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LES ROHAN-PORHOET (1407-1527). — ALAIN VIII. — ALAIN IX. — LA QUERELLE DE PRÉSÉANCE. — JEAN II ET SES PRÉTENTIONS AU DUCHÉ.

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Marguerite de Clisson, comtesse de Penthièvre, voulut mettre à profit la forte situation laissée par son père et tenter de rétablir la souveraineté des Penthièvre. Elle avait un fils, Olivier de Blois, marié à la fîlle de Jean sans Peur, et rêvait de le voir un jour sur le trône de Bretagne.

Le parti du nouveau compétiteur eut toutes les raisons de croire à la réussite de son plan ; par supercherie Jean V fut fait prisonnier et amené à la capitulation de Chantoceaux, le 6 août 1420. Mais la guerre qui s'ensuivit fut fatale aux vainqueurs du premier moment. Olivier de Blois et les siens furent accablés par une ligue forte de plus de cent quarante-cinq seigneurs enrôlés par le duc.

Le vicomte de Rohan, dit Lobineau, était à la tête de tous ces seigneurs. Il avait été nommé par la Duchesse son lieutenant général, avec les sires de Rieux et de Chateaubriant sous lui, pour commander les troupes, et reçut du prince, après sa captivité, les terres des seigneurs de la vicomte qui avaient refusé de prendre les armes en sa faveur. L'ambition injustifiée de Marguerite de Penthièvre avait donc retourné contre elle, même ses plus proches parents. La condamnation prononcée contre elle et son fils, aux Etats de Vannes de 1421, porta le dernier coup à l'illustre maison dont elle s'était flattée de rétablir la puissance.

Un complot cependant, tramé par les débris du parti de Blois, vint menacer la fin du règne de Jean V. Celui-ci saisit cette occasion de s'assurer de la fidélité de tous les seigneurs, chevaliers, écuyers de Bretagne, dont les serments furent consignés dans les Actes de Bretagne. Ce document forme le tableau le plus complet de la noblesse de cette époque (XVème siècle). Au ressort de Rohan et de Porhoët, l'on y voit : H. de Malestroit, E. de Pengreal [Note : Branche cadette de la famille de Trégranteur], J. de Coëtlogon, J. de Villeaudren, C. de Lindereuc, O. de Timadeuc, G. de Launay, G. du Tertre, O. Le Moenne, O. de L'Avauchaie, E. Boisfeillet, J. Chezant, O. le Corgue, G. des Desers, E. de Blelin, J. Ralo, J. du Pont, G. Baulon, J. Thomas, G. des Buais, J. de la Tousche, G. le Grio, O. Quellent, O. Hasart, P. Belangier, L. Jenchin, P. de Plumaugat, L. de Couellan, A. Jouet-Passe, G. de Kerbu, E. du Boches, J. du Booth, .J. Guiheno, E. de Brehant, G. Fleuryn, O. de la Châtaigneraie, O. de Bonabbe, G. de Coetuhan, A. Destrer, J. du Quengo, G. d'Estuer, G. Gouvo, P. Daen, G. Guite, J. de la Vallée, Ydouart-le-Venour, Eon-Hury, P. Georges, R. Chausse, P. Le Clerc, G. de Poulens, J. de la Tronchaye, O. Le Moenne, O. de Coetuhan, L. le Vistre, J. Pierres, J. Henry, J. des Desers, G. Penerel, J. Tual, J. le Corgne, A. le Tixier, J. Faramus, T. de Cadellac, J. de la Villeaudren, E. de Lindereuc.

