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Plougonven au XVIème siècle : legs, dons, testaments, moeurs.

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Les documents se font moins rares vers la seconde moitié du XVIème siècle. La plupart sont naturellement d'ordre religieux : testaments, fondations, legs au clergé ou à la fabrique. Certains de ces dons ont une affectation déterminée, tels que les 2 sols de rente qu'Yves Le Corvez, de la Boissière, offre en 1554, « pour ayder à la réparation de l'esglise » sur Parc-Croaz-an-Calvez, ou les 8 sols 4 deniers de rente légués en 1586 par Pierre Crassin sur Parc-Nevez, à Guerguiniou en Plouigneau, « à condition d'entretenir 5 pilletz (cierges) de cire flamboyants par chacun jour de dimanche et festes solempnelles durant le canon de la messe devant le Crucifix ».

D'autres legs sont faits à des confréries. C'est ainsi que le 9 février 1532, noble Guy de la Tour, intervenant à l'acte prônal qui règle le fonctionnement de la confrérie de Saint-Yves et fixe les messes et services à célébrer sur son autel, lui cède un quartier froment de rente en échange d'une prière nominale. En 1579, Hervé Larcher enrichit la confrérie de Notre-Dame de 14 deniers de rente sur son convenant à Kerhervé ; en 1599, Pezronnelle de Goudelin, dame du Roualze et de l'Isle, lègue à la confrérie du Sacre, pour un service solennel le jeudi de l'octave du Sacre, un champ dit Parc-an-Rochigou, terroir de Lesmoualch, que la fabrique baille immédiatement, à domaine congéable moyennant un quartier froment de rente.

Beaucoup de ces actes, dont le contexte est souvent si curieux, n'existent plus qu'à l'état de brèves analyses, dans le vieil inventaire. Parmi ceux, très peu nombreux, qui survivent en original, on peut noter la donation faite « à la fabricque de Nostre-Dame de l'esglise parroissielle ae Ploegonven », le 25 mai 1559, par Guyon Le Saoult et Loyse Pezron sa femme, demeurant, « au terrouer de Roudouzhilly », lesquels « estant sans hoirs procréés de leur chair... ont donné, baillé, cédé, livré, délaissé, et transporté a ladicte fabricque... scavoir est la moictié d'ung pré appelé Parc-an-Brigant, assis et sitte au treff de Lanléanou, cerné... des terres de sieurs de Keraudren et de Guerdavid et d'aultres endroicts d'une lande et frostage joignant le chemyn menant de Pont an Cozmelin au village du Coitvoult, lequel pré a été acquis par ledit Guyon Le Saoult de feue Jehanne Le Brigant et de Missire Yves Bertou, prebtre, son fils ». Après la mort de ladite Loyse, son mari jouira sa vie durant de l'autre moitié du pré « en payant aux héritiers dudit Guyon ce qu'elle sera trouvé valoir ».

De plus, Loyse Pezron ordonne qu'à son décès, une somme de 30 livres monnaie soit prise avant tout partage sur sa moitié des biens meubles communs entre elle et son mari, et « baillée à ung homme de bien pour estre promptement employée et myse pour faire ses obsèques et funérailles et célébrer des messes à son intention et pour les ames de ses parentz et amys trespassés ou a trespasser ». On distingue dans cette clause la méfiance toute trégorroise d'une tante à héritage vis-à-vis de ses neveux. L'acte est passé « par devant les courtz de Mourlaix, Bodister, Garzspern et chacune, en la maison de la demeurance de Barbe Le Lagadec proche, l'église parroissielle de Ploegonven ». Il est signé de Ph. Pezron, prêtre, à la requête des donateurs, et de J. Le Lagadec et J. Le Rouge, notaires. (Archives du presbytère de Plougonven).

