut-ce que pour épargner à ceux qui écrivent à Quimper, le soin (je ne dis pas la peine) de le chercher. Il se trouve à la première page du registre de Saint-Ronan pour 1718. « L'an mil sept cent-dix-huit, le vingt-et-quattriesme du mois de janvier, a esté baptisé dans l'esglise de Saint-Corentin, cathédrale de Quimper, par le soussignant Rr. Elie-Catherine, fils légitime de noble homme Daniel Fréron, orfeuvre, et de demoiselle Marie-Anne Le Campion, son espouse, demeurant en la paroisse de Saint-Ronan. Ont été parain et maraine noble homme Elie Marias, marchand de Bourdeaux, et demoiselle Catherine Le Roy, espouse du sieur Déan, marchand drapier à Quimper ; l'enfant né le vingtiesme du présent mois, environ les sept à huit heures du soir et ont signé avec nous. Catherine LE ROY, femme du DÉAN ; Elie MARIAS ; François LE DÉAN ; Marguerite LE DIVIN ; BINOART ; Marie-Joseph FOURNÉ ; D. FRÉRON ; Marie-Anne CAMPION ; DE LANOÉ ; R. de Saint-Ronan et de Plomodiern ». Les biographies de Fréron contiennent bien d'autres inexactitudes, faute à leurs auteurs d'avoir consulté les registres de l'Etat-Civil].

Puissé-je un jour retrouver la maison tenue en location par le père de Fréron, où son fils est venu au monde, et la bassecour « où assis sur son petit fauteuil, une verge à la main » il a gardé les dindons, en apprenant à lire dans les poésies de Malherbe dont il était parent par sa mère (Espion anglais. Ann. litt. 1757, t. VII, p. 145), mais non pas, comme on l'a dit, descendant... et pour une bonne raison : c'est que Malherbe n'a pas laissé de descendance.

La rue que nous nommons rue du Salé se nommait ainsi en 1764, et même au temps d'Hévin ; plus anciennement elle s'était nommée rue des Merciers, puis elle avait pris le nom de la Chair salée, dont l'appellation nouvelle est une abréviation.

Partant de la rue Obscure elle borde le bas de l'ancienne place aux Ruches, nommée encore ainsi en 1701, (Titres d'une maison de la rue), figurée au plan sous le nom de place au Beurre de pot, et qui garde son nom de place au Beurre. C'était autrefois le marché au beurre et au miel.

C'est assurément au voisinage de cette place qu'il faut chercher l'ancienne rue aux Ruches ; mais quelle est-elle ? Est-ce la partie de la rue du Salé allant de la rue Obscure à la place ? Je n'y vois aucune apparence ; et je serais porté à trouver la rue aux Ruches dans la rue actuelle du Collège, qui borde à l'ouest la place aux Ruches. Le nom de rue du Collège est nouveau, puisque le Collège n'a été fondé qu'en 1619. De 1792 à 1816, cette rue a porté le nom de rue des Arts.

La rue du Salé se continuant au-delà de la place aux Ruches rencontre la rue des Etaux, vicus Stallorum en 1284 (Cart. 31. 1), aujourd'hui rue des Boucheries.

La prolongation de la rue des Etaux vers le nord et le sommet de la colline est nommée sur le plan et s'appelle aujourd'hui rue Mezgloaguen. Anciennement le nom de rue des Etaux se continuait jusqu'à la rencontre de la rue qui va de la place du Collège à la place Mezgloaguen.

Cette rue transversale se nommait, dès 1764, rue des Vendanges, traduction maladroite du nom latin Vicus qui traduisait l'ancien nom breton rue Viniou, Biniou, Beniou, Benniou (on trouve ces quatre formes). Le nom de rue des Vendanges est relativement nouveau : l'usage, dès 1651, et l'Evêque, dans son aveu de 1682, traduisaient bien plus exactement rue de la Vigne.

Dans la partie haute de la ville se voit l'hôpital général dit de Saint-Antoine. Chaque année, le 17 janvier, jour de la fête du patron, le Chapitre venait en procession chanter une hymne à la chapelle de l'hospice. En 1758, au cours d'une épidémie apportée par les marins de l'escadre de M. du Bois de la Motte, l'hospice devint insuffisant et 300 lits furent préparés dans des communautés (Archives de l'Evêché).

