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Plougonven durant les guerres de la Ligue.

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« La guerre civile n'éclata en Bretagne, écrit M. Gallouédec, qu'après l'assassinat du chef de la Ligue, Henri de Guise, à Blois, en 1588. Mais alors la lutte devint tout de suite ardente, furieuse. Des animosités personnelles, des compétitions envenimèrent les divergences religieuses. Les deux partis se montrèrent également farouches et n'hésitèrent pas à appeler l'étranger, les uns l'Espagne les autres l'Angleterre.

Le gouverneur de Bretagne était, depuis 1582, le duc de Mercœur, dont la soeur avait épousé le roi de France Henri III. Or, Mercœur, marié lui-même à une héritière de l'ancienne famille ducale de Penthièvre, avait repris les prétentions de cette famille sur la Bretagne. Il espérait, sous le couvert des luttes religieuses, exploiter les sentiments séparatistes toujours vivaces de la province, et restaurer à son profit le duché indépendant de Bretagne. Après l'assassinat d'Henri III (août 1589), il adhéra hautement à la Ligue et refusa de reconnaître Henri IV pour roi, à cause de son hérésie ».

En quelques semaines, la Bretagne se trouva partagée en deux camps, celui du roi et celui de la Ligue ou de Mercoeur. Morlaix se rangea d'enthousiasme dans ce dernier, et un comité dit Chambre de la Sainte Union, composé des autorités de la ville, gouverneur, magistrats municipaux, juges de la sénéchaussée, bourgeois et gentilshommes choisis parmi les plus déterminés ligueurs, prit la direction du mouvement. Il se réunissait trois fois la semaine dans la salle capitulaire du couvent des Jacobins, et menait ses affaires avec une décision et une énergie surprenantes, veillant à tout, levant des impôts et des cotisations forcées, réparant les remparts et le château, élevant une nouvelle enceinte pour protéger les faubourgs, armant le Taureau, imposant aux paroisses environnantes et à leurs seigneurs l'adhésion par serment à la Sainte Union catholique, capturant, emprisonnant, rançonnant sans miséricorde les réfractaires, en un mot exerçant dans la contrée, sous l'autorité nominale de Mercoeur, une véritable puissance souveraine.

Le « Cahier de la Sainte Union morlaisienne », précieux document, publié en 1887 par A. de Barthélemy (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil de la Sainte Union de Morlaix, Nantes, Forest et Grimaud), contient les actes d'adhésion de plusieurs paroisses trégorroises, mais celle de Plougonven fait défaut. Très probablement, les habitants subissaient l'influence d'un équivoque voisin, Anne de Sanzay, comte de la Magnanne, alors partisan avoué d'Henri IV, et qui habitait, avec sa seconde femme Marie de Tuomelin, douairière de Penmarch, le manoir de celle-ci, Bourouguel, sur les confins de Plouigneau. M. de la Magnanne était un gentilhomme poitevin de bonne maison, ayant déjà un orageux passé de combats et d'aventures. Filleul du connétable Anne de Montmorency, qui l'était lui-même d'Anne de Bretagne, il affronta d'abord les pirates barbaresques, perdit un bras dans un combat naval, fut esclave à Alger, put se racheter, gouverna la Roche-Bernard et le château de Nantes, tâta de la Bastille pour quelques menus brigandages, guerroya en Poitou, devint abbé séculier de Lantenac, monastère qu'il ravagea indignement, jusqu'à transformer l'église en écurie et le chapitre en grange à foin...

En 1588, son alliance avec la dame de Bourouguel le fixa momentanément dans ce coin du Tréguier. Henri IV lui avait confié en Basse-Bretagne une mission délicate qu'il ne put d'ailleurs mener à bonne fin. Il s'agissait d'endoctriner la noblesse de l'évêché de Léon et de lui persuader d'aller grossir les maigres troupes royalistes du prince de Dombes. Mais les gentilshommes léonards se souciaient peu de quitter leurs paisibles paroisses et de soutenir la cause d'un prétendant huguenot ; ils se retranchèrent habilement derrière le contrat de mariage de la duchesse Anne et la nécessité de surveiller les côtes pour s'excuser de ne point marcher.

