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REDDITON DE QUIMPER A JEAN DE MONTFORT EN 1364

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DÉLIBÉRATIONS DES HABITANTS DE QUIMPER POUR LA REDDITION DE LEUR VILLE A JEAN DE MONTFORT, EN 1364. — On ne trouve pas de municipalités, c'est-à-dire pas de magistrats municipaux ni de conseils de ville permanents, dans les villes de Bretagne, avant le commencement du XVème siècle, ou tout au plus les dernières années du XIVème.

Cette opinion a été formulée pour la première fois, avec un certain nombre de preuves à l'appui, au Congrès breton tenu à Saint-Brieuc en 1852. Les nouvelles recherches que j'ai eu occasion de faire depuis lors m'y ont pleinement confirmé. Mais après avoir posé ce principe, j'énonçais cette réserve : « S'il n'y avait pas d'organisation municipale (avant le XVème siècle), il en existait du moins quelques germes. Si les bourgeois n'avaient point de chartes de communes ni de droits proprement dits, l’usage et la nécessité leur avaient procuré certaines prérogatives, fort modestes à coup sûr, mais qu'ils ne semblent pas plus avoir cherché à étendre que leurs seigneurs à les leur contester ». Parmi ces prérogatives, j'indiquais la suivante : « Dans les circonstances importantes, le seigneur, ou son lieutenant le capitaine de la ville, paraît avoir eu pour habitude de convoquer près de lui les notables et de prendre leur avis. Mais il n'était cependant pas plus obligé de le suivre que de le demander ; et sans doute il y avait surtout recours dans certaines circonstances difficiles qui exigeaient, pour être surmontées, le concours dévoué des habitants ».

Deux assemblées de cette nature furent tenues à Quimper, au mois de novembre 1364, dans les conjonctures suivantes. Jean de Montfort était venu mettre le siége devant cette place. Par la défaite et la mort de son compétiteur Charles de Blois, tué à la bataille d'Aurai (Auray) le 29 septembre précédent, le comte de Montfort venait de faire triompher ses prétentions au duché. Toutefois, il n'était point encore reconnu par son légitime suzerain le roi de France, et le parti de Penthièvre, quoique abattu, tenait encore sur quelques points. Les habitants de Quimper, attachés fidèlement à Charles de Blois depuis 1344, résistèrent d'abord au comte de Montfort. Il y avait cependant chez eux un gros parti pour la paix, et l'évêque lui-même, Geoffroi de Coetmoisan, paraît avoir penché de ce côté. Ne voulant toutefois disposer de la ville qu'à la volonté commune des habitants, il les assembla le 13 et le 15 novembre au palais épiscopal, pour avoir une connaissance exacte de leurs sentiments.

Un notaire apostolique, appelé par l'évêque, dressa de ces deux assemblées une relation authentique, écrite en latin, qui n'a jamais été imprimée, et dont j'ai trouvé une copie, du XVème siècle, dans le Trésor des chartes des ducs de Bretagne. Comme cette double relation est le plus ancien document de ce genre que je connaisse, et qu'il a par conséquent une grande importance pour l'histoire du Tiers-Etat en Bretagne, j'ai pensé qu'il était à propos d'en donner la traduction. Je me suis attaché à rendre autant que possible le style et la tournure de l'original latin, en supprimant seulement au début et sur la fin certaines formules de notaire qui ne font qu'allonger sans rien apprendre.

« L'an de Notre-Seigneur 1364, le 13ème jour de novembre, vers l'heure de prime, en présence de moi notaire public et des témoins souscrits, ont été personnellement établis révérend père en Dieu et seigneur Monseigneur Geoffroi évêque de Quimper, d'une part, et de l'autre, nobles, vénérables et discrètes personnes Hervé de Kerediern, Guillaume Tregouguen, Rivallon de Lanros, Guiomar du Mené, Noël du Pont, Jean de Guinevez, Hervé du Parc, Geoffroi Lestudoret, Alain du Pont-Médard et autres en grand nombre, nobles, bourgeois et peuple, de la cité et du diocèse de Quimper, habitant et demeurant présentement en ladite ville. Lequel révérend père en Dieu et seigneur a demandé auxdits Hervé de Kerediern, Guillaume de Tregouguen, et à tous les autres, nobles, bourgeois et peuple ensemble congrégés, si c'est sur leur fréquente requête, instante pétition et supplication, qu'il a commencé à traiter de paix et d'accord pour la ville de Quimper et ses habitants avec Monseigneur Jean comte de Montfort et ceux de son parti qui assiègent présentement ladite ville. A quoi Hervé de Kerediern, Guillaume de Tregouguen, Alain du Pont-Médard et beaucoup d'autres, bourgeois et peuple, répondirent, affirmèrent et confessèrent, sans contredit ni dissentiment d'aucun des assistants, que tout ce que ledit révérend père en Dieu a dit, écrit, fait, procuré et traité touchant cette paix ou accord, il l'a dit, fait, ordonné et traité du consentement et volonté de tous, sur leur instante demande, fréquente requête et clameur. Après quoi ledit révérend père en Dieu a fait lire les lettres écrites par lui sur ces choses à Guion Le Voier, qui se trouve présentement avec le comte de Montfort, desquelles lettres la teneur suit : « Très-cher fils en Dieu et bon amy, nous vous prions que vous vuellez venir parler à nous, veoir si ensemble pourrions trouver auchune bonne voye pour le proufit commun de ceste ville et de tout le pais. Sus lequel cuidions que aucuns des seigneurs de là parlassent à nous dimanche à heure de prime, comme ils nous avoient requis et pris terme ; auquel nous les attendismes longuement, et ne vindrent ne envoyerent ; dont nous nous esmerveillons. Pour ce que nous ne summes mie bien sayent, plaise vous venir à nostre hostel par la porte de l'Evesque ». Après quelle lecture, Monsieur Hervé du Juch et les autres nobles et Bourgeois ont consenti que ces lettres fussent envoyées audit Guion. Ce fut fait à Quimper, en la chambre de parement (in camera paramenti) dudit révérend père en Dieu et seigneur, en présence de nobles, vénérables et discrètes personnes Hervé du Juch, Geoffroi de Vieux-Châtel, Pierre Foucaut, chevaliers ; Geoffroi Le Marhec, archidiacre de Poher, chanoine de Quimper et de Léon, Guillaume Le Glaz, chantre de Quimper, Thomas L'Eveque et Alain Raoulin, chanoines de Quimper, Alain Henri, avocat de l'officialité de Cornouaille ; Rivallon de Lanros, Daniel de Saint-Alouarn, Hervé Chever, écuyers ; et beaucoup d'autres témoins dignes de foi, appelés et requis spécialement à ce que dessus ».

