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Plougonven : paroisse, domaine congéable, quevaise, impôts et corvées.

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Ce chapitre d'histoire militaire et seigneuriale nous a conduit jusqu'en plein régne de Louis XIV ; il convient de retourner sur nos pas, de revenir au quinzième siècle d'où nous sommes partis, et d'étudier, à la lueur des quelques rares documents échappés à la destruction, l'état de la paroisse en cette période qui, si l'on en croit les chroniqueurs, fut prospère et florissante jusqu'aux désastres de la fin du règne du duc François II. Si nul grand fait historique ne s'est passé sur le territoire de Plougonven, il faudrait plutôt l'en féliciter, en vertu de l'adage bien connu sur les peuples heureux. Mais plusieurs noms locaux se rencontrent mêlés aux évènements marquants de l'époque, à la cour des ducs et aux armées. Des Garspern, des Kerloaguen combattent avec Richemont, Richard de Bretagne, Jeanne d'Arc peut-être, pendant la guerre de Cent ans. Un Garspern flétrit son blason en prenant rang parmi les geôliers et les bourreaux du malheureux prince Gilles de Bretagne (1450). Un Kerloaguen encore, prévôt de l'hôtel du duc en 1484, s'honore au contraire en refusant au tout-puissant ministre Pierre Landais de l'aire périr le chancelier Chauvin de la Muce, emprisonné par ordre de François II et dont il avait la garde. Un Keraudren reprend la ville de Redon sur les Français en 1488 et les oblige à renoncer au siège d'Hennebont.

Toutefois les annales d'une paroisse, pour être complètes, ne doivent point relater exclusivement, les faits et gestes de sa noblesse et de son clergé. Le peuple aussi exige de n'être pas oublié, lui qui a tant peiné pour les deux autres ordres, lui qui constituait le premier et le plus solide brin de cette corde symbolique dont les compagnons de la Frérie Blanche de Guingamp ceignaient leurs reins, lors des processions. Fun tri neud'zo diez da terri (Un câble à trois fils est difficile à rompre), disait leur devise. Depuis, une force fatale a désuni le triple lien vivant, et chacun des trois ordres de cette antique société féodale si puissamment entrelacée demeure aujourd'hui isolé et affaibli.

Considérons donc la paroisse dans la seconde moitié du quinzième siècle. L'église en est le centre, non point seulement religieux, mais aussi administratif, car le « corps politique » unit aux attributions de nos conseils de fabrique celles de nos conseils municipaux, et gère les affaires communes avec une liberté, une vigueur, une décision que ne connaîtront jamais nos modernes édiles, si servilement, soumis à l'esclavage préfectoral. Les mesures qui intéressent la paroisse sont discutées le dimanche matin après le prône, soit dans la nef, soit sous le porche. Les prêtres et les gentilshommes émettent et défendent leur opinion, mais leur suffrage n'est point prépondérant, et les décisions sont prises à la majorité des voix. L'assemblée élit chaque année deux fabriques — en 1492 c'étaient Yvon Corvéou et Robert an Corvez — celui du dehors et celui du dedans. Le premier s'occupe de la perception des impôts et fouages, de la levée et l'équipement des francs-archers, des rapports avec les autorités ducales. Le second se charge des affaires de l'église, dépenses cultuelles et d'entretien, recette des rentes et des aumônes, vente des offrandes en nature. Le seul contrôle est, celui de l'évêque de Tréguier, qui examine hâtivement et ratifie les comptes des fabriques en faisant ses tournées pastorales. L'église est la maison de tous et chacun y a sa place, Le choeur appartient au clergé, qui en assûre l'entretien. Le peuple dispose de la nef : il la maintient en bon état et y a ses tombes. En 1472, Marguerite Le Borgne donne à la fabrique le Prat-Goasmoyec, à Trélesquen, pour acquérir une sépulture. Enfin les bas côtés sont aux seigneurs qui, moyennant une légère rente, obtiennent la concession de tombes qu'ils placent dans des chapelles particulières, sous des voûtes surmontées de fenêtres dans lesquelles ils font peindre leurs armoiries et les images de leurs saints patrons. Jean Morice, sieur de Guernarchant, donne ainsi à l'église, en 1463, un pareffart ou quartier de froment de rente en échange d'une sépulture. Le seigneur de Keraudren offre en 1478 deux quartiers de froment de rente, moyennant qu'on lui accorde 5 tombes, l'une au choeur, 3 autres dans la chapelle Sainte-Catherine et la dernière « devers le vieu aultel de Monsieur Saint-Yves ». Ce droit, s'appellait le poullage, du mot breton poul, trou.