Dépité de son échec, Anne de Sanzay regagna Bourouguel, dont il s'occupa d'augmenter les défenses. Le nom de ce château associe curieusement le latin burgus ou bourg au celtique krugel, qui signifie motte, éminence fortifiée ; c'était un ancien fief de la famille Le Rouge, peu considérable comme édifices, mais solidement assis au tournant d'un vallon, sur une butte entourée de parapets et de douves. La Magnanne y entretenait garnison, soi-disant pour sa sûreté personnelle, tout en s'abouchant avec les chefs ligueurs, et particulièrement avec François de Carné, seigneur de Rosampoul, qui se flattait d'en faire bientôt une recrue d'importance pour le Sainct Party.

Cependant les soudards cantonnés à Bourouguel ne se privaient guère de commettre des vols et des excès à Plougonven et Plouigneau. Un jour, ils allèrent guetter, dans le bois de Coatanscour en Plourin, les marchands qui revenaient du marché de Carhaix, et enlevèrent un troupeau de vaches que des bouchers conduisaient à Morlaix. Les pauvres diables s'en vinrent porter plainte au comité de la Sainte-Union. Celui-ci les adressa à la comtesse de la Magnanne, à laquelle le procureur de ville écrivit une lettre la priant d'indemniser convenablement les volés. Marie de Tuomelin leur distribua bien quelques écus, mais à peine avaient-il quitté Bourouguel que les soldats les en dépouillèrent, sans épargner même le messager du procureur. Ce bel exploit et d'autres semblables irritèrent la Sainte Union, qui demanda à M. de Rosampoul de faire une sortie, à la tête de 200 arquebusiers à cheval, pour nettoyer les campagnes de ces pillards (17 octobre 1589).

François de Carné préféra tenter d'arranger les choses à l'amiable ; il se chargea d'aller trouver M. de la Magnanne, qui se tenait alors près de Morlaix, au manoir de Kervizien en Plourin, pour conduire plus aisément, ses négociations clandestines avec les Ligueurs. Bourouguel comptait toujours parmi les rares places royalistes du pays, et le 1er novembre 1589, le vicomte de Donges, lieutenant-général du prince de Dombes, adressait aux paroisses du voisinage la lettre suivante :

« Aux parouaissiens de Ploegonven et habitants de la trefve de Lannéanou, salut. Comme nous serions deubment informez de l'importance du chateau et maison de Bourougueil et qu'il est nécessaire garder que l'ennemy ne s'empare, et pour la seureté du plat païs. A ces causses, et pour soulaiger aulchunement les soldats et gens de guerre qui y sont en garnison que aux occasions nous commandons pour estre emploiés ailleurs ; Vous abvons commandé et enjouainct chacun en son tour de vous emploier à la garde et conservation de ladite maison, et pour ce, obéir aux commandements qui vous seront faictz par le sieur compte de la Meignanne et autres qui vous seront par luy commis pour commander en ladite place. Donné à Lannion le premier jour de novembre 1589. — GUY DE RIEUX ». (Archives du château de Lesquiffiou. — A. du Cleuziou. Documents inédits pour servir à l'Histoire de la Ligue en Bretagne, 4ème série, p. 11).

Une semaine après, le mème vicomte de Donges signe à Lannion des lettres de sauvegarde « pour la maison de Penasten », c'est-à-dire pour le manoir de Penarstang, où résidait l'évêque de Tréguier, Francois de la Tour. Il prie « tous capitaines, chefs et conducteurs de gens de guerre,.. d'exempter de tout logeix, fouraige et séjour desdictz gens de guerre la messon, mestairie, moullins et apartenances de Penasten. Et d'aultant, ajoute-t-il, qu'il est de besoin, tant pour le bien du païs proche voisin que pour la seureté du sieur du Penasten et ses domestiques de meptre quelques hommes de guerre dans ladicte maison pour empescher les courses qui se pouroinct faire des picoreux et ennemis de sa Majesté, nous avons prié nostre cousin monsieur le compte de la Meignanne d'y en mettre tel nombre qu'il voira estre necessaire pour cet effaict ». Il termine en défendant à toutes personnes de prendre, piller, ravager ou emporter les biens meubles de Penarstang « sur paine de la vye », et en prenant le seigneur du lieu sous « la protection et sauvegarde du Roy et la notre » Donné à Lannion le 7 novembre 1589. (A. du Cleuziou — Documents... p. 11 et 12).

