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PLOUZANÉ DURANT LA RÉVOLUTION

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Au moment où s'ouvrait la période révolutionnaire, le recteur de Plouzané, M. Inisan, avait comme curés MM. Jézéquel, Labbé et Nédélec. Il était assisté en outre dans son ministère de deux prêtres habitués, François Goachet et Pierre Le Hir. Ces deux ecclésiastiques étaient originaires de Plouzané. Tous, à la suite de leur recteur, refusèrent le serment à la constitution civile du clergé.

Dès les premiers mois de 1791, M. Inisan se retira à Plounévez-Lochrist en sa famille, puis se cacha à Plouzané jusqu'à la fin de la tourmente. Quant à Nédélec, Labbé, Le Hir, Jézéquel, ce n'est qu'en mars ou avril 1792 qu'ils cessent de se montrer en public. En 1795 ils feront une déclaration de résidence à Plouzané et ne tarderont pas à disparaître à nouveau de la perspective.

François Goachet, arrêté le 28 juin 1791, fut interné au Château de Brest. Quelques semaines plus tard, le 23 juillet, Yves Le Guen, maire de Plouzané, demande au district de Brest de le mettre en liberté, ce qui est, observe-t-il « le vœu des bons citoyens ». Le district fit droit à cette requête et ne tarda guère à élargir le prisonnier (Arch. dép., 21, L. 25).

Entre temps, François Morvan, vicaire de Plougonvelen, prêtre assermenté, nommé curé constitutionnel de Plouzané, avait pris possession de la paroisse le 12 juin 1791. De lui la chanson disait :

An Aotrou Morvan a Plougonvelen
En deus chenchet lezen,
En deus chenchet religion
Evit plizout d'an nation.

La paroisse de Plouzané se fit particulièrement remarquer par l'énergie de sa résistance au schisme constitutionnel, et la délibération suivante du Conseil Municipal de cette commune nous fait assister à une sorte de plébiscite contre l'intrus, dès qu'il voulut empêcher les habitants de recourir au ministère des prêtres fidèles :

« Ce jour du dimanche 30 octobre 1791, les soussignants, maire, officiers municipaux, notables et, en outre, différents particuliers de la paroisse, après avoir pris l'avis du général de cette paroisse au sujet de M. Jézéquel, vicaire de Loc-maria, M. Labbé, vicaire de Plouzané, MM. Le Hi r et Goachet, prêtres, auxquels M. Morvan, curé constitutionnel de cette paroisse, a défendu d'exercer leurs fonctions Ainsi, tout de suite, après la grand'messe, suivant assignation prônale de ce jour, tout le monde, en sortant de l'église, s'est approché de la croix publique. Le signal a été donné que tous ceux qui étaient d'avis que les dits Jézéquel, Labbé, Le Hir et Goachet auraient encore exercé leurs fonctions comme à l'ordinaire, n'avaient qu'à s'approcher de l'église, et ceux qui voulaient que la défense faite par M. Morvan aurait lieu, n'avaient qu'à s'approcher du mur du cimetière, à côté du midi. Au moment après l'explication du signal, tout le monde s'est approché de l'église. En conséquence, avons vu que l'intention de la paroisse, sans doute, est que les dits Jézéquel, Labbé, Le Hir et Goachet continueraient leurs fonctions. Ainsi avons reconnu, et déclarons que pareille défense, faite sans motif allégué, sans nulle accusation formée, est d'abord absolument contraire aux saints canons et à l'usage constant de l'Eglise universelle, qui nous autorisent à choisir, entre les prêtres légitimement approuvés, celui que nous voudrons, même hors de la paroisse, sans avoir besoin pour cela de la permission de notre propre pasteur même, excepté pour le devoir pascal. Or, M. Morvan ne peut pas ignorer que MM. Jézéquel, Labbé, Le Hir et Goachet ne soient prêtres approuvés légitimement pour nous administrer tous les sacrements ; il n'est point en notre connaissance qu'il ait des plaintes fondées à en faire dès que la préférence que nous voulons leur donner sur lui, pour la conduite de nos âmes, nous devenant un devoir de religion même, ne saurait lui fournir un sujet de plainte. En conséquence, nous prions MM. Jézéquel, Labbé, Le Hir et Goachet, prêtres approuvés, de reprendre incessament l'exercice libre de leurs fonctions ecclésiastiques, tant dans cette église que dans toute l'étendue de la paroisse et trève, en faveur de ceux qui voudront avoir recours à leur ministère, regardant la défense à ce contraire à eux notifiée par lettre du dit sieur Morvan, du 21 octobre présent mois 1791, comme nulle et de nul effet, étant faite sans autorité et sans raison et contre toutes les lois, et nous promettons les garantir, tandis qu'on ne pourra point les accuser avec fondement. Délibéré le même jour et an que d'autre part » (Suivent 600 signatures environ).

