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Prééminences de l'église de Plougonven.

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En 1678 et 1679 eut lieu la réformation du domaine royal en la sénéchaussée de Morlaix-Lanmeur. C'était une des mesures fiscales imaginées par Colbert et destinées à faire rentrer le plus d'argent possible dans les coffres passablement démunis de l'Etat. Aussi le commissaire délégué, François Bouyn, sieur de Rains, conseiller-maître à la Chambre des Comptes de Bretagne, mit-il dans l'acquit de sa charge une âpreté et une rigueur qui durent lui valoir des éloges en haut lieu. Il exigea des fabriques de Plougonven, comme de ceux des autres paroisses du ressort, une déclaration des maisons, fiefs et terres nobles qui lui fut fournie, le 28 juillet 1678. Cette déclaration, qu'il eut été intéressant de connaître, n'existe plus ; celle des fabriques de Saint-Eutrope, en date du 31 août 1681, est conservée aux archives du Finistère.

Le 31 juillet 1679, maistre Bouyn vint à Plougonven ouvrir une enquête sur de soi-disant usurpations faites par « des vassaux et domaniers des terres et convenantz nommées les Terres du Duc » dans la frérie du même nom. Assisté d'un juge, de priseurs et d'huissiers, il visita d'abord le convenant Ty-Bouillen, appartenant au sieur de Goascaradec Le Bigot, puis la montagne dite Kervillien ou de Trogloz « où avons remarqué, écrit-il, au milieu et dans les issues de ladite montagne quantité de bleds ensemencés, sur quoy ayant interpellé lesdits convenanciers de déclarer en vertu de quoy ils disposaient de ladite montagne, ont déclaré qu'elle estoit vague et commune, et que lorsque quelques particuliers y faisoient semence de bleds, ils payoient la 5ème gerbe aux receveurs du domaine du roy, ce qu'ils ont toujours fait et offert de faire, à quoy les avons assujettis à perpétuité.

Et advancé dans ladite montagne avons trouvé au bas d'icelle, sur un ruisseau séparant les paroisses de Plougonven et de Scrignac, aux eveschez de Tréguier et de Cornouaille, le moulin du roy dit de Trogloz, auquel sont subjetz lesd. convenanciers et auquel est moulinier Yves Le Diourizec, audessoubz duquel est autre moulin appartenant au sieur de Coatélant Collin qu'il prétend dépendre de sa terre et convenant de Launay... et avons ordonné qu'il eut à nous communiquer ses titres justifiant du choit et propriété dudit moulin.

Et près dudit moulin nous ont fait voir quantité de terre accatique et non arabe entre deux ruisseaux, dite la garenne de Trogloz ou Kervillien, dont ils ont de tout temps disposé comme de leurs convenants en payant les rentes ordinaires et extraordinaires, et que pourtant ils sont troublés dans leur jouissance par les convenantiers de Scrignac, surtout par ceux de Kerloaz-huellaff et Lannouëdic, qui prétendent avoir droit et titre pour la possession de cette garenne, et disent que les paroissiens de Scrignac jouissent des terres depuis le moulin de Trogloz jusques à la croix nommée Quillauroux et au Roudourven, et les deffendent aux paroissiens de Plougonven, bien qu'ils en payent la taille ».

Le commissaire ordonna que les gens de Scrignac fussent assignés pour communiquer leurs titres de prétendue propriété, avec défense de troubler jusque là les paroissiens de Plougonven sous les peines de droit, puis il condamna les divers tenanciers des 18 convenants qui, selon la réformation de 1455, appartenaient au duc, à payer dorénavant des rentes et cheffrentes proportionnées à la superficie des terres usurpées. Les priseurs avaient estimé le journal de terre froide cerné de fossés à 20 sols de revenu, et le journal de terre froste ou vague à 6 sols 8 deniers. Sur cette base, maître Bouyn taxa les convenanciers de Guersauzon, Goazven, Liorzic, Le Guern (Launay), Keranforz Bihan et Kerbouillen-Kersauson à des redevances variant de 100 à 5 sols, ainsi qu'aux arrérages de 29 années. Cette dernière exigence surtout dut être une calamité pour beaucoup de ces pauvres diables qu'elle obligeait à trouver et payer comptant une somme relativement importante, sous peine de saisie.

