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LES GUERRES DE RELIGION ET LA LIGUE. — FORMATION DU DUCHÉ DE ROHAN. — LE COMTÉ DE PORHOËT RÉDUIT A LA CHATELLENIE DE JOSSELIN (1603). — HENRI II DUC ET PAIR.

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L'union était à peine consommée, qu'un terrible incendie, allumé au fond de l'Allemagne par le moine Luther, se déchaîna sur la France et se répandit jusqu'aux confins de la vieille Armorique, couvrant de cendres et de ruines son sol encore épuisé par tant de luttes intestines.

Dès l'apparition des nouvelles doctrines, l'étincelle avait jailli au cœur du vieux comté ; sa famille souveraine, électrisée par le mouvement à peine naissant, embrassa la lutte avec fureur. N'avait-elle pas, il est vrai, été nourrie au sein même de la réforme ; Henri Ier, René II et Henri II ne furent-ils pas appelés à chauffer leurs juvéniles ardeurs au foyer le plus ardent de la propagande calviniste : la cour de Navarre ? Imbus de ces principes, ils en jurèrent le triomphe, et ayant appris de leurs ancêtres que, quelles que fussent les circonstances, une seule place était digne de leur nom, ils s'érigèrent en champions de la cause calviniste, non seulement en Bretagne, mais encore dans toute la France.

Isabeau d'Albret, épouse de René Ier de Rohan-Gié-Porhoët, dès sa jeunesse avait été prédisposée par sa belle-sœur, Marguerite de Navarre, à embrasser la religion réformée ; elle s'était contenue du vivant de son mari, mais à sa mort, déterminée vraisemblablement par les conseils de sa famille du Béarn, elle montra un penchant de plus en plus prononcé pour la réforme et finit par abjurer vers 1558. Blain, sa résidence ordinaire, devint le quartier général du nouveau culte que, malgré la rigueur des édits, elle obtint la permission de pratiquer ainsi que ses gens. Là se donnaient rendez-vous les gentilshommes calvinistes venant de tous les points de la Haute-Bretagne. Henri Ier, fils d'Isabeau, qui était né à Blain, y mourut également l'année 1575. La cruelle maladie qui le tortura sa vie durant l’empêcha de prendre une part militante aux troubles de son temps. Son frère René II et lui appliquèrent principalement leur activité à la propagande en Bretagne. Le fanatisme porta les deux partis à beaucoup d'atrocités, mais à vrai dire, en dehors des villes où les ministres recrutaient assez facilement des adeptes, le Porhoët comme le Rohan résistèrent énergiquement dans cette lutte morale. Le catholicisme, battu vigoureusement en brèche pendant près de quarante ans, triompha sans que le calvinisme laissât même une trace de son passage.

Malgré les efforts de ses seigneurs, Josselin ne fut que partiellement atteint par l'hérésie ; la majeure partie de la population resta fidèle à la foi antique. Les habitants même, pour s'assurer le libre exercice de leur culte, s'emparèrent de la nomination de plusieurs bénéfices, conférés jusque-là par les seigneurs, et la ville conserva ces bénéfices jusqu'à la Révolution.

Il est à conjecturer que c'est vers 1560 que les Rohan chassèrent les bénédictins du prieuré de Saint-Martin de Josselin et firent pendant quelque intervalle un temple de leur église ; le bâtiment qui en est voisin, et qu'on appelle la Huguenoterie (OGÈE), semble confirmer cette affectation. Les guerres civiles et religieuses ayant pris fin, l'abbaye de Marmoutiers rentra on possession des revenus de cette maison ; le couvent fut supprimé et les moines remplacés uniquement par un prêtre séculier à portion congrue. D'autres couvents furent saisis et livrés aux protestants ; l'abbaye de Lantenac devint la proie de la Ville Audrain, terrible huguenot qui a laissé de cruels souvenirs dans la contrée.

Le prosélytisme des Rohan n'eut de cesse qu'un ministre protestant fût établi dans les principales villes de leurs domaines ; Josselin, Rohan, Pontivy, subirent les prêches d'un apôtre luthérien. Trois synodes calvinistes se tinrent à Ploërmel, en 1562, 1563, 1565, et le ministre Aubri s'y soutint à la tête d’une petite église protestante jusqu'en 1580. Josselin n'eut rien à envier à Ploërmel, elle eut les siens en juin 1563 et juillet 1583 [Note : Ce dernier se tint au château et on y élabora une ordonnance interdisant toutes sortes de danse].