Comme pendant à cette largesse roturière, se voie celle d'un gentilhomme, « noble homs Rolland du Garzspern, seigneur du Coskaer et y demeurant en la paroysse de Ploegonven ». C'est un très bel acte sur vélin, en date du 24 février 1589, et d'une calligraphie magistrale, qui débute par la formule : In Nomine Jesu. Le seigneur du Cosquer comparaît devant Maîtres Le Rouge et du Garzspern, notaires des cours de Bodister et Plougasnou, et déclare « bailler à titre de donaysson yrévocable à james à la fabrique de l'églisse paroyssielle de... Ploegonven » représentée par Jehan Beaumanoir et Jehan Tily, fabriques, « scavoir est ung parc et piesse de terre nomé parc Derien estant situé es mettes et terrouer de Trelezquen, tenu a tiltre de convenant de seigneur à home franc et congéable a l'usemant et gouvernement de l'évêchyé de Tréguier par Jehan Janven pour en payer de pansion et rente annuelle a checun jour et terme de Monsieur Sainct Michel Mondegargane la somme de 5 soulz monoye par argient et une renée fromant mesure de Morlaix ». (Archives du presbytère de Plougonven).

L'inventaire mentionne encore, en 1586, la donation faite d'un boisseau froment de rente par Catherine de Keraudren, dame de Garsanquenquis, et la fondation, en 1591, par Marie de Rochuel, dame de Keranlivet, d'une chapellenie d'une messe basse hebdomadaire, sur deux pièces de terre à Kermoric.

Un seul testament du XVIème siècle subsiste aux archives paroissiales sous forme de copie ancienne ; c'est celui, daté du 14 septembre 1584, de demoiselle Catherine Thorel, dame propriétaire de Rosgustou (en Garlan) et douairière de Kerguemarec. Elle habitait Saint Melaine de Morlaix et demande à être inhumée dans l'église de cette paroisse Cent écus seront employés à ses obsèques, y compris le service de jour et an, « sans toutefoys user de superfluité et pompes funéraires mondaines ». Elle lègue à Saint-Melaine 4 livres de rente sur une maison, en la paroisse au devant de la croix appelée vulgairement la Croix au Laict — à l'hôpital de Morlaix, pour participer aux prières des pauvres, un parc Lescouarch en Ploefur (Plufur). — à la chapelle N. D. de la Fontaine, 1 quartier froment rente sur le Parc Croes Polart, au Ouinquizou en Plougasnou. — à l'église de Plougonven, un parc au Bois de la Roche en Garlan, — à l'église de St-Martin, 2 écus — au couvent de St-Dominique, 3 écus « a estre employés en toeilles pour servir aux ornementz de l'église », — plus 20 sols monnaie à chacune des chapelles de St-Jacques (en St-Mathieu), de St-Fiacre (St-Fiacre, en Plourin), de St-Oguestin (St-Augustin, en St-Martin), de St-Nicolas (en St-Melaine), de Ste-Genoffefe (Ste-Geneviève, en Ploujean), et de Ste-Katherine (à la Villeneuve, en St-Martin).

La pieuse testatrice avait une soeur cadette, Michelle Thorel, « carente de sens », c'est-à dire privée de raison. Aussi prend-t-elle souci de recommander le soin de la pauvre folle à l'une de ses nièces, Anne Thorel, dame de Lantrennou, « qu'elle prie de la remplacer, la supliant d'accepter ladite charge et de traiter sadite soeur bien doucement et humainement, joint le beau bien et revenu qu'elle aura après le décès de ladite testatrice, ce que ladite dame de Lantrennou a promis faire et s'acquiter selon Dieu et sa possibilité ».

Les pièces qui concernent les affaires temporelles du corps politique sont peu nombreuses. Je relève dans l'inventaire une transaction passée entre Phélippes Bourven, procureur de la paroisse en 1549, et Gilette de Keresperts, douairière de la Tour, par laquelle celle-ci cède à la fabrique un convenant à Kerstrat, valant par an 40 sols, 5 renées fromant et 3 corvées. En 1554, Tudoal Pezron, Yvon Bourven et Jean Le Saoult sont procureurs pour la fabrique. Le premier acte prônal dont on ait gardé le texte est du 23 juin 1574. Il a de l'intérêt, car il fait connaître la composition du corps politique et nous le montre dans l'exercice de ses fonctions. On y voit, présents :

« Jehan Le Roux et Charles Mat, procureurs fabriques de l'église parochielle de Ploegonven.

