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Calvaire, Ossuaire et Chapelle du Christ à Plougonven.

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Au milieu du cimetière se dresse l'un des six grands calvaires du département. Daté de 1554, c'est le second dans l'ordre chronologique, après celui de Notre-Dame de Tronoën, en Saint-Jean-Trolimon, près de Pont-l'Abbé ; il est antérieur de 27 ans à celui de Guimiliau (1581), et de 48 ans à celui de Plougastel-Daoulas (1602). Le massif octogonal de ce calvaire a 4 mètres de hauteur, et chacune des faces mesure 1 m. 70 ; les angles sont garnis de colonnettes rondes ; sur le pourtour règne un double rang de corniches servant de support, à des groupes de statuettes en kersanton figurant les principales scènes de la vie et de la mort du Sauveur. Au-dessus du pan Nord, est la statue de Saint-Yves, patron de la paroisse, vêtu d'une robe, d'un surcot et d'un camail à capuce, coiffé d'une barrette et tenant un parchemin.

Calvaire de Plougonven (Bretagne).

 Sur le socle carré se lit, gravée cette inscription gothique :

Ceste croix fust fayte lan M. Cv LIIII a lhonneur de Dieu et Notre-Dame de Pitié et Monseigneur St-Yves. Pries Dieu pour les trespassés.

Renversé sous la Terreur, ce beau monument fut réédifié en 1810 ou 1811, et sa restauration coûta 450 fr. à la commune. Mais la croix principale, complètement brisée, dut être remplacée par une croix de bois. En 1836, le recteur remontre au conseil de fabrique que cette croix « va manquer » et qu'il y aurait avantage à lui substituer un Christ en pierre pour cadrer avec les autres statues. Une dépense de 800 francs est autori›ée à cet effet, et sera consacrée à la façon d'un Christ exécuté par « l'un des meilleurs sculpteurs de Brest », à son transport et à sa mise en place.

J'ai vu pour la première fois le calvaire de Plougonven en 1896, peu avant sa restauration par Yan Larhantec. Il montrait encore de trop nombreuses traces du vandalisme révolutionnaire, et ses statues presque noires, que des plaques de lichens argentés, mordorés ou fauves couvraient de bizarres lèpres, se détachaient en vigueur sur le granit grisâtre des murailles de l'église. Dans les plis des vêtements de quelques unes, on remarquait des traces de peinture et de dorure, attestant qu'autrefois tout le monument était ainsi étoffé.

Par acte du 4 juillet 1897, Jean Larhantec, sculpteur à Landerneau, s'engage à restaurer le calvaire de Plougonven, y compris la confection de trois nouvelles croix, celle du Christ avec boules-nœuds et celles des Larrons suivant les anciens modèles trouvés dans les fouilles du cimetière, à réparer les chevaux et les cavaliers, à remettre en bon état toutes les statues, qui seront lavées à l'acide sulfurique, etc., et à les replacer dans l'ordre du récit de l'Evangile. L'artiste reçut pour ce travail 7.500 francs et le monument fut béni à l'occasion du jubilé de 1898.

Au premier étage, la figuration du grand drame religieux s'ouvre par les scènes de l'Annonciation, de la Visitation, de la Nativité, de l'Adoration des Rois Mages, etc., et se poursuit sur la plate-forme supérieure jusqu'à la Résurrection. « Tous les personnages, écrit Ch. Le Goffic, moins Jésus et la Vierge, sont empruntés à la vie réelle : leur costume est celui des paysans et des bourgeois du XVIème siècle ; les gardes portent le heaume, la cuirasse et les jambières ; Pilate, fourré d'hermines, le mortier en tête, n'est point différent d'un bailli ou d'un présidial... Il faut s'arrêter devant la tête du Christ sculptée sur le mouchoir de Véronique. Tout le drame du Calvaire revit dans ces yeux graves et résignés, dans le dessin de cette bouche si pure, dans ce front large à contenir un monde. Notons également un diable en froc de pélerin, qui se retrousse cyniquement pour montrer ses pieds fourchus, et dont l'expression, supérieurement joviale et capricante, est obtenue au moyen d'un système de lignes concentriques du plus curieux effet. On dirait une carinature de Jossot, mais ce diable est tout moderne ; c'est une création originale de Jean L'Archantec ».