Le comte de Porhoët, René II [Note : Henri Ier, de son mariage avec Françoise de Tournemine, n'avait pas laissé de postérité. Les biens et titres passèrent à son frère René], nommé par Jeanne d'Albret son lieutenant général dans tous les pays soumis à son obéissance, jusqu'à la majorité de Henri IV, reçut plus tard du roi lui-même la confirmation de ces pouvoirs. Condamné à périr sous la vengeance du parti royaliste, il allait succomber dans le massacre de la Saint-Barthélémy avec les principaux chefs Huguenots s'il n'avait été prévenu à temps de ce qui se tramait contre sa cause. Dans le Poitou et la Saintonge, où il avait des biens considérables, il défendit le protestantisme les armes à la main et mourut encore jeune à la Rochelle, en 1586. Sa bravoure lui survécut dans Catherine de Parthenay (fille et héritière de Jean de Parthenay, seigneur de Soubise), sa veuve, qui se montra en véritable héroïne lors du fameux siège de la Rochelle en 1627. Nourris d'un tel exemple, ses fils, Henri de Rohan-Porhoët, deuxième du nom, et Benjamin de Soubise, ne devaient pas laisser éteindre les vertus guerrières de leur race. La France ne compta jamais de plus terribles batailleurs.

Entretenu par la faiblesse ou la violence des derniers Valois, l'incendie se serait éteint avec ceux-ci, si le premier Bourbon n'eût été calviniste. A la guerre du catholicisme et du protestantisme succéda alors la Ligue formée contre le Béarnais Henri IV, laquelle se traduisit par une révolte, colorée du beau nom de religion, contre l'autorité royale.

En Bretagne, la Ligue prit de suite un caractère politique et national. Saisissant la guerre religieuse comme une circonstance fortuite qui s'offrait à elle de se détacher du royaume, pour ressaisir son ancienne indépendance, notre province se redressa fièrement à l’appel d'un héritier de la maison de Blois, le duc de Mercœur.

Le nom de Penthièvre trouva écho dans beaucoup de cœurs [Note : Le moment pouvait sembler favorable pour revendiquer les droits de la famille de Blois au duché de Bretagne ; car à l’extinction de la postérité masculine des Valois, Henri de Bourbon devenait bien l'héritier légitime du trône de France, mais non du duché, vu qu'il ne descendait ni de Jeanne de Penthièvre, ni d'Anne de Bretagne], son souvenir fit sortir du fourreau les épées encore rougies du sang d'Auray et de Chantoceaux. Presque tous les centres, à l'exception de Rennes, Vitré, Saint-Malo, Chateaubriant, Montfort, Josselin, Ploërmel, Malestroit, Brest, Quimper, Guérande, soulevés par l'espoir de reconquérir cette indépendance, l'objet constant des rêves d'avenir, furent bientôt à lui. Rennes resta la capitale bretonne soumise au roi, tandis que Nantes fut toujours fidèle à Mercœur. Chaque parti se crée un Parlement et fait de sa ville principale le siège de son gouvernement. Saint-Malo s'érige en république ; Hennebont et Quimperlé sont pris et repris ; le pays de Tréguier mis à feu et à sang, et la Bretagne, hélas ! devient encore la proie d'une double occupation étrangère [Note : Mercœur s'appuyant sur les Espagnols, et le roi de France sur les Anglais].

En 1589, Sébastien de Rosmadec, capitaine de la ville de Josselin, prévoyant le danger qu'il y avait à laisser la ville sans défense, résolut de reconstruire toutes les fortifications qui, un siècle auparavant, avaient été en partie démantelées sur l'ordre du duc François II [Note : En 1488 le duc François II avait ordonné de démanteler cette ville, pour n'être pas obligé d'y tenir une garnison qui eût affaibli son armée]. Les troupes du duc de Mercœur ne lui en laissèrent guère le temps ; de Vannes, elles marchèrent subitement sur Josselin ; la ville surprise ne put résister et tomba aux mains des ligueurs presque sans coup férir ; peu s'en fallut qu'ils ne saisissent même le gouverneur, qui n'eut que le temps de sortir de l'église et de se réfugier au château. Là il opposa une belle résistance, mais faute de ressources finit par se rendre à Saint- Laurent, le célèbre lieutenant de Mercœur. Le duc fit de Josselin une de ses principales places d'armes. Il en tira quelques mois après (5 nov. 1590) « une force considérable en artillerie » qui fit brèche à Hennebont et décida de la capitulation. Le jeune prince de Dombes, du tac au tac voulut répondre à Mercœur ; de Vannes avec ses royaux il accourut menacer Josselin, mais tenta en vain de s'en emparer le 2 mai 1590 et dut s'en aller camper du côté de Malestroit.

