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Cathédrale de Quimper : maîtres de l'oeuvre, devis et marchés

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Un fait regrettable, mais qu’on ne saurait contester, c’est la facilité avec laquelle les souvenirs qui se rattachaient à nos grands monuments d’architecture religieuse, se sont effacés ou altérés, et la tendance que l’on éprouve généralement, à attribuer à ceux qui les ont construits, une origine étrangère. C’est ainsi que l’on entend dire souvent, que la cathédrale de Quimper a été bâtie par les Anglais. La même tradition se rattache à l’église de Notre-Dame du Creisker, à Saint-Pol-de-Léon. D’autres vont plus loin, et prétendent que toutes nos belles églises anciennes ont été bâties par des étrangers, parce qu’il n’y avait pas en Bretagne, d’ouvriers assez habiles pour les construire. Ces erreurs de l’opinion au sujet de notre art national, proviennent de ce que les habitants de notre pays, ont depuis longtemps perdu l’habitude de voir élever auprès d’eux des monuments vraiment dignes de ce nom, et exécuter sous leurs yeux, ces merveilles d’orfèvrerie, de peinture et de sculpture, que produisaient jadis la plupart de nos villes, et que la centralisation a confisquées, pour toujours, au profit de quelques cités privilégiées.

Cathédrale Saint-Corentin de Quimper

On sait assez généralement à quelle époque furent construites nos grandes églises du moyen âge, et à l’initiative de quels illustres personnages civils ou ecclésiastiques, on doit leur construction ; mais les chroniques ou les histoires qui nous ont transmis la connaissance de ces faits, ont complètement négligé de nous renseigner sur les modestes ouvriers qui travaillèrent à les bâtir ou à les orner. Ce n’est qu’à partir du XVème siècle, que de rares documents viennent jeter quelque jour sur ce côté, jusque-là bien obscur, de l’histoire de l’art en Bretagne, et je m’empresse de le dire, les noms des maîtres qui furent chargés de diriger les travaux de nos églises, ou de contribuer à leur décoration pendant le XVème et le XVIème siècle, sont, sauf de rares exceptions, des noms qui appartiennent incontestablement à la Bretagne. C’est seulement au XVIIème siècle que l’on voit apparaître dans ce pays, des ouvriers étrangers, mais principalement parmi les facteurs d’orgues et les fondeurs, car les travaux de construction restent encore à cette époque, presque exclusivement dans les mains des ouvriers bretons. On peut donc, jusqu’à preuve du contraire, attribuer à des maîtres originaires du pays où elles ont été élevées, la construction de nos églises du moyen âge, qui n’ont laissé aucune trace écrite de leur histoire. En attendant que de nouvelles recherches viennent confirmer cette conjecture, voici un fait demeuré, si je ne me trompe, inconnu jusqu’ici, et qui démontre combien sont injustes certains préjugés qui ont cours relative­ment au degré d’éducation artistique des bretons du temps passé.

A une époque qu’il m’est impossible de préciser, une confrérie des maîtres des arts (magistrorum artium) fut fondée dans l’évêché de Léon. Différente des confréries religieuses ou des corporations si fréquentes au moyen âge et jusqu’à la Révolution, et qui se composaient de membres pris dans une même paroisse ou dans une même ville, elle choisissait ses éléments dans toutes les villes et les paroisses du diocèse, et dans la portion la plus intelligente du clergé, de la noblesse et des ouvriers, dont les travaux relevaient du domaine de l’art. L’existence de cette association de savants et d’hommes de goût, m’a été révélée par un cahier commencé avant l’année 1618, et qui se compose de la liste générale des maîtres des arts faisant partie de la confrérie [Note : Voici le titre qui se trouve en tête de cette liste : NOMINA COGNOMINA ET TITULI HONORIS MAGISTRORUM CONFRATERNITATIS IN ARTIBUS VITA FRUENTIUM, ET  PRAEDICTAM CONFRATERNITATEM FIDELITER COLENTIUM], d’actes de réception de nouveaux maîtres, et d’ordres du jour indiquant, avec l’époque et le lieu où devaient se réunir les confrères, soit en assemblée générale, soit pour assister aux services des membres décédés dans l’année, les noms des orateurs qui devaient prononcer des discours dans ces réunions.

