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Le faubourg de Quimper et la rue Neuve - Les rives de l'Odet et Bourlibou.

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I.

Vers le haut, c'est-à-dire à l'est, le plan figure le pont Firmin. Reconstruit et élargi en 1861, il garde ce nom. Au XIVème siècle (LE MEN, Monographie Cathédrale de Quimper, p. 49) et en 1594 (Miseur, 1594) il est nommé le pont Fermyn. Il était alors en bois, comme les autres ponts de Quimper jusqu'au milieu du dernier siècle. Le pont Firmin, le premier, fut rebâti en pierres (M. DE BLOIS, I, Notice sur Quimper. Voir Ogée T. II, p. 418). — Plaçons-nous sur ce pont.

Ville de Quimper (Bretagne).

Si vous regardez en amont, voilà à gauche le Séminaire (aujourd'hui l'hospice civil), bâti, en 1680, sur l'emplacement du manoir de Kenec'heusen ou Crec'heusen, autrement la colline de Eudon ou Yves [Note : Le Séminaire n'est pas figuré sur le plan de 1764 ; mais sa situation est indiquée par le chemin des séminaires, tracé au-delà de l'enclos des Soeurs Blanches]. Dans l'organisation paroissiale antérieure au XVIIème siècle, la colline et le manoir donnaient leur nom à une des sept parcelles desservies dans la cathédrale (M. LE MEN, p. 49 et 50). On la nommait aussi paroisse de Saint-Primel, du nom de la chapelle dédiée à ce compagnon de saint Corentin. Plus tard la colline et la chapelle firent partie de la paroisse de la Chandeleur ou du Tour du Châtel.

En 1686, un jardin attenant à la chapelle Saint-Primel fut consacré comme cimetière : « Le 17 décembre de cette année, Messieurs du chapitre allèrent processionnellement avec les suppôts du choeur en faire la bénédiction ». Au premier rang de ces suppôts du choeur brillait Maître Simon Charlue, serpent de la cathédrale, qui, seul au monde peut-être, allait remplir ce bruyant office pendant soixante-dix ans [Note : Sépultures de la Chandeleur, 1686-1751. Il m'a paru que je pouvais signaler au souvenir la longévité de ce serpent].

La chapelle et son étroit cimetière se voyaient à gauche de la rampe qui monte de la rue des Regaires à l'hospice. L'antique et modeste oratoire, qui rappelait le souvenir d'un de nos apôtres, a disparu, il y a vingt ans. Le cimetière dans lequel on a inhumé jusqu'en 1788 (Note : Sépultures de Saint-Julien, 25 décembre 1788) est redevenu un jardin.

Si, du pont, nous regardons en aval, nous avons à droite les jardins du faubourg des Regaires. C'est dans ces jardins qu'ont été enterrés « à monceaux » en 1591 et 1595, les Anglais du duc d'Aumont, cantonnés en cette rue et morts de la peste qui désola Quimper pendant ces deux années [Note : MOREAU, p. 263... M. LE MEN dit (p. 228) que les victimes de la peste de 1349 furent enterrées dans ces jardins. Il n'indique pas où il a puisé ce renseignement. On peut se demander pourquoi cet endroit aurait été choisi en 1349. Le chanoine MOREAU explique très bien au contraire que l'inhumation des Anglais cantonnés aux Regaires se soit faite dans les jardins voisins : « Ils mouraient, dit-il, en si grand nombre que leurs gens les enterraient à monceaux dans les jardins et n'allaient chercher églises ni prêtres »].

A gauche, entre la rivière et des jardins, se voient des prairies nommées près de la Madeleine, du nom d'une chapelle dont je vais parler. L'Odet non endigué coule au milieu de la verdure ; et à cent mètres environ de l'Evêché borde à droite la tour Penalen (du bout de l'étang) et le mur de ville. Au-delà, voilà le moulin banal de l'Evêque, avec sa retenue d'eau ou étang, et, tout contre, un pont dit Pont Sainte-Catherine.

En 1862, le moulin et l'étang ont été supprimés, le lit de la rivière rétréci et écarté du mur de ville ; et un quai a été construit à droite. Ces travaux étaient indispensables aux besoins nouveaux et il n'est pas permis de les regretter ; mais il n'est pas interdit de dire que les lieux avaient autrefois un charme agreste qu'ils ont nécessairement perdu [Note : Le plan ne figure pas l'îlot d'Odet, dans l'étang du moulin. Voir la vue de cette partie de Quimper dans la Galerie armoricaine].

N'est-il pas permis aussi de regretter la tour Penalen, jetée bas pour gagner quelques mètres de terrain ?... Mais passons !... nous verrons bien d'autres destructions aussi peu nécessaires et bien autrement fâcheuses.

Du pont Firmin, nous gagnons la banlieue de Rosporden, c'est-à-dire le faubourg qui continue la rue Neuve.

Voilà auprès de nous la fontaine qui porte le nom de Saint-Corentin. Cambry se trompe (CAMBRY, II, Voyage dans le Finistère, 1797/1836, p. 331), quand il dit que c'est là que vivait le « petit poisson, lequel tous les matins se présentait au saint qui le prenait et en coupait une pièce pour sa pitance et le rejetait dans l'eau, et qui tout à l'instant se trouvait entier sans lésion ni blessure ». Albert Le Grand nous apprend que la fontaine où vivait ce poisson merveilleux était au pied de Menez-Hom, en Plomodiern, au bord de la mer (ALBERT LE GRAND, vie de saint Corentin, I).

Une statue de saint Corentin décorait la fontaine. « Un ivrogne de la rue Neuve ayant brisé cette statue, Dieu vengea saint Corentin en frappant de la peste la maison du coupable, d'où la contagion gagna les quartiers de la ville ». Sur un voeu fait à saint Corentin le fléau cessa au lieu même où il avait commencé (1643) (LE MEN, p. 354-355).

Devant nous, entre la colline à droite et l'Odet à gauche, voilà l'emplacement d'un des anciens hôpitaux de Quimper, l'hospice Saint-Julien, dont les dépendances s'étendaient jusqu'à la rivière, vers la gare actuelle. Détruit par un incendie en 1626, il ne fut pas reconstruit et fut uni à un autre hôpital, celui de Sainte-Catherine [Note : Voir sur les hospices, le travail de M. le Major FATY. Bull. X, p. 307]. La chapelle Saint-Julien subsistait encore en 1683 ; elle devait être sur la route même, du côté nord, à peu près à l'embranchement de l'ancienne route de Concarneau [Note : Dans un aveu du 20 mai 1683, les limites du prieuré de Saint-Laurent sont ainsi indiquées : « Le terroir confronte du levant sur la chapelle de Saint-Julien, le long du chemin de Concarneau, etc..., du nord le long de la rue Neuve jusqu'à la chapelle de Saint-Julien ». Archives départementales. - Un mariage fut célébré à la même époque dans cette chapelle. Reg. du Saint-Esprit. L'emplacement était encore reconnaissable en 1729]. L'agglomération et la colline voisine portent toujours le nom de Saint-Julien.