Mettant en pratique les sentiments si bien exprimés dans cette protestation, les habitants de Plouzané et de Loc-Maria, sa trève, continuèrent à laisser dans le plus complet isolement le curé constitutionnel ; il n'était même pas appelé pour procéder aux enterrements, ce dont il se plaint, le 17 octobre 1791, au district de Brest :

« Je vous dénonce les marguilliers de Locmaria, Jacques Le Gall et Yves Jézéquel, qui ne se sont jamais présentés à moi. Jacques Breton, petit marchand du bourg de Locmaria, tient chez lui des cantiques bretons qui vont directement contre la Constitution, et qu'on publie chez lui à tout le monde [Note : Nous donnons en appendice une chanson bretonne de l'époque contre M, Morvan]. Les enfants de Hervé Ernot, de cette trève, auxquels j'avais fait toutes sortes de bonnes propositions, ont enterré leur père dimanche dernier, dans le cimetière de l'église de Locmaria, sans ma présence ni celle d'aucun prêtre. J'y fus, cependant, quand je le sus, et je fis les prières ordinaires. Je vous prie, Messieurs, de remédier à ces abus, ou je serai forcé de quitter cette paroisse ».

En revanche, les prêtres non assermentés de la paroisse, se sentant appuyés par la municipalité, réclamaient, le 21 novembre 1791, leur traitement au Département. Le district de Brest prenait l'arrêté suivant au sujet de cette réclamation audacieuse :

« Vu la lettre en forme de pétition des sieurs Jean Labbé et L.-M. Nédélec, se disant vicaires de la paroisse de Plouzané. En date du 10 de ce mois, adressée au Département pour réclamer le traitement de vicaire de la paroisse de Plouzané ;

Le Directoire instruit que les anciens vicaires et prêtres non conformistes, surtout dans les campagnes, ne portent aucun secours ni assistance à leurs curés constitutionnels ; qu'au contraire ils se font un devoir de les mépriser et de les méconnaître ; qu'ils ne s'occupent que des moyens de leur susciter des querelles et des rixes de la part de leurs paroissiens ; que de ce nombre on peut compter avec sûreté les sieurs Labbe et Nédélec ;

Cependant, les municipalités des campagnes, gagnées par leurs prêtres non assermentés, ne se font aucun scrupule de leur délivrer des certificats attestant qu'ils sont fonctionnaires publics et qu'ils remplissent exactement leurs fonctions ; c'est ainsi, sans doute, que les pétitionnaires surprennent des certificats à la faiblesse de leur municipalité ;

Pour déjouer les manœuvres de ces prêtres, ennemis jurés de la Constitution, et les machinations de leurs faussaires et trop faibles protecteurs, le Directoire a pris la résolution de refuser constamment le traitement des soi-disants vicaires et prêtres non assermentés, qu'au préalable ils ne lui présentent un certificat en bonne forme de leurs curés constitutionnels ;

Est d'avis que les sieurs Labbé et Nédélec soient privés de leur traitement depuis le jour de l'installation du sieur Morvan à la cure de Plouzané, jusqu'à ce qu'ils aient fourni un certificat de leur curé constitutionnel ».

Celui-ci continuait à se voir complètement laissé de côté. Force était pourtant de recourir à lui pour les enregistrements de naissances et de décès, car l'état civil n'était pas encore confié aux municipalités. De là conflit, car le curé se refusait, par exemple, à constater le décès lorsqu'il n'avait pas procédé à l'enterrement. C'est dans ce sens que Morvan écrivait, le 26 novembre, au district de Brest :

« Jean Le Moigne vint me dire, le 30 octobre, que la veille un de ses enfants était mort, et me dit, devant deux témoins, qu'il était inutile d'aller faire la levée du corps, car on ne serait pas venu après. Quand ils ont fait sonner les cloches, je suis allé à l'église. En passant, j'ai vu les parents jeter la terre dans la fosse. J'ai retourné chez moi ; on est venu me sommer de faire le rapport. Je le refuse, ne sachant pas ce qu'on avait fait de l'enfant en question. On m'a dit, depuis, que c'est une famille honnête ; mais je sais qu'elle n'a pas été honnête à mon égard ».