Un acte de vente de 1489, que je retrouve au fonds du Chapitre, nous révèle deux choses non établies jusqu'ici : 1° la continuation du nom de rue des Etaux jusqu'au carrefour de la rue Viniou ; 2° le tracé exact de cette dernière rue, sur lequel M. de Blois a hésité [Note : I, p. 417. M. DE BLOIS a écrit que la rue Viniou était ou la rue des Vendanges actuelle ou la rue descendant de Mezgloaguen et débouchant sur la place Médard. Nous allons tout à l'heure supprimer cette conjonction ou].

Cet acte constate la vente « d'une vieille mazière et place de maison, faisant le coing entre les deux rues des Etaulx et Viniou ; ferant du côté orient sur la rue des Etaulx, et du nord sur la rue Beniou ». L'orientation ne laisse aucun doute : et c'est précisément à cette même place que j'écris ces lignes. Je reviendrai tout à l'heure sur ce point.

La rue des Vendanges met la place du Collège en communication avec la place de Mezgloaguen.

Entre cette place et la porte Saint-Antoine se voit la rue des Boucheries. Quand la boucherie a cessé de s'exercer en cet endroit et est descendue rue des Etaux, cette dernière rue a pris le nom des Boucheries ; et l'ancienne rue des Boucheries, entièrement rebâtie, est devenue la rue Le Normand, du nom de son constructeur.

On nommait dès 1594, et le plan nomme rue Bily, la ruelle à escaliers qui descend de la place Mezgloaguen, et que nous nommons rue Saint-Nicolas, en souvenir de l'ancienne chapelle et du cimetière de Saint-Nicolas-des-Bois (Miseur. — MOREAU, p. 316). La chapelle vendue nationalement a disparu avec son cimetière.

Vers le bas de la rue Bily s'ouvrait à gauche une ruelle conduisant à l'escalier et à la poterne Bily, dont nous avons parlé. Il est encore aujourd'hui facile de reconnaître l'amorce de cette ruelle dans la rue Saint-Nicolas.

Anciennement la rue Saint-Nicolas ne portait pas le nom de Bily : c'est ainsi que le rentier de l'Aumônerie, dressé en 1580, mentionne « une rente sur la maison en la rue Quéréon, faisant le coing comme l'on va à la rue Vinniou » (BULL. VIII, p. 117). Cette indication est précieuse : elle nous apprend que la rue Vinniou débouchait sur la rue Kéréon ; en quel point ? Assurément, au coin de la place Médard actuelle. Rapprochons cette indication de celle que nous fournissait tout à l'heure l'acte de vente de 1489 et nous pourrons tracer l'ancienne rue Viniou. Il faut appeler de ce nom unique cette voie sinueuse qui partant de la place du Collège conduit à la place Mezgloaguen, contourne cette place à l'est et au sud, enfin descend rapidement place Médard.

Peut-être allez-vous, non pas me dire, mais penser que j'insiste trop sur cette petite trouvaille et qu'elle n'en vaut pas la peine. Vous avez bien raison ; mais, écoutez mon excuse : J'habite la rue des Vendanges... et je m'y trouve si bien, que, mes fonctions ne me retenant plus à Quimper, j'y reste quand même... Que ne puis-je rendre à la vieille rue un petit service, et obtenir que ce nom nouveau et ridicule de rue des Vendanges fasse place, une fois pour toutes, à l'ancien nom de rue de la Vigne !...

Rien de plus arbitraire que ce nom unique donné à la voie la plus tortueuse que l'on vit jamais ; et il se comprend que l'on ait songé à donner au moins deux noms à la rue. Malheureusement le nom de Bily fut mal trouvé, puisqu'il était déjà porté par une rue de la Terre au Duc [Note : Rentier des Cordeliers. Archives départementales. — M. DE BLOIS croit que le nom de rue Vily, de la Terre au Duc, doit son nom aux galets, en breton Bily, dont la rivière du Stéir avait pu jadis couvrir son sol (I, 417). Mais le même nom donné à une rue en pente, abrupte et fort au-dessus de la rivière ne peut avoir cette étymologie].