Ville de Quimper (Bretagne) : rivière l'Odet.

II.

Entrons maintenant dans le faubourg : voici, à gauche, la chapelle de la Madeleine, qui marque la place d'une ancienne léproserie ; mais pas assurément de celle qui fut détruite en 1594, comme gênant la défense de la ville, et que nous retrouverons plus loin.

Il avait suffi du vocable de la Madeleine pour déterminer M. de Blois et M. Le Men à placer à cet endroit l'ancienne léproserie (M. DE BLOIS, I. 423. M. LE MEN, 107). Mais un titre que j'ai retrouvé lève tous les doutes : c'est une sentence du Sénéchal de Quimper, de 1667, antérieure de quelques années aux plus anciens registres du Présidial conservés aux Archives départementales. Elle constate qu'en 1667 il y avait auprès de la Madeleine un cimetière, qu'un peu auparavant il y avait, dans la chapelle, des fonts baptismaux ; et que ce cimetière et ces fonts étaient exclusivement destinés aux lépreux ou cagneux. — Les registres du Saint-Esprit mentionnent, en effet, de 1633 à 1643, les baptêmes de dix-huit enfants appartenant à des familles signalées comme caqueuses ; et ces baptêmes sont les seuls célébrés à la Madeleine [Note : Voir pour plus de détails Notice sur les Caqueux devant le Sénéchal de Quimper, en 1667, Bull. de 1885, 2ème partie, p. 256].

Les maisons des six familles réputées caqueuses se touchaient et étaient rue Neuve et rue du Stang, dite du nom du ruisseau qui y coule. Il ne semble pas qu'en 1667 il y eut un hôpital à cet endroit ; il est même possible qu'il n'y ait jamais en d'hôpital de Sainte-Madeleine ; les léproseries étaient le plus souvent un groupe de maisonnettes au voisinage desquelles on bâtissait une chapelle.

Quoiqu'il en soit, la chapelle de la Madeleine était un édifice du XIIIème ou XIVème siècle. Elle a été vendue nationalement, c'est-à-dire livrée à la destruction, en 1792 (28 avril). Vers 1850, elle était l'atelier d'un maréchal. De nos jours il n'en reste plus trace.

En décembre 1490, « sur l'ordre de Mgr de Cornouaille et de Mre de Kaynmerc'h (Keimmerc'h ou Kimerc'h), capitaine de la ville » [Note : Mentionné par LE MEN, p. 148-290. M. DE BLOIS a omis son nom dans la liste des capitaines de Quimper. I. p. 415] on commença à creuser à travers la prairie, de la Madeleine à l'Odet, une douve profonde que remplissaient sans doute les eaux de la rivière et celles du Stang ; et, des terres retirées de la douve, on forma un boulevard. Ce travail fut considérable, si on en juge par le temps qu'il a coûté, six mois [Note : Miseur. La douve tracée en ligne droite et perpendiculaire à l'Odet touche la rivière à 60 mètres environ au-dessus de la tour Penalen].

Au mois de juillet précédent, Quimper avait vu les montagnards de l'Arrez escalader ses murs, piller et brûler ses maisons (MOREAU, p. 15 et suiv. Voir Bulletin IV, p. 283). Une terrible exécution s'était faite dans la prairie entre Pratanras et la route de Pont-l'Abbé, où, selon la tradition, le sang des montagnards rougit encore les eaux du ruisseau ; mais la ville pouvait craindre une invasion nouvelle et elle prenait ses précautions.

Il importait d'ailleurs de protéger le faubourg ; une fois maître du faubourg l'ennemi pouvait filer vers Locmaria par le pied du mont Frugy, et revenir sur le faubourg de la Terre au Duc.

Mais il fallait beaucoup de monde pour défendre utilement un ouvrage avancé d'une longueur de deux cents mètres. Est-ce la raison qui le fit négliger ou supprimer ? C'est ce que je ne puis dire ; toujours est-il que, un peu plus d'un siècle après, Moreau ne mentionne pas la douve et le boulevard. Il nous apprend seulement qu'il y avait auprès de la Madeleine une barrière pour défendre le faubourg. Mais, sans la douve et le boulevard, la barrière était une défense à peu près nulle. En effet « les gens de pied » pouvaient la tourner et la prendre à revers, à droite en s'approchant par la prairie de la Madeleine, et même à gauche, « en venant par dessus la Montagne et en se laissant couler à bas ». Ainsi fit la troupe de Lézonnet, gouverneur de Concarneau, lorsque celui-ci assaillit Quimper, à la fin de juillet 1594 ; et, quand les huit terribles « rondaches, armés de pied en cap », qui précédaient sa cavalerie, arrivèrent à la barrière, ils la passèrent sans résistance (MOREAU, p. 170-171).

Remarquons ce chemin dit de Pen-ar-Stang, qui descend près de la Madeleine. Ce chemin « montant, sablonneux, malaisé » et qui plus est, servant par endroits de lit au ruisseau du Stang, était jusqu'à la fin du dernier siècle, l'unique voie de Quimper à Bénodet. Il formait sur ce point la limite du fief de l'Evêque et du fief de Saint-Laurent, dépendant du prieuré de Locamand (paroisse de Fouesnant).

Le prieur avait une haute justice s'exerçant alternativement à Saint-Laurent même ou à Locamand (arrêt du 19 décembre 1703) et des patibulaires à deux piliers. Au commencement du dernier siècle, les Jésuites auxquels, comme nous l'avons dit, le prieuré avait été annexé, obtinrent, par arrêt du 12 octobre 1703, le déplacement de ces patibulaires. Elles furent transportées d'auprès de Kerradennec à l'angle formé, au haut de la côte de Saint-Julien, par l'ancienne route de Concarneau, et l'ancienne voie romaine, qui, de ce point, se dirige vers Locmaria, par derrière le mont Frugy [Note : Voir sur tous ces points fonds de Saint-Laurent. Archives départementales. Les deux arrêts du Parlement sont annotés en marge d'un aveu du 20 mai 1683. Ils se retrouvent aux archives du Parlement].