Ce jour même où le sieur Morvan portait plainte au district de Brest, le Département prenait son fameux arrêté du 26 novembre, qui allait remplir de prêtres fidèles le château de Brest, en attendant qu'on prît contre eux des mesures plus graves. Aussitôt cet arrêté connu, la chasse aux prêtres commença dans tout le département ; mais, de ce moment aussi, les paroisses s'organisèrent pour essayer de protéger les prêtres non assermentés en qui seuls ils avaient confiance. Les pièces suivantes vont nous montrer, pour la paroisse de Plouzané, le détail de cette organisation, suffisante pour parer à un coup de main des patriotes et pour favoriser la fuite des prêtres, mais assurément trop faible pour résister à l'envoi de forces régulières.

Le 27 janvier 1792 les citoyens Duby, aîné, et Dassard, de Recouvrance, adressaient la plainte suivante au district de Brest :

« Messieurs, partis de Brest, samedi 21, pour aller passer quelques jours chez un de nos amis ; la mauvaise saison, qui rend les chemins de ces côtés presqu'impraticables, nous fit coucher au bourg de Plouzané, où nous arrivâmes à la nuit tombante. Nous logeâmes dans une auberge. Quelle fut notre surprise, le lendemain au matin, de voir, à notre lever, une troupe de paysans armés qui investirent la maison, sans en donner aucune explication.

Entendant la messe sonner, nous sortames pour aller à l'église l'entendre ; la troupe nous suivit jusque dans l'église, où ils se placèrent à gauche et à droite de nous ; toutes les portes et issues furent gardées par des hommes aussi armés. Dans le même temps, nous eûmes connaissance d'un prêtre réfractaire qui se disposait à dire la messe, nous commençâmes à craindre pour nous ; nous sortames sur le champ sans entendre la messe. Au sortir de l'église, nous fûmes arrêtés, nous disant qu'il fallait parler à la municipalité. A 10 heures, on nous fit paraître ; leur ayant nommé les particuliers chez lesquels nous allions, le maire nous répondit que nous pouvions continuer notre route, nous invitant de payer à la troupe chacun un demistié de vin, à quoi les paysans répondirent qu'ils nous le feraient bien payer, quand même nous ne le voudrions pas ; ils nous conduisirent à l'auberge, où l'on nous obligea à payer notre amende. Ces faits sont vrais et nous n'avons pas cru devoir nous taire ».

De son côté un nommé Lafosse de Brest écrivait le 31 janvier 1792 au district :

« Claude Ollivier, tailleur, de Plouzané, est venu me prier de rédiger sa plainte au district. Les citoyens de Plouzané, où il a son domicile, ne veulent point l'y souffrir, parce qu'il aime les lois nouvelles et qu'il a tâché de ramener aux principes de la tolérance ceux de ses camarades qui n'étaient qu'égarés. On lui en a fait un crime, et pour l'en punir des hommes armés l'ont recherché avec soin, mais heureusement sans fruit, pour lui faire éprouver un traitement que la justice, n'approuverait pas. Il habite Plouzané depuis seize ans. Le fanatisme de ces hommes entourés d'erreur le prive en un instant du fruit de sa peine, en l'empêchant de continuer ses ouvrages dans un lieu où il avait ses habitudes... ».

Le 22 mars 1792, Mével, procureur de la commune de Saint-Renan, écrivait au district :

« Je vois avec la plus vive douleur s'accroître, de jour en jour, en cette ville et dans les paroisses voisines, le nombre des ennemis de la Constitution. Les prêtres réfractaires de Plouzané et le vicaire de Lampert en Ploumoguer font journellement des prosélytes et prêchent, sinon ouvertement du moins clandestinement, la discorde et la division. A l'approche de la Pâque, vous rendriez le plus grand des services à cette commune et aux paroisses voisines en faisant arrêter incessamment les sieurs Labbé, Nédélec, Le Hir et Gouachet, de Plouzané, et surtout le sieur Trébaol, vicaire de Lampert; ce dernier, entr'autres, attire vers lui la plupart de nos co-habitants... » [Note : Dans la nuit du 14 au 15 février 1792, quatre personnes de Brest se présentèrent chez M. Gouachet, se disant cavaliers de la maréchaussée. Ils enlevèrent « entre autres choses, des papiers de conséquence ». Le prêtre porta plainte aux officiers municipaux, qui en référèrent au district].