Le bureau de la confrérie des maîtres des arts se composait d’un président (abbas), d’un procureur, d’un secrétaire (scriba), d’un greffier (bidellus) et d’un trésorier. Elle comprenait avant 1618, cent vingt-trois membres, dont soixante-dix-neuf appartenaient au clergé, vingt-sept à la noblesse, trois à la magistrature et quatorze au tiers-état. De 1618 à 1623, cinquante-deux nouveaux membres furent admis dans la société, sur la présentation d’anciens confrères.

Et qu’on ne s’imagine pas qu’il y eût quelque rapport entre la qualification de maître des arts, que prenait chaque membre de cette société, et le titre que l’on obtenait après avoir subi avec succès des examens sur certaines parties de la philosophie ; car à côté de docteurs de Sorbonne, d’archidiacres et de chanoines de Léon et du Folgoat, on voit figurer dans la liste des membres, non-seulement les principaux représentants de la noblesse de l’évêché de Léon, mais encore quatorze artisans, parmi lesquels ressortent le nom du peintre verrier Alain Cap (Magister Alanus Cap), et celui d’un autre peintre moins connu, Jean Bouricquen (Magister Johannes Bourricquen, pictor).

Tous ceux qui se sont occupés de l’histoire de l’art en Bretagne, connaissent le nom d'Alain Cap. C’était un peintre verrier d’un réel talent, et dont le mérite a été constaté par son contemporain, le Père Cyrille Le Pennec [Note : Dans son Pèlerinage du Folgoat publié dans l’édition des Vies des saints de Bretagne, d'Albert Le Grand, par M. de Kerdanet, page 103. Alain Cap, né à Lesneven le 11 novembre 1578, d’après M. de Kerdanet, mourut dans cette ville le 4 avril 1644. D’après cet écrivain, ce peintre aurait « fait tous les vitraux des principales églises des diocèses de Léon et de Cornouaille ». Il y a là une exagération qu’il est inutile de réfuter. Avant Alain Cap, il y avait dans toutes les villes de Bretagne, des peintres verriers, dont quelques-uns étaient excellents]. Il appartenait à une famille de verriers, dont un membre, Charles Cap, travaillait à Morlaix un siècle avant Alain.

Jean Bouricquen qui, si je ne me trompe, n’a pas encore été signalé, habitait Saint-Pol-de-Léon. Il y avait dans cette ville, à la fin du XVIème siècle, trois peintres verriers de ce nom : Jan Bouricquen, le vieil, père d’autre Jan Bouricquen, dit le jeune, et Hervé Bouricquen. De 1587 à 1650, ces peintres verriers exécutèrent différents travaux dans la cathédrale de Saint-Pol. Celui qui faisait partie de la confrérie des arts, vers 1618, devait être Jean Bouricquen, le jeune.

Cette confrérie qui s’intitule elle-même, dans un de ses actes, Alma Societas magistrorum in artibus, et qui prendrait aujourd’hui le nom d'Académie des beaux-arts, avait des statuts que je n’ai pu retrouver ; mais il ressort clairement du titre qu’elle s’était donné, aussi bien que des éléments qui la composaient, que le but de sa création, était d’encourager et de faire prospérer les arts libéraux dans la sphère d’action qu’elle s’était tracée.

J’ai déjà dit que j’ignorais à quelle époque fut établie la confrérie des arts. Je suis très porté à penser qu’elle existait depuis une époque antérieure au XVIIème siècle ; mais si cette conjecture n’était pas fondée, il faudrait cependant considérer son établissement comme une conséquence de traditions artistiques, encore vivantes, du moyen âge, car on admettra difficilement qu’une association semblable se fût formée tout d’un coup, et presque au lendemain des misères et des horreurs de la Ligue, si elle n’avait pas eu de profondes attaches dans le passé.

Après cette digression qui n’est pas étrangère à mon sujet, et que ceux qui ont souci de notre art national, excuseront, je l’espère, je reviens à la cathédrale de Quimper.

Nous ne possédons aucun renseignement sur les maîtres ou les ouvriers qui travaillèrent à la construction du choeur et de ses bas-côtés. Les trois cartulaires du chapitre de Quimper, sont absolument muets sur ce sujet. Mais en ce qui touche les tours de la façade, et la nef, on trouve au début des travaux, dans un acte, le nom de Jean Hascoed, chanoine, qui y est désigné comme procureur de la fabrique et « gouverneur de la nouvelle oeuvre ».