La fontaine du Stang, dont l'eau coule dans le chemin, servait, il y a plus de trois siècles, à l'alimentation de la ville. Elle était « amenée en un bassin avec pompe au voisinage du couvent des Cordeliers, par des tuyaux souterrains de plomb ou d'étain ».

En 1529, l'eau manqua aux Cordeliers ; on reconnut que les tuyaux étaient rompus dans la rue Neuve, et on se mit en devoir de les réparer. Mais un sieur Lebel, demeurant dans cette rue, et qui voulait apparemment confisquer l'eau à son profit, s'opposa violemment à la réparation. Telles furent les difficultés de procédure soulevées par lui, que, pour y mettre un terme, il fallut recourir à l'intervention du roi François Ier, qui était alors à Rennes (Lettre du Roi du 19 novembre 1529, fonds des Cordeliers, Archives départementales).

Nous entrons dans la rue Sainte-Catherine, dite du nom de l'hospice voisin. La chapelle borde le côté gauche de la rue. Pendant la Révolution, elle a servi d'auditoire au tribunal criminel [Note : CAMBRY, II, p. 332. On « a proposé près du pont de la Révolution... d'établir un passage sur la rive orientale (méridionale est plus exact) de la rivière. Il isolerait le bâtiment où sont réunis les corps constitués... etc. »]. La salle dite du Lycée est le reste de la chapelle qui s'avançait jusqu'au bord de l'eau : aucun passage n'existait alors en cet endroit le long de la rivière.

En 1594, le duc d'Aumont, maître de Quimper, jugea que l'hôpital et l'église de Sainte-Catherine pouvaient nuire à la défense de la ville. Il ordonna la démolition de ces édifices qui dataient de 1530. Chose honteuse ! des gens de la ville « sans en être requis, » mais pour faire leur cour au nouveau maître, s'empressèrent aux travaux de démolition. « Ils s'y employaient même de telle affection, » dit le chanoine Moreau « que les maçons ne faisaient pas tant d'échecs (de dégâts) comme eux » (MOREAU, p. 260). A toutes les époques, il y a de ces gens que dévore leur zèle de nouveaux convertis !...

En 1645, on reconnut que l'hôpital et sa chapelle ne gênaient plus personne et on se mit à les rebâtir. Les mêmes mains qui avaient travaillé à la démolition ont pu travailler à la reconstruction. L'hospice Sainte-Catherine a été, comme on voit, bâti deux fois en cent quinze ans.

Sébastien II, marquis de Rosmadec, gouverneur de Quimper, continuant la tradition de l'évêque Bertrand de Rosmadec, fondateur de l'hospice, concourut genéreusement à la réédification. Pour ce double motif, c'est très justement que le titre de fondateur de l'Hôtel-Dieu et du couvent de Sainte-Catherine est réclamé par son successeur, le marquis de Pont-Croix, dans ses aveux au roi [Note : Aveu rendu le 30 novembre 1730. Art. 2319, f° 382 r°. Le marquisat de Rosmadec, érigé (1608) en faveur de Sébastien Ier, fut continué (1719) sous le titre de marquisat de Pont-Croix en faveur de René-Alexis le Sénéchal de Carcado, fils de Marie-Anne de Rosmadec. La descendance masculine de Sébastien de Rosmadec s'était éteinte en 1700].

Port de Quimper (Bretagne).

III.

Nous voilà rendus au pont Sainte-Catherine, pont de la Révolution (1791), aujourd'hui pont de l'Evêché.

Ce pont construit en bois d'abord, a été reconstruit en pierres en 1753. Une porte le fermait autrefois à chaque bout. En avant de la porte de la ville, il y avait une arche en pont-levis [Note : Le Subdélégué dit même qu'il y avait une arche en pont-levis à l'autre bout du pont]. Cet état est attesté par le compte du miseur, en 1594, et par le chanoine Moreau : il subsistait encore en 1682. L'aveu de l'évêque au roi mentionne « le moulin entre les deux portes de la rue Neuve ». En 1753, la communauté de ville obtint de l'évêque la suppression des portes et du pont-levis ; et on peut remarquer que le plan de 1764 ne figure plus de tours auprès du pont.

Du pont, sur lequel nous nous arrêtons, regardons en amont d'abord.

Voilà à gauche le palais épiscopal appuyé sur le mur de ville et plus loin la tour Penalen ; devant nous « sur une langue de terre » (Subdélégué, 2), c'est-à-dire sur une petite île de la rivière, voilà le moulin de l'Evêque « avec ses trois roues verticales et leurs trois coursiers... Contre le moulin, vers midi, est une tour, laquelle est saillante de 15 pieds sur le passage du trop plein des eaux ». [Note : Ce moulin de l'évêché a été construit au moins deux fois. L'Evêque Guillaume (1192-1218), par acte daté de Lanniron (1218), laisse pour un anniversaire une rente annuelle de 40 sous à percevoir sur « le moulin qu'il avait fait construire sur l'étang Amis » (Cart. du Chapitre de Quimper). Deux siècles après, Gatien de Monceaux (1408-1416) bâtit les moulins près de son manoir épiscopal. (Albert LE GRAND. Catalogue des Evêchés de Cornouaille). Il existe aux Archives de l'Evêché un bail du moulin de 1757. Le prix de ferme est de 2.200 livres. De plus, le meunier prend charge de fournir douze saumons : un à chaque Quatre-Temps, et huit pendant le Carême ; à défaut, il paiera 10 livres pour la valeur de chaque saumon. Ce bail fut renouvelé en 1782 ; et le prix fut porté à 2.700 francs (Archives départementales). En 1788, le meunier expose à l'Evêque que « le 10 janvier, la force des eaux rompit la chaussée du moulin ; et, depuis ce temps, le moulin a été dormant. L'étang formait un vivier considérable pour les saumons ; la rupture de la chaussée les a fait déserter et le meunier n'a pu en prendre aucun. Cette pêche étant prohibitive lui était une grande ressource ; on sait que les saumons se vendent fort cher à Quimper et surtout pendant le Carême... Le meunier de Saint-Denis a profité de son malheur, car il a déjà pris 60 saumons qui n'auraient pas échappé à votre fermier si la chaussée eût été en bon état ; c'est pour lui une perte de près de 500 francs ». Cette évaluation porte le prix. de chaque saumon à 8 fr. 50 c. Ces chiffres font naître une question : A quelle époque se rapporte la légende d'après laquelle les domestiques mettaient dans leurs conditions, en Bretagne comme en Ecosse, qu'ils ne mangeraient pas de saumon plus de trois fois par semaine ?]. Entre le 2ème et le 3ème coursier, tout contre le pont, un lavoir ; au-delà, le jardinet du moulin ; au midi, entre le 3ème coursier et la rivière, est un chemin qui s'ouvre sur le pont même : il est établi sur une vieille fortification de douze pieds de largeur. De l'autre côté de la rivière, est un abreuvoir auquel on accède par une ruelle partant de la rue Sainte-Catherine (P.-V. 13 r° et v°. Le plan figure exactement tout cela).