Autre plainte de la municipalité de Saint-Renan :

« Aujourd'hui 10 avril 1792, s'est présenté devant nous officiers municipaux à Saint-Renan, Vincent Luslac, clerc praticien de cette ville, lequel a déclaré que ce jour il est allé à Plouzané avec Pierre-Marie Faucheux et Jean-Marie Souchon, de Recouvrance. Aussitôt qu'ils ont été aperçus à l'entrée du dit bourg par un grand nombre d'hommes placés dans la tour, on a crié : « Arrête ! Arrête ! ». Tout à coup sont intervenus quarante ou cinquante hommes armés de fusils, qui leur ont donné l'ordre de se rendre au corps de garde ; interrogés pour quelle cause ils étaient venus à Plouzané, ont dit que c'était pour voir leur grand'-mère ; ils ont été libérés sur cette réponse. Le sieur Luslac étant allé se promener dans le bourg, il a été de rechef arrêté avec défense d'en sortir, de peur qu'il n'eut été l'avant-courrier des gardes nationaux de Brest destinés pour la capture des prêtres de la paroisse. Aussitôt les hommes apostés dans la tour ayant crié qu'ils apercevaient trois autres étrangers, les personnes assemblées dans l'église en sont sorties ; cinquante hommes armés se sont mis en marche pour découvrir s'il n'arrivait pas d'autres gardes nationaux, et, au même moment, la messe finie, deux cents hommes armés de fusils ont investi le bourg pour faire forte résistance à tout bon patriote qui aurait voulu y parvenir. Enfin, le sieur Luslac a été mis en liberté et s'est devant nous transporté pour faire la présente déclaration ».

De leur côté, les citoyens François et Pierre Faucheux et Jean Souchon, de retour à Brest, faisaient une déclaration analogue au district, ajoutant les détails suivants :

« Ayant exposé les motifs de leur présence à Plouzané, le procureur de la commune leur dit : « On vous a pris pour des espions de Brest. Comment osez-vous venir dans notre paroisse sans un billet du district. Ici nous sommes les maîtres, nul ne peut nous empêcher de faire nos volontés. Où voulez-vous aller ? ». Sur ce qu'ils leur témoignèrent le désir d'entendre la messe, le dit procureur de la commune les y autorisa avec peine. Ils se rendirent à l'église ; la messe étant finie (c'était le mardi de Pâque), il virent les sieurs Nédélec, Goachet et Labat, prêtres non assermentés, qui catéchisaient les paroissiens sur les moyens à employer en cas que la force armée s'avisât de venir les prendre. L'un d'eux, le sieur Nédélec, en recommandant la prudence, les invita à se tenir prêts en cas d'attaque, leur disant qu'il était temps de soutenir la religion de leurs pères. En sortant de l'église, le peuple, s'adressant à eux, leur conseilla de ne pas reparaître avec des habits de coquins et de scélérats (le sieur Faucheux avait l'uniforme de garde national), parce que la nation n'avait que des misérables à ses ordres. Ayant des affaires au manoir de Kerusaz, huit hommes les accompagnèrent, leur notifiant de ne pas s'écarter de leur chemin. Ces sbires vomirent contre les déposants et contre les habitants de Brest les injures les plus sales, en disant que les paroisses voisines se joindraient à eux pour mettre les habitants de Brest à la raison, et du nombre des conduits ils savaient qu'il y en aurait de ceux qui veulent arrêter leurs prêtres, ils les mettraient dans le cas de ne plus y revenir. Les déposants ayant terminé leurs affaires au village, la même garde les escorta jusqu'au bourg où, y étant, on les congédia de la manière la plus indécente, en leur disant : « Vas-t-en porter de nos nouvelles à Brest ». Ils observent que depuis quinze jours, sept à huit cents paysans s'arment tous les soirs, sous le commandement du procureur de la commune, dirigés sans doute par leurs prêtres réfractaires, dans la crainte de voir arriver la garde nationale de Brest ».

Le 13 avril 1792, l'infortuné curé constitutionnel exposait au district les injures dont on l'abreuvait, ajoutant qu'il craignait pour sa vie :

« Ce jour 13 avril 1792, je déclare que ce matin, environ les six heures, Jean Peton, de Locmaria, est venu chez moi, m'a vomi toutes sortes d'injures ; il a voulu me prendre pour me mettre hors de la maison, disant que je n'étais rien dans la paroisse, que je ne savais rien ; il se mettait en devoir de se jeter sur moi pour m'écraser, on l'a arrêté.

Mardi 27, disant la messe dans l'église de Plouzané, plus de cinquante enfants qui étaient dans le cimetière, qui faisaient semblant d'entrer dans l'église, m'insultaient pendant tout le sacrifice. La messe finie, je sortis par une porte opposée à celle auprès de laquelle ils se tenaient ; malgré tout, lorsque je sortais du cimetière, ils vinrent après moi et me jetèrent des pierres, en continuant toujours leurs insultes. Un nommé Labbé, ci-devant vicaire de Plouzané, et Goachet, prêtre, me dirent que bientôt on aurait purgé le pays des patriotes, ils se tenaient auprès du cimetière pendant toute cette scène. Tous les habitants de Plouzané et de Locmaria, qui ont l'air seulement d'être patriotes, sont insultés par les autres, qui sont en plus grand nombre ; ainsi personne n'ose plus se déclarer citoyen.