Le 4 du même mois, une conférence tenue entre deux royalistes, les conseillers au Parlement du Halgoët de Kergrech et de Lanloup de Kercabin, et les autorités ligueuses de Morlaix, arrête quelques dispositions humaines et sages, que malheureusement aucun des deux partis ne se crut tenu d'observer. Il est décidé « de ne point faire la guerre aux gentz d'église, paysantz, fames et filles, pourvu que lesdictz paysantz mettent les armes bas et demeurent labourer la terre ». La Sainte Union s'engage à ne point molester les cultivateurs, à condition qu'ils ne sonnent point le tocsin et laissent les chemins libres aux gens de guerre. (A. de Barthélemy - La Chambre du Conseil... p. 25).

Ces préparatifs belliqueux et les rumeurs de mauvais augure qui circulaient partout alarmaient les familles nobles du canton ; aussi abandonnaient-elles leurs manoirs pour chercher un asile derrière les remparts de Morlaix, mais elles ne pouvaient entrer en ville qu'avec l'agrément du comité de la Sainte-Union. Bien que son cahier n'en fasse pas mention, l'examen des registres de décès de Saint-Mathieu révèle que deux au moins des lignées seigneuriales de Plougonven, les Le Lagadec de Mezédern et les du Garzpern du Cosquer s'étaient réfugiés dans la ville-close. Les sieurs de Guerdavid et de Kerloasser, de Lannéanou, avaient sollicité semblable permission. Le 7 novembre, il leur est accordé « d'entrer en ville avecques leurs biens et familles o la charge de signer l'Union et contribuer aux frays de la guerre comme les autres gentilzhomes » (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil..., p. 27, 29).

Il était défendu de sortir des vins de la ville. Malgré cette interdiction, le sieur de Kervigaouez essaya de véhiculer une pipe de vin hors des murs pour la détailler à Plougonven, mais le sieur du Restigou découvrit la fraude, et saisit le tonneau, qui, après délibération du comité, fut vendu par les soins de Pierre Le Diouguel pour en appliquer la valeur aux travaux des fortifications (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil.., p. 27, 29, 31 et 35).

Le 15 novembre, le Comité atteste que la paroisse de Plougonven a adhéré à la Ligue, ainsi que diverses autres du Tréguier, et il prie les capitaines de gens de guerre de n'y permettre à leurs hommes aucun pillage ni aucun dégât (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil.., p. 27, 29, 31 et 35).

Après bien des tergiversations, le comte de la Magnanne se résout enfin à écrire aux Morlaisiens qu'il est disposé à jurer l'Union. Ceux-ci semblent nourrir peu d'illusions sur la sincérité de cette promesse, qu'ils accueillent avec une réserve marquée. Tout en décidant, le 22 novembre, d'admettre dans la Sainte-Union ce néophyte suspect, « pour l'intérest des habitants et sous le bon plaisir de M. le duc de Mercœur », ils arrêtent que plainte sera portée à celui-ci « de la conséquence de la fortairesse de Bourougel au préjudicze de ceste ville et du pays, ensemble des ravagementz faits par les soldats de sa garnison ». Cette plainte sera d'ailleurs tenue secrète à l'égard de M. de la Magnanne, auquel on répondra dans un sens amical, en lui assurant qu'il sera secouru contre les Royaux en cas de besoin (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil..., p. 27, 29, 31 et 35).

Le 29, Anne de Sanzay n'était pas encore venu prêter serment, et il continuait d'héberger à Bourouguel des adversaires notoires de la Ligue. Le Comité dénonce ces agissements à M. de Rosampoul, puis ordonne au procureur de ville, le 1er décembre, d'écrire au comte de la Magnanne pour le mettre en demeure de « se saisir des personnes ennemyes à l'Union qui hantent ordinairement sa maison, au scandale et préjudicze de ladite ville et Union » (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil..., p. 40, 41 et 49).