Missire Eutroppe Le Goff, prebtre et curé soubz noble, vénérable et discret Monseigneur Me. Francoys de la Tour, par la grace de Dieu evesque de Cornouaille et recteur de ladite paroesse.

Nobles homs Rolland du Garzspern, seigneur du Cosker, escuyers Jehan Le Rouge, sieur de Kergoazou, François de Locrist, sieur du Quistillic, Jullyen de Kerloaguen, sieur de Garzanquenquis.

Me. Guillaume Morvan, Jehan et Tugdoal Pezron, Yvon Le Lappoucze, Jehan Le Saoult de Guertuzvoal (aujourd'hui Guerdual) et Guyon son frère, autre Jehan Le Saoult, de Kergroas, Jehan Le Mynec, Guillaume et Jehan Morvan son frère, Hervé Larhantec, Geffroy Loscun, Guyon Nycollas, Hervé Le Lay, Jehan et Robert Corymon, Jehan Bourven, Hervé Guyon, Yvon Madec, Moricze Le Hemellyat, Pierre Le Corvez, Guyon Larhantec, Pierre Le Saoult du Corvez, Yvon et autre Yvon Le Galvoedec, Hervé Bourven, Thomas Guéguen, Jehan Lyvollant et plusieurs autres, quieulx et checun d'eulx o la plus saine et maire voix de ladite paroesse, congrégés au prosne de la grande messe dominicalle pour ouyr l'office divin et traicter des affaires de leur église ».

Le but de la délibération est de conclure un échange avec Hervé Queynec, posseseur de la tierce partie de ce Parc an Brigant dont la moitié a déjà été donnée à la fabrique par Guyon Le Saoult et sa femme, en 1559, et qui offre de céder cette portion à la paroisse contre d'autres terres d'une valeur équivalente.

« Les dits nommés, estant et faisant la plus saine et maire voix convenus estre audit prosne et en ladite parroysse », décident d'accepter la proposition de Queynec et de lui donner en retour « la tierce partie du parc dit an Beusidou, au terrouer de Guerhuelvez, tenu du fief de Bodister ». Le contrat, passé aussitôt devant les notaires des cours de Morlaix et de l'official de Tréguer et Plouegastel, est signé : Salaun — Y. Le Rouge — F. Le Rouge — Queynec — G. du Garzspern — Goff, pbre. (Archives du presbytère).

La vie semble avoir été douce et facile en Basse Bretagne au XVIème siècle, malgré certaines épreuves telles que l'épidémie de peste qui, en 1564-65, désola Morlaix et sa région, et les incursions des Anglais en 1522 et 1558. Mais quelques points du littoral souffrirent seuls de leurs ravages, et, alors que le reste de la France était déchiré par les guerres de religion, une paix profonde régnait chez nous, particulièrement dans l'évêché de Tréguier, qui ne comptait qu'une seule famille protestante, les Kergariou, entraînés à l'hérésie par leurs parents les Quélennec. Aussi les témoignages de cette quiétude et de ce bien-être sons-ils encore tangibles dans la multitude d'églises, de chapelles, de croix, de fontaines, de manoirs, de maisons paysannes du XVIème siècle qui font aujourd'hui l'ornement et le charme de nos paroisses rurals. A Plougonven, après l'achèvement de l'église et la restauration de la chapelle du Christ, les confréries de N. D. de Pitié et de Saint-Yves firent élever au milieu du cimetière un calvaire monumental qui porte la date : 1554. Au même moment, la famille Le Lagadec reconstruisit son manoir de Mézédern, daté au portail : 1553. Ceux de Kerloaguen, du Cosquer, de Goasvallé, de Penarstang, de la Tour, en sont à peu près contemporains, autant qu'on en peut juger d'après leurs restes.