Les seigneurs du fief suzerain de Bodister plaçaient leur blason au sommet de la maîtresse-vitre, sous celui du duc ; immédiatement après venaient, les armes des seigneurs de Gaspern, qui disputaient à ceux de Bodister le titre de fondateurs de l'église. Plus bas encore, les principales familles nobles de la paroisse, les Kerloaguen, Lagadec de Mezédern Keraudren, etc., apposaient, leurs armoiries en qualité de bienfaiteurs. On voit en 1406 Henry, seigneur de Kerloaguen, léguer à l'église une rente d'un quartier froment sur le Parc-Henry, près du bourg, pour fournir à perpétuité le pain bénit de chaque dimanche.

Un seul des actes originaux relatant les legs faits à l'église au quinzième siècle est parvenu jusqu'à nous. C'est un titre notarié sur vélin, passé devant la cour de Morlaix le 6 février 1492. Morice Guéguen y donne « a Nostre Dame de Pitié, de lad. paroesse de Ploegonven... ung boeseau de froment dû a chacun jour et feste de Monsieur Saint Lucas, à paine du double, par Thomas Guéguen, sur le convenant ou il demeure au terroir de Micquel, l'alant quérir aud. convenant... pour estre mis et amploié par les fabriques d'icelle paroesse a aider a entretenir les ornements et les réparations de lad. eglise a l'avenir et à prier Dieu pour led. Morice, ses parents et amys..., et dud. boeseau s'est led. Morice demis, devestu et desaisi, et en a mis, met et institue lad. Nostre Dame en la personne desd. fabriques, en possession et saisine... Gréé en l'ostel Hamon le Du, ou il demeure a Mourlaix le 6e jour de febvrier l'an mil IIIIc. IIIIxx douze. Signé : Le Noir, passe - H. Le Du, passe ».

A part la réserve des manoirs et quelques parcs ou prairies dont les seigneurs jouisaient par mains, toutes les terres, nobles et roturières, de la paroisse étaient des convenants francs ou domaines congéables à l'usement de l'évêché de Tréguier. Ce mode de tenure, dont on fait remonter l'origine aux temps des émigrations bretonnes, réglait d'une flacon très large, très libérale et très avantageuse aux populations rurales les droits respectifs du propriétaire et du domanier. Le premier possédait le sol ; au second appartenait tout ce que son travail avait pu y créer et y établir : édifices, clôtures, cultures elles-mêmes avec leur ensouchement. Le propriétaire se réservait une redevance annuelle, invariable et généralement très peu élevée, ainsi que la faculté de congédiement, qu'il n'exerçait presque jamais d'ailleurs, à la condition de rembourser à son domanier, selon l'évaluation. d'experts, la valeur de ses superfices. « Je ne sache pas, écrit Du Châtellier, qu'il ait été fait nulle part et en aucune partie du monde, de conditions plus belles et plus solides aux hommes qui se sont appliqués à la culture d'un fonds qui ne leur appartenait pas » (Du Châlellier - L'Agriculture et les classes agricoles de Bretagne, 1863, p. 27).

Aux archives paroissiales je n'ai pas trouvé de baillée convenancière du XVème siècle, mais les Archives du Finistère m'ont fourni (fonds de Kersauson, E. 325) un acte de 1488 indiquant les rentes dues au seigneur de Keraudren par ses domaniers de la Villeneuffve et de Keroudanet, Jehan Thépault payait pour sa tenue 25 sols et 4 quartiers froment ; Yvon Larhantec, 4 quartiers et demi froment ; Jehan Floch 6 sols 4 deniers et 4 quartiers froment ; Yvon Marec, 4 sols. Rien de cela ne paraît exorbitant. Les redevances de l'époque d'Henri III, d'Henri IV et de Louis XIII ne surpassent d'ailleurs point sensiblement celles du temps de la duchesse Anne. En 1540, Yvon Rolland payait au seigneur de Kerloaguen, sur son convenant à Kerangueven, 35 sols, 2 quartiers froment, 2 cheffz de poulaille et 1 journée de corvée. En 1594, le convenant Poulfoën, à Michael, devait au seigneur foncier 5 boisseaux froment et 5 sols monnaie. Vers 1640, la rente convenancière du convenant Kermoric était de 7 quartiers froment, 1 renée seigle, 3 renées avoine grosse, 4 chapons, 6 poulets, 20 livres beurre et 14 livres 2 sols par argent [Note : Un quartier valait 2 renées. Une renée valait 2 boisseaux. (Compte de 1761). Un boisseau équivaut à 32 litres].