C'est du vivant d'Alain VIII, en 1419, que Josselin reçut la prédication de saint Vincent Ferrier, le fameux apôtre du diocèse de Vannes. Le comte lui fit le plus religieux accueil, lui offrit même l'hospitalité dans son château, mais la modestie du saint prédicateur lui fît préférer un toit moins somptueux et où, pensait-il sans doute, la prière lui serait plus facile. Pendant tout son séjour à Josselin, il demeura au prieuré de Saint-Martin. « Le prieur et ses religieux, émerveillés de la sainteté de leur hôte, eurent la curiosité de savoir ce qu'il faisait la nuit dans sa cellule. Ils pratiquèrent des trous dans la cloison et se mirent en devoir d'observer. Ils constatèrent d'abord que le saint missionnaire ne couchait pas dans un lit, qu'il veillait presque toute la nuit et que la cellule était toute lumineuse, bien qu'il n'y eût ni feu ni flambeau allumé. Sur les instances du prieur, le vicomte de Rohan envoya Alain de Covennec et plusieurs autres de ses amis voir le prodige ; tous ont également affirmé que la cellule de Messire Vincent était resplendissante de lumière. On pense si le bruit s'en répandit rapidement en ville et si les conversations allaient leur train. Bref, on ne tarissait pas sur les vertus et la sainteté du missionnaire. Les huit jours écoulés, Vincent céda aux prières du vicomte de Rohan et prêcha encore trois jours, puis il partit dans la direction de Ploërmel » (Le Lys de Notre-Dame, an. 1904).

Le souvenir de son passage dans la capitale du Porhoët se perpétua bien longtemps après sa mort, il y fit plusieurs miracles qui furent consignés dans le procès-verbal de canonisation.

Nous retrouvons un grand nombre d'actes de Jean V (Les archives du temps de Jean V. Bibliophiles Bretons), contresignés d'Alain VIII qui se montra toujours, ainsi que son fils, au rang des plus dévoués, serviteurs du prince et des plus fidèles défenseurs de sa cause.

A la signature du traité d'Angers, le 2 juillet 1417, entre le duc de Bretagne et le dauphin Charles « pour la partie du seigneur de Bretagne sont présents : Richard, Mgr son frère, les comtes de Penthièvre et de Porrohoët, le maréchal de Bretagne, etc.... ». Le lendemain, 3 juillet, le sire de Porhoët assiste au contrat de mariage entre Louis, duc d'Anjou, et Isabelle de Bretagne, fille de Jean V, et y appose son sceau.

C'est encore là, comme le plus souvent, le titre de Porhoët qui prévaut, non qu'il fût le plus glorieux, les Rohan venant d'acquérir celui de vicomte de Léon ; du moins c'était le plus ancien de la famille.

La descendance directe des seigneurs de Léon s'étant éteinte (1363) avec Hervé VIII, dernier vicomte de Léon, les biens de cette maison passèrent à Alain VIII, héritier de Jeanne de Léon, sœur aînée d'Hervé VIII, mariée vers 1349 à Jean I, vicomte de Rohan.

La vicomté de Léon, telle qu'elle était à la fin du XIVème siècle [Note : Les biens en faisant partie étaient considérables. Le Comté, ancien domaine des comtes de Léon, roi des Bretons, avait compris primitivement la plus grande partie du Finistère de nos jours. Mais au XIIème siècle, il avait été scindé par l'habile diplomatie d'un prince étranger, voulant briser dans sa base cette force léonaise qui s'était si énergiquement dressée contre l'invasion que lui-même avait conduite. Geoffroi II (Plantagenet) fit passer sur la tête d'un cadet les seigneuries de Daoudour, Landerneau, Coatméal en Léon, celles de Daoulas, Crozon, Porzai, Quemenet, dans la Cornouaille. La Vicomté ainsi constituée devait survivre au Comté qui s'abima tristement cent ans plus tard dans une ruine définitive consacrée par Hervé V, le dissipateur. « Avec ce malheureux prince, dit Levot, finit cette lignée de nobles barons qui avaient tenu l’épée et le sceptre de la Bretagne dans ses jours les plus difficiles, qui avaient été le rempart de cette indépendance contre les rois francs, ses défenseurs contre les Normands barbares, contre ceux non moins terribles de la race des Plantagenet, et les plus fidèles soutiens des vieux droits et de la nationalité du pays. Leur chute, malheureusement indigne de si glorieuses destinées, fut un grand pas vers l'unité de la puissance souveraine qui acheva plus tard de s'élever sur les ruines des maisons de Penthièvre et d'Avaugour ». Cependant la branche cadette était là pour l'honneur du nom. Elle vécut fastueusement, s'enrichit même par héritage de nouveaux domaines, ceux de Guémené-Théboë (ou Heboi) dont Hennebont était le chef-lieu. Ce fief considérable fut divisé et il en advint trois seigneuries : La Roche Moisan, les fiefs de Léon et de Pontcallec. Ces deux premières furent annexées à la châtellenie de Guémené lorsqu'elle fut érigée en principauté en faveur d'un Rohan, par Charles IX, en 1571], vint donc augmenter la richesse des Rohan-Porhoët ; elle fut érigée en principauté l'année 1572 et ne sortit pas de cette maison jusqu'à la Révolution. Le titre nominal a heureusement survécu et reste encore l'apanage de l'héritier principal des ducs de Rohan.