Le cauteleux Poitevin n'avait pas tenu grand compte de cette injonction, lorsque, vers le 20 décembre, les hostilités, jusque-là bornées à des escarmouches, des pillages rapides, de furtives razzias, s'ouvrirent effectivement par un violent raid des Royaux dans les paroisses de Plouigneau et de Plougonven. La réalité de cette incursion, qui visait peut-être Morlaix elle-même et avait Bourouguel pour point d'appui, est attestée par deux documents : l'acte de décès d'un prêtre, dom Jehan Bellegou, massacré à Kervenniou (interfectus in Kervenyo) sans doute par des soldats hérétiques le 20 décembre 1589 (Archives de la mairie de Morlaix — Registre des décès, 1587-1602) ; un article du cahier de la Sainte-Union portant, à la date du 22, que le receveur de la ville avancera 100 ou 120 écus « pour les vivres envoyés à Plouigneau et Plougonven, à l'armée » (A. de Barthélemy — La Chambre du Conseil..., p. 40, 41 et 49), et aussi, source moins sûre, mais non négligeable, par la tradition locale d'après laquelle les châteaux de Kervenniou et de la Ferté et le manoir de Kervéguen, tous trois en Plouigneau, auraient été bombardés et incendiés le même jour.

Les troupes ligueuses de Morlaix comprenaient les compagnies de cuirassiers et d'arquebusiers de René, sire de Carné, et du seigneur de Crémeur son frère, la garnison du château, sous les ordres de M. de Kergariou, gouverneur, et les compagnies de  volontaires formées dans les trois paroisses urbaines. Tout cela sauta à cheval au premier bruit de l'irruption ennemie, et il y eut sans doute une belle rencontre, suivie de la retraite précipitée des envahisseurs. Dès le 22, toute appréhension semble écartée. Des opérations, nous ne connaissons que deux épisodes : la reprise de Kervenniou, à laquelle font allusion certains passages du cahier de l'Union, et la prise de Bourouguel, qui semble avoir été enlevé très facilement. L'existence de cette place fortifiée avait trop tracassé les Morlaisiens pour qu'ils la laissassent subsister. A peine étaient-ils entrés dans ses murs qu'ils y mirent le pic et la pioche. Comme on estimait que la paroisse de Plougonven était la plus favorisée du fait de cette destruction, qui la délivrait des soldats pillards et brutaux de la Magnanne, on jugea bon d'en laisser les frais à sa charge. « Ordonné, dit le cahier à la date du 29 décembre, que les parouessiens de Plouegonven payront les fraictz et la dépancze qui fust faict, à Plouegonven lors du démolissement du château de Bourouguel » (A. de Barthélemy. La Chambre du Conseil.., p. 52).

Anne de Sanzay n'assista point au démantèlement de sa demeure. Il s'était retiré au manoir de Kerouzy en Plouguiel, et se fit délivrer par le prince de Dombes une commission de capitaine de la noblesse des ports, hâvres et côtes de l'évêché de Tréguier. En 1591, il était prisonnier des Ligueurs et battait le pays pour trouver sa rançon. Mais la démolition de Bourouguel lui pesait toujours sur le cœur. En écrivant à sa femme, le 30 mars 1592, d'auprès de Rennes, il l'avertit, qu'il doit aller trouver le duc de Mercœur pour lui renouveler ses plaintes « de ce qui nous a esté faict, dit-il, à nostre petit Bourouguel et aussy a Quervisien » (A. du Cleuziou — Documents — p. 20, 21). Il s'agit ici de Kervizien en Plourin, autre manoir de sa femme, que les Morlaisiens avaient également mis à sac.

Vers le 28 février 1590, sur la demande des paroissiens de Plouigneau, la Chambre de l'Union prie M. de Kerloaguen de prendre la charge de capitaine des paroisses de Plouigneau et de Plougonven, avec tel lieutenant qu'il voudra (A. de Barthélemy. La Chambre du Conseil.., pp... 68, 80, 87, 92). Le 5 avril, il est député pour faire fournir par cette dernière 20 arquebusiers et une charrette (A. de Barthélemy. La Chambre du Conseil...,  pp... 68, 80, 87, 92). Le 23 avril, nouvelle levée à Plougonven de 10 hommes « deffrayés pour un moys, aultrement 50 escus ». M. de la Bouessièe, capitaine de Plourin, s'occupera de cette levée et conduira les hommes à Morlaix. Un contingent proportionnel est exigé des autres paroisses voisines, et « sera escript aux capitaines desdictes parouesses faire monstre et se tenyr soubz les armes, et sonner le tauxain, s'y voyent l'enemy, pour couryr desus » (A. de Barthélemy. La Chambre du Conseil..,  pp... 68, 80, 87, 92). Les ligueurs s'apprêtaient, alors à faire le siège des châteaux de Tonquédec et de Coatfrec, entreprise qui d'ailleurs échoua totalement, et recrutaient à cette intention des soldats et des pionniers.