La rue Bily rencontre vers le bas la rue des Gentilshommes. Cette rue a, dit-on, été bâtie après la Ligue. Pendant les troubles, la plupart des maisons nobles des environs avaient été pillées et ravagées et leurs propriétaires vinrent habiter en ville.

C'est dans une des maisons à gauche en montant que demeurait Mre. Jean Léon, sgr. de Tréverret, sénéchal de Cornouaille et en même temps maire de Quimper, colonel de ses milices, etc. C'est de cette maison que partit, le 27 janvier 1773, le brillant cortège qui suivait à la cathédrale le duc de Fitz-James, ommandant général de la province, et la duchesse Victoire Gouyon de Matignon allant tenir sur les fonts le fils nouveau-né du Sénéchal [Note : Cet enfant reçut les noms de ses illustres parrains et marraines ; mais la ville, qui se paraît alors du nom de son premier Evêque, obtint d'eux d'ajouter à leurs noms celui de Corentin, comme cent ans auparavant la ville, parrain du fils de Sébastien II, marquis de Rosmadec, gouverneur de Quimper, lui avait donné le même nom].

La rue des Etaux, au haut de laquelle débouche la rue des Gentilshommes, nous ramène à la rue Kéréon ou des Cordonniers, en latin Via Sutorum, autrefois Grande Rue, en latin Vicus Magnus, en breton rue Meur. Voilà beaucoup de noms ; mais la rue en avait encore d'autres ! La partie haute de la rue s'est nommée, comme nous avons vu, Porz-Men, en latin Porta lapidea, en français Porte de pierre, du nom de la porte ouvrant sur le Tour du Châtel. On trouve la même partie nommée anciennement rue des Poureaux ou Poireaux, par allusion sans doute au voisinage du marché aux légumes.

Au carrefour des rues Saint-François et des Etaux la rue était large de 15 mètres environ. Cette dimension méritait à cette partie de la rue le nom de Place Maubert, qui subsiste encore  [Note : C'est sur cette place, au pied de la croix, que se faisaient les ventes de meubles saisis par justice. Un procès-verbal du 6 août 1712 (Archives départementales, E. 7. Arts et métiers) est, sur ce point, curieux à lire : L'huissier a donné rendez-vous pour dix heures du matin à un gardien de meubles saisis. L'huissier arrive à l'heure dite ; mais les meubles n'arrivent pas. A six heures du soir seulement, après huit heures d'attente, l'huissier donne défaut... Mais n'admirez pas trop sa patience... Il va faire payer son temps... même les heures qu'il a passées à se réjouir dans les tavernes voisines : et il compte autant de vacations que s'il avait vendu les meubles qu'il se promet bien de vendre au prochain jour] ; une croix était plantée en cet endroit, comme sur la plupart des places (MOREAU, p. 212). Au commencement du XVème siècle, le marché aux légumes se tenait sur la place Maubert ; on lit, en effet, dans un acte du 15 mars 1415 : maison place Maubert, in platea herbarum (sur la place aux Herbes) (Fonds du Chapitre).

Au bas de la rue Kéréon, un autre carrefour portait, comme aujourd'hui, le nom de Place Médard. C'est sur cette place qu'avait été autrefois, dit-on, le siège de la Justice ecclésiastique ; et c'est ce souvenir que rappelait la devise du Chapitre « A la barre de Saint-Médard ».

La rue Kéréon était comme aujourd'hui la principale artère de la Ville-Close.

Ville close de Quimper(Bretagne) : la rue Royale.

V.

Il nous faut maintenant rappeler ce qui malheureusement n'existe plus.

