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ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE. — ANCIENNES COUTUMES. — CE QU'ÉTAIENT DEVENUS JOSSELIN ET SES PRIEURÉS. — PIÉTÉ DES HABITANTS. — LA FIN DU COMTÉ DE PORHOËT.

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Un des principaux facteurs de l'ordre et de la tranquillité à l'intérieur, aux XVIIème et XVIIIème siècles, fut l'organisation administrative des campagnes et des villes. Celles-ci avaient toutes une communauté de ville et un gouverneur.

A Josselin, le gouvernement royal fut créé assez tard, en 1767 ; M. le chevalier du Moulin du Brossay, lieutenant-colonel de cavalerie et chevalier de Saint-Louis, en est le premier titulaire. Mais comme nous l'avons déjà vu, la communauté datait de loin et avait droit de députer aux Etats ; ses obligations étaient multiples, vu qu’elle avait charge de tous les intérêts de la ville.

Une foule d'affaires, en effet, incombait à ce corps de ville, composé de la plus « saine » partie, comme on disait jadis, de la population ; ses membres veillaient et pourvoyaient à tout, avec des ressources le plus souvent fort restreintes, sous le contrôle du gouverneur et de l’intendant de la Province. Encore, était-on souvent obligé de former des commissions spéciales. « Sans parler des devoirs imposés particulièrement au syndic ou maire, il n'était pas de travaux, pas d'acquisition, pas de procès, qui ne fussent confiés à la diligence de commissions spéciales, choisies soit parmi les membres de la communauté, soit en dehors ; d'autres étaient chargées de vérifier les comptes du syndic, ou du miseur ; d'autres encore étaient déléguées, vers les hauts personnages de passage sur les lieux ou dans les environs, pour présenter les respects de la ville et offrir leurs services ; aux Etats ou au Parlement, pour demander des secours ou déposer un vœu ; vers les gouverneurs, commandants ou intendants de la Province nouvellement nommés, pour solliciter l'honneur de leur protection. C'étaient les membres du corps de ville qui répartissaient les impôts de tout genre et qui en désignaient les receveurs, qui élisaient les officiers de la milice bourgeoise et au besoin se mettaient à sa tête » (ROSENSWEIG, Archives du Morbihan).

Quant aux simples paroisses rurales, comme toutes celles qui composaient le Porhoët, en l'absence de la comnmnauté de ville, elles étaient administrées chacune par le « Général » formant le corps politique ou la fabrique de la paroisse, sous la présidence du curé ou du recteur. Cette assemblée jouait également le rôle de corps de ville. Indépendamment de l'entretien des églises et des chapelles, de l'administration des biens et revenus paroissiaux, elle était chargée des travaux, des impôts, milices, etc. [Note : De plus, au point de vue de l'administralion royale (particulièrement pour la levée des impôts), les paroisses étaient groupées en subdélégations. Le Morbihan actuel et la portion de la province occupée par l'ancien diocèse de Vannes renfermait 19 subdélégations, dont celle de Josselin, qui comprenait les paroisses suivantes : Brehan-Loudéac, Buléon, La Croix-Helléan, Lantillac, Menéac, Mohon, Notre-Dame du Roncier, Pleugrififet, La Grée-Saint-Laurent, Guégon, Guillac, Plumelec, Pommeleuc, Radenac, Reguiny, Saint-Allonestre, Sainte-Croix de Josselin, Guilliers, Helléan, Lanouée, Saint-Martin et Saint-Nicolas de Josselin, Saint-Samson, Saint-Servan, La Trinité Porhoët. La Bretagne composait une Généralité ou Intendance].

La Sénéchaussée seigneuriale, dont Josselin est le siège, se trouve composée, à la fin du XVIIIème siècle, d'un sénéchal, d'un alloué, d'un lieutenant, d'un procureur fiscal, d'un greffier, de douze procureurs, d'un nombre indéfini de notaires et de trois arpenteurs. Elle connaît les matières ecclésiastiques et bénéficiales au temporel et ressortit au siège royal de Ploërmel.