Le 8 mai, M. de Kerloaguen, est chargé de saisir et faire vendre au profit de l'Union « toutz les foins, pailles et avoines qui sont à Bourouguel » (A. de Barthélemy. La Chambre du Conseil..., pp... 68, 80, 87, 92). Le 15, sur la requête du recteur et des prêtres de Plouigneau, il est nommé à nouveau capitaine de cette paroisse, et reçoit pour lieutenant noble homme François Salaün, sieur de Kerlaz. « Deffancze faicte à touttes personnes de ne leur faire injure, et ausdictz parouessiens (ordonné) de faire leur debvoir » (A. de Barthélemy - La Chambre du Conseil..., p. 95).

Le cahier de la Sainte-Union s'achève au 31 juillet 1590, sans nous apprendre rien de plus sur la part prise par la paroisse aux évènements. Deux mois plus tard, l'arrière-ban de Cornouaille, faible troupe qui cherchait à rejoindre Mercœur dans le pays de Saint-Brieuc, était surpris de nuit au bourg de Plestin par la garnison de Tonquédec, et il essuyait un complet désastre. Au nombre des victimes, l'on compta Christophe de Carné, seigneur de Crémeur, frère cadet du sire de Carné et du seigneur de Rosampoul. Blessé gravement et transporté par les vainqueurs au château de Coatfrec, il y mourut captif le 19 septembre. Son corps fut rendu à sa famille, ainsi que celui de son beau-frère Jacques du Rusquec, seigneur dudit lieu en Loqueffret et de Kerstrat en Plougonven. Tous deux reçurent la sépulture dans le choeur de l'église de Saint-Dominique.

A la fin de décembre 1590, un fort parti royaliste, probablement commandé par cet Yves du Liscoët qui venait de surprendre et d'incendier Carhaix, se jeta à l'improviste sur la paroisse de Plougonven, pilla le bourg et enleva le trésor de l'église. Ce fut une vraie consternation chez les habitants. Mais le recteur Geffroy Le Gualès, sieur de Guerlisay, s'employa si activement en démarches près des ravisseurs que ceux-ci acceptèrent de transiger moyennant rançon. Il fallut se procurer des ressources à cet effet, et faire flèche de tout bois. L'inventaire cite, à la date du 24 mars 1591, un acte prônal sur vélin, portant bail à domaine congéable et vente des droits convenanciers de Parc an Brigant, fait par le général de la paroisse à Hervé Queinnec, qui subroge en son lieu Guillaume Morvan. Celui-ci consent à payer d'avance neuf années de bail, et le produit de cette cession sera consacré « à racquiter les vases sacrés et relicques de ladite parroisse, ravaigés trois mois de précédant par les ennemys de la foy catholicque ».

Le lendemain 25 mars, le recteur de Plougonven prend part, dans l'église du Mur à Morlaix, à l'élection d'un député du clergé de l'archidiaconé de Plougastel aux Etats de la Ligue assignés à Nantes. Le député élu est Yves Arrel, sieur de Coatmen, scholastique de Tréguier. (A. de Barthélemy. — Le Cahier... p. 9, à la note).

Le 4 avril 1592, demoiselle Jeannette de Kerbic, dame de Mezédern, du Beussit et de Kervuégant, meurt à Morlaix, dans la maison d'Yvon Cloarec, près de l'église de Saint-Mathieu. Son acte de décès établit que la famille Le Lagadec de Mezédern s'était retirée dans la ville-close, à cause de l'insécurité des campagnes. Le 27 juillet 1594, Rolland de Garzspern, seigneur du Cosquer en Plougonven, meurt également à Saint-Mathieu où il s'était réfugié. (Registres de Saint-Mathieu de Morlaix).

Alexandre de Kergariou, gouverneur de Morlaix, décède au château de cette ville le 5 juillet 1592, et le duc de Mercœur transfère sa charge à François de Carné, seigneur de Rosampoul, qui la conserva deux ans, jusqu'au mémorable siège de 1594.