Et d'abord l'ancienne église municipale de Notre-Dame du Guéodet. Elle était située à l'angle de la rue des Etaux et de la rue du Guéodet. Elle n'avait pas été vendue nationalement ; et aux termes du décret du 18 germinal an X, elle devait être mise à la disposition de l'Evêque. L'Evêque de Quimper la réclama ; mais l'Administration municipale répondit qu'elle en enlevait des pierres pour réparer la chapelle du Collège (Archives de l'Evêché). L'Evêque n'osa insister. La pierre de construction ne manque pas en ce pays ; que penser d'administrateurs ne voyant dans la vieille église de la cité qu'un amoncellement de moellons bons à employer, et transformant cet édifice en carrière ! Voilà comment fut ruinée et périt Notre-Dame du Guéodet [Note : Notre confrère M. Mallen m'apprend que cette statue a échappé à la destruction en 1793 ; et que, lors de la démolition de la vieille église municipale, elle a été portée à la chapelle du Collège. On peut la voir dans cette chapelle à gauche, faisant pendant au tombeau qui renferme le cœur du P. Maunoir].

Elle avait pourtant droit à la vénération. Construite en 1209 d'abord, reconstruite en 1371, elle avait remplacé une chapelle des premiers siècles. La tradition attribuait la cessation d'une peste en 1412, aux prières faites devant l'image de Notre-Dame ; et, jusqu'à la fin du siècle dernier, chaque année, au jour de la Chandeleur, la reconnaissance populaire offrait une bougie de la longueur des remparts, pour brûler devant l'autel.

« Le soin avec lequel la confrérie de Notre-Dame veillait sur le luminaire du voeu avait frappé l'imagination populaire ». C'était un dicton que « si la bougie de Guéodet s'éteint Quimper sera submergé » (M. DE BLOIS, IV, p. 25). A l'angle des deux rues et contre la chapelle, se voyait encore, il y a quelques années, un puits. C'est par là que, selon la croyance vulgaire, les eaux de la mer mêlées à celles de l'Odet devaient déborder sur la ville et la noyer.

La bougie du Guéodet s'est éteinte : nous avons vu combler le puits, il y a quelques années, et il ne reste plus trace de la chapelle.

Pour ceux mêmes auxquels un lieu consacré par la prière depuis tant de siècles ne dit rien, la chapelle du Guéodet n'avait-elle pas droit au respect ?... C'est dans ses combles que, pendant plusieurs siècles, les bourgeois de Quimper avaient « fait leur chambre de ville » et délibéré les affaires de la cité (Chanoine MOREAU, p. 218) [Note : L'horloge municipale était placée au-dessus de la Chambre de ville à Notre-Dame du Guéodet. Elle était entretenue d'abord au moyen des offrandes pieuses faites à la chapelle ; mais, vers 1693, ces offrandes avaient cessé et la Communauté dut payer l'horloger sur le pied de trente-six livres par an. La Cour des Comptes admet cette dépense. Les Etats réunis à Vannes, le 15 septembre 1693, l'admettent à leur tour ; « mais à la charge que la Communauté fasse agréer la dépense par Sa Majesté ». La Communauté présente requête au Roi, qui, le 9 juin 1693, en Conseil d'Etat « admet la dépense pour le passé et l'autorise pour l'avenir à prendre tant sur les deniers patrimoniaux que d'octroi appartenant aux habitants » (Archives départementales, E. 7. Comm. de Quimper). Je rapporte ces détails pour prouver que la minutie administrative n'est pas une fleur nouvellement acclimatée sur la terre de France. Je n'ai pu savoir si la cloche qui sonnait l'heure au Guéodet est la même qui sonne entre les deux tours de la cathédrale, derrière la statue du roi Gradlon. Cette cloche nommée Marie est d'âge respectable : elle a été fondue en 1312. (LE MEN, Monographie de la cathédrale, p. 207 et 208).]. Mais ses souvenirs ne devaient pas sauver la vieille église municipale. Son jubé, ses admirables boiseries ont servi à faire du feu ; et ses belles vitres tant admirées par Cambry ont été détruites (CAMBRY, I, p. 12 et 13).