Telle est la description abrégée du procès-verbal des fortifications. Le receveur de l'évêque, Laënnec (Aïeul du grand médecin), s'indigne que l'ingénieur voie une tour de ville dans la tour du moulin et une fortification dans le mur de soutènement du terre-plein du moulin. — Mais le compte du miseur ne laisse aucun doute sur la destination de cette tour. Il nous apprend en effet qu'elle était ruinée en 1594, et que les Quimpérois, dans leur ardeur belliqueuse qui devait si vite tomber, entreprirent « de la réparer et de la manteler en attendant de la faire reconstruire » [Note : Miseur, 1594. Manteler, couvrir d'un mantelet, parapet portatif en bois (Trévoux)]. C'était une défense avancée, comme la tête de pont voisine, et elle était destinée à empêcher l'ennemi de se loger dans le moulin.

Regardons maintenant en aval.

Voilà à gauche l'hôpital de Sainte-Catherine et l'enclos des religieuses ; à droite, entre le vieux mur de ville et la rivière, le Parc Costy, que Moreau nomme Parc-ar-Coz-Ty (MOREAU, p. 280).

Le sol du Parc a été exhaussé et planté d'arbres en 1740 ; et c'est la promenade élégante, ou comme on disait aux derniers siècles, le Cours de Quimper [Note : « Un cours est un lieu agréable où est le rendez-vous du beau monde » Dictionnaire de Furetière]. En même temps, la ville a fait l'acquisition de terrains de l'autre bord de l'eau : elle les a transformés en une place ; et, pour relier le parc Costy et la promenade nouvelle, elle a construit ce troisième pont que le plan nomme Pont de Saint-François, du nom du couvent voisin.

Ces travaux ayant été exécutés sous l'intendance de M. de Pont-Carré de Viarmes, le pont fut d'abord nommé Pont-Carré, et la place Champ-de-Viarmes. Mais l'intendant disparu, on s'empressa de les débaptiser. Le pont prit le nom de Saint-François qu'il a gardé longtemps. La place devint, d'un nom un peu ambitieux, le Champ-de-Bataille ; en 1792, elle se nommait le Champ de la Fédération, un nom malheureux qui devait vite passer de mode ! Le 7 nivôse an II, elle redevint le Champ-de-Bataille.

L'enclos des religieuses hospitalières s'avançait encore en 1764, par une longue saillie sur la place voisine ; et André propose avec raison de le rescinder à la hauteur du pont. Le rescindement eut lieu peu après. Enfin, en 1760, la ville planta les allées de Locmaria qui continuaient ses promenades. Mais, avant même ces nouveaux embellissements, la communauté de Quimper était très fière de l'oeuvre accomplie en 1740 ; en effet les travaux du pont ayant porté dommage au mur du jardin des religieuses, et celles-ci ayant demandé une réparation (qui allait de soi), la communauté de ville repoussa vivement, on pourrait dire violemment, cette juste demande ; et dit entre autres raisons que le « champ de Viarmes est certainement le plus beau morceau de la province, et peut-être du royaume, en son genre, au dire de tous les étrangers ». Et notez que les ormeaux qui décorent la place n'avaient que quelques années de plantation ! Il est difficile de pousser plus loin l'amour du clocher !... et, ce qui est plus grave... le mépris des droits d'autrui [Note : Il faut lire, dans l'étude que M. le Major FATY a consacrée aux hôpitaux de Quimper (Bull. X, p. 396), les étonnantes invectives de la communauté contre les religieuses coupables simplement de défendre le patrimoine des pauvres].

Au-delà de l'enclos des hospitalières se voient le cimetière et la petite chapelle de Sainte-Thérèse.

C'est auprès de cette chapelle que se faisait chaque année, le premier dimanche de mai, le tir du Papegaut. Ce jeu a persisté à Quimper jusqu'à l'abolition prononcée par arrêt du Conseil du 7 mai 1770. C'était une solennité présidée par le Sénéchal ou un conseiller au Présidial, accompagné du Procureur du Roi, du Syndic de la ville, et assisté d'un greffier. Après l'abattage du papegaut, l'abatteur était conduit à la chapelle du Pénity (dont nous parlerons tout à l'heure). Là il affirmait sous serment avoir chargé son fusil « loyalement et sans fraude » ; et le Sénéchal lui donnait « main levée du papegault », c'est-à-dire qu'il lui permettait d'emporter chez lui « l'oiseau » comme un trophée de sa victoire. De plus, ce qui avait plus d'intérêt, il l'autorisait à jouir des droits attachés à sa royauté d'une année. Le principal était l'exemption du droit de billot, dont nous aurons occasion de parler plus tard (Archives départementales, B. 741).

Nos prédécesseurs d'il y a plus de trois siècles pouvaient, comme nous, admirer la cime verdoyante du mont Frugy. Un mémoire de la communauté de ville de 1726 mentionne « des arbres plantés, il y a plus de deux cents ans sur le Frugy (Fonds de Kerlot) » ; mais c'est seulement vers 1800 qu'on y a tracé des allées (M. DE BLOIS, I. 418).

Le plan figure d'un simple trait « la montagne de Frugy », il n'indique pas la place des Patibulaires du Roi : de temps immémorial et à la fin du dernier siècle elles se dressaient au sommet de la promenade actuelle, à peu près dans l'axe de l'escalier et du château d'eau (Chanoine MOREAU, p. 217. Sénéchal. 6, v°).

Les lieux ont bien changé depuis 1764. Les Patibulaires ont disparu et personne ne les regrettera ; mais chose curieuse ! personne n'en sait plus la place. L'hospice est devenu la Préfecture, au commencement du siècle. Le cimetière détruit en 1792 est devenu une petite place, près de laquelle fut planté le Chêne de la Liberté et qui a été plus d'une fois le théâtre des fêtes de la Raison. Le nom de Plateau de la Déesse qu'on donne à cette place conserve ce souvenir [Note : On dit même par abréviation la Déesse. Le Chêne de la Liberté avait prospéré. En 1848, le clergé fut appelé à le bénir]. A certains jours de l'année, la place sert de lieu de danse, tant la mémoire de sa première destination est perdue !