Alain VIII mourait en 1429, laissant un fils portant le même nom que lui. Béatrix de Clisson, sa veuve, dut consentir, par contrainte, à payer au duc de Bretagne le rachat du Porhoët. Celui-ci n'ayant plus à craindre le bras redoutable du Connétable, ne recula pas devant la lâcheté de reprendre à sa fille la parole qui avait été donnée quelques années auparavant, que le comté serait maintenu dans le privilège de n'être pas sujet au rachat.

Une discussion sur ce sujet était engagée depuis longtemps. Par sentence prononcée à Ploërmel, les terres de Porhoët, avec les juveigneuries de Campénéac et Guilliers, étaient déclarées soumises au rachat. Plus tard, en 1437, intervient un accord entre les deux requérants. Le duc, alors plus conciliant, fait remise à Béatrix et à son fils, le vicomte de Rohan, de l'amende qu'ils ont encourue pour avoir omis de dire dans leur aveu que leur fief de Porhoët était sujet au rachat et, reconnaissant les bons services du vicomte de Rohan, accorde la franchise « du premier rachat qui écherra en ladite terre de Porhouet », c'est-à-dire à la mort de Béatrix, dame de Porhoët. Il nomme même comme capitaine de la place de Josselin, Jean de Keradreux, qui aura pour mission de prendre possession pour lui du château pendant vingt-quatre heures seulement (Archives de la Seine-Inférieure, série E).

Alain IX prit le titre de comte de Porhoët, vicomte de Rohan et de Léon.

Comme dans la lutte des Armagnacs et des Bourguignons, la Bretagne n'hésita pas à fournir d'importants contingents au roi de France, quand l'Angleterre déversa son flot envahisseur sur le royaume. L'année 1449, conduits par le duc et Richemont, par Laval, Lohéac, Guémené, Rohan, la Bellière, Quintin, Rostrenen, Lannandaye, les Bretons tombèrent avec fureur sur l’ennemi, qui était déjà maître de la Normandie, et lui reprirent un grand nombre de places.

Avec Pierre II, revint le calme, son règne fut un règne de paix pour la Bretagne. Cependant, une querelle fameuse allait s'ouvrir dans les rangs de la haute noblesse du duché.

La réunion de l'Assemblée tenue à Vannes en 1451 donna lieu à de violentes discussions entre les deux premiers seigneurs du duché qui se disputaient la préséance à ces Etats : le vicomte de Rohan, qui toujours jusqu'ici avait occupé le premier rang, comme premier prince de Bretagne, et le baron de Vitré qui, fort des droits du nom qu'il portait, prétendait supplanter son rival.

Cette querelle, commencée au milieu du XVème siècle, ne devait point avoir de fin, elle allait se perpétuer avec les descendants de ces illustres familles Rohan et Vitré qui, de temps à autre, faisaient naître de circonstances fortuites de nouveaux éléments de disputes.