Certaines coutumes anciennes existaient encore à cette époque. Le droit de guet, très répandu en Bretagne, s'était maintenu, mais en subissant une transformation due à l'évolution des temps. Ce qui à l'origine était un service de défense commune, nécessitée par l'état d'insécurité du moyen âge, devint un droit naturel, payable en argent. Les châteaux des seigneurs, étant primitivement l'asile de la population des campagnes environnantes, celle-ci, en temps de trouble ou de guerre, s'était bénévolement soumise à faire pendant le jour ou la nuit, la garde de la forteresse qui les abritait. Il paraît même vraisemblable, que ceux des vassaux qui, pour une raison ou pour une autre, s'exemptaient de ce service, devaient se racheter ou payer le prix de leur remplacement. La transition paraît venir d'elle-même et elle se fît tout naturellement, lorsqu'à l'extinction du devoir féodal, le guet n'eut plus de raison d'être. L'abstention de tous au guet décida de sa conversion en une redevance pécuniaire.

Le duc de Rohan exerça toujours ce droit de guet à Josselin et dans les autres terres de la seigneurie de Josselin ; il n'était que de 4 sous par an, dans la paroisse de Lanouée, mais de 5 dans les autres et se levait sur tous les contribuables aux fouages et tailles imposés au moins à 20 sous par an. Les filles, les veuves, les mineurs de 18 ans, et les hommes âgés de plus de 60 ans en étaient exempts. Le parlement a confirmé cet usage aux comtes de Porhoët par arrêts des 5 et 28 septembre 1593, 1er juillet 1681 et 2 avril 1692 [Note : (OGÉE), — Le Guet et toutes les coutumes qui vont suivre sont également énoncés dans le Terrier de Bretagne de 1679. Archiv. Nation. Sénéch. de Ploërmel, vol. 7 (P. 1685)].

Un des usages les plus curieux était le « saut de carpe », autrement dit, le saut des poissonniers.

Après les rigueurs du Carême, le peuple, dans la joie d'être débarrassé du régime maigre impatiemment supporté, s'amusait à jeter à l'eau les marchands de poissons qui avaient si longtemps forcé les fidèles à s'approvisionner à leurs étaux.

Le dimanche de la Quasimodo, grande réunion populaire se faisait donc, sur les bords de l’Oust près du pont Sainte-Croix. Mais la vengeance envers les poissonniers était réglementée par le droit féodal et voici comment : « MM. les juges se rendent en robe, au bord de la rivière, dans un lieu fixe, et là, il est fait appel de tous les vassaux qui ont vendu du poisson pendant le carême ; ils doivent y comparaître pour faire le « saut de carpe » jambes nues dans la rivière, ou le faire faire par quelqu'un de bonne volonté ou payé ad hoc, sous peine de 3 livres 4 sous d'amende » [Note : Ogée. — Au XVIIème siècle en tout cas, l'amende n'était que de 60 sols 20 deniers. Arch. Nat., P. 1685].

Quelles clameurs de joie devaient soulever les plongeons de ces malheureux poissonniers !

M. l'abbé Guillotin de Corson, dans son étude « Vieux usages du pays de Châteaubriant » nous apprend que la même coutume existait à Châteaubriant, et que dans cette ville, l'amende était de « deux chapons de Cornouailles et soixante sols monnoie » et il ajoute spirituellement : remarquez cette ironique fourniture de bons chapons bien gras exigée des vendeurs de morue !

C'était avant tout une réjouissance publique, car sans doute le comte de Porhoët comme le baron de Châteaubriant était tenu après le plongeon de sécher les poissonniers et de les réconforter d'une pièce de bœuf et de nombreux pots de vin.

Il en était autrement du droit de « fumage », également ancien, mais qui ne s'exerçait qu'aux environs de Josselin et non dans la ville. Chaque vassal roturier qui fait « feu et fumée » devait par an un boisseau d'avoine et une poule.

Mais voici encore un droit seigneurial qui réglementait un jeu. C'était le droit de « soûle ». Ecoutons ce qu'en dit l'historien que nous venons de citer : « De tout temps, les Bretons ont aimé le jeu de soûle, l'un des plus violents divertissements du peuple. Non seulement en Basse-Bretagne, mais encore dans la Haute, la soule est demeurée jusqu'au XIXème siècle très usitée parmi les jeunes gens. On dit qu'au moyen âge, le monopole du droit de soule fut attribué aux seigneurs, par mesure de police : ce jeu étant très dangereux, il ne fut plus permis de se livrer à ses ébats qu'à certains jours et dans certaines conditions. C'était ordinairement les jours qui suivaient la fête de Noël, très souvent le jour saint Etienne, par rapprochement peut-être entre le martyre de ce bienheureux, lapidé par les Juifs, et les violences du jeu de soûle » (Guillotin de Corson).