Le marguillier en charge de Locmaria, où je fais le service comme y étant logé, a pris les clefs des ornements et croix de l'église, et ne vient les donner ni dimanches ni fêtes ; ils m'ont cependant laissé quelques vieux ornements. On a menacé le sonneur de cloches de Locmaria de le priver de tout traitement parce qu'il m'assistait.

Je déclare, de plus, que je ferai ma démission de curé de Plouzané, si on ne peut pas me donner de sûreté pour ma vie et surtout dans mes fonctions ecclésiastiques ».

La lettre suivante de Renaud, capitaine des grenadiers, au district de Brest, en date du 14 avril 1792, nous donne de curieux détails.

« Quelques personnes qui demeurent dans la paroisse de Plouzané, d'autres qui y passent très souvent, et qui craignent par cette raison de se faire connaître, m'ont rapporté ce qui suit :

Tous les dimanches, à dix heures du matin, quarante à cinquante hommes armés vont chercher les prêtres réfractaires, les amènent à l'église, les gardent pendant la messe et les reconduisent. Le prêtre qui fait le prône, nomme les quarante qui doivent faire le service la semaine suivante.

Lorsqu'il y a quelqu'un à confesser, quatre fusilliers vont chercher un prêtre pour le conduire chez le pénitent.

Dans beaucoup de maisons, on s'est approvisionné de poudre et de balles, plusieurs en ont jusqu'à 25 livres.

On annonce que l'armée des émigrés est déjà en France, qu'ils viennent de donner du secours aux prêtres, et que pour la Pentecôte ils seront en leurs places, et on se propose bien de ne pas permettre aux patriotes d'entrer dans l'église.

Il y a eu, pendant les fêtes de Pâques, quatre ou cinq cents hommes armés qui assistaient à l'office et se répandaient ensuite en patrouille, tirant de temps à autre des coups de fusils. Ils font tout cela, disent-ils, par ordre du district.

Mercredi dernier, à quatre heures du matin, on a trouvé quatre hommes, portant fusil et cocarde blanche, faisant patrouille.

A l'auberge de Plouzané, on a trouvé quatre hommes aussi armés, qui ont dit qu'il y avait eu pendant la nuit environ quatre cents hommes à cette auberge. Ils comptent, au moindre coup de tocsin, être secourus par les paroisses de Ploumoguer, Locmaria, Guilers et la moitié de Recouvrance.

Les employés des douanes sont les seuls patriotes ; ils commencent à craindre pour leur vie, et une de leurs femmes a été faire ses pâques à la messe des prêtres réfractaires, par terreur » (Arch. dép., 10, L. 99).

De Saint-Renan, le 13 avril 1792, Laligne écrit au district de Brest :

« Chers collègues, des ouvriers de Saint-Renan, travaillant sur la paroisse de Plouzané, ont rapporté que les habitants s'attendaient hier à voir arriver chez eux la force armée, ce qui a donné lieu à un rassemblement de plus de trois mille hommes armés, qui se fit, dit-on, dans un instant, par le moyen de coups de fusil tirés par des gens apostés de distance en distance, ils sont en pleine insurrection et tout à fait décidés au combat. Il est plus que temps de prendre contre les habitants de cette commune des mesures de rigueur ».

Le même jour, le district de Brest prenait l'arrêté suivant :

« Les rapports multipliés parvenus au Directoire l'ayant convaincu que la commune de Plouzané est en pleine insurrection...

Considérant que puisque le fanatisme lève la tête et s'offre de lui-même au combat, tous les intérêts se pressent pour le terrasser ;

Considérant que la plus odieuse manœuvre des ennemis du bien public est de lasser le courage et le civisme des ecclésiastiques assermentés, de les contraindre, à force de dégoûts, à déserter leurs saintes fonctions, pour en prendre prétexte de verser des larmes hypocrites sur la prétendue profanation des autels et l'impossible subversion de la religion de nos pères...

Le Directoire arrête d'envoyer, de moment à autre, en la paroisse de Plouzané, un détachement combiné des troupes de ligne de terre et de mer au nombre de six cents hommes, avec deux pièces de canon, pour y tenir garnison aux frais solidaires des membres du Conseil général de cette commune.