On doit remarquer aussi Marie-Madeleine en châtelaine Henri II, avec sa robe aux plis lourds, ses manches à crevés et sa guimpe de dentelles ; le pauvre Malchus gisant aux pieds de Jésus dans son armure, tandis que Saint Pierre remet placidement au fourreau l'épée dont il l'a frappé ; l'un des gardes du sépulcre, armé par un amusant anachronisme, d'une arquebuse ; un gigantesque Joseph d'Arimathie, reconnaissable, comme son condisciple Nicodème, à leur chapeau pointu. L'éminent auteur de l'Ame Bretonne estime que le calvaire de Plougonven est celui qui répond le mieux à l'esthétique du genre ; il lui trouve des proportions plus heureuses et un sens de l'aménagement supérieur à ceux des monuments de Guimilliau et de Plougastel [Note : Ch. Le Goffic, l'Ame Bretonne, 1902, t. I, 202-206. Voy. aussi Chanoine Abgrall. Croix et Calvaires du Finistère, Bulletin Monumental, 1902 et du même, Architecture Bretonne, 1904, p. 134-135].

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Outre son imposant calvaire, l'église de Plougonven possède encore deux autres annexes, un reliquaire et une chapelle de cimetière. Le premier, bâti au début du XVIème siècle, est une solide construction à pignons hérissés de crossettes, gargouilles ou cornières d'angle sculptées en forme de lions, façade trouée d'une série d'arcatures gothiques à redents trilobés et d'une porte en accolade munie d'un bénitier. Jusqu'en 1884, il a conservé sa funèbre destination ; le 28 septembre de cette année, on transféra dans une fosse commune creusée contre son pignon sud tous les ossements entassés entre ses murailles. « Nous avons compté 400 crânes, dont la plupart étaient renfermés dans de petites boites sur lesquelles étaient inscrits le nom, l'âge et la date de la mort de chacun. Nous avons surtout remarqué le chef de Monsieur Kerneau ; sur la boite on avait écrit : " M. François Kerneau, âgé de 75 ans, décédé recteur de Plougonven le 5 mars 1818 " » (Registre de la fabrique).

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Au sud de l'église s'élève la chapelle de Christ. Elle existait dès 1432, puisqu'un titre de cette année en fait déjà mention. Le procès-verbal de 1679 la décrit sous le nom de « chapelle de Christ ou sainct Sauveur ». Sa grande vitre était composée de trois panneaux et d'un soufflet. Il y avait deux bras de croix, et une grande fenêtre éclairait celui de droite. « Menacente de ruine » en 1745, elle fut rebâtie l'année suivante dans d'assez vastes proportions, mais sans la moindre recherche architecturale. On l'empierra en 1775, et on fit en 1777 diverses réparations et embellissements, en décorant l'autel d'un tableau du Christ. Pendant la Révolution, elle servit aux assemblées des citoyens et aux réunions électorales. Sa cloche, envoyée à la fonte, fut remplacée en l'an XIII. Actuellement, l'unique autel n'a pour décor que le tableau de 1777, montrant le Christ les pieds posés sur le globe du monde et s'élevant au ciel ; il est entouré d'angelots et d'anges dont l'un tient un cartouche avec le mot Charitas. Le cadre de cette toile se détache sur un fond moucheté d'hermines ; au-dessus est un triangle entouré de rayons, avec l'inscription en lettres hébraïques JAHVEH.

