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CAHIER DE DOLÉANCES DE PLÉVENON EN 1789

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Subdélégation de Lamballe. — Dép. des Côtes-du-Nord, arr. de Dinan, canton de Matignon.
POPULATION. — En 1793, 846 hab. (D. TEMPIER, Rapport… au Préfet, dans le volume du Conseil général des Côtes-du-Nord, session d'août 1891, 3ème partie, p. 162).
CAPITATION. — Total en 1770, 1.025 l. 7 s. 9 d., se décomposant ainsi : capitation, 699 l. 10 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 61 l. 4 s 2 d. ; milice, 93 l. 8 s. ; casernement, 171 l. 5 s. 7 d. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981). — En 1778, 253 articles, dont 99 inférieurs à 3 l. (Ibid., C 3982). — Total en 1789, 1.120 l. 1 s. 6 d., se décomposant ainsi : capitation, 734 l. 11 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 64 l. 5 s. 5 d. ; milice, 93 l. 17 s. 1 d. ; casernement, 227 l. 18 s. (Arch. des Côtes-du-Nord, C 43).
VINGTIÈMES. — En 1787, 1.636 l. 18 s. 7 d.
FOUAGES. — 30 feux 1/30. — Fouages extraordinaires et garnisons, 606 l. 12 s. 7 d.
DÎMES. — 1.250 boisseaux de froment.

OGÉE. — A 7 lieues 1/2 à l'E.-N.-E. de Saint-Brieuc ; à 17 lieues de Rennes ; à 5 lieues de Lamballe. — 550 communiants. — Ce territoire forme une presqu'île ; il s'étend jusqu'au cap Fréhel. La lande de Fréchet, qui est d'une grande étendue, en occupe une partie ; elle est située dans la pointe du cap Fréhel ; le surplus de ce territoire est exactement cultivé.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 29 mars 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Pierre-Guillaume Le Restif, sénéchal de l'ancienne châtellenie de Matignon. — Comparants : Sébastien Capet ; François Blanchandin ; Jean Droguet ; Michel Guigen ; Etienne Picart ; Joseph Fromon ; Pierre Lefeuvre ; Pierre Dubois ; Jacques Thoreux ; Jacques Ménard ; Joseph Dubois ; Jacques Fromon ; Jacques Droguet ; Guillaume Paulmier ; Joseph Droguet ; Hilaire Robert ; Joseph Lemaître ; Julien Besrest ; Julien Lemaître ; Pierre Lhostellier ; François Lemasson ; François Rebillard ; François Boullé ; Jean Marjot ; Etienne Marjot ; Antoine Guilbert ; Louis Lemaître ; Louis Tranchant ; Jean Rabaut ; Michel Thoreux ; Charles-Marie Marjot ; capitaine du guet ; Guillaume-Pierre Droguet ; Etienne Lemarchant ; Jean Tabaut (?) ; Toussaint Dubois ; Pierre Picard ; Jo. Druet ; François Guignen ; Charles Raffray ; N. Treguy (?) ; Mathurin Grouazel. — Députés : Guillaume-Pierre Droguet, de la Thébaudais [Note : Guillaume Droguet devint maire de Plévenon en l’an IX (R. KERVILER, Bibliographie bretonne, t. XII, p 342).] ; Charles-Marie Marjot.

 

Cahier des charges et doléances de la paroisse de Plévenon.

Le Tiers de la dite paroisse de Plévenon, évêché de Saint-Brieuc, en Bretagne, assemblé en la manière accoutumée, au lieu ordinaire de nos délibérations ce vingt-neuf mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, charge ses députés, qu'il vient de nommer, de présenter à l'assemblée convoquée à Rennes pour le sept avril prochain les plaintes, griefs doléances ci-après, afin d'en charger les députés choisis dans cette dernière assemblée pour les Etats généraux. Intimement persuadé que les sentiments de patriotisme et d'humanité qui animeront les membres de cette auguste assemblée, et surtout comptant fermement sur la justice et la bonté du meilleur des Rois, il se flatte qu'on y aura égard et qu'on y fera droit.

1° — Il déclare adhérer unanimement, comme il l'a déjà fait, aux arrêtés de la ville de Saint-Brieuc du 24 novembre 1788 (voir note qui suit), et des communes de la province, fait à Rennes le 27 décembre même année, auxquels arrêtés le dit Tiers adhère de tout son cœur, en vouant la plus vive reconnaissance à leurs auteurs vraiment patriotes.

Note : Cette délibération de Saint-Brieuc a été en grande partie publiée par J. GESLIN DE BOURGOGNE et A. DE BARTHÉLEMY Anciens évêchés de Bretagne, t. II, pp. 345-348.

2° — Le même Tiers Etat charge ses députés, tant à l'assemblée particulière de Rennes que ceux qui seront élus pour l'assemblée nationale, de seconder de toutes leurs forces les vues bienfaisantes de notre auguste Monarque, vrai père de ses sujets ; c'est pourquoi ils demanderont l'égalité dans tous les impôts pour tous les ordres suivant leurs facultés : ainsi qu'il n'y ait qu'un seul et même rôle par paroisse pour la capitation des ecclésiastiques, des nobles et du Tiers ; que les fouages et tailles (s'ils subsistent) soient également assis sur toutes les terres, sans distinction de terre noble ou roturière ; que la corvée pour les grands chemins ne soit plus à la seule charge du peuple, qui en profite le moins (voir note qui suit) ; que les levées de milice et garde-côtes n'arrachent plus à la culture des bras utiles, pendant que des hommes dévoués à la paresse, comme les domestiques de la plupart des ecclésiastiques et des nobles, en sont exempts.

Note : La tâche de cette paroisse, sur la route de Lamballe à Dinard par Matignon était, en 1788, longue de 1.607 toises ; elle avait son centre à 2 lieues 1/4 du clocher (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883).

3° — Que les francs-fiefs soient supprimés à la décharge du Tiers, ou remplacés par un impôt commun à tous les ordres, afin d’éloigner du Tiers une distinction avilissante, qui ne peut qu'énerver ses sentiments ; qu'il soit permis au mêmes Tiers de franchir aux seigneurs soit ecclésiastiques, soit nobles, leurs rentes de fiefs, afin de fermer la porte à tant d'exactions, qui font gémir et qui accablent les sujets du Roi ; ou du moins que les seigneurs de fiefs soient obligés de lever et faire la cueillette de leurs rentes, car il est inouï et de la dernière inhumanité qu'un particulier, qui ne doit souvent que six deniers, soit astreint au droit de sergentise, pourquoi il lui coûte 20 livres ou plus pour faire faire la cueillette en son nom à son tour et rang, ce qui est encore souvent mal observé (voir note qui suit).

Note : Dans le jardin de la maison noble du Meurtel, en Plévenon, une borne indiquait la limite des fiefs du duché de Penthièvre et de ceux de la seigneurie de Matignon. De cette maison noble dépendaient, sous l'étendue du fief de Penthièvre, les bailliages de Launay et de Pontjoly : le premier était composé de diverses tenues « consortes, égaillables et revengeables » devant ensemble 42 s. 4 d, et 26 boisseaux de froment de rente mangière, mesure de Magtignon, payables par argent aux fins des apprécis des mangiers de la juridiction de Matignon ; le second, qui était de même nature, devait 19 s. 6 d. et 16 boisseaux 2 godets de froment de rente mangière, mesure de Matignon, payables aux fins des apprécis des mangiers de la seigneurie de Lamballe, le neuvième rabattu (il fallait trois boisseaux, mesure de Matignon, pour faire la perrée, mesure de Lamballe) ; ces rentes étaient à devoir de portage en la paroisse de Plévenon, avec amende de 15 s. en cas de défaut (Minu rendu au duché de Penthièvre par François-René de Trémerreuc le 6 juillet 1778, Arch. des Côtes du-Nord, E 332). Divers aveux rendus en 1760 an duché de Penthièvre par des afféagistes de Plévenon mentionnent l’obligation de « porter et payer les rentes aux greniers et tabliers du seigneur en ladite paroisse » et le « devoir de sergentise à leur tour et rang » (Ibid.).

4° — Le Tiers demande la suppression de la banalité des moulins, car, s'il était permis d'en choisir un de ceux actuellement existants, qu'on verrait bien plus de probité dans les meuniers, qui, jaloux d'avoir des moutaux, les serviraient comme il faut, et dans les seigneurs qui, pour conserver leur droit et leur revenu, s'étudieraient à choisir un honnête homme, loin d'affermer indifféremment au plus donnant et d'exiger de leurs moulins un prix excessif, ce qui met nécessairement le fermier dans le cas de piller le pauvre vassal pour payer le maître (2). Que les colombiers, qui causent de si grands dégâts sur les moissons, soient démolis ou du moins qu'il soit permis aux cultivateurs de conserver le fruit de leurs sueurs même en tuant les pigeons, sans être pour un pigeon menacés de la galère. Qu'il nous soit permis d’avoir chez nous des armes à feu pour notre intérêt particulier et celui de l'Etat ; pour en démontrer la nécessité, il suffit de dire que notre paroisse, formant une presqu'île et étant pour son malheur trop voisine des îles anglaises Jersey et Guernesey [Note : Ce passage présente de grands rapports avec le texte des délibérations des paroisses de Pléhérel, du 1er février 1789,  et de Plévenon, du 8 février 1789], est exposée en temps de guerre aux incursions des senauts [Note : On appelait ainsi de longues barques rapides destinées à la course (Dictionnaire de Trévoux, s. h. v.)], qui ruinent le commerce en prenant à la vue une infinité de barques du cabotage et nous menaçant à chaque instant de piller nos petites possessions ; de plus, nous avons dans notre paroisse un fort royal appelé le château de la Latte [Note : L'ancien château de la Roche-Gouyon bâti par les seigneurs de Matignon, était devenu le fort de la Latte, commandé par un gouverneurs que nommait le Roi], ce qui fait que tous les habitants de l'endroit sont soldats au besoin ; il est donc intéressant qu'ils aient des armes pour les manier, s'instruire et se mettre par là en état de repousser l'ennemi ; qu'il nous soit enfin permis de les porter sur notre propre terrain, afin d'en chasser et détruire les animaux qui ravagent et pillent nos possessions, secours dont ils sont privés par les nobles du canton, qui se sont permis de leur ravir dans leurs propres maisons, ce qui prouve assez la dure captivité sous laquelle ils tiennent le peuple asservi ; qu'il soit défendu aux mêmes nobles de chasser dans tous les temps, au grand détriment de nos récoltes, avec chiens couchants et courants, comme ils l’ont fait jusqu'ici.

Note : Le minu rendu en 1778 pour la maison noble du Meurtel mentionne le moulin à vent appelé le « Gros moulin », que sont obligés de suivre les étagers de la seigneurie du Meurtel et de celle du Boisfailet, autrement de la Sallepique ; ce moulin était alors affermé moyennant 24 boisseaux de froment et autant de seigle, « mesure au quart à gros blé de la seigneurie de Matignon ». Des aveux rendus en 1770 au duché de Penthièvre reconnaissent pour les tenanciers l’obligation de suivre les moulins du duché, mais seulement lorsqu'ils auront reconstruit les maisons en ruines situées sur les masures qu'ils ont afféagées (Arch. des Côtes-du-Nord, E 332).

5° — Que les nobles soient soumis aux peines que les lois décernent contre tous les assassins et meurtriers et autres coupables, etc., dont jusqu'ici ils ont paru exempts dans notre province.

6° — Que le Tiers soit représenté, dans toutes les tenues d’Etats de la province et même dans les commissions, par des personnes élues librement dans leur ordre, en nombre égal aux deux autres ordres réunis, et qui aient les qualités qu'exige l'arrêté de Saint-Brieuc ci-dessus relaté ; qu'en toute circonstance, on vote par tête et non par ordre, étant le seul et le meilleur moyen de réprimer les abus qui font gémir l'humanité ; qu'on rende publics par la voix de l'impression les comptes des deniers qui sont levés dans la province, avec l'emploi qu'on en fait, et même que le dit emploi ne puisse désormais être fait que par le concours des commissaires des trois ordres, dont la moitié au moins sera du Tiers ; que les nobles ne paraissent désormais aux Etats que par députés, en nombre fixé sur le modèle des Etats généraux.

7° — Que le Tiers ait la douce satisfaction de voir aux Etats de sa province, dans l'ordre de l'Eglise, ses recteurs et curés, qui seuls l'assistent dans ses besoins, qui seuls partagent sa misère et qui seuls peuvent la connaître.

8° — Que le pauvre malheureux Tiers ne soit plus obligé de fournir de ses sueurs à des pensions énormes et imméritées, que les nobles de la province s’approprient et même à son insu.

9° — Que, conformément au droit naturel, le Tiers ait dans le Parlement de la province des juges pris dans son ardre, pour parer aux partialités qu’on manifeste tous les jours contre lui ; que la porte lui soit ouverte à toutes les places dans l’Eglise, le militaire, la marine, lorqu’il en aura les talents, qui, encouragés et développés, deviendront utiles à l’Etat et contribueront incontestablement à rendre le royaume plus florissant.

10° — Que les établissements publics tels que ceux connus sous le nom d’hôtel des gentilshommes et autres, ne soient plus à la charge des pauvres roturiers.

11° — Qu'il n'y ait plus de lods et ventes pour les contrats d'échange.

12° — Les habitants de la dite paroisse chargent absolument leurs députés et ceux qui le seront pour l'Assemblée nationale, en qui nous mettons toute notre confiance, de demander à notre auguste monarque le soulagement des pauvres peuples des campagnes, qui sont presque les seuls vexés et écrasés, surtout dans notre paroisse, où les impôts sont considérables.

13° — Le