Toutefois, certaines terres, dans les fréries de l'Abbaye et du Duc, étaient tenues sous l'usement particulier du monastère du Relec, à titre de quevaise. D'après cet, usement, le plus jeune des enfants mâles du tenancier défunt, ou à son défaut, la plus jeune des filles, avait seul droit à l'héritage en immeubles de ses pères. Les autres frères et soeurs ne pouvaient prétendre à aucune compensation. Si le détenteur mourait sans enfants légitimes, la tenure retournait tout entière au propriétaire du fonds, à l'exclusion de tout héritier collatéral. Mais à sa descendance en ligne directe était assurée la possession perpétuelle de la quevaise, dite encore convenant non congéable.

L'abbaye du Relec avait en Plougonven 9 quevaises à Kergorre, 10 à Kerioumeur, 5 à Kergréis et 6 à Kerléoret (Aveu du temporel de l'abbaye du Relec en 1683. Archives de Lesquifiou). La redevance globale du village de Kerioumeur était de 12 livres 13 sols, 8 quartiers avoine, 9 chapons, 10 poules, 200 oeufs, 10 corvées de foin, 10 saumurages, 2 charrois de bois et la dîme à la septième gerbe. On nommait saumurage l'obligation, pour le quevaisier, d'aller une fois l'an, avec son cheval, chercher une charge de vin, de sel, ou de provisions pour le monastère, à Morlaix ou à Penpoul. Il recevait en échange sept miches de pain frais et 20 sols monnaie à son retour. Sa femme en couches avait droit aussi à deux pains de l'abbaye et un quart de vin.

Les terres nobles étaient exemptes de taille et de fouage. Ce dernier impôt, établi au quatorzième siècle, était assis dans le principe à raison de 20 sols par feu, étendue de 70 journaux (environ 33 hectares) de terre arable roturière. Le recouvrement s'en effectuait par les soins du fabrique, assisté d'égailleurs, mais responsable vis-à-vis des agents ducaux. Cet impôt n'avait rien d'écrasant, et, mieux réparti, il eut été dérisoire. Plus sérieuse était la dîme ecclésiastique due au recteur. Elle atteignait les gros blés (froments et seigles) et les menus blés (avoine, blé noir ou millet), souvent les lins et les chanvres, les légumes ou les fruits, parfois les jeunes animaux. La quotité variait à l'infini, depuis la 3ème jusqu'à la 40ème gerbe. Je n'ai pu découvrir celle qui était usitée à Plougonven.

Dans une pièce de procédure de 1768, le recteur Messire Olivier Le Guichoux déclare que l'usage ancien et immémorial de la paroisse l'autorise à lever un droit de prémice sur chaque particulier, lequel droit consiste en 8 brassées du meilleur blé. Le décimable est maître d'acquitter ce droit, en donnant, en lieu et place des 8 brassées, un boisseau de blé mesure de Morlaix. En échange, on laisse un de ses champs labourés exempt de dîme. C'est donc une prémice réelle qui tient place de dîme, puisqu'elle exempte un champ ensemencé (Archives du Finistère, 242 G. 9).

La corvée seigneuriale ne pesait pas très lourdement, dans la paroisse, sur les vassaux des divers fiefs. La coutume la fixait, en Bretagne, à 3 journées de charrois, 3 journées de chevaux et 3 journées à bras. Mais à Plougonven, il est seulement question de 3 journées, sans doute d'un homme et d'un attelage. Les domaniers de Kerloaguen étaient aussi tenus d'aider à faire les foins du seigneur et ses charrois de bois et de vin. Par ailleurs, les vassaux devaient porter leur blé à moudre au moulin de leur seigneur et suivre sa cour de justice, lorsqu'il en possédait une, comme ceux de Bodister, Garspern et Rosampoul.

Somme toute, la condition des classes rurales semble n'avoir pas été aussi misérable qu'on le prétend. Le paysan convenancier était un homme libre, vivant en bons rapports avec les minces gentilshommes campagnards qui partageaient à peu près son existence et se contentaient, pour affirmer leur supériorité sociale, de certaines satisfactions d'amour-propre : une tourelle accolée à leur modeste manoir, une prière nominale au prône du dimanche, quelques écussons sculptés sur l'arcade des tombes ou peints sur verre dans les fenêtres de l'église. Ils couraient les foires, les pardons, les marchés, hantaient volontiers les tavernes, et parfois, excités par le vin, se montraient agressifs et batailleurs. De nombreuses pièces de l'admirable collection des Gwerziou de Luzel, relatent des querelles sanglantes, éclatant ainsi à l'occasion de fêtes champêtres, pardons ou aires-neuves, dans lesquelles le penn-baz du manant a souvent raison de l'épée du seigneur. (L. Le Guennec).

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