A droite de l'autel, il y a une Sainte Anne, debout, portant sur son bras gauche la Sainte Vierge couronnée qui tient sur ses genoux l'Enfant Jésus auquel elle enseigne à lire dans un livre ouvert. Ces « Sainte-Anne triples » sont rares et curieuses ; on en connaît à peine une trentaine dans le diocèse (Chanoine Abgrall. Architecture bretonne 1904, p. 298-299). A gauche, statue d'évêque bénissant, amputé de la main gauche. Le pardon de cette chapelle a lieu le dimanche de la Passion. Les trois premiers lundis du mois de mai, les petits enfants de la paroisse y sont conduits et déposés sur l'autel afin de les fortifier.

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Le graud perron midi du cimetière, qui lui fait une entrée pleine de dignité, était très gravement endommagé en 1850, et sa fréquentation en devenait dangereuse. La fabrique le fit restaurer, mais la dépense surpassa notablement le crédit prévu de 800 francs, puisque les comptes accusent une somme de 3.834 francs consacrée à ce travail.

Près de l'ossuaire se trouve un vieux sarcophage de pierre utilisé comme auge à chaux. Ses dimensions sont longueur 2 m. 08 ; largeur à la tête 0 m. 78 et aux pieds 0 m. 65. La longueur intérieure est de 1 m. 85 sur 0 m. 58 de largeur aux épaules et 0 m. 45 aux pieds. Profondeur 0 m. 23. La cellule de la tête, ordinairement si bien caractérisée dans les cercueils monolithes, n'est ici qu'une simple entaille de 0 m. 25 sur 0 m. 05, qui, par une disposition exceptionnelle, se répète à l'autre extrémité (Chanoine Abgrall. Architecture bretonne 1904, p. 298-299). Ce sarcophage ne serait-il pas l'ancien tombeau de Saint Conven lui-même, retiré de l'église à une époque déjà très ancienne, et à l'égard duquel la vénération populaire se serait peu à peu oblitérée ?

Un autre monument funèbre bien plus moderne, mais non moins curieux, est le tombeau du fameux abbé Bernard-François Le Teurnier, né à Guervenan en Plougonven en 1793, et décédé au même lieu, plus que nonagénaire, en 1883. C'était l'un de ces types originaux, frappes d'une empreinte si accusée et si personnelle, comme notre époque abâtardie n'en connaît plus. Il fut vicaire, puis recteur dans un grand nombre de paroisses, mais si capricieuse était son humeur, si rebelle son caractère, qu'à peine casé quelque part, il persécutait l'évêque pour être envoyé ailleurs. Impatienté, le prélat lui dit un jour : « Vous ne serez donc jamais content de votre sort. Je ne sais vraiment quelle place vous conviendrait » - « Si, Monseigneur, la vôtre », répliqua t-il délibérément. « Cédez-la moi, et vous verrez si je ne me tiendrai pas pour satisfait ».

Son rectorat de Plougasnou dura 2 ou 3 ans, ce qui constitue son record de durée. Il montra d'ailleurs un grand talent de prédication pour les missions bretonnes, et ne rencontra point de rival dans l'explication tour à tour humoristique et horrifiante des taolennou imaginés par dom Michel Le Nobletz. En mémoire de cela, le bon sculpteur Yan Larhantec l'a représenté debout sur sa tombe, dans une attitude oratoire, et a ciselé, sur les panneaux de la petite chaire gothique où est placée sa statue, les scènes les plus saisissantes des taolennou qu'il commentait si éloquemment. Au pardon de la chapelle de Saint-Sébastien, en Lannéanou, l'abbé Le Teurnier se hissait dans le clocheton à demi-démoli, et c'est de cette chaire haut perchée et passablement périlleuse qu'il parlait à la foule de pèlerins.