Au haut de la rue du Collège, le plan figure le collège des Pères Jésuites, bâti sur l'emplacement du Jardin du Chapitre que mentionne le chanoine Moreau (P. 258). Le collège a été bâti après 1619. Le plan marque même l'élégant perron de la façade. Tout cela vient de disparaître ; et la photographie n'en garde même pas l'image ! La chapelle, achevée en 1747, survit seule ; mais masquée et déshonorée [Note : En gardant la chapelle, dont l'existence a été, dit-on, un instant menacée (!) il fallait, puisqu'on abattait la façade du collège, profiter de l'occasion pour élargir la place déjà trop étroite, et dégager un peu plus la chapelle. On a fait précisément le contraire, sans ombre de nécessité. La Société archéologique a SEULE protesté, à l'avance et à temps (25 mars 1882) contre cette faute de goût ; et, je puis le dire aujourd'hui, j'ai été le premier à pousser le cri d'alarme. Un avenir prochain nous donnera raison. Je crois même que, dès ce moment, l'opinion publique est unanime à condamner ce qui s'est fait].

L'Enclos de Saint-François occupait un large espace, mais cependant pas tout l'espace circonscrit par la rue Kéréon, le mur de ville et la rue Saint-François. La partie voisine de la rue Kéréon appartenait aux maisons sud de cette rue. Prenez l'alignement sud de la ruelle (aujourd'hui rue) qui vient de la Terre au Duc au Stéïr, menez une ligne droite jusqu'à la rue Saint-François, et vous aurez la limite nord de l'enclos du couvent. Cet enclos avait deux entrées, une, la principale, sur la rue Saint-François, l'autre dite porte de Sainte-Claire (Fonds des Cordeliers. Archives départementales, acte de fondation du 27 mai 1732) donnant sur la rue Kéréon, au point où elle rencontre aujourd'hui la rue des Halles ; et le public prenait passage par là pour aller d'une rue à l'autre. Je n'ai à décrire ni l'église des Cordeliers que M. de Blois a décrite (II, 1845, p. 229), ni l'enclos que le plan de M. Bigot, publié par la Société archéologique, nous met sous les yeux (Plan publié en 1883 par la Société archéologique, voir. p. 199). Mais je voudrais faire retrouver sur les lieux la place qu'occupaient les édifices disparus.

La halle actuelle occupe la cour autrefois cimetière des Cordeliers, mais dans laquelle on n'enterrait plus dès le commencement du dernier siècle. Son angle sud-est seulement (le plus voisin du Parc) occupe une partie du collatéral unique de l'ancienne église ; la nef est presque toute entière comprise dans la rue du Stéïr. Le choeur de l'église s'avançait sur la rue Saint-François actuelle jusqu'à environ huit mètres des maisons qui bordent cette rue du côté est. La nef et le collatéral étaient séparés par huit piliers. Le coin sud-est de la halle marque exactement la place du 1er pilier placé dans le choeur ; à quatre mètres juste plus loin, était le second pilier situé à la porte du choeur et contre lequel s'appuyait l'autel de Saint-Antoine de Padoue. C'est à cette place même qu'a reposé pendant plusieurs siècles le B. Jean Discalcéat, ce saint cordelier mort victime de son dévouement pendant la peste de 1349, et resté si populaire dans nos campagnes sous le nom familier de Santic dû, petit Saint noir [Note : M. LE MEN, parlant du B. Jean Discalcéat, dit : « Pour un motif qui ne m'est pas connu, on l'invoque pour retrouver les objets perdus » P. 85. J'ai hasardé ailleurs cette explication (BULL. XI, 2° partie, p. 40) : Jean Discalcéat a reposé longtemps sous l'autel de Saint-Antoine de Padoue ; et sa statue, que nous voyons aujourd'hui derrière choeur de Saint-Corentin, était posée sur une console ou un piédestal auprès ou au-dessus de l'autel de Saint-Antoine. C'est une dévotion très répandue que d'invoquer saint Antoine pour retrouver les objets perdus. (BOLLANDISTES, t. XXIII, notamment p. 220-247-248). Il était d'usage à Quimper, en invoquant saint Antoine, de déposer une offrande sur son autel, aux pieds de la statue de Saint-Jean. Ce dernier, dans lequel les Cornouaillais voient un ami, devait naturellement l'emporter dans l'esprit de ses compatriotes sur saint Antoine, un saint étranger et peu connu d'eux ; et, dans la suite du temps, les prières et les offrandes déposées sur l'autel Saint-Antoine dérivèrent à son voisin Jean Discalcéat. Cette dévotion est certainement nouvelle : en effet elle n'est mentionnée ni par le P. Gonzague, l'historien des Franciscains, devenu Général de l'ordre, qui évrivait à la fin du XVIème siècle, ni par Huber, leur hagiographe (1678), ni par Wadding, leur annaliste officiel (1732). - Tous les trois disent que Jean Discalcéat est invoqué pour les maux de tête ; mais ils se taisent sur la dévotion si populaire aujourd'hui à Quimper. (Voir citations des passages concernant Jean Discalcéat, BULL. XII, 2' partie, p. 40). De son côté, Albert Le Grand, dans sa vie du B. Jean Discalcéat (1636), écrit (§ dernier) : « Il est en grande vénération, et plusieurs personnes détenues de grandes infirmités en ont été délivrées par ses mérites ». — Mais l'auteur, qui s'est renseigné à Quimper même, ne dit rien des pratiques dont nous sommes chaque jour témoins].