En 1467, dans un marché pour la charpente du croisillon sud du transept, maître Pierre Morvan, recteur de Guiscriff, figure comme « maistre et gouverneur de la nouvelle eupre (sic) de l’église de Cornouaille ».

De 1468 à 1486, Guillaume Periou, recteur de Laz, comparaît dans trois marchés pour la construction de la cathédrale, en qualité de procureur de la fabrique et du chapitre. Dans aucun de ces actes il n’est qualifié de « gouverneur » ou de « maître de l’oeuvre ». Je pense cependant, en raison du long espace de temps pondant lequel il fut chargé des intérêts de la fabrique, précisément à une époque où l’on imprimait aux travaux une grande activité, qu’il eut la direction de ces travaux, au même titre que ses deux devanciers.

Ainsi depuis le commencement de la construction des tours et de la nef en 1424, jusqu’à une époque bien voisine de le leur achèvement, nous voyons la direction de l'oeuvre confiée à trois ecclésiastiques dont les noms Hascoed, Morvan, Periou, indiquent suffisamment l’origine. La qualification d’architecte, ne leur est donnée dans aucun document, et ne comporte pas nécessairement, l’idée d’une direction de travaux. En effet, ce titre ne se rencontre dans nos actes, qu’à partir du XVIème, siècle. On le trouve pour la première fois en 1514, appliqué à deux ouvriers dont l’un travailla à la démolition d’une vieille sacristie, et l’autre à la construction de l’ossuaire. Mais comme le salaire de ces architectes n’est que de 3 sous par jour, pour l’un, et de 2 sous 9 deniers, pour l’autre, tandis que Guillaume Goaraguer, le maître tailleur de pierres (lapiscida) et maçon, qui travaille en même temps au même ossuaire, reçoit journellement 3 sous 4 deniers, je suis porté à penser que, dans le principe, les architectes étaient quelquefois des contre-maîtres, plutôt chargés de la surveillance des travaux, que de leur direction.

En 1524, le titre d’architecte est aussi donné à un maître charpentier, qui fait quelques travaux à la charpente de la toiture des tours de la façade de la cathédrale, et qui est payé à raison de 3 sous par jour.

Phelippe Beaumanoir, tailleur de pierres, qui travailla à la construction de la tour de l’église Saint-Melaine de Morlaix, de 1511 à 1518, ne prit jamais d’autre titre que celui de « maistre et principal feuras­tier (entrepreneur) de l’œuvre » de cette église (Titres de la fabrique de Saint-Melaine – Archives du Finistère).

Des quatre maîtres qui, de 1548 à 1582,travaillèront à la tour de l’église Saint-Mathieu de la même ville, les deux premiers Yves Croazec qui en fit le plan, et Guillaume Crehif, sont simplement désignés par le titre de « maistres de l’oeuvre ». Les deux autres Michel Le Borgne et Augustin Pen, qui y travaillaient en 1580 et en 1582, sont mentionnés, le premier comme « maistre architecte » et le second comme « maistre tailleur de pierres et architecte » (Comptes des procureurs de la fabrique de Saint-Mathieu. - Archives du Finistère).

En 1637, Yves Roudault, qui fit le dessin, ou « portraict » de la tour de l’église de Lanarvilly, dans l’évêché de Léon, est qualifié des titres de « maistre tailleur de pierres et architecte » [Note : Procès-verbal de descente faite à Lanarvilly, pour les prééminences, le 5 juillet 1634. — (Archives du Finistère, famille Le Barbier de Lescoat)].

Je pourrais multiplier les citations de ce genre, mais celles-ci suffisent, je pense , pour prouver qu’au XVIème et au XVIIème siècle, en Bretagne, la dénomination d’architecte s’appliquait soit à des contre-maîtres, soit dans la plupart des cas, à des maîtres ouvriers travaillant de leurs mains, en qualité de tailleurs de pierres, de maçons ou de charpentiers.

Il n’y a donc pas lieu d’être surpris que les gouverneurs et maîtres ecclésiastiques de l'oeuvre commencée en 1424, par l’évêque Bertrand de Rosmadec, n’aient pas été qualifiés du titre d’architectes, que je crois être une importation de la Renaissance. Ils n’en avaient pas moins la direction générale des travaux ; mais je dois ajouter que tout en exerçant cette direction, ils ne négligeaient pas dans certaines circonstances, notamment quand il s’agissait de tracer un plan ou d’établir un devis, le concours des gens du métier, dont les lumières et l’expérience pouvaient faciliter l’accomplissement de la tâche qui leur était confiée.