La soule était un gros ballon de cuir, que deux partis, composés souvent des habitants de deux paroisses ou de deux fiefs voisins, armés de bâtons recourbés appelés crosses ou quillards, se disputaient avec fureur. Au seigneur était réservé l'honneur de lancer en l'air le ballon, ce qui était le signal de la lutte. Il s'agissait de faire parvenir la soule à un certain but. Mais pour gagner cette victoire, que de coups de crosses et de horions il fallait essuyer ; que de mêlées il fallait soutenir ! Trop souvent de graves accidents s'en suivaient et c'est pourquoi le duc de Rohan, Louis-Marie Bretagne, suspendit l'exercice de ce droit, considérant ses conséquences comme trop dangereuses.

Le « Papegault » avait aussi une grande vogue à Josselin. C'était un tir, institué au XVIème siècle, dans le but de former la jeunesse aux exercices militaires.

« On appelait indifféremment papegault ou papegai un oiseau en bois, peint en vert comme un perroquet ou en blanc comme un pigeon ». L'oiseau était une cible pour tous les tireurs, soit à l'arc et à l'arbalète, soit à l'arquebuse ou au fusil, qui se présentaient. Il ne suffisait pas d'elléger le perroquet d'un membre, aile ou cuisse, le prix n'était décerné qu'à celui qui abattait l'animal jusqu'au dernier morceau. Le vainqueur, outre la récompense promise et divers privilèges, était décoré du titre de « roi du papegault ».

Ceci nous montre qu'autrefois la force et l'adresse étaient deux qualités très estimées et dont nos compatriotes aimaient à se glorifier. Les luttes corps à corps, qui ont encore lieu dans certaines régions de la Bretagne, évoquent le souvenir de ces vieux usages. Ne faut-il pas regretter que tous ces jeux populaires aient complètement disparu du Porhoët ?

La ville, où se maintenaient ces curieuses coutumes, avait bien conservé aussi son cachet moyen-âgeux. Nombreuses maisons de bois, des XVème, XVIème et XVIIème siècles bordaient les rues étroites et escarpées. L'enceinte était toujours debout ; évidemment les murailles abandonnées s'effritaient, les pierres des créneaux glissaient, çà et là quelques brèches s'étaient bien produites, mais l'aspect en était toujours sévère et imposant. Les Josselinais, avides de jardinage, avaient malheureusement envahi les fossés, qu'ils s'étaient partagés, et s'étaient créé là de minuscules exploitations légumières ; de sorte que décombres et végétation contribuèrent également à l'œuvre de comblement.

Les trois faubourgs nés dans le courant du XIIème siècle s'étaient peuplés et avaient pris de l'extension. Saint-Martin principalement, depuis longtemps déjà, avait fait la tache d'huile et couvrait toute la colline nord. A une de ses extrémités se trouvait l'hôpital, connu sous le nom de saint Jacques. Mentionné dès 1424, il avait été temporairement transformé en chapellenie et décoré sans raison du nom de prieuré ; puis, rendu à sa première destination en 1728. Trois Sœurs de la Providence en eurent la direction jusqu'à ce qu'il passa aux filles de la Sagesse.

Un autre petit hôpital situé au bout de la rue du Val d'Oust, sur le bord de la rivière, était, avec une chapelle dédiée à saint Jean, l'ancien établissement des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Ce bien, tombé en commende, fut longtemps possédé par les recteurs de Notre-Dame, à la charge d'une messe par semaine, puis disparut sous le pic en 1773.

Mais qu'étaient devenus tous les prieurés qui avaient assuré le développement de la ville pendant les premiers siècles ?