Contre le mur nord de l'église s'appuyait en appentis une chapelle dite des Agonisants ou de Notre-Dame de Vertu. Près de cette chapelle, à peu près vis à vis l'angle de la maison de Calan actuelle, s'ouvrait la porte principale de l'enclos de Saint-François, porte monumentale accostée de deux écussons aux armes de Bretagne, pleines sur l'un, écartelées sur l'autre des armes de Thouars. Cette porte était celle de la cour du château de Guy de Thouars. Le terrain que le Comte prétendait occuper dans la Ville Close de Quimper, en 1209, était donc celui que l'évêque Raynaud donna aux Cordeliers en 1232 (Evêque). Ce terrain de près d'un hectare comprenait presque le quinzième de la Ville Close ; et il s'explique ainsi que l'Evêque se soit opposé à l'entreprise de Guy de Thouars [Note : On lit dans la transaction passée entre le Comte de Thouars et l'Evêque en 1209 : que l'Evêque se réserve la libre et pacifique possession des eaux traversant la maison en litige (LOBINEAU, Preuves, col. 195), — c'est-à-dire l'espace que le comte prétendait occuper comme dépendances de la maison qu'il bâtissait, espace qui est depuis devenu l'enclos des Cordeliers. — Il semble permis d'inférer de ces mots qu'il y avait, à cette époque, une dérivation du Stéïr à travers ce terrain].

Beaucoup de personnes vivant à Quimper ont vu cette porte ; elle était surmontée d'une « chambre » que M. Amette, receveur de l'Evêché, avait fait construire lorsque, en 1745, il accensa la porte avec une portion de la cour des Cordeliers. C'est cette construction barbare de M. Amette qui nous vaut le renseignement historique que je viens de rappeler. Le Sénéchal accuse Amette d'avoir abattu la porte avec l'écusson ducal ; l'Evêque répond que la porte et l'écusson sont toujours à leur place, et en appelle au témoignage de la ville tout entière ! Mais, moins d'un demi-siècle après, les écussons allaient disparaître, quand un décret inspiré par une haine aveugle, sans aucun souci de la science historique (14 septembre 1793), ordonna la suppression des armoiries. Ce qu'un écusson armorié disait à tous les yeux en 1745, il nous faut aujourd'hui le chercher laborieusement dans de vieux titres [Note : En creusant les fondations de sa maison, le sr. Amette avait exhumé une grande quantité d'ossements ; il les recueillit pieusement et les fit recouvrir de planches en attendant la décision du Gardien des Cordeliers, alors absent ; mais malgré ces précautions, les travaux exécutés en un lieu qui très anciennement avait été cimetière causèrent une vive émotion ; et, le 10 septembre 1744, le Maire, M. Huchet de Kerourin, se transporta sur les lieux assisté de deux notaires, pour protester, au nom de la Communauté, « contre ces excavations pratiquées dans un lieu consacré par la religion ; entreprise jusqu'ici inouie, sans exemple... qui viole toutes les règles divines et humaines... etc. » (Archives départementales, E. 7). Le grand intérêt de ce procès-verbal, c'est la description que font les notaires des écussons qui accostent la porte : à droite les armes de Bretagne, à gauche les armes de Bretagne et de Thouars écartelées. « En dedans sur le pilier de gauche en entrant étaient deux pierres de taille jointes ensemble, d'une hauteur de quatre pieds et demi sur deux pieds et demi de large, sur lesquelles il y avait dans tout leur plein une ancienne écriture gothique » que les notaires n'ont pu déchiffrer. — Tout cela a été, bien entendu, martelé en 1793. M. Huchet de Kerourin a été bisaïeul de l'illustre Laënnec. Sa fille Jeanne-Catherine, mariée à Michel-Marie-Alexandre Laënnec, en 1746, devint l'année suivante mère de Théophile-Marie, père du médecin].