Il n'est pas jusqu'aux métairies et aux convenants de l'époque qui ne se distinguent par la robustesse étoffée de leurs murailles, la hardiesse de leurs pignons éguillonnés, c'est-à-dire garnis de chevronnières saillantes, le petit souci d'art que dénote toujours quelque détail ; une accolade au linteau des fenêtres, une gorge à l'archivolte de la porte, deux consoles moulurées soutenant la grande cheminée de granit.

Un acte des archives du Finistère nous fait assister à la création d'un de ces convenants. C'est le contrat par lequel, le 8 février 1576, Charles Le Galloédec, demeurant en la métairie de Rosampoul, et procureur des seigneur et dame de Carné, baille en leur nom, à Olivier Douemy et Jeanne Floch sa femme, 1 pièce de terre chaude, 2 parcelles de pré et 2 petites garennes au terroir de Garsanbellec, pour les tenir à titre de domaine congéable de seigneur à homme, moyennant une rente annuelle de 4 quartiers grosse avoine et 4 chapons « o la faculté octroyée ausditz preneurs de faire bastir et construire maison et logeix pour eulx, famyle et bestiall, a l'endroict où ils le trouveront plus commode ». — « Le gré prins au lieu et placze que on a de coutume faire les exploictz et banyes de justicze près le cymettière de Plougonven » (Archives du Finistère, E.324).

Il s'agit là d'une toute petite tenue. Celle, bien plus considérable, de Kerloaguen-Goz, est donnée vers 1560, par François de Goudelin et Guillemette Le Cozic, sa femme, seigneur et dame de Kerloaguen, à Mahé Pezron, pour en payer 52 sols 6 deniers, 3 quartiers et 1 renée froment, 2 quartiers avoine, 2 chapons, 3 journées de corvées, avec suite de moulin et aide aux foins et aux charrois de vin, plus 100 livres de commission (Archives du Finistère, E.324). Lorsque Jean Guicaznou, seigneur de Lisillur (Lezireur en Henvic), prend possession, le 7 décembre 1557, par son procureur maistre Guy Le Rouge, sieur de Moguerou, du manoir de Garzspern qu'il avait acquis par échange des seigneur et dame de Carné, les terres de ce manoir sont affermées à Yvon Bourven pour 10 quartiers froment, 10 quartiers seigle, 15 quartiers avoine, plus d'autre part 20 quartiers avoine et 7 livres monnaie (Archives du Finistère, E.324).

En 1588, le seigneur de Carné veut exercer son droit de congément à l'encontre d'Yvon Le Lay, tenancier du convenant Caronce, au bourg, mais il déclare y renoncer, à condition que ledit Le Lay lui paye 1 quartier froment d'augmentation de rente, 20 écus d'or sol et une baricle de vin, en lui donnant assurance de ne point accroître sa redevance avant 10 ans (Archives du Finistère, E.324) L'acte fut dressé au manoir de la Boye (sic) du Relec, et signé de ce Christophe de Carné, seigneur de Crémeur, abbé laïque et commandataire du Relec, qui devait, deux ans plus tard, mourir de ses blessures, prisonnier des Royaux, au château de Coatfrec.

L'acte prônal de 1574 nous apprend que le recteur était alors Messire François de la Tour, évêque de Cornouaille. C'est encore un enfant de la paroisse. fils d'écuyer Guillaume de la Tour, seigneur de Penarstang, en Plougonven et de Kerloasser, en Lannéanou, et de Jeanne de Goezbriand, sa femme. La tradition populaire ne l'a pas absolument oublié, mais le peint sous des traits peu favorables, ceux d'un sorcier adonné à la magie et d'un prélat de moeurs relâchées. Nous rencontrerons par ailleurs son souvenir au manoir de Penarstang. Homme intelligent et très cultivé sans doute — et de là vient cette accusation de sorcellerie si aisément lancée jadis par le vulgaire contre ceux qui possédaient quelque science, — ambitieux, énergique, il sut, bien que né de modestes gentilshommes ruraux sans appui ni hautes parentés, s'élever rapidement vers les honneurs et la fortune.