En retour, il les autorisa « à faire escobuage et à jouir des droits de champart dans les issues, landes, montagnes, vallées et terres frostes... parce qu'ils laisseront la 5ème gerbe », et défendit aux paroissiens de Scrignac de les troubler ni d'y faire escobuage à peine de 30 livres d'amende.

François Bouyn ne dut point emporter de son expédition, avantageuse, il est vrai, aux finances publiques, les bénédictions et la gratitude des habitants de la frérie au Duc. On le vit réapparaître à Plougonven le 9 octobre 1679 ; cette fois il en voulait, non plus aux paysans, mais aux seigneurs, et il venait faire état et procès-verbal des prééminences possédées par ceux-ci dans l'église paroissiale, afin de pouvoir frapper d'amende les gentilshommes qui ne sauraient justifier de leurs droits par titres valables. La même opération se répéta dans toutes les paroisses de la sénéchaussée, et le résultat en fut consigné sur un magnifique in-folio de parchemin, aujourd'hui déposé aux archives du Finistère, très précieux à consulter, parce qu'il fait revivre à nos yeux l'ancienne physionomie de tant d'églises actuellement disparues, rebâties ou tristement mutilées.

Suivons donc pas à pas le commissaire réformateur dans sa minutieuse visite. Il commence ses opérations par la maîtresse vitre, dont le tympan contient 37 écussons. Le premier et le plus éminent, timbré d'une couronne de marquis, porte d'argent à l'aigle éployée de sable, becqué et membré de gueules ; ce sont les armes de la terre de Kerloaguen, possédée alors par Françoise Le Cozic, douairière de Kersauson et dame présidente de Bonamour. Seize écussons des mêmes armes, avec diverses alliances, se partagent la moitié des soufflets, et, le reste est occupé par treize blasons des Le Lagadec de Mezédern, d'argent à trois trèfles d'azur, pleins ou en mi-parti.

Dans le sanctuaire existent quatre bancs dépendant des manoirs de Kerloaguen, de Lesven, de Goasvallé et de Mezédern. A droite, sous la seconde arcade du choeur, est une tombe armoriée et un banc à accoudoir et prie-Dieu, possédés par les Penfeunteuniou, seigneurs du Cosquer. Au 3ème pilier de droite s'appuie un autel dédié à Saint-Efflam et timbré des armoiries des Goudelin, seigneurs de Kerloaguen au XVIème siècle : d'azur à l'épée d'argent garnie d'or. Au-dessous, un jubé « entrecoupé » ou à claire-voie ferme le choeur, près d'un banc appartenant à M. de Lezormel, seigneur de Penarstang. A gauche du maître-autel, une pierre tombale élevée dépend de la terre de Corvez, vendue par les seigneurs de Coatélant-Plourin à ceux de Mezédern.

La première chapelle au haut du bas-côté gauche, dédiée à Saint-Joseph, est possédée par les seigneurs de Kerloaguen, dont, la chapelle domestique a le même vocable. La seconde chapelle a pour patrons Sainte Marguerite et Saint Gildas ; elle appartient aussi à la terre de Kerloaguen et montre dans son vitrail, ainsi que sur ses clefs de voûte, l'épée héraldique des Goudelin. En face, contre le troisième pilier du choeur, il y a l'autel de Saint-Erasme, avec un banc timbré de l'aigle des Kerloaguen.

Dans la troisième chapelle, vouée à Saint-Yves, le vitrail renferme plusieurs écussons aux armes des Dinan et des Laval, anciens seigneurs de Disquéou et de Bodister, des Le Lagadec de Mezédern, Salaün de Lesven, Morice de Guernarchant, du Méné de Goasvalé. La propriété de cette chapelle est prétendue par le sieur du Bois Bonnemetz, marchand à Morlaix, qui vient d'acquérir le manoir de Guernarchant. Dans la nef, au quatrième pilier, s'adosse un autel dédié « à Saint Goulven (sic), patron de la paroisse », et flanqué d'un banc indivis entre les familles Salaün de Kermoal et Le Lagadec de Mezédern.