Cette porte livrait entrée à la cour et au cimetière que l'on traversait pour aller à la porte Sainte-Claire donnant accès à la rue Kéréon. En entrant, on longeait l'église à gauche.

En 1793, l'église des Cordeliers fut saccagée, et Cambry visitant Quimper, en 1794, était épouvanté de ces odieuses profanations [Note : CAMBRY. Catalogue 16 « Quelle nudité ! Quelles dévastations ! Tout est pavé de tombes, renversées, brisées, retournées »]. — Le décret du 14 septembre 1793 avait ordonné de marteler les tombes ; mais les héros du 12 décembre 1793 ne pouvaient s'arrêter là. Ils s'attaquèrent aux statues de saint qui furent solennellement brûlées ; et s'acharnèrent avec une fureur sauvage contre les tombes qu'ils brisèrent, renversèrent et retournèrent, sans songer qu'ils outrageaient les restes d'ouvriers, d'indigents, leurs pères peut-être, que les Cordeliers enterraient par charité dans les sépultures depuis longtemps abandonnées des vicomtes du Faou, des barons du Pont et d'autres seigneurs [Note : Voir pour plus de détails, Nécrologes de Saint-François. BULL. XI, 2ème partie].

Ville close de Quimper(Bretagne) : le cloître des Cordeliers. Ville close de Quimper(Bretagne) : la rue Kéréon.
   

Le cloître était accolé à l'église vers le sud. Les bâtiments conventuels étaient entre le cloître et la rivière de Stéïr. Le dernier débris des Cordeliers, caché derrière les maisons qui bordent le quai du Stéïr, va disparaître. Ce bâtiment nommé au XVIIème siècle « département de Saint-Louis » a servi pendant plus d'un siècle et demi d'auditoire au présidial et aux hautes justices seigneuriales s'exerçant à Quimper.

L'église, saccagée en 1793, et non réparée depuis, devait périr, en 1843, victime d'une coupable insouciance. En vain des voix autorisées s'élevèrent-elles pour la défendre. Elles ne furent pas plus entendues que notre voix n'a été écoutée quand nous avons demandé grâce pour la chapelle du Collège. La vieille église fit place à une halle.

Auparavant, le cloître vendu nationalement avait été détruit presque pierre à pierre. On peut voir une image fidèle de ses arcatures dans la galerie extérieure qui conduit à la sacristie de la cathédrale (BULL. X, p. 202). Les colonnettes du cloître ont fait, dit-on, du macadam et du pavé. Les tombes de l'antique nécropole ont été vendues et dispersées. On est venu les prendre là comme on va prendre des pierres à une carrière. Elles servent de pavés dans plusieurs maisons de la ville et même à la campagne. Une douzaine seulement ont été sauvées de la destruction et sont déposées au Musée archéologique. Sunt lacrymae rerum !...

A la même époque (1845), la ville construisit vers l'angle nord-ouest de l'ancien enclos des Cordeliers un pont sur le Stéïr. Jusque-là il n'y avait eu de communication entre les deux rives que par le pont au bout du Parc et par le pont Médard.

Puisque nous faisons notre promenade sur le plan de 1764, nous n'avons devant nous que le pont Médard : passons ce pont et entrons dans la Terre au Duc. (J. Trévédy).

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