Cependant tout ne fut pas dit après cette première délibération. Il y avait à Quimper un certain nombre d'individus qu'on appelait les prisonniers, parce que, ayant d'abord servis sous les bannières de Montfort, ils avaient été pris par les partisans de Charles de Blois et s'étaient depuis leur capture tournés au service de ce dernier prétendant. On conçoit que ces défectionnaires craignissent plus que personne de retomber au pouvoir du prince qu'ils avaient abandonné. Unis à quelques autres gentilshommes qui voulaient continuer à défendre la ville, ils firent un dernier effort et demandèrent à l'évêque la convocation d'une nouvelle assemblée, où l'on adjurerait une dernière fois les habitants de prolonger encore leur résistance. L'évêque, qui n'avait d'autre désir que de rechercher sincèrement et de suivre avec fidélité les véritables sentiments de son peuple, consentit à ce qu'on demandait, et convoqua le 15 novembre une seconde assemblée, dont la relation suit :

« L'an de Notre-Seigneur 1364, le 15ème jour de novembre, sur les trois heures, en présence de moi notaire public et des témoins, souscrits ont été personnellement établis révérend Père en Dieu et seigneur Monseigneur Geoffroi, évêque de Quimper, d'une part, et de l'autre, nobles, vénérables et discrètes personnes messire Mocant, connétable de la ville de Quimper, Hervé de Kerediern, Guillaume Tregouguen, Guiomar du Mené, Jean de Guinevez, Noël du Pont, Hervé du Parc, Geoffroi de Lestudoret et autres en grand nombre, nobles, bourgeois et peuple de la cité et du diocèse de Quimper. Lequel révérend Père en Dieu et seigneur a requis les assistants de montrer par quelque signe bonne volonté de se défendre eux et leur ville, en gens de coeur et d'honneur, comme ils l'avaient fait jusqu'à ce moment ; de se porter tous ensemble, nobles, peuple et prisonniers, à reconnaître que la défense de la ville était le bien de tous ; et enfin en ce qui touche au fait de la guerre, de se confier et ranger à la volonté des gentilshommes, plus experts que les autres en telles matières. Et ledit révérend Père en Dieu ayant fini de parler, le peuple s'est mis à crier, les uns affirmant et déclarant qu'ils sauteraient hors de la ville par dessus les murailles, les autres qu'ils ne voulaient plus désormais faire la garde sur les remparts. En outre le connétable, de l'assentiment et volonté (comme il disait) de la foule des assistants, nobles, bourgeois et peuple ensemble congrégés, répondit et proclama qu'ils ne voulaient et n'entendaient en aucune façon résister plus longtemps au seigneur comte de Montfort ni défendre la ville contre lui ; mais au contraire traiter avec lui de paix et d'accord. A quoi nul dans l'assemblée ne contredit, sinon quelques gentilshommes et quelques prisonniers, à qui ces paroles semblaient déplaire. Quelles paroles ledit révérend Père en Dieu ayant ouï, considérant et voyant que sans l'aide de ceux qui criaient et s'y assentaient, il n'y avait nul moyen de garder la ville, ainsi que le confessaient eux-mêmes les gentilhommes à qui ces choses déplaisaient ; comme en outre ledit évêque ne pouvait résister à la volonté des assistants, et que même s'il eût donné signe d'y résister il eût couru grand danger en une telle émotion de peuple, il répondit à la foule que puisqu'ils ne voulaient plus se défendre ni garder la ville, et puisque lui-même ne pouvait faire autre chose, il leur promettait du moins qu'ils auraient la meilleure composition que l'on pût trouver. Ce fut fait dans la grande salle dudit seigneur évêque de Quimper, en présence de vénérables et discrètes personnes maîtres Geoffroi Le Marhec, archidiacre de Poher, Alain Raoulin, chanoine de Quimper, Alain Henri, avocat de l'officialité de Quimper ; Rivallon de Lanros et Daniel de Saint-Alouarn, écuyers ; messires Geoffroi l'Evêque et Geoffroi Henri, prêtres et recteurs ; Richard Le Fèvre du diocèse de Tréguer, et beaucoup d'autres témoins dignes appelés et requis spécialement à ce que dessus ».

En conséquence, Quimper ouvrit ses portes à Jean de Montfort ; et ce prince accorda aux habitants, le 17 novembre, une large capitulation ou amnistie, dont le texte a été publié, en partie seulement, par D. Morice, au tome Ier des Preuves de l'Histoire de Bretagne, col. 1585-86. (A. L. B.).

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