Sainte-Croix depuis le XIVème siècle n'avait plus de moines ; le prieur avait conservé la dîme et s'était substitué un vicaire perpétuel à portion congrue, pour le service de la paroisse. A Saint-Nicolas et Saint-Martin, même transformation, par suite de l'abandon des religieux ; mais tandis que le bénéfice de Sainte-Croix restait à l'abbaye de Redon, ces deux derniers prieurés furent perdus pour les religieux et donnés en commende à des prêtres séculiers [Note : Voici un aperçu des revenus des anciens prieurés : Le dernier prieur de Sainte-Croix avait affermé en 1785 tous les revenus de son bénéfice pour la somme nette de 4 800 livres. Toutes les charges laissées en plus aux fermiers étaient évaluées à 1700 livres. — Le revenu du prieur commendataire de Saint-Nicolas en 1730 était de 540 livres ; il avait dîmes en plusieurs lieux, droit de foire à la fête de saint Nicolas. — Le prieur de Saint-Martin en 1580 affermait tout le revenu du prieuré moyennant 3090 livres pour lui, et l’obligation des charges pour les fermiers (il avait entière juridiction sur les sujets du couvent, droit de corvée, de moulin, de pêche, chasse, colombier, etc.). En 1730, les revenus de Saint-Martin étaient évalués à 8000 livres, mais les charges montaient à 7000 livres]. Disons pour mémoire que les commendes s'introduisirent en Bretagne à partir du XVIème siècle ; tous les bénéfices d'une maison religieuse étaient attribués à un vicaire séculier, de sorte qu'il y avait deux abbés, l'un chargé d'assurer le service du culte, l'autre commendataire, à qui était dévolu le soin de recueillir la plus grande part des bénéfices.

Saint-Martin, que nous avons vu envahi par les partisans de la réforme, tomba en commende au XVIème siècle et fut occupé séculièrement ; mais en 1722 le bénéfice du prieur fut uni à la mense capitulaire de Marmoutiers et les commendataires cessèrent d'y être nommés.

Les trois paroisses extra muros subsistaient donc comme par le passé, mais au lieu d'être desservies par des recteurs prieurs, elles l'étaient par des abbés séculiers, à portion congrue.

Les traitements étaient habituellement fort exigus ; le vicaire perpétuel de Saint-Martin en 1730 touchait environ 362 livres ; celui de Saint-Nicolas 100 livres, et celui de Sainte-Croix, vers la même époque (1756) 425 livres. C'est ce qui fait dire à Ogée : En général le clergé travaillant à Josselin est fort mal à son aise, et très éloigné de toucher une rétribution proportionnelle à ses exercices et au nombre de nécessiteux qu'il devrait secourir. Les richesses ecclésiastiques passent à de gros décimateurs ou bénéfîciers qui ne résident guère dans la province, encore moins dans le canton.

La chapelle Saint-Michel qui, accidentellement, avait joui des fonctions curiales, était desservie par le clergé de Notre-Dame.

Un quartier nouveau, né sans doute de l'accroissement même de la ville, s'étendait maintenant à l'ouest du château, le long de la rivière, dans la direction de Pontivy. C'était plutôt une longue rue, qu'une agglomération compacte ; elle s'appelait la rue Glatinier.

Flanquée ainsi de ses quatre faubourgs, la ville close, ou paroisse Notre-Dame, était restée comme figée dans ses murs séculaires. Le grand clocher de l'église, fortement ébranlé par le temps, s'était écroulé en 1705 ; on le répara tant bien que mal, mais en 1731 il fallut le reconstruire à neuf. Sa forme en voûte demi-sphérique permit d'y monter un bourdon énorme baptisé Françoise Ollive (1781) pesant 2 900 livres [Note : Le 8 octobre 1744, après la reconstruction avait eu lieu déjà une bénédiction solennelle de trois cloches nouvellement fondues. Le poids du gros bourdon de Josselin était surpassé dans la région par celui seulement de Noyal-Pontivy, qui pesait 3000 livres].

La piété des habitants de Josselin ne se démentit jamais. Non contents d'avoir donné à la Vierge du Roncier ce beau cortège de religieux : Carmes, Ursulines, Bénédictines, Chanoines, ils se cotisèrent volontairement pour prendre part aux frais d'installation d'une maison de charité. L'initiative en avait été prise par M. Alain, recteur de Notre-Dame, et Mme de Chassonville. « Les Etats, par délibération du 5 décembre 1776, dit Ogée, ont accordé 300 livres pour encourager cet établissement exemplaire qui enlève à l'oisiveté et à la mendicité une trentaine d'adolescents des deux sexes, pris dans les plus pauvres familles de la ville et de la banlieue. Sous l'inspection de plusieurs dames charitables qui font alternativement leur semaine, ils reçoivent l'éducation de leur état et sont exercés à de gros ouvrages de laine dont le produit contribue en partie à leur habillement et à leur subsistance ».