Arrêtons-nous sur le pont Saint-François.

Vous apercevrez à gauche les allées de Locmaria plantées de trois rangs d'arbres.

Avant cette plantation ces lieux étaient vagues, paraît-il, et formaient une rabine. Mais, il y avait un passage entre la rivière et la colline, puisque Lezonnet envoya par là un détachement pour passer le pont de Locmaria (MOREAU, p. 172). Les habitants de Quimper trouvaient commode de déposer leurs fumiers le long de cette route. On essaya vainement de faire cesser cet usage ; enfin, vers 1681, le Sénéchal, juge de police, prit un moyen héroïque : Il ordonna « que tous les fumiers disparussent dans trois jours, faute de quoi pourra un chacun en disposer » (Archives départementales, B. 18). Je me figure que l'aurore du quatrième jour n'a pas vu de fumier sur la rabine du Pénity.

Le plan nous montre les trois rangs d'arbres interrompus par la cale du Pénity, en face de la rue Vis ; et une note indique que « la cale a été supprimée en 1787 et que son emplacement a été planté ». Les arbres plantés en cet endroit ont gagné les autres de vitesse.

Voilà à une petite distance, un peu en arrière, au pied du Mont Frugy, la chapelle du Pénity. — D'auprès de la chapelle part ce petit chemin vert, dont j'ai déjà parlé, mentionné paraît-il, dans un titre du XIIIème siècle, qui monte vers les Patibulaires, et fait de ce côté la limite du fief épiscopal et du prieuré de Locmaria.

La chapelle du Pénity était construite dans l'escarpement de la colline qui se voit encore, et sert de séchoir aux filets des pêcheurs. Elle avait la forme d'une croix, et une de ses ailes avançait un peu sur la voie publique ; aussi les allées n'avaient-elles, à cet endroit, que deux rangs d'arbres [Note : La chapelle du Pénity est décrite par CAMBRY (Catalogue, p. 16). Cet auteur nous apprend que pendant la Révolution elle servit de poudrière.]. C'était un mince inconvénient que la route fit là une courbe à peine sensible ; mais il y a des gens épris d'un amour malheureux, - l'amour de la ligne droite, — et peu soucieux des anciens monuments [Note : Cet amour malheureux persiste en ce pays. Tout récemment le Conseil municipal de Sizun proposait de faire passer une route en ligne droite à travers « l'Arc de triomphe » à l'entrée, du cimetière, monument presque unique dans le Finistère. C'est à nos confrères, MM. FÉNOUX, Ingénieur en chef, et BIGOT, Architecte diocésain, que la commune de Sizun devra, malgré elle, la conservation de ce monument. V. Bull. XI. 1ère partie, p. 43].

En 1776, on avait proposé d'abattre l'aile droite avancant sur le chemin. C'était déjà trop ! En 1810, on fit plus et on crut assurément faire mieux. On jeta bas toute la chapelle... et voilà justement ce qu'on appelle embellir une ville ! — Il y avait au Pénity un Ecce Homo et des statues de bois faites en 1681 (M. LE MEN, p. 300), d'un beau travail, qui n'avait pas été brûlés en 1793, puisque Cambry a pu les admirer deux ans après : les fenêtres étaient garnies de vitres dont Cambry a vanté le dessin et le coloris (CAMBRY, I., p. 16). Tout cela a été perdu ; les statues ont sans doute servi à faire du feu, et les vitraux ont été brisés... C'est ainsi, comme nous le verrons, qu'on entend les démolitions à Quimper...

Port de Quimper (Bretagne).

IV.

Faut-il vous avouer une faiblesse ?... Je ne puis pas franchir le pont du Stéir sans me tourner vers amont et sans me représenter la tour d'angle, que figure le plan. La tour se réflétant dans les eaux limpides de la rivière était charmante à voir avec sa guirlande de lierre, sa parure de valérianes, sa couronne de lilas fleuris. En 1862, avec ce sans-gêne dont nous allons avoir tant d'antres preuves, on l'a jetée bas... Nous reviendrons sur ce point quand nous ferons le tour des murs de la ville.

Vis-à-vis le pont du Stéir, presque au confluent des deux rivières, remarquez cette maison : C'est celle de M. Guesdon de Clécunan, le Sénéchal des Regaires, aïeul maternel du docteur Laënnec ; et c'est là que va naître son illustre petit-fils, le 17 février 1781 [Note : La maison porte aujourd'hui le n° 2 de la rue du Quai].

Sur la rive droite s'ouvre le quai. Il est planté par parties notamment aux abords de la Chapelle Saint-Jean, à l'entrée de la rue Vis. Ce quai, du pont à la rue Vis, est, paraît-il le plus ancien de Quimper (M. DE BLOIS, I. 418). — Il a dû être construit entre 1539 et la fin da siècle. En 1539, en effet, le procès-verbal de Réformation du domaine donne à cet endroit le nom de Rive de Quimper ; et plus tard le chanoine Moreau le nomme Quai de l'Isle (MOREAU, p. 215) [Note : « Le quai de l'Ile était planté... ». Les arbres que figurent le plan de 1764 ont été abattus dix ans après, en février 1774. C'étaient des ormeaux : ils étaient « sur leur retour » et les tempêtes en faisaient tomber chaque année. L'Intendant pressait la ville de curer son port elle manquait d'argent ; elle vendit 57 pieds d'arbres à prendre depuis Kerlot jusqu'à la cale Saint-Jean. La ville les estimait 1.650 livres, les mit aux enchères à 1.400 livres et en obtint 1.410 livres (Arch.ives départementales, E. 7. P.-V. du 14 février 1774, et pièces annexées)].

La rue Vis, que nous retrouvons plus loin, existait avant 1539. C'est au voisinage de cette rue, vers l'angle qu'elle forme avec le quai à l'est, que se trouvaient anciennement l'auditoire, la prison du Roi et sa cohue, qui, comme nous le verrons plus tard, furent déplacés un peu avant 1514.

Le vaste espace compris entre le quai, la rue Vis, la rue de la Vieille-Cohue et la rue du Quai, était en 1539, occupé par quelques courtils et une vaste prairie nommée le Pré Aillet, du nom de son ancien propriétaire [Note : Procès-verbaux de la Réformation, f. v°, 51 v°, 94 v°. En 1486, le Sénéchal de Cornouaille était Jean Aillet].