Le maréchal d’Aumont ressaisit enfin, pour le roi, le pouvoir que le prince était incapable à maintenir ; et l'abjuration de Henri IV allait détruire la Ligue dans sa racine, si l'ambition de Mercœur n'avait été plus forte que le souci des intérêts de sa patrie. Mais il ne put soutenir la lutte bien longtemps ; peu à peu, ses partisans l'abandonnaient ; l'Armada espagnole envoyée à son secours fut engloutie dans une épouvantable tempête ; Quimper, Crozon, Saint-Malo, puis Vannes firent leur soumission. Le roi, vainqueur des derniers rebelles d'Amiens, venait en personne donner le coup de grâce aux ligueurs bretons ; reçu à Nantes avec enthousiasme, il y signa le fameux édit qui réglait le sort des protestants en France.

L'année suivante, les Etats lui fournirent l'occasion de porter le coup fatal aux débris de la féodalité en Bretagne. Sollicité par eux, il ordonna la démolition des fortifications des villes et des châteaux particuliers de la province, afin de prévenir le retour de la guerre civile. L'édit parut en 1599, et bien que Josselin y figure, l'ordre royal ne fut exécuté à son égard que trente ans après. Les habitants résistèrent en effet à cette condamnation le plus longtemps possible. Que de souvenirs se rattachaient à ces vieilles murailles ! Que d'assauts elles avaient subis, que d'héroïsme elles avaient abrité ! En 1614 ils obtinrent des Etats réunis à Nantes, la permission de lever pendant six ans, 60 sous par pipe [Note : La pipe était un petit tonneau contenant deux barriques] de vin et 30 sous par pipe de cidre pour réparer encore les murs. Mais enfin, la grosse tour du château dut tomber sous le coup d'un nouvel édit contre les places fortes, cette fois de Richelieu. « On l'abattit au mois de mai 1629 ; elle tenait deux cent quatre-vingts pieds de murailles en rond et autant de hauteur. La partie du soleil levant tomba la première, environ un tiers, le 7 mai ; le côté vers la ville le 14 mai ; puis le côté vers le pont le 19 mai » (CAYOT DELANDRE). La grosse tour, ou autrement dit, la tour de Clisson, était située sur le côté sud de l'enceinte du château.

Elle entraîna dans sa chute le moulin à vent qui la surmontait et qui maintes fois avait servi à moudre le grain des assiégés.

C'est vraisemblablement à cette époque, dit Ogée, qu'il faut rapporter la ruine entière des remparts de Josselin. Il serait plus juste de dire, que les ouvrages de défense, bastions, tours et tourelles furent alors rasés ; l'enceinte et les fossés, il est vrai, très endommagés par suite de l'abandon, subsistèrent. Nous verrons à l'époque révolutionnaire les habitants de la ville appelés par l’autorité municipale à réparer et à entretenir leurs murailles ; elles arrêtèrent plus d'une incursion à main armée, et c'est contre elles que se brisa l'élan de Tinténiac, qui avait voulu surprendre la garnison républicaine.

La capitale du Porhoët et le pays qu'elle commandait étaient restés aux mains des ligueurs jusqu'à la fin des hostilités. Coëtlogon Kerbério commandait encore en 1596 la ville et le château pour Mercœur.

Le comte Henri, trop jeune pour disputer lui-même ses biens à ce chef intrépide, faisait ses premières armes sous l'égide du roi Henri IV, son cousin. Celui-ci n'avait pas d'enfant de la reine Marguerite et le considérait comme son successeur éventuel au trône de Navarre, en sa qualité de petit-fîls d'Isabeau d'Albret, fille de Jean de Navarre. La paix rétablie, Henri employa vingt mois à visiter les principales cours d'Europe. Partout sa naissance, son esprit, son caractère, ses formes aimables, lui valurent un accueil flatteur.

A son retour, le roi le créa Pair de France et érigea sa vicomte de Rohan en Duché-Pairie.