L'œuvre des retraites eut aussi sa place à Josselin, mais sa durée fut bien courte.

Les archives paroissiales sont souvent fort intéressantes ; elles nous montrent entre autres la faveur que le public de la ville et de la campagne accordait aux missions et l'affluence qui répondait à l'appel du prêtre. Les jésuites prêchent à Guégon en 1701 ; le Père Gabrier, supérieur capucin, à Notre-Dame en 1712 ; de nouveau les jésuites à Guégon en 1715. Autres prédications à Pleugriffet en 1776 ; Saint-Servan 1783 ; Helléan et la Croix-Helléan 1760, etc., etc. Certaines de ces missions duraient quinze jours, un mois ; parfois la foule des pénitents était si grande qu'on était obligé d'improviser autour des églises des abris en branchages qui tenaient lieu de confessionnaux.

Le 30 mai 1735, une fête solennelle clôture, à Notre-Dame, la mission prêchée par quatorze pères capucins, « tous gens choisis et distingués par leur savoir et leur piété, où présidait le R. Père Angélique de Dinan, gardien du couvent de Vannes ». Elle avait duré un mois entier, entretenue par les soins des recteurs et du public. Sans doute que ces quatorze pères étaient avec peine arrivés au bout de leur tâche, car en 1776, ce sont vingt-deux recteurs et prêtres du diocèse, conduits par M. de Grandclos-Meslé, archidiacre de Saint-Malo, qui arrivent à Josselin.

L'abbaye de Saint-Jean des Prés avait, hélas ! dans le courant du XVIIIème siècle, périclité peu à peu, faute de ressources. Depuis 1507, tous les abbés furent commendataires et ceux-ci naturellement absorbaient le gros des revenus de la communauté [Note : Le revenu de l'abbé comraendataire de Saint-Jean en 1730 était évalué à 2 192 livres, en déduisant les charges qui étaient de 2618 livres, Il ne restait à la communauté que 1531 livres net] ; si bien qu'en 1788, ce vaste établissement, assis aujourd'hui morne et solitaire aux bords de l'Oust, ne comptait plus que deux chanoines.

Peu de temps après, quand la révolution vint interrompre la prière de ces humbles, le Mont Cassin abritait dix huit Bénédictines, y compris les converses ; les Carmes trois pères et les Ursulines vingt-sept religieuses. L'orage les dispersa tous.

Il nous paraît digne d'intérêt d'enregistrer ici, à propos de Saint-Jean des Prés, le certificat de M. Busson, docteur régent de la Faculté de médecine, traitant des qualités de la source minérale de cet endroit.

L'efficacité de ses eaux est notoire, beaucoup de malades, paraît-il, s'en sont mieux trouvés que d'autres eaux jouissant d'une grande réputation.

Le procès-verbal de l'analyse avait été signé à Saint-Jean le 15 octobre 1767 par différents médecins et le prieur. Voici ce que dit M. Busson : « J'ai lu avec la plus grande attention, par ordre de M. le duc d'Aiguillon, le rapport de l'analyse très bien faite des eaux minérales de Saint-Jean-des-Prés-les-Josselin. Il me paraît démontré qu'elles contiennent les principes énumérés dans ce rapport, et en conséquence je les regarde comme très salutaires dans toutes les maladies qui dépendent de l'engorgement des viscères abdominaux, du vice des digestions, des sécrétions difficiles ou retardées et de l'acrimonie de la lymphe en général et particulièrement de la lymphe cutanée ; je crois qu'elles sont d'une nature analogue aux eaux de Dinan et de Lannion et qu'on peut les substituer à ces dernières. Je pense même qu'elles méritent la préférence, dans le cas où l'on a moins besoin dun principe martial très développé que d'un principe volatil très pénétrant qui se manifeste sensiblement dans ces eaux, quelqu'en soit la nature et qui constitue leur principale efficacité dans plusieurs maladies chroniques, mais ces cas ne peuvent être déterminés que par un médecin attentif à suivre l'effet de ces eaux. A Rennes, 15 janvier 1768 ».