Le détachement ne désemparera pas qu'aux conditions préalablement exécutées : 1° du payement des deux tiers des contributions de 1791 ; 2° du payement des frais de l'expédition militaire ; 3° du resaisissement des munitions et armes à feu ; 4° de la remise des maires et procureurs des communes de Plouzané et Locmaria, ainsi que des principaux auteurs des troubles, notamment des sieurs Gouachet et Le Hir, prêtres, et de Jean Petton, du bourg de Locmaria... ».

Le 17 avril 1792, le district de Brest écrivait au Département :

« Le détachement de six cents hommes, parti d'ici dimanche 14, a été reçu à Plouzané et Locmaria sans opposition ; tout s'est bien passé, à quelques dégâts près commis par la troupe.

Toutes les conditions imposées aux deux communes ont été remplies, à l'exception, néanmoins, de la remise des prêtres non conformistes, dont elles ont prétexté ignorer le domicile actuel, mais qu'elles se sont engagées à faire connaître, si elles parvenaient à le découvrir.

Le détachement est réduit d'aujourd'hui à soixante-quinze hommes, qui eux-mêmes seront vraisemblablement de retour pour vendredi ou samedi ».

Cette expédition n'était pas de nature à faire agréer avec plus d'empressement les services du curé constitutionnel, aux plaintes duquel on pouvait à bon droit attribuer en grande partie l'envoi de la force armée et les frais qui en étaient la conséquence. A peine les derniers soldats avaient-ils quitté la paroisse, que le sieur Morvan renouvelait ses doléances au District :

« La commune de Plouzané se plaint amèrement des marguilliers en charge : Jean Léost, de Lenvel-Bian ; Jean Jézéquel, de Coatquelen ; François Marc, de Coatédern, et Laurent Labbé, de Kerléven, en Locmaria. Hier, aucun d'eux ne se présenta pour leur service, il n'y avait ni croix pour la procession, ni cierges allumés, ni pain bénit, suivant la coutume. Le dit Léost fut dans la sacristie quelque temps avant la grand'messe, défendit au sonneur de cloches d'assister à mes services, m'appelant impie, avare, ainsi que tous ceux qui ont prêté serment. J'implore votre secours pour les faire rentrer dans le devoir ».

Ce fut peu de temps après, dans le courant de juin, que la commune de Locmaria et plusieurs paroisses du Bas-Léon résolurent d'adresser au Roi une supplique pour lui demander la liberté des prêtres non assermentés et la liberté pour elles-mêmes de recourir aux prêtres de leur choix dans leurs besoins spirituels.

Cette supplique ne parvint pas au Roi et fut saisie au mois de septembre.

Le citoyen Morvan fut maintenu à Plouzané au risque d'essuyer encore maintes avanies. Le 27 décembre 1792, il se voyait menacé de n'avoir plus de bedeau patriote comme lui :

« La municipalité de ce pays, écrivait-il, qui cherche tous les moyens de me faire de la peine, fâchée de ce que j'ai, depuis ma prise de possession, le 12 juin 1791, été constamment assisté, jusqu'à ce jour, par défunt Jacques Kernévez comme bedeau, et après lui par Yves Lars, son mi-fils, a formé le projet de me ravir la consolation d'avoir à mon service un bedeau patriote... Sachant que l'arrêté du Département du 26 juin 1792 ordonne aux municipalités de faire aux fabriques pourvoir aux frais d'un bedeau aux églises paroissiales, les officiers municipaux de cette trêve ont comploté et même dit, afin de nuire au dit Lars, qu'ils feraient mettre, pour dimanche prochain, la place de bedeau à l'encan au rabais, pour tâcher de me procurer un mauvais citoyen pour sacristain... ».

La question du bedeau ne dut pas être tranchée à l'avantage de l'intrus, et l'année suivante, le 24 juin 1793, Laurent Labbé, maire de Locmaria, demandait à l'administration un crédit de 400 livres pour frais du culte, ajoutant malicieusement :

« Si nous devons payer le bedeau de nos propres deniers, nous nous verrons obligés de prier notre curé constitutionnel, le citoyen Morvan, de sonner lui-même les cloches, de nettoyer la lampe, les roues de l'horloge, de balayer l'église, blanchir les nappes d'autel, de faire le pain à lui nécessaire pour le saint sacrifice, de répondre lui-même sa messe, de porter le fanal quand il ira donner la communion à quelques malades, de porter les reliques, la vierge et la bannière dans les processions, de creuser les tombeaux, etc... ».

La Terreur allait se charger d'exempter le sieur Morvan de tout ce service, en supprimant toute subvention à quelque culte que ce soit [Note : Les documents qui précèdent sont cités d'après PEYRON (Documents pour servir, tome I, pp. 170-185)].