Vers le mois de juillet 1592, Anne de Sanzay change de parti et passe aux ligueurs, à la sollicitation, semble-t-il, des parents de sa femme, tous ardemment dévoués au Saint-Parti. Cette volte-face présageait aux gens de Morlaix le retour prochain d'un voisin fort désagréable ; aussi écrivent-ils le 18 août au duc de Mercœur pour le conjurer de ne point permettre que le comte de la Magnanne fasse sa résidence ni à Bourouguel ni à Kervizien. (A. du Cleuziou. Documents, p. 16). C'était là un trait de défiance amplement justifié par les antécédents du personnage. Mais Mercœur sentait déjà, malgré l'aide des Espagnols, sa situation compromise et tout nouvel appui lui était précieux ; il fit fête au transfuge et le nomma d'emblée colonel général de ses arquebusiers à cheval. C'est avec ces 8 à 900 hommes que la Magnanne accomplit son plus fameux et son plus triste exploit, lorsqu'en novembre 1593, il s'empara traîtreusement de la petite ville du Faou « qui estoit auparavant, oppulante et riche.., en laquelle les gens de guerre firent telles ruynes et désolations que en 8 à 10 jours il fist mourrir plus de troys mil hommes tant gentz d'église, gentizhommes que marchantz et païsantz, pillé et ravaigé tout le pays de troys, quattre à cinq lieues de ladite ville, de sorte que depuis ledit païs a esté presque désert », (E. Ducrest de Villeneuve. Doléances des paroisses de Cornouaille..., 23 janvier 1599. Bull. Soc. Arch. Fin. XVII, 1900, 97). Vers la même époque, Anne de Sanzay saccagea Roscoff, de concert avec La Fontenelle, mais quand il fallut partager le butin, leur bonne entente cessa ; des contestations, on en vint aux mains, et les deux troupes, pourtant composées l'une et l'autre de Ligueurs, se livrèrent un furieux combat près du manoir de Pontpleincoat en Plougoulm. (Ch. Moreau, éd. 1836, p. 185, 199).

Au mois d'août 1594, le maréchal d'Aumont, commandant l'armée royale en Bretagne, se présenta devant Morlaix avec 3.000 hommes, pénétra en ville sans coup férir et faillit surprendre M. de Rosampoul, qui n'eut que le temps de s'enfermer au château avec quelques soldats et plusieurs gentilshommes, dames et demoiselles. Le maréchal investit aussitôt la place, sans pouvoir toutefois empêcher La Magnanne d'y faire entrer un renfort de 400 hommes. Les assiégés manquaient de vivres, le gouverneur ayant négligé d'employer à cet usage les 2.000 écus que Mercœur lui avait fait remettre pour s'approvisionner en prévision d'un blocus.

Cependant, fidèle à la vieille devise de sa maison : Plutôt rompre que plier, François de Carné opposa aux ennemis une vigoureuse défense. Ses canons ripostaient victorieusement à la batterie établie par les Royaux sur la tour de Saint-Mathieu, et à la compagnie d'arquebusiers postée dans les hautes guérites du clocher de Notre-Dame-du-Mur. Plusieurs assauts furent repoussés avec pertes.

Le seigneur de Rosampoul était d'ailleurs dignement secondé par sa femme, la belle Renée de Catelan, « si résolue à encourager le soldat qu'elle plantoit le coeur au ventre du plus lâche ». Sachant que la famine régnait au château, et que la garnison en était réduite à manger ses chevaux, sans dédaigner les rats et les souris, le maréchal d'Aumont fit galamment passer à Madame de Rosampoul des moutons, du gibier et de la volaille, mais elle lui renvoya le tout en lui écrivant qu'elle ne voulait d'autre nourriture que celle de son mari et des soldats qui partageaient son sort.

Ce qui affermissait les Ligueurs dans leur résolution de faire une opiniâtre résistance était la certitude d'être promptement secourus par Mercœur. Celui-ci accourut en effet à la tête de ses bandes franco-espagnoles, franchit les montagnes d'Arrée et prit à l'abbaye du Relec ses dispositions pour le combat. Ses forces dépassant de beaucoup celles des Royaux, la position du maréchal d'Aumont semblait critique, mais une circonstance inattendue le sauva. Le général espagnol don Juan de l'Aguila exigeait, pour prix de sa coopération, le pillage de Morlaix, tandis que Mercoeur lui offrait seulement les biens de ceux qui avaient livré la ville aux troupes royalistes. L'accord ne put s'établir et les Espagnols mécontents rebroussèrent chemin vers Quimperlé, tandis que, devenu trop faible pour rien entreprendre, le duc de Mercœur retournait piteusement à Quimper.