Il paraît certain que, dès les premiers temps des Etats, la préséance et la présidence parmi les Barons [Note : Le titre de baron, qui fut donné en Bretagne tout d'abord par les souverains et les grands seigneurs à leurs premiers vassaux et aux gentilshommes de leur service, à partir du XVème siècle, ne fut plus appliqué qu'aux grands vassaux de la couronne, aux pairs du duché. Ces pairs étaient au commencement de ce siècle : Pierre comte d'Alençon baron de Fougères, Olivier de Blois comte de Penlhièvre, Olivier de Clisson comte de Porhoët et baron de Pontchateau, Alain VIII vicomte de Rohan et de Léon, Gui comte de Laval baron de Vitré, Jean de Rieux maréchal de France et baron d'Ancenis, Charles de Dinan baron de Châteaubriant, Raoul de Montfort, baron de la Rochebernard, et Gui de Laval seigneur de Blaison, baron de Rais (D. M.)] réunis en Assemblées générales étaient dues aux vicomtes de Rohan, regardés comme premiers princes du sang de Bretagne. Alain IX et les autres représentants de cette maison, dans la défense qu'ils eurent à soutenir, alléguèrent tout d'abord leur titre de comte de Porhoët et ensuite de vicomte de Léon.

Les prétentions des barons de Vitré semblèrent d'abord injustifiées, puisqu'en 1486 la préséance resta aux Rohan. Jean II, vicomte de Rohan, se trouve qualifié de premier baron de Bretagne dans le béguin du roi Charles VIII.

La perte des anciens registres des Etats ne nous permet pas de retracer toutes les phases de la lutte. Enfin, en 1651, deux siècles après l’Assemblée du duc Pierre, un arrêt vint trancher d'une manière diplomatique, une question aussi difficile ; on décida de la présidence alternative des Rohan et des Vitré.

La rivalité de ces deux maisons amena naturellement des vilenies de toutes sortes. Alain IX fut arrêté subrepticement par le duc Pierre et enfermé au château de Nantes, accusé d'avoir trempé dans le meurtre de René de Keradreux, tué au château de Josselin. Il fut heureusement reconnu innocent et relâché. Le bruit courut que les amis du baron de Vitré, très embarrassé lui-même par l'affaire de préséance, avaient suscité cette arrestation.

Alain IX mourut le 20 mars 1461, après avoir été marié trois fois. En 1407, il avait épousé Marguerite de Bretagne, quatrième fille de Jean V et de Jeanne de Navarre, dont il eut quatre enfants : Alain, comte de Porhoët, qui épousa en 1443 Iolande de Laval et mourut sans enfants en 1454 ; Jeanne, Marguerite et Catherine.

Puis il s'allia à Marie de Lorraine. Celle-ci laissa un fils, Jean, qui à la mort de son frère aîné devint l'héritier de Porhoët. Enfin, il prit en troisièmes noces Perronelle de Maillé.

Alain VIII et Alain IX, premiers seigneurs de Porhoët, de la lignée des Rohan, ont su laisser à Josselin l'empreinte ineffaçable de leur nom, en même temps qu'un souvenir d'art qui égale en richesse les beautés les plus pures de la renaissance. Nous leur devons en effet cette merveille architecturale qui est la façade nord du château de Josselin. La preuve de l'époque de la construction apparaît d'une manière certaine quoique allégorique dans la façade même : « En effet, dit Cayot Delandre, le chiffre d'un A et d'un V entrelacés, qui se trouve répété plusieurs fois dans la devise des Rohan A PLUS, et dans les autres ornements de la façade, révèle le nom d'Alain VIII, vicomte de Rohan ; mais la supposition qu'il est l'auteur de cette construction ne peut être admise qu'à la condition d'en attribuer une part à son fils Alain IX, comme le font supposer les macles et hermines souvent répétées dans l'intervalle des ornementations et qui ne sont autres que les armes Rohan-Bretagne d'Alain IX » (son mariage avec Marguerite de Bretagne lui permit en effet de réunir les armes de ces deux maisons). Voici, d'après le même auteur, l'explication de cette allégorie. « Alain IX épousa Marguerite de Bretagne en 1407, l'année même où mourut Clisson, son grand-père. Alain VIII devint donc à cette époque propriétaire du château de Josselin, du chef de sa femme, Béatrix de Clisson, et il put entreprendre, en continuation des travaux du Connétable, la reconstruction de la façade intérieure. Il mourut en 1429 et son fils, Alain IX, dut achever ce grand et beau travail, sur lequel il mit son écusson. Il faut donc placer cet achèvement dans la période de 1429 à 1462 ». [Note : Certains historiens prétendent que c'est une erreur et que la restauration est due à Jean II de Rohan, époux de Marie de Bretagne (1462-1516)].