On le trouve d'abord moine au Relec ; en 1555, une délibération capitulaire des religieux de cette abbaye le nomme leur procureur général pour 5 ans, charge lucrative, dont il sut tirer parti. En 1560, il est chanoine de Tréguier, archidiacre de Plougastel et déjà recteur de Plougonven ; ces titres lui sont donnés dans un contrat d'afféagement qui lui consent cette année-là nobles homs Robert du Garzspern, seigneur du Cozkaer, du courtil dit Liorz-al-Leur, près du cimetière de Plougonven, où il fit bâtir un pavillon qu'il baptisa Mon plaisir. Il résidait alors au manoir de la Tour (Archives du Finistère, E.324). En 1563, François de la Tour est aussi recteur de Plestin, et probablement d'autres paroisses. Dans l'acte de baptême de Jean Quintin, fils du seigneur de Coatamour, dont il fait les cérémonies à Saint-Mathieu le 4 décembre 1572, il prend le titre d'abbé de Coetmalouen, monastère cistercien au diocèse de Tréguier. En 1574, il succède, sur le trône épiscopal de Saint-Corentin, à l'évêque Etienne Boucher.

Gilles de Kerampuil, sieur de Bigodou (en Saint-Martin de Morlaix), et recteur de Cléden-Poher, offre en 1576 la dédicace de sa traduction « en langue brette » (Catéchism hac instruction egvit an catholiquet, etc. Paris, Jacques Kerver, rue St-Jacques, à l'enseigne de la Licorne, 1576) du Petit Catéchisme rédigé par le P. Jésuite Pierre Canisius, à « Révérend Père en Dieu messire Francoys de la Tour evesque de Cornouaille et seigneur de Penanstang ». Il le supplie « affectueusement et humblement » d'accorder à cet ouvrage sa « faveur et authorité », « l'ayant traduit expressément, dit-il, pour l'usage des peuples de votre diocèse » et le lui présente « en prémices et estraines de son pauvre labeur », en lui promettant de lui « dédyer un autre et plus grand suject que j'ai, ajoute-il, entre mains si Dieu me favorit de sa grâce ». La déférence témoignée au prélat par ce très digne et savant prêtre, qui, lorsqu'il mourut à Rennes en 1578, venait d'être nommé à l'évêché de Vannes, est tout à l'honneur de Mgr. de la Tour et de son zèle à préserver ses ouailles de l'hérésie anglicane, contre laquelle Gilles de Kerampuil avait « tressé le petit bastilion » du catéchisme breton traduit de Canisius.

A la suite de certaines difficultés avec la communauté de Quimper, François de la Tour fit cession du siège de Cornouaille à Charles du Liscoet, en 1583, et obtint du pape d'être transféré sur celui de Tréguier. On sait peu de choses sur la façon dont il administra son diocèse natal. Chassé peut-être de sa ville épiscopale par les Ligueurs qui, aidés des Espagnols s'emparèrent de Tréguier vers la fin de 1589 et la mirent à sac, il se réfugia dans son manoir de Penarstang, où il mourut, selon Albert Le Grand, en 1593. Cette date semble erronée, car un ancien nécrologe de Saint-Mathieu de Morlaix (Mairie de Morlaix, Archives de l'Etat-Civil - Saint-Mathieu, décès de 1586 à 1606) fixe avec précision le jour de son décès au samedi 11 août 1590, et celui de ses funérailles en l'église de Plougonven au lundi suivant 13 août. « Il gît à Plougonven, ajoute Albert Le Grand, sans enfeu ni épitaphe », et, en effet, sa sépulture n'est pas mentionnée dans un procès-verbal, pourtant très détaillé, des tombes et enfeus de l'église, dressé en 1679 (Archives du Finistère A.19). Faut-il y voir la résultante d'un sentiment d'humilité exprimé en ses volontés suprêmes ; ou bien une négligence de ses héritiers, d'autant plus admissible que l'époque tragique où il trépassa n'était guère propice à l'érection de mausolées somptueux, ou bien encore une punition posthume de la vie peu exemplaire qu'il aurait menée à Penarstang en ses dernières années ? La vieille gwerze d'Allietik Ar Mat porte, sur ce point, témoignage contre lui, et aussi les légendes qui le montrent condamné par Dieu, en expiation de ses fautes, à errer la nuit, dans un carrosse de feu, autour de sa demeure terrestre, jusqu'à ce qu'un prêtre intrépide ait conjuré l'effrayant fantôme et l'ait précipité au fond du marais de Bouillen-an-Escop. Les archives paroissiales nous révèlent, seulement que le 30 mars 1587, il avait fait une fondation en l'église de Plougonven sur Parcou-an-Tour au terroir de Kermoric.