Il finit par abandonner le ministère paroissial et habita sa propriété de Guervenan, où il mena désormais une vie toute campagnarde, travaillant aux champs, menant ses bêtes au labour, courant les foires pour y vendre chevaux ou vaches. On raconte que lorsque Napoléon III vint en Bretagne en 1858, et que le clergé de l'arrondissement de Morlaix lui fut présenté à Brest, l'abbé Le Teurnier s'était posté au premier rang, mais son air rébarbatif et sa mine étrange frappèrent l'empereur à un point tel que, voyant l'excellent prêtre s'approcher pour le saluer, Napoléon recula d'un pas en portant instinctivement la main à la garde de son épée. Bien des gens se souviennent encore d'avoir vu le vieil abbé Le Teurnier célébrer sa messe, à laquelle répondait sa non moins vieille servante, sur l'un des autels de l'église, et de l'avoir entendu engager parfois avec sa domestique, au beau milieu d'une oraison ou d'un verset, de peu liturgiques dialogues.

Un autre original d'une trempe différente fut ce Yan Larhantec qui sculpta le mausolée de l'abbé Le Teurnier et a peuplé de ses oeuvres l'église de la paroisse. Il naquit à Plougonven le 30 septembre 1829. L'un de ses premiers essais fut la croix de Keralivet, en Plougonven. Il s'en tira fort bien, mais par mégarde il inclina la tête du Christ à gauche, au lieu de la pencher à droite, selon l'usage. Aussi cette croix passe pour n'être pas chrétienne, et personne ne la salue. En 1855, Yan Larhantec, qualifié piqueur de pierres, puis graveur en pierres, travaillait déjà pour l'église ; il besognait à la tâche, se contentant d'un médiocre salaire, plus soucieux de réaliser le rêve de beauté qui le hanta toute sa vie que d'amasser de la pécune. Chacun des autels qu'il exécuta lui fut payé 2.000 francs. Il eut longtemps son atelier à Morlaix, au bas de la rue de Bourret, puis alla s'établir à Landerneau, où il est mort dans la misère le 1er janvier 1913, au moment où sa fille s'occupait de le faire admettre à l'hôpital.

Le malheureux artiste avait eu une grande vogue, mais il s'était appauvri et ruiné par son obstination à vouloir chercher le mouvement perpétuel, utopie pour laquelle il négligeait son atelier, laissait ses ouvriers sans surveillance et ne tenait aucune comptabilité. Celte jusqu'au bout des ongles, peu soucieux d'argent, il ne se préoccupait nullement, en concluant un marché, d'en retirer quelque bénéfice. Il rappelait par divers côtés les vieux tailleurs d'image auxquels on l'a souvent comparé : le galbe, le dru et, parfois l'étrangeté de ses conceptions ; l'audace de son ciseau, le style de ses oeuvres, où l'influence gothique était toujours apparente, enfin la façon dont il faisait servir son art à la satisfaction de ses rancunes. Un recteur des environs de Quimper ayant été en contestation avec lui au sujet du réglement d'un travail, il se vengea en le figurant, sur le socle d'une croix, emporté par quatre diablotins agrippés à ses cheveux et à ses oreilles.

Yan Larhantec s'était composé, en étudiant des morceaux de l'antiquité et du moyen-âge, un canon tout personnel de la beauté plastique. Lorsqu'un modèle venait se présenter à lui, il l'examinait, puis le renvoyait brusquement s'il ne le trouvait pas conforme à ses principes « Va-t-en, lui disait-il, tu n'es pas un homme ! ». Très bon sculpteur, on ne lui adressait qu'un seul reproche, celui de faire à ses statues des bras trop courts. Il parlait un jargon à lui, un français farci de breton, avec des saillies, des mois pittoresques, des aperçus inattendus et ingénieux qui rendaient sa conversation fort intéressante. Je manque d'éléments pour dresser le catalogue de ses oeuvres, me bornant seulement à ajouter à celles que contient l'enceinte du cimetière et de l'église de Plougonven, les calvaires de Ploudaniel et de la chapelle de Notre-Dame de Comfort, en Meilars, et les croix de mission de Saint-Melaine de Morlaix, et de Landerneau. (L. Le Guennec).

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