Louis XI, qui en 1461 avait remplacé Charles VII sur le trône de France, avait juré de porter un coup fatal aux survivants de la féodalité. Mes deux cousins de Bourgogne et de Bretagne tomberont les premiers, s'était-il dit. Mais étouffer l'indépendance bretonne n'était pas chose aussi facile qu'il pensait. Nous avons déjà vu quelle énergie cette vieille province montrait dans la défense de ses intérêts et de ses aspirations nationales. La levée générale des boucliers ne se fit pas attendre. Derrière leur duc François II, tous les grands chefs se levèrent. Il y avait naturellement le jeune comte de Porhoët, Jean II ; Oudon de la Rochebernard, du Faouet, Gouyou du Quelenec, Beaucorps, Malestroit, les seigneurs de Maure, de Derval et cent autres. Bouillants d'impatience, ils ne purent de pied ferme attendre l'ennemi et s'avancèrent le long de la Loire avec l'intention audacieuse d'atteindre Paris.

Le roi de France, menacé jusqu'au cœur du royaume, ne se troubla cependant pas ; il eut recours à ses moyens habituels : par fourberies et par ruse, il s'efforça de diviser les partis.

Dans un moment de désespoir, la Bretagne se voyant jouée, dut même rechercher l’alliance de l'ennemi juré de sa race, l'Angleterre. La lutte qui s'engagea fut longue. Mais ce qu'il y eut de plus pénible à constater, c'est que malgré tant de courage déployé sur les champs de bataille, le sentiment national s'évanouissait. La querelle entre le duc et ses vassaux qui avait si souvent ensanglanté la Bretagne, allait renaître et absorber toutes les forces vives, incapables alors de s'unir dans un élan chevaleresque, pour chasser hors du duché le Français envahisseur qui voulait à tout prix faire brèche dans cette dernière forteresse féodale. Traités signés avec la France, tantôt par un parti, tantôt par un autre ; paroles données, serments violés ; trahisons et mensonges de tous côtés jetèrent la Province dans un désarroi complet, et lorsque l'élément étranger se fut introduit partout à la Cour et dans le camp du duc ; lorsque les compétitions s'élevèrent pour la main de la princesse Anne, fille de François II, la versatilité des seigneurs et le manque de sens patriotique de leur chef précipita la déchéance. L'œuvre de déséquilibrement général poursuivie par Louis XI avait pleinement réussi. Son fils en recueillit le fruit.

Jean II n'eut guère une conduite plus brillante que la plupart des autres seigneurs ; après avoir suivi François II, il le quitta soudain pour aller grossir les forces confédérées, et bientôt après il s'érigeait en chef de parti, briguant même la couronne que le duc laissait choir.

Le vicomte de Rohan, comte de Porhoët, avait épousé en 1461 Marie de Bretagne, fille du duc François Ier et par là même belle-sœur de François II. Cette alliance le rapprochait évidemment de la couronne puisqu'il était, par sa femme, l'un des héritiers de François Ier. Le duché tombant en quenouille avec la princesse Anne, ce prince, sur l'instigation du maréchal de Rieux et avec l'appui des seigneurs unis dans une foi commune pour la conservation de leurs libertés, se présenta comme l'un des compétiteurs. Le sire d'Albert, le prince d'Orange et lui ne cessèrent d'intriguer et de remuer sourdement la Bretagne. Il s'armait, justement du reste, de l'exclusion prononcée par son beau-père et consacrée par trois règnes, contre l'avènement des filles et se disait issu en droite ligne par les comtes de Rennes, du premier roi Conan de Mériadec. Sa naissance, ses qualités, les charmes de sa personne et de sa fortune [Note : Disons en passant qu'il eut cent mille écus d'or neufs, 22 sols 11 deniers la pièce, pour la dot de sa femme, somme énorme pour l'époque, et à la mort de son beau-père il lui fut adjugé le comté de Montfort, la seigneurie de Neaufle et les baronnies de Chantocé, d'Ingrandes, de Fougères, etc. — outre la moitié de tous les meubles de la maison du duc qui lui étaient communs avec Marguerite, sa belle-sœur — (MORÉRI). C'était donc un puissant personnage] le rendaient digne du trône, mais ses prétentions ne furent pas jugées sulfisamment fondées, comme celles du reste de ses rivaux.