Désormais sans espoir d'être débloqués, ayant épuisé leurs munitions et leurs ressources, Rosampoul et les siens demandèrent à capituler, le 21 septembre, après cinq semaines de siège. Les conditions furent assez dures. Les trois chefs, Rosampoul, La Magnanne et le capitaine Rostin demeureraient prisonniers de guerre ; les soldats sortiraient emportant seulement leur épée, mais tous seraient fouillés impitoyablement, même les femmes, car défense était faite de rien emporter du château. Aussi, l'on prétend que les assiégés y enfouirent beaucoup d'argent et de joyaux, et, bien que la courtoisie de l'ennemi eut épargné à Madame de Rosampoul et à ses compagnes l'humiliante formalité de la fouille, son mari y perdit une valeur considérable, tant en or qu'en bijoux. La lourde rançon qui fut le prix de sa liberté consomma « sa totale ruine, de laquelle, dit le chanoine Moreau, il n'a jamais pu se relever ».

Quant au comte de la Magnanne, conduit à Quimper avec les autres captifs de marque, il fut taxé à 2.500 écus de rançon, dont il se déchargea sur le dos d'un autre prisonnier moins chanceux, René Fleuriot. Le 1er mai 1595, étant encore retenu sur parole, il écrit à sa femme et l'engage à se rendre dans une quinzaine au manoir de Bourouguel en feignant de vouloir y demeurer. Le 2 juillet suivant, dans un acte concernant la rançon des sieurs de Coëtcourzault et de la Martinière, échangés contre lui, il est dit « faire sa plus continuelle résidence à sa maison de Bouerugueil, paroisse de Ploineau, evesché de Tréguer ». Le manoir avait donc été restauré par ses soins, après la démolition de 1590, qui peut-être ne ruina que les défenses extérieures, sans endommager trop gravement le corps de logis.

Pendant cette période si funeste, il est certain que la paroisse de Plougonven, comme toutes ses voisines, souffrit de grands maux du fait des soldats, routiers, chevau-légers, argoulets, lansquenets de l'un et l'autre parti, tous également avides de rapine, qui foulèrent continuellement cette marche des trois évêchés de Tréguier, Léon et Cornouaille. Plusieurs actes de baillée convenancière, passés dans les années qui suivent, ne nous montrent que des « mazières ruynées » des maisons abandonnées, des terres en friche. Les habitants trouvèrent du moins un protecteur en la personne de Claude du Garzspern, sieur du Meshir, cadet de la maison du Cosquer, qui s'entremit diverses fois pour faire modérer leurs impositions, préserver leurs biens des ravageurs, porter leurs doléances aux autorités ligueuses ou royales.

Aussi, le général de la paroisse crut-il nécessaire de lui en témoigner sa reconnaissance en lui faisant don à viager d'une maison en la Rue Haute à Morlaix, jadis léguée à la fabrique par G. Larcher prêtre. L'inventaire cite, à la date du 20 août 1595, un acte de donation de cette maison, consenti par les paroissiens « à escuyer Claude du Garzspern, sr. du Meshir, pour les bons services qu'il auroit rendus auxdits paroissiens durant les dernières guierres ». Remarquons en passant qu'actuellement les communes ne peuvent plus disposer de leurs biens avec une aussi entière liberté. Cet excellent Claude du Garzspern est l'auteur d'une branche de sa famille qui s'est perpétuée jusqu'au XIXème siècle.

La guerre civile dépouilla l'église de Plougonven d'une autre maison qu'elle possédait à Morlaix, dans la rue des Brebis, par testament de Missire 0llivier Le Corvez, prêtre. En 1640, les fabriques déclarent, ne pouvoir faire état des 70 sols de rente dûs sur cette maison, « qui fut ruisnée lors des derniers troubles pour la fortification du chasteau de ladite ville ».

La terrible peste de 1595 dut aussi affliger Plougonven. « Il y eut pitié, dit une note d'un vieux registre de décès de Saint-Melaine, voir les pauvres gens morir sy prompt comme en douze heures, et plusieurs sy tost prins de la maladie sy tost morts ». Elle ajoute ce trait saisissant (« qu'à grand peine l'un osoit saluer l'autre », tellement la crainte de la contagion hantait les esprits, et nomme trois fabriques de Saint-Melaine morts de la peste, dont l'un, Maudez Minichy, fut tué à Saint-Eutrope en Plougonven. Il n'est pas facile d'expliquer comment ce malheureux fut à la fois emporté par l'épidémie et victime d'un meurtre. La terreur était-elle si profonde qu'on assommait les malades pour s'épargner le risque de les soigner ?..