Le chanoine Moreau, qui connut François de la Tour à Quimper, paraît avoir emprunté à cette énigmatique figure d'un prélat bas-breton de la Renaissance quelques-unes des touches du tableau sévère qu'il a brossé des moeurs ecclésiastiques de son époque « L'ambition, l'avarice, le luxe y régnaient tellement, écrit-il, que la piété requise y était grandement refroidie. Accumulation de bénéfices sur bénéfices, voire même incompatibles, des sept, huit, douze cures à la fois, tenues, profitées par un seul homme, et tant plus, tant mieux : c'était, à qui en pouvait avoir, sans beaucoup se soucier des services et charges, pourvu qu'ils se fissent paraître magnifiques en banquets, équipages et autres vaines parades, pour tenir le premier rang ; en rien plus sobres de bouche que les séculiers, sans en dire davantage » (Ch. Moreau, Histoire des guerres de la Ligue en Bretagne, p. 342).

Cette profonde misère morale et religieuse qui est souvent la rançon et le revers d'une grande prospérité matériel, n'avait d'ailleurs épargné aucune des classes de la société bretonne du XVIème siècle. « La noblesse, poursuit l'impitoyable chroniqueur, était si dissolue en toutes sortes de vices et débordements que du plus petit au plus grand, du maître jusqu'à ses simples valets, se réputaient efféminés et sans courage s'ils n'ornaient leur langage de tous les genres de blasphèmes qu'ils se fussent pu aviser... et des plus exécrables qu'ils pouvaient trouver... et lorsqu'ils s'entre-hantaient aux villes et bourgs, il fallait faire état de tant boire que toute la compagnie ou partye, demeurassent sur le carreau, sans jugement, comme bêtes brutes.

Et pour le regard du tiers-état, et entre autres de la populace..., la longue paix de laquelle ils avaient joui l'espace de plus de deux cents ans les avait mis si à leur aise qu'ils méconnaissaient leur condition et se trouvaient plusieurs d'eux et mieux logés et ameublés que beaucoup d'autres de qualité plus relevée, leurs ménages bien complets garnis entre autres de grandes tasses ou hanaps d'argent doré et choses semblables qui les rendaient si superbes et si arrogants qu'ils ne respiraient autre chose qu'une révolte contre la noblesse et tous autres qui n'étaient de leur qualité » (Ch. Moreau, Histoire des guerres de la Ligue en Bretagne, p. 342).

Tel était l'état de la Basse-Bretagne quand fondirent sur elle, comme un châtiment mérité, mais terrible, les calamités épouvantables de la Ligue. Durant dix années, troupes régulières et routiers dévastèrent, ravagèrent, dépeuplèrent notre malheureux pays, n'épargnant ni la vie des hommes ni l'honneur des femmes, ni les vases sacrés des églises ni les richesses des manoirs, massacrant les paysans par centaines et par milliers, pillant et brûlant les villages, ne laissant après eux, selon l'expression de Moreau, que « ce qui était trop lourd ou trop chaud pour être emporté ». La famine, la peste, les loups achevèrent l'oeuvre de mort des soldats de Mercœur, d'Aumont, de Fontenelle, de la Magnanne, du Liscoët, de la Tremblaye, et des paroisses qui comptaient 1.200 âmes se virent, dit-on, réduites à vingt habitants ! (L. Le Guennec).

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