Les divers démembrements ayant notablement réduit l'étendue originelle de cette vicomté [Note : A l'occasion de l'érection de la seigneurie de Guémené en principauté, l'année 1570. Corlai et Plourai en avaient été détachés. Plus anciennement les seigneuries de Plugriffet, Le Gué de l'Isle, Naizin, Kergrois, Baud, Kerveno en étaient sortis à la suite de partages], on ne la trouva pas en 1603 d'assez belle taille pour faire honneur à son nouveau titre ; aussi, pour en relever l'importance, on démembra du comté de Porhoët les 21 paroisses de la châtellenie de la Chèze et on les annexa au duché de Rohan, dont elles ont toujours fait partie depuis lors. Le duché ainsi composé fut divisé en six châtellenies : Rohan, Pontivy, Gouarec, La Chèze, Loudéac, La Trinité ; les trois dernières répondant à l'ancien territoire de la Chèze. Dans chacune des châtellenies, il y eut un siège de justice, et celui de Pontivy étant tribunal d'appel à l'égard des cinq autres, cette ville devint par là même, capitale du duché de Rohan (LA BORDERIE). Nous avons vu précédemment quelles étaient les limites du duché ainsi constitué. C'est là le dernier démembrement du Porhoët, le comté même ne comptera plus désormais qu'une châtellenie importante, celle de Josselin.

La mort du roi Henri IV rejeta naturellement le jeune duc, né protestant, dans le parti des réformés, qui étaient menacés de perdre les garanties que leur avait accordées l'Edit de Nantes. Ses talents militaires en eurent bientôt fait le chef du parti en France. Pendant dix-neuf ans, de 1610 à 1629, il dirigea la guerre civile et religieuse avec tant d'activité et d'intelligence que le génie de Richelieu fut plus d'une fois obligé de plier devant lui. Les événements auxquels il présida alors sont uniquement du domaine de l'histoire de France ; malgré tout leur intérêt, nous ne nous y arrêterons pas.

La Bretagne put se féliciter d'être oubliée momentanément de ce fougueux rejeton ; elle resta heureusement à l'écart des sanglantes querelles. La paix signée, Henri de Rohan rentra dans les bonnes grâces de Louis XIII ; mais cependant, considéré un peu comme un objet de défiance, il fut tenu constamment éloigné de la cour, soit comme ambassadeur en Suisse, soit comme général au pays des Grisons et dans la Valteline, et même comme exilé à Venise. On a de lui une foule d'ouvrages sur l'art militaire, des mémoires, des discours, des traités de tous genres, qui le rangent parmi les meilleurs écrivains de l'époque.

« Une rare vigueur de corps et d'esprit ; vigueur telle, a-t-on dit, qu'il pouvait travailler quarante heures sans se reposer, en avait fait un homme aussi propre à concevoir qu'à exécuter les projets les plus hardis. Par son courage et son habileté stratégique attestée par ses campagnes et ses écrits, il est digne d'être proposé pour modèle aux hommes de guerre ; et aucune restriction ne viendrait se mêler aux éloges qu'il mérite, si des motifs d'intérêt personnel, ou des prétextes de religion, ne l'avaient entraîné à provoquer ou à entretenir la guerre civile dans sa patrie. Comme Condé et Turenne, il en fut puni par l'insuccès et, comme eux, il ne fut jamais plus grand que quand il servit son pays contre l’étranger ». Tel est le jugement porté sur lui par Levot ; il s'accorde du reste avec cet éloge que lui fit Voltaire : Avec tous les talents, le ciel l'avait fait naître ; Il agit en héros, en sage il écrivit ; Il fut même un grand homme en combattant son maître, Et plus grand quand il le servit [Note : Henri Martin dit, à son propos, que Richelieu ne desespéra jamais de tourner au profit de l'État cette puissante activité qui avait ébranlé l'État].

Ce comte de Porhoët, le plus éminent de ceux de sa lignée, eut une fin digne de lui ; à soixante-dix ans, il combattait encore à Reinfeld (1638), lorsqu'une blessure le conduisit au tombeau. Son corps fut transporté à Saint-Pierre de Genève. Marguerite de Béthune, son épouse, fille du célèbre ministre, lui avait donné quatre fils et autant de filles ; de tous ces enfants, une seule fille lui survécut. Son nom était Marguerite de Rohan, et d'elle devait sortir la branche des Roban-Chabot.

(Hervé DU HALGOUET).

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