Après avoir clôturé sa carrière de pillard en écumant le pays de Quintin, aux alentours de ce château d'où le capitaine royaliste de Kergomar le débusqua en 1597, Anne de Sanzay revint paisiblement finir ses jours dans l'agreste retraite de son cher « petit Bourouguel ». Il vivait encore en 1618, car il est parrain à Plougonven, le 11 janvier de cette année, d'Anne, fils de nobles personnes Yves Goanec et Claudine Vinneoi. On trouve aussi, un peu antérieurement, sa femme marraine à Saint-Mathieu de Morlaix, et l'acte qui la cite donne la forme populaire du nom attribué dans nos campagnes au célèbre partisan : Contemannana, Conte-Magnana.

Il se faisait d'ailleurs d'étranges illusions sur lui-même et sur sa bienfaisance à l'égard des humbles. Dans l'une de ses lettres à sa femme, il déclare avec un aplomb renversant « Dieu est pour nous qui confondra les malisieux et inniques qui nous font la guerre pour nous empescher asister les pauvres gens dont je suis la benedicxion ». Il écrivait cela, il est vrai, avant la mise à sac du Faou. Toutefois, il n'était pas incapable de générosité ni d'affection. Marie de Tuomelin l'aimait sincèrement, et il lui rendait sa tendresse avec usure : « Adieu ma grand'fame, adieu, mon coeur, ma mignonne, ma seule amitié, je te baise les mains et cent un million de fois je suis ton valet. Ayme-moi bien ». Ainsi termine-t-il sa lettre du 30 mars 1592. Il ne laissa pas d'enfants, mais il maria en 1599 son beau-fils René de Penmarch, seigneur de Penmarch et du Bourouguel, à sa nièce Jeanne de Sanzay.

J'ai eu entre les mains, il y a quelques années, un recueil de psaumes ayant appartenu au comte de la Magnanne et portant son nom. C'est un petit in-folio, richement relié en veau, à tranches dorées. Titre : le Pseautier de David contenant cent cinquante psaumes avec les cantiques etc. ., imprimé à Paris chez Iamet Mettayer, imprimeur du Roy devant le collège de Laon. M. D. L. XXXVI (1586). Sur les plats de la reliure, on lit d'un côté, autour d'une vignette dorée figurant le Christ en croix : ANNE DE SANSAY, et de l'autre CONTE DE MAGNANE.

Le parfait état de conservation de ce pseautier prouve que son possesseur ne l'a jamais pris pour livre de chevet et n'en a point fatigué les pages à chanter les louanges du Seigneur. Sur le dernier feuillet est peint un écusson encadré de palmes dorées. Il porte au 1, d'or à 3 bandes d'azur, à la bordure de gueules, qui est Sanzay ; au 2, écartelé aux 1 et 4 d'azur à 3 gerbes d'or liées de gueules, aux 2 et 3 d'hermines plein, qui est Etampes-Penthièvre ; au 3 d'or à la croix de gueules cantonnée de 16 alérions d'azur, qui est Montmorency ; au 4 d'azur semé de fleurs de lys d'or au lambel de gueules en chef, qui est Anjou ou Thouars, sur le tout échiqueté d'or et de gueules, qui est Poitou. [Note : Ce pseautier a appartenu M. de Bergevin, qui l'avait découvert dans le grenier du presbytère de Guimaëc. Il est aujourd'hui (1920) à la famille Huon de Kermadec].

Le manoir de Bourouguel existe encore, mais n'a conservé de l'époque de la Ligue que des traces de douves et quelques vieux murs épaulés d'une tourelle où s'enfonce, dit-on, un escalier donnant accès à un souterrain qui aboutit dans un caveau, sous le maître-autel de l'église de Plougonven. Un jour, on y lâcha un chien, mais lorsque la pauvre bête reparut, elle semblait avoir traversé un incendie et n'avait plus un poil sur le corps. On boucha aussitôt le souterrain. (L. Le Guennec).

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