A l'angle ouest de la rue Vis et du quai était la chapelle Saint-Jean. C'était le dernier reste d'une maison des Frères Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (depuis chevaliers de Malte). M. de Blois suppose que cette maison est désignée dans une charte du duc Conan (1156-1169), par le mot : hospitale inter duas Quimper : l'hôpital entre les deux Quimper, l'ancien Quimper ou Locmaria, et le nouveau ou la Ville Close [Note : M. DE BLOIS, - La Charte est aujourd'hui considérée comme apocryphe ; mais elle est très ancienne].

La chapelle Saint-Jean était le chef-lieu de l'ancienne Commanderie de Saint-Jean de Quimper devenue, depuis, simple membre de la Commanderie de La Feuillée. Saint-Jean avait haute justice. Il ne possédait à Quimper que sa chapelle, son auditoire et un petit jardin derrière la chapelle. Il avait quelques rentes et dîmes dans les paroisses de Cuzon, Penhars, Plonéis, Plouhinec, Plozévet, Saint-Evarzec, Beuzec, Saint-Thois et Edern. C'était en somme un mince revenu et peu assuré : beaucoup de titres avaient été perdus, et le receveur déclarait en 1731, que dans quelques paroisses, il devait se contenter « de ce qu'il en pouvait tirer par la douceur ! » [Note : Tous ces détails sont extraits du Terrier de la Commanderie de La Feuillée, dressé en 1730 et 1731, et approuvé, en 1731, au chapitre provincial du grand prieuré d'Aquitaine. Le Terrier forme trois volumes in-folio. L'un d'eux, le tome III, contenant les commanderies de Saint-Jean, du Crosty et du Faouët, est déposé aux Archives départementales du Finistère]. Nous dirons plus tard comment s'exerçait la haute justice de Saint-Jean.

Le nom de l'Ile Saint-Jean, donné à l'emplacement sur lequel s'élève le Palais de justice, et le nom de Manoir de l'île que nous trouverons tout à l'heure, nous apprennent que cet espace était au XVIème siècle compris entre le cours principal et un bras de l'Odet.

Cette île comprenait-elle la chapelle Saint-Jean ? Je ne le crois pas, la rue Vis existant déjà et le côté est de la rue étant bâti depuis longtemps (Réformation de 1539). Mais l'île devait être très voisine de Saint-Jean et elle s'étendait en longueur jusqu'à un point assez voisin du bout du quai figuré sur le plan.

M. de Blois nous apprend qu'en creusant les fondations du Palais de justice on trouva une carcasse de navire profondément enfouie, et que dans une prairie, un peu plus bas, on a remarqué des substructions « qui pouvaient se rapporter à un ancien quai ». De ce double indice, il concluait, que si cet emplacement n'avait pas été autrefois le port de Quimper, du moins il avait pu en faire partie (M. DE BLOIS, I. 418). N'est-il pas permis de voir dans la carcasse du navire et dans ces anciennes substructions des témoins de deux époques distinctes ? Très anciennement, cette partie basse de la ville a été couverte par les hautes eaux, comme l'était, avant la construction du chemin de halage, la plaine au-dessous de Quimper. Mais plus tard, et à une époque déjà lointaine, l'île Saint-Jean s'était formée entre le lit que la nature et les hommes avaient creusé à l'Odet à gauche, et un bras de la rivière à droite ; ce bras suivait la dépression qui se remarque encore aujourd'hui dans le jardin au-dessus et la prairie au-dessous du chemin du Kergoz... (Vous voyez ce chemin marqué au plan et conduisant à la Fontaine neuve).

Les substructions que mentionne M. de Blois se voyaient dans cette prairie, au voisinage de ce chemin. Elles consistaient en deux pans de murs parallèles, laissant entre eux un espace libre de deux mètres environ, « ressemblant, me dit-on, au canal de fuite d'un moulin ». C'est à cette idée qu'il faut s'arrêter. Voici pourquoi :

Sur l'île Saint-Jean, il existait un manoir dit manoir de l'île qui devint plus tard (1667) l'abbaye de Kerlot. Il est décrit minutieusement dans le procès-verbal de la Réformation de 1539. Il comprenait dans ses dépendances immédiates un moulin ; et, d'après un aveu de 1687, le moulin, qui n'existait plus depuis longtemps, devait être très près du chemin du Kergoz (Aveu au Roi. Fonds de Kerlot).

Un barrage établi dans l'Odet aurait été un obstacle à l'accès du port. Le moulin devait donc être de ceux que l'usage du pays nomme moulins à mer. Il devait être sur le bras droit de la rivière. La partie supérieure de ce bras servait de bief ou canal d'amener ; les eaux y étaient emmagasinées à l'heure où le flux les surélevait ; et, au moment du reflux, rendues à leur cours naturel, elles faisaient tourner le moulin. Le canal de fuite se déversait dans le lit principal de l'Odet, entre le chemin du Kergoz et la rue de Pont-l'Abbé.

La date de la suppression du moulin nous donne la date de la construction du quai entre la rue Vis et la venelle du Kergoz. Le moulin a cessé de tourner quand son canal d'amener a été fermé, antérieurement, comme nous l'avons vu, à 1687. — Un autre fait vient à l'appui de celui-ci : En 1704, le quai devant Kerlot était déjà planté, et l'abbesse obtenait du maréchal de Châteaurenault qu'il fut fait défense à la communauté de ville de le replanter.

De la venelle du Kergoz à la rue de Pont-l'Abbé (marquée sur le plan Bout du quai), le quai n'a été construit que très tardivement. J'en trouve la preuve dans le fait suivant : en 1717, d'abord, en 1726 ensuite, l'abbesse de Kerlot essaie d'usurper et d'enclore la venelle du Kergoz. La ville s'oppose avec raison à la suppression de cette voie utile à tous et indispensable aux riverains ; en 1771, elle fait remblayer la venelle : l'abbesse s'en plaint, le remblai chargeant son mur de clôture ; la ville répond que « le remblai sert au mur de point d'appui pour le garantir de l'eau de la mer qui le dégradait et filtrant à travers inondait une partie de l'enclos de Kerlot ». — Si le quai avait existé, au moins sans interruption, à cette époque, il aurait, comme aujourd'hui, protégé ces parties basses du terrain contre les hautes marées.

Le plan nous représente cependant le quai comme achevé ; peut-être n'était-il interrompu qu'en un point, celui où se déversait le canal de fuite du moulin ? Et peut-être est-ce là qu'il faut placer le pont à l'Anglais ou aux Anglais ? M. de Blois dit que ce pont existait en 1735. La délibération de la ville de 1772 permet de croire qu'il existait encore à cette dernière date [Note : Il existait encore en 1774. Le procès-verbal de la vente des arbres du quai le mentionne formellement (E. 7)]. Cette délibération, comme les aveux de Kerlot de 1687 et 1698, mentionne le chemin du Kergoz sous le nom de Venelle du pont aux Anglais [Note : Fonds de Kerlot. Aveux. - Mémoires de la ville (1726). Délib. du 3 février 1772].