Le duc ne montrait de complaisances que pour les étrangers ; ceux-ci s'érigeaient en maîtres aussi bien à l'armée qu'à la Cour. Ces agissements exaspérèrent les seigneurs bretons, à un tel point, qu'une désertion antinationale se produisit au détriment du souverain de la Bretagne. L'armée royale trouva pour auxiliaires : Rohan, Rieux, Laval, même le baron d'Avaugour, fils naturel du duc.

La délivrance de Nantes par un groupe de fidèles amena une suspension d'armes. Si la Bretagne échappait encore une fois à la domination, elle n'échappait pas à la vengeance des Français. Les armées françaises et bretonnes se retrouvèrent en présence à Saint-Aubin du Cormier, le 25 juillet 1488, jour à jamais fatal pour l'indépendance bretonne. La victoire coûta cher à l'armée du roi, mais elle extermina le parti ducal.

François II, incapable de se relever, se déclara sujet du roi de France et signa la déchéance de son pays le 20 août 1488 [Note : Après la mort de François II qui survint en 1489, la dot de la duchesse Anne fut l'objet de convoitises encore plus ardente que par le passé ; si bien qu'elle se vit menacée tout à la fois d'être enlevée par les Bretons pour Jean de Rohan, par les Français pour la Cour de France et par les Anglais pour le sire d'Albret].

La réunion de la Bretagne à la couronne de Charles VIII mit fin à la lutte et apaisa les dissentiments intérieurs (1491). L'antique royaume de Nominoë n'était plus qu'une province française ! Le comte de Porhoët semble dès lors avoir cherché dans l’administration de ses domaines la consolation de n'avoir pu sauver l'indépendance du duché en prenant la couronne. Il mourut en 1516, laissant quatre enfants : Jacques, premier du nom, qui recueillit le Rohan et le Porhoët ; Claude, qui fut évêque de Cornouaille et vicomte de Rohan après la mort de son frère aîné ; Anne, mariée à un de ses cousins, Pierre de Rohan, seigneur de Frontenai et de Gié, et Marie, mariée également à un parent, Louis de Rohan, quatrième du nom, seigneur du Guémené.

Jean Ier de Rohan, comte de Porhoët, avait épousé Francoise de Daillou, fille de Jean, comte de Lude, mais il n'eut pas de progéniture et mourait sans héritier direct l'an 1527. Il était le dernier rejeton de la branche aînée de Rohan. Un partage s'en suivit, mais les deux fiefs de famille, Porhoët et Rohan, se retrouvèrent sur la même tête, quelques années plus tard. Claude de Rohan, évêque de Cornouaille, eut donc la vicomté de son nom, tandis que sa sœur aînée reçut le Porhoët, qu'elle abandonna à son fils René [Note : La comtesse Anne mourut peu de temps après ce partage. Elle tomba malade au château de Josselin, où elle fit son testament le 22 mars 1528. Elle ordonna que son corps fût inhumé dans l'église Notre-Dame, auprès de la sépulture d'Olivier de Clisson. Comme on travaillait alors à l'agrandissement de cette église, le corps fut déposé en attendant dans la chapelle qu'elle avait fondée (OGÉE)]. La branche cadette des Rohan-Gié [Note : Les Gié étaient une branche cadette des Rohan Guémené. L'auteur de cette branche, dit : le maréchal de Gié, eut de son mariage avec Françoise de Porhoët trois fils ; le premier, Charles, continue la branche aînée ; le troisième, Pierre, commença la branche cadette de Rohan-Gié ; ce même Pierre eut deux fils, dont René Ier] succéda ainsi à la branche aînée.

(Hervé DU HALGOUET).

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