Si nous ne possédons, en ce qui concerne la cathédrale, aucun document à l’appui de cette opinion, voici un titre de 1498, qui se rapporte à l’église Saint-Melaine, de Morlaix, et qui montre de quelle manière s’exerçait le concours des gens du métier : 

« En la présence de nous Chrestien Le Garrec et Michel Duval, notaires de la cour de Mourlaix soubscriptz, se sont comparus Estienne Beaumanoir, Thomas et Jehan Le Malyon, Jehan Gourcuff, Pezron Le Besque, Yvon Rolland et Yvon Le Boceur, tailleurs de pierres, ayans la charge, en ce que touche leur mestier, de l’édifice et nouvel eupvre, que à présent l’on faict construire en l’église parochialle de sainct Mellaine, à Mourlaix, et Jehan Le Dyouguel, ayant la charge de la charpanterie d’icelle église, lesquieulx, et checun d’eulx, ont présentement relaté et recordé, que par cy devant, et avant que l’on eust commancé à faire et caver les fondemens que à présent sont cavez en l’endroit ou Jehan Le Borgne et Nicolas Coetanlem ont prins charge de faire édifier chappelle en icelle église, ilz, et checun d’eulx, après que ilz avoint esté appeliez pour visiter et deviser ledit oeupvre, ce que disoint avoir faict, avoint donné leur oppinion, conseil et advis que le proufilt et utilité pour l’augmentacion, décoration et eslargissement d’icelle église estait, et est, d’estre fait et construit jouxte et au désir desditz fondementz, comme sont à présent prins. Et de ce jour sont d’oppinion et avis, et ensemblement et d’une mesme voix, que, à leur discrétion et sçavance, l’œupvre doibt estre conduyt, parachevé et fourny en ensuyvant et poursuyvant au désir desditz fondements, et comme est jà encommancé. Et pour relacion et acte de ce, avons signé ces présentes, à la prière et requeste desditz oupvriers, et checun, à valloir à qui estre, et comme de raison appartiendra. Ce fut fait en la ville dudit Mourlaix, les premier et second jours de janvier l’an mil quatre cents quatre-vingts-dix-huyt. Signé : M. Duval ; Chrestien Le Garrec, passe. — A gauche de chaque signature est écrit : A la prière et requeste desditz oupvriers et checun » (Titre de la fabrique de Saint-Melaine. – Archives du Finistère).

Il existe quelques marchés, passés dans la seconde moitié du XVème siècle, de gré à gré, entre les gouverneurs de l’oeuvre de la cathédrale, ou le chapitre, et des ouvriers charpentiers, carriers ou vitriers ; mais je n’ai rencontré aucun acte de ce genre, passé avec des tailleurs de pierres ou des maçons. Nous ne possédons absolument aucun détail sur les travaux de construction des tours, du croisillon sud du transept, des piliers et des arcades de la nef. Les chapelles des bas-côtés ont sans aucun doute, été élevées aux frais des seigneurs qui y eurent plus tard des droits honorifiques, et c’est dans les archives de leurs familles, que devraient se trouver les marchés passés pour la construction de ces chapelles ; mais tout porte à croire qu’ils n’existent plus. Quant au croisillon nord du transept et à l’ossuaire qui furent bâtis aux frais de la fabrique, et sur la construction desquels on possède des détails, il ne paraît pas qu’il y ait eu pour ces travaux, de marchés écrits. Le gouverneur de l’oeuvre fournissait les matériaux, et les maîtres ouvriers se chargeaient d’exécuter les travaux pour lesquels ils étaient, eux et leurs compagnons, payés à la journée. L’engagement réciproque qui avait lieu dans ces circonstances, était donc un engagement purement verbal.

J’ai mentionné par ailleurs, des marchés de gré à gré, passés par écrit, entre les gouverneurs de l'oeuvre et les ouvriers ; il y avait au XVème et au XVIème siècles, un troisième genre de marchés, usité à Quimper et à Concarneau, pour les travaux des fortifications, et dans d’autres localités de la même région, pour des travaux d’église. Je veux parler des marchés à « éteinte de chandelle » ou, comme on dirait aujourd’hui, « par adjudication ».

R. F. Le Men.

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