Malgré son caractère d'ancienneté, la capitale du Porhoët n'était pas insensible aux embellissements.

En 1760, la ville acquérait un terrain dépendant du couvent des Carmes, afin d'y créer une nouvelle promenade et vers la même époque un plan d'alignement et d'élargissement des rues était fixé ; les cimetières de Notre-Dame et de Saint-Martin situés proche de ces églises étaient supprimés pour être reportés plus loin, etc., etc.

Le château perdait malheureusement de sa force et de sa majesté ; la forteresse petit à petit se désagrégeait. Après la démolition de la tour de Clisson à laquelle nous avons assisté en 1629, le duc de Rohan, jugeant de l'inutilité désormais certaine de la défense, prit le parti de faire raser deux autres tours qui flanquaient la première porte et le pont-levis (1760). Celles qui se tenaient encore debout, du côté de l'Est, s'écroulèrent bientôt d'elles-mêmes, de sorte qu'à la fin du XVIIIème siècle il n'en subsistait plus que quatre, en comptant celle qui reste aujourd'hui, séparée du corps du château par toute la largeur de la cour. On fit de cette solitaire une prison et on y trouva le logement pour le greffe de la Juridiction seigneuriale.

La place forte de Josselin, dont l'isolement au centre de la province était une garantie, eut souvent la garde de prisonniers de guerre. Après Camaret (1694) et Saint-Cast (1758) on y envoya des Anglais, douze cents y furent dirigés à la suite de cette dernière bataille.

Le comté de Porhoët disparut avec toutes les autres divisions seigneuriales dans le creuset révolutionnaire. Son existence s'était prolongée à travers neuf siècles et depuis le XIème siècle, à un court intervalle près, cette terre n'était point sortie de la famille de Guéthenoc. Certes il avait perdu beaucoup d'importance et était réduit à une petite portion de ce qu'avait été le territoire primitif, mais le cœur battait toujours avec énergie et tous les démembrements n'en avaient pas diminué la vitalité.

Sous prétexte d'achever l'unification de la France, l'Assemblée Constituante voulut « faire disparaître toutes les petites nationalités qui en formaient l'ossature et qui, sans nuire à sa cohésion, lui donnaient tant de force de résistance et tant d'originalité » (Le Président de l'Association Bretonne — Séance d'ouverture, 1905) ; d'un trait elle supprima en 1790 toutes les divisions séculaires de notre vieux duché et subdivisa la Bretagne en départements et districts. Le Porhoët fut scindé en deux ; le nord fit partie des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) ; le sud, à partir de Ménéac et Brignac, passa au Morbihan. Ce département comptait neuf districts, dont celui de Josselin, qui comprenait huit cantons et vingt-deux municipalités [Note : Le district dont Josselin était le chef-lieu comprenait : Bignan, Billio, Bréhan, Bulléon, Credin, la Croix-Helléan, Cruguel, Evriguet, La Grée, Guégon, Guehenno, Gueltas, Helléan, Lanouée, Lantillac, Ménéac, Mohon, Pleugriifet, Plumelec, Quily, Radenac, Reguiny, Rohan, Saint-Allouestre, Saint-Gouvry, Saint-Jean Brevelay, Saint-Samson, Saint-Servan, La Trinité-Porhoët].

On ne s'en tint pas là ; une nouvelle loi du 28 Pluviôse an VIII remplaça les districts par des arrondissements communaux ou sous-préfectures.

Le Morbihan fut alors divisé en quatre arrondissements ; le district de Josselin réuni à Ploërmel forma un arrondissement dont le siège fut fixé dans cette dernière ville. Enfin un arrêté du 3 Brumaire an X groupa les communes en cantons et Josselin devint ville cantonale.

En réalité, l'histoire du Porhoët et de ses seigneurs prend fin en 1790 ; mais après avoir cherché à retracer les différents épisodes qui intéressent l'histoire de ce coin de terre bretonne, nous ne pouvons nous arrêter au seuil de la révolution et nous retenir de jeter seulement un coup d'œil sur les événements qui se sont déroulés jusqu'en 1815 dans le territoire de l'ancien comté.

(Hervé DU HALGOUET).

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