Marché de Quimper (Bretagne).

V.

Le manoir de l'Isle est longuement décrit dans le rôle de réformation de 1539 (f. 76-77, r° et v°). Je cite en abrégeant : « Le lieu et maison ô ses crêches, courtils, jardins, colombier, moullins, prés et parcs appelés l'Isle, joignant ensemble... donnant d'un côté (à l'ouest) sur une venelle par laquelle on va de la rive à la fontaine du Parc (venelle et fontaine du Kergoz), d'autre côté (au nord) sur le chemin qui conduit de cette fontaine à la rue Porz-Mahé, puis sur la rue de Porz-Mahé, au devant de la maison de Germain Toulbodou, » — dont nous parlerons plus loin, — « et enfin, à l'est, sur les derrières des courtils des maisons ouvrant sur la rue Vis ». — Comme on le voit, ce vaste enclos comprenait plus que l'espace circonscrit aujourd'hui par le quai, la venelle du Kergoz, la rue Bourlibou, le pourtour de la place Neuve et la rue du Palais.

C'est au Manoir de l'Isle que le maréchal d'Aumont reçut les députés chargés de traiter de la reddition de Quimper.

A cette époque, le manoir était, en temps de paix, la demeure de Jean Jégado, seigneur de Kerollain « brave et vaillant cavalier, autant qu'autre de son temps » qui venu à Quimper « le 30 mai 1597, de bonne fortune et comme d'une particulière permission divine, y arriva fort à propos pour repousser La Fontenelle » [Note : Moreau, p. 312 et suiv. Allain Chevillart, miseur, dans son compte, rapporte le fait au lundi « 5 mai 1597, et dit que Jean Jégado, qu'il qualifie sr. de Keranhollen (on trouve ailleurs Crec'holain) serait venu exprès avec ses gens pour donner secours à la ville contre les forces de La Fontenelle ». Comme on le voit, il n'est pas d'accord avec Moreau. Aucun doute que la date et les détails donnés par le Miseur ne soient la vérité. (Voir Bulletin, XII, 2ème partie, p. 197). Jean de Jégado devint, avant 1606, chevalier de Saint-Michel, et plus tard gouverneur d'Hennebont et de Port-Louis. Il vivait encore en 1637 et était mort en 1652. (Fonds de Kerlot)].

C'est en ce lieu que les Cisterciennes établies, en 1652, au manoir de Kerlot (paroisse de Plomelin), vinrent se fixer, en 1668, à la suite de graves difficultés avec les héritiers de leur fondateur. On a dit que ces religieuses avaient imposé à leur maison nouvelle le nom du manoir qu'elles abandonnaient ; mais le manoir de l'Isle portait déjà le nom de Kerlot dès le temps du chanoine Moreau (MOREAU, p. 312).

Le manoir de l'Isle et le manoir de Kerlot (Plomelin) étaient la propriété de Anne de Trémillec, femme de Jean de Jégado, seigneur de Kerollain, dont nous venons de parler. Elle mourut en 1618, laissant à ses deux enfants, Pierre et Elisabeth, des biens considérables. Ces biens, dont je trouve la longue énumération dans un minu de 1637, semblent avoir tous passé à Pierre Jégado. Dans cet acte, Pierre prend les titres de seigneur de Trémillec, Kerlot, la Boissière, Lisiny, etc., qu'il tenait de sa mère et ceux de chevalier, écuyer ordinaire de la petite écurie du Roi, capitaine des gardes-côtes de l'Evêché de Cornouaille. En 1652, il ajoute à ses titres celui de seigneur de Kerollain, qui lui venait de son père.

C'est le 26 mars de cette année, que Pierre Jégado fonda l'abbaye de Kerlot, dont il nomma sa soeur abbesse ; il lui donna « pour son établissement, le tiers de ses immeubles » y compris le manoir de Kerlot, en Plomelin, mais non le manoir de l'Ile. — Le titre d'abbaye royale fut obtenu pour la nouvelle fondation.

Par malheur, Elisabeth Jégado mourut, et son frère lui survécut quelques mois à peine, laissant sa succession à des collatéraux. Ceux-ci, méconnaissant la volonté du fondateur, s'emparèrent de vive force des biens et des titres de l'abbaye et démolirent « jusqu'aux fondements » les constructions commencées. L'abbesse nommée par le Roi en remplacement d'Elisabeth Jégado obtint une lettre de cachet « pour faire sortir les usurpateurs des domaines de l'abbaye » ; mais cet acte de justice ne rendit pas la paix aux religieuses et des procès commencèrent qui allaient durer quarante années. (Arrêt du grand Conseil du 10 septembre 1690 et transaction du 6 juillet 1699).

L'abbesse redoutant des violences nouvelles et prévoyant la lutte judiciaire qui allait user sa vie, prit le parti d'abandonner la campagne ; elle acquit, en 1667, le manoir de l'Ile, que les héritiers de Pierre Jégado avaient vendu, et s'y établit avec ses religieuses [Note : Fonds de Kerlot. - Elisabeth de Jégado est morte en décembre 1657 (Dom MORICE, II, p. CLVIII)].

L'abbaye était bien loin de comprendre tout l'espace dépendant de l'ancien manoir. Les religieuses n'avaient acquis que le manoir même, et ne possédaient en tout qu'un peu plus de deux journaux et demi de terre (1 h. 59 a.). Le reste des dépendances du manoir était occupé par plusieurs particuliers et par une autre communauté que nous mentionnerons par ailleurs.

Une partie des bâtiments de l'abbaye de Kerlot subsiste. Son enclos est en partie occupé par le Palais de justice et la rue dite aujourd'hui du Palais, projetée dès la fin du dernier siècle (CAMBRY, II, p. 332), mais ouverte seulement vers 1830.

Le chemin dit aujourd'hui du Kergoz, a été en 1717, 1726 et 1771 l'objet de débats passionnés, entre l'abbaye de Kerlot et la ville. Qui le croirait ? En 1717, S. A. S. le comte de Toulouse, le chancelier d'Aguesseau, le maréchal de Montesquiou, le Procureur général au Parlement, sans parler de M. Fleury de Lossulien, gouverneur de Quimper, et de M. Feydeau de Brou, intendant de Bretagne, ont eu à s'occuper de ce petit chemin. En 1726, c'est à S. A. S. Mgr. le duc de Bourbon que l'abbesse s'adresse et c'est à lui que la ville envoie trois interminables mémoires... trop longs pour être lus par Son Altesse... (Fonds de Kerlot. Il ne nous reste que deux mémoires).