Le 25 octobre 1793 des gendarmes de Saint-Renan, au cours d'une perquisition faite chez un nommé Lareur, de Plouzané, y trouvèrent sa sœur, religieuse d'une communauté de Saint-Pol-de-Léon, qu'ils mirent en arrestation.

Le 24 novembre, sur la demande par écrit de Pierre Dessay, chef du détachement du 3ème bataillon des Côtes-du-Nord, en cantonnement à Plouzané, eut lieu la fête de la plantation de l'arbre de la liberté. A deux heures de relevée, après les vêpres, chantées par le curé Morvan, et suivies du Te Deum, on mit le feu à un bûcher dressé au milieu du cimetière, aux cris de « Vive la Nation, vive la République », au bruit des décharges répétées de la mousqueterie de la granison.

Sous la Terreur, au risque de sa vie, M. Goachet reste caché dans la région. En 1794 il bénit des mariages de personnes ayant leur domicile à Plouzané, Plourin, Lamber, Saint-Renan, Saint-Pierre-Quilbignon, Guiler, Ploumoguer. L'année suivante ce sont des personnes habitant Plouzané, Lamber, Plourin, Saint-Renan, Saint-Pierre-Quilbignon, Brest (Archives de Saint-Renan).

Le 19 germinal an III (8 avril 1795) il se présente aux officiers municipaux de Plouzané et ceux-ci déclarent qu'il n'a pas quitté la commune, s'est présenté à eux tous les trois mois, et n'a porté aucun obstacle à la république. Vers la même époque il demande à fixer sa résidence à Plouarzel (Archives de Plouzané).

La détente qui se produisit à la faveur de la réaction thermidorienne amena la reprise du culte catholique au cours de l'année 1795. En germinal an III plusieurs prêtres se présentèrent à la maison commune de Plouzané pour faire leur déclaration de résidence.

Le 21 germinal (10 avril 1795) ce sont : Jean Labbé, Pierre Le Hir, Louis Nédélec et Jean-Claude Inisan qui manifestent l'intention de demeurer à Plouzané. A défaut de leurs photographies, voici leurs signalements :

Labbé : « Taille d'environ cinq pieds ; cheveux, sourcils et barbe châtain ; figure ovale et marquée de petite vérole ; front large ; yeux gris ; nez épâté ; bouche grande ; lèvres grosses ; menton rond ».

Le Hir : « Taille d'environ cinq pieds ; cheveux, sourcils et barbe châtains ; front ouvert ; figure ovale et brune ; yeux gris ; nez épâté ; bouche grande ; la lèvre inférieure un peu grosse ; menton rond ».

Nédélec : « Taille d'environ cinq pieds un pouce ; cheveux châtains, mêlés d'un peu de gris ; sourcils et barbe blonds ; figure ovale, brune et beaucoup marquée de petite vérole ; yeux bleuâtres ; nez court et gros ; bouche moyenne ; lèvres grosses ; menton rond ».

Inisan : « Taille de cinq pied ; figure pleine et bien colorée ; cheveux gris ; yeux bruns ; sourcils blonds ; barbe grise ; nez mince ; bouche petite ; menton rond ».

Le 22 germinal se présente Laurent-Marie Oaleneur, ci-devant recteur de l'Ile-Molène, se disant âgé de 43 ans passés, « taille de cinq pieds quatre pouces environ ; visage ovale, brun et marqué de petite vérole ; front plat ; yeux gris ; nez ordinaire ; bouche grande ; menton rond », lequel déclare son intention de se retirer, dès qu'il pourra, à l'Ile-Molène.

Le 23 germinal c'est au tour de François-Gabriel Lareur, originaire de Plouzané, ci-devant vicaire de Saint-Pierre-Quilbignon, lequel déclare se retirer à Plouzané « Taille d'environ quatre pieds onze pouces ; visage ovale ; front plat ; yeux gris ; cheveux, sourcils et barbe châtains, mêlés de quelques poils gris ; nez grand, bouche ydem ; menton ordinaire » (Archives de Plouzané).

Le 30 juillet 1795 Labbé, Nédélec, Le Hir, Goachet et Lareur se déclarent disposés à exercer le culte catholique et romain à Plouzané et Locmaria. Ils travailleront à la concorde et à la paix, sous l'observation expresse qu'ils ne communiqueront spirituellement ni n'auront de temples communs avec les prêtres assermentés...

Le 19 floréal an V (8 mai 1797) M. Goachet était dénoncé au district de Brest par le commissaire du canton de Saint-Renan, dans les termes suivants :

« Goachet, prêtre réfractaire de Plouzané, exerce journellement depuis qu'il lui a été permis de rentrer ; il réside chez Tarsec, cultivateur, président de la commune cantonale de Plouzané, demeurant à deux portées de fusil de Saint-Renan.