La quatrième et dernière chapelle est celle de Notre-Dame de Pitié, fondée jadis par les seigneurs de la Tour et contestée par la dame de Kerloaguen au sieur de Partevaux, acquéreur du manoir, Le pilier situé en face soutient l'autel de Saint-Sébastien, accompagné d'un banc aux Le Lagadec de Mezédern. Enfin, près des fonts baptismaux, sous une arcade armoriée, est la sépulture des seigneurs de Corvez, dont les écussons émaillent la fenêtre voisine.

L'inventaire de cette aile achevée, Maître Bouyn remonte au haut du bas-côté droit ; il y trouve, dans la première chapelle, deux autels dédiés, l'un à Saint-Roch et Saint-Laurent, l'autre à Saint-David ou Divy. Le premier dépend de la terre de Keraudren, le second de la terre de Penarstang, qui a ses armes au blason parlant des de La Tour : d'azur à la tour donjonnée d'or, sur le vitrail et les écussons de l'enfeu pratiqué dans la muraille, où repose depuis 1593 l'évêque François de La Tour.

La chapelle suivante, celle de St-Eloy, appartient aux seigneurs de Mezédern ; ils y ont une tombe haute sous voûte et un banc. Vient ensuite la chapelle de Rosampoul, qui abrite l'autel du Saint Rosaire, et dont M. du Parc de Kergadou, conseiller au Parlement de Bretagne, revendique la propriété. La troisième chapelle, sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste, partage par moitié ses prééminences entre les seigneurs de Kerloaguen et ceux de Penarstang. La quatrième chapelle dépend du manoir de Goasvalé et a pour patronne Sainte-Anne. On y voit en divers endroits le blason des du Méné : de gueules à la fasce d'argent surmontée d'un lambel d'or et des Salaün : d'argent à la hure de sanglier arrachée de sable, seigneurs de Goasvalé aux XVème et XVIème siècles.

Dans la nef, le commissaire note les trois autels de Saint-André, St-Germain et Saint-François « lesquels autels ont esté faitz par des prestres et ne sont armoyez, non plus que les piliers de ladite nef, hors le premier dans lequel est un calice ». En sortant par le porche du bas, il remarque à la clef de voûte un écusson écartelé de Kerloaguen et de Goazpern, et au-dessus de la porte celui de Goazpern plein qui porte : d'or au lion de gueules accompagné de sept billettes d'azur. Ces dernières armes, soutenues de deux lions et timbrées d'un casque, décorent aussi le pignon du porche latéral, et tout à l'entour de l'église est une lisière de grands écussons peints chargée des armoiries de Kersauzon (de gueuzes au fermail d'argent), de Kerloaguen et alliances.

Cette lisière se retrouve sur les murs « de l'église appelé la chapelle de Christ ou sainct Sauveur sittuée sur le cimitière du costé du midy ». Dans sa principale vitre sont divers écussons des Morice Guernarchant, Salaün et du Méné de Goasvalé, et devant le marche-pied de l'autel, il y a plusieurs dalles sur lesquelles sont sculptées les mêmes armes. Le bras de croix de gauche est prohibitivement prétendu par le sieur de Mezédern. Dans celui de droite est une grande fenêtre à deux panneaux et plusieurs roses dans lesquelles sont les armes des Goazpern du Cosquer en alliance avec celles des Le Floc'h, Pinart, Lezormel, de La Tour et Jourdain de Kerverzic (Archives du Finistère. A. 19).

L'église de Plougonven existe encore à peu près telle que la décrivit François Bouyn en 1679, et malgré de déplorables remaniements et suppressions, on y retrouve en maints endroits les traces de ses vieilles prééminences seigneuriales. Mais la chapelle de Christ a été totalement rebâtie en 1745 sous une forme maussade et pauvre qui n'a rien laissé subsister du passé.

Le 31 août 1681, le sieur de Rains se fait fournir par les fabriques de Plougonven et de Saint-Eutrope une nouvelle déclaration de toutes les maisons et terres de la paroisse, tant nobles que roturières, pour servir à « la confection du papier terrier et refformation du dosmaine de Morlaix » (Archives du presbytère). (L. Le Guennec).

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