C'est à ces documents que j'emprunte quelques-uns des renseignements qui précèdent et ceux qui suivent.

Le chemin s'est autrefois nommé rue Pouderez (de la Poterie), « c'est là que se tenait le marché des pots de terre ». En 1717 et 1726, le chemin était bien plus fréquenté qu'aujourd'hui ; et la communauté de ville chargée de son entretien donne une singulière preuve de la fréquentation de cette voie « c'est qu'on y remarque des ornières d'un demi pied de profondeur ».

Le plan de Quimper, s'il eût été dressé quarante ans plus tôt, eût figuré un pont au-dessous du port, en face de la rue de Pont-l'Abbé, à l'endroit nommé encore par tradition le Bout du Pont (Pen-ar-Pont).

Ce pont, dit de Locmaria, avait une arche s'ouvrant pour livrer passage aux navires. Cette arche fut réparée pour moitié par la communauté de ville en 1594 (Miseur, Bull. XII, p. 169).

La prieure de Locmaria, se prétendait propriétaire du pont qui unissait les deux parties de son fief ; mais elle en concédait le passage gratuit. En 1726, un bateau poussé par le courant démolit l'arche mobile. La prieure prétendit obliger la ville à faire la réparation qu'elle considérait comme une charge du passage livré au public. Cette prétention fut repoussée par l'intendant de Bretagne ; mais la prieure n'accepta pas cette décision. De longs débats s'ensuivirent ; enfin, en 1740, la ville imagina que le pont gênait la navigation. L'abattre c'était imposer une gêne à la circulation par voie de terre et couper en deux le fief de Locmaria. La prieure réclama en vain ; ses bonnes raisons ne furent pas écoutées, et on démolit le pont, sauf à regretter, le lendemain, l'oeuvre accomplie la veille [Note : Mémoire de la ville. - Fonds de Kerlot. La ville, en 1597, avait réparé pour moitié l'arche mobile du pont. MISEUR].

Ce pont était très ancien : il est mentionné dès 1360. Le 28 août de cette année, il se tint auprès du pont une assemblée des nobles et des bourgeois. Ils appuyaient vivement les protestations du chapitre qui, en l'absence de l'évêque, s'opposait à ce que Charles de Blois battit monnaie dans la ville, en violation des franchises du fief de Saint-Corentin (Dom LOBINEAU, Preuves, col. 1619).

VI.

Nous sommes à Bourlibou ...

Un scrupule me prend : ai-je bien écrit ce nom ? J'ai suivi l'orthographe de M. Le Men ; il veut qu'on écrive Bourlibou, sans nous dire pourquoi, ce qui aurait cependant quelque intérêt. Il rejette le mot de Bourg-les-Bourgs (ou mieux Bourg-lez-Bourgs), adopté par la municipalité de Quimper et que M. de Blois explique ainsi : Locmaria a préexisté, la ville de Saint-Corentin, la Ville Close, s'est construite plus tard ; « et entre ces deux villes ou bourgades, s'est établi près du pont de Locmaria, un petit hameau qui doit évidemment, à cette situation, le nom de Bourg-lez-Bourgs (bourg entre les bourgs), dont nous avons fait Bourlibou.. ».

L'orthographe du plan se rapproche de celle-ci : il écrit Bour-lez-Bourg. C'est la même signification étymologique. Le rôle de la Réformation de 1539, écrit Bourglebou. Si cette orthographe est la bonne, elle semble indiquer une autre étymologie. Le nom de Bourlibou apparaît au moins en 1578 (LE MEN, p. 51. M. DE BLOIS, III, p. 9. - Acte au Fonds du Chapitre. 1578. Arch. dép.).

Je me soumets à l'usage vulgaire : j'écris Bourlibou.

Puisque nous sommes à Bourlibou, je profite de l'occasion pour rectifier une double erreur, que j'ai commise ailleurs (Promenade à la Montagne de la Justice, etc. Bull. IX, p. 40).

A l'entrée de la rue de Pont-l'Abbé, à gauche si nous tournons le dos à la rivière, voyez cette maison avec frontons et corniches... J'ai écrit que cette construction qui, avec ses fenêtres grillées, garde encore l'aspect rébarbatif d'une prison, était la prison de l'Evêque. J'ai ajouté que Bourlibou faisait partie du fief épiscopal. Double erreur !

L'indication relative à la maison me venait de M. le Président de Lécluse, père, né en 1751, et que, pour ce motif, je pouvais croire bien informé. Il m'est démontré aujourd'hui que M. de Lécluse a été mal compris.

Mais quand j'ai dit que Bourlibou faisait partie du fief de l'Evêque, cette lourde erreur est mienne. Ce faubourg appartenait au fief de Locmaria ; dès lors il devient impossible d'admettre que l'Evêque y eut une prison à lui. Mais ce n'est pas tout : je vois par les comptes du receveur des décimes de l'évêché que, chaque année, au dernier siècle, il payait le loyer d'une prison (Archives de l'Evêché). Donc l'Evêque qui, au moins jusqu'à 1667 (Baux de la prison, de 1627 à 1650. - HEVIN, p. 83), avait eu auprès de l'évêché une prison, dont il louait une partie au Roi (M. DE BLOIS, I, 416), n'avait plus de prison à lui au dernier siècle.

Le receveur ne nous indique pas à qui appartenait la prison dont il payait la location. En 1667, le Roi loua une maison de la Ville Close pour lui servir de prison ; mais cette maison était trop exigüe pour qu'on pût songer à en sous-louer une partie [Note : M. de Blois a écrit que le roi fit bâtir une prison en 1667 ; il résulte, au contraire, d'un arrêt du Parlement, de 1685, sur lequel je reviendrai, que, à cette époque, la prison du roi était encore la maison d'un particulier tenue en location]. Au contraire, la prison de Locmaria, composée de seize grandes pièces, était hors de proportion avec le petit fief du prieuré, fallût-il admettre que, selon la tradition, elle ait servi d'asile à des aliénés [Note : On la nomme encore aujourd'hui Bicêtre] ; et on peut, sans témérité, supposer qu'une partie en était louée à l'Evêque. Ainsi s'expliquerait l'indication donnée par le Président de Lécluse.

Revenons maintenant sur nos pas pour faire le tour des murs de ville... En route je vous dirai comment ces murs ont été construits. (J. Trévédy).

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