Là, le jour de Pâques, les dimanches et fêtes, environ les 2 et 3 heures du matin, des rassemblements considérables de trois à quatre cents hommes et femmes y ont lieu pour assister à la messe de Goachet qui s'est adjoint Prévot, de Guiler, et Trébaol, de Lamper ; on y a confessé une quantité prodigieuse de monde, dans une maison à four et dans une grange.

Goachet fait faire des menaces aux patriotes qui n'iront pas à la messe, qu'ils ne vendront aucune espèce de marchandise, etc...

Ils refont les baptêmes et mariages faits par les assermentés, fiers de l'appui du président du canton, et encore plus de la liaison qu'ils affectent d'avoir avec Amabric, commissaire du pouvoir exécutif de Saint-Renan... » (Archives de Saint-Renan. - Cf. D. BERNARD, Notes et Documents, p. 93).

Deux ans plus tard, le 26 juillet 1799, M. Goachet fut arrêté par la gendarmerie de Saint-Renan, et, le 6 août, l'administration centrale arrêtait qu'il serait détenu provisoirement dans la maison d'arrêt de Quimper, et que l'on écrirait à l'administration municipale de Plouzané pour obtenir des renseignements sur son compte. Et voici, à la date du 22 août, la réponse des municipaux de Plouzané à cette demande de renseignements :

« Nous avons reçu votre lettre du 21 thermidor concernant François Goachet prêtre, qui vient d'être conduit par la gendarmerie nationale en maison d'arrêt de Quimper ; vous nous enjoignez de prendre les plus amples informations sur son compte, et de vous en faire part le plus tôt possible ; il résulte, citoyen, des renseignements que nous nous sommes procurés, qu'il a été fonctionnaire ecclésiastique comme simple prêtre, qu'il a résidé dans la commune de Plouzané jusqu'à l'an 3, ce qui est constaté par la soumission qu'il avait fait à cette époque devant les officiers municipaux de cette commune, en présence de quatre témoins certifiant qu'il n'avait point quitté la commune ; qu'il n'a exercé le ministère de son culte que dans le temps qu'il était libre à tous les prêtres de l'exercer moyennant la soumission ; qu'il n'est jamais parvenu à notre connaissance qu'il ait en rien troublé l'ordre public. En l'an cinq il fut atteint d'apoplexie accompagnée d'une paralisie sur la langue, et on le fit aller à se faire électriser à l'hospice principal de la marine à Brest par le c. Sabatier, qui ne l'en put guérir et qui annonça même que la dite maladie était incurable ; qu'il a résidé depuis 1791 dans cette commune sans que nous lui connaissions de domicile fixe. Nous joignons à la présente une pétition que vous adresse le frère du détenu, nous la trouvons fort juste et vous prions d'y avoir égard. Salut et fraternité » (Archives de Saint-Renan. - Cf. D. BERNARD, Notes et Documents, p. 93).

Le 18 septembre 1799, François Goachet fut l'objet d'un nouvel arrêté. Considérant que ses infirmités l'exemptent de la déportation, l'administration centrale décide qu'il sera détenu en la maison d'arrêt de Quimper (Daniel BERNARD, Notes et Documents, pp. 233-239).

Pourquoi faut-il que ce vaillant confesseur de la foi soit tombé sous l'interdit ecclésiastique dès les premières années du XIXème siècle (Lettre de M. LABBÉ, recteur, à l'Evêché, du 15 octobre 1816) ? Il mourut au bourg de Plouzané, note M. Bernard, le 23 décembre 1832 qualifié de prêtre interdit (Bulletin Diocésain, 1941, p. 66).

Le 30 mai 1800, Labbé, Nédélec, Larreur et Le Hir s'empressent de déférer à l'ordre du général Debelles, commandant l'aile gauche de l'armée de l'Ouest et choisissent comme domicile les trois premiers Plouzané, le dernier Locmaria. Le même jour Jean-Claude Inisan déclare se fixer à Locmaria. Etant privé de la vue, il ne peut signer le procès-verbal.

Le 25 juillet 1801 Labbé et Nédélec prêtent serment de fidélité à la Constitution de l'an VIII « sauf la Religion Apostolique et Romaine » (Archives de Plouzané).

Plouzané sous la Révolution : chanson (Partie 1).

Plouzané sous la Révolution : chanson (Partie 2).

Plouzané sous la Révolution : chanson (Partie 3 et Fin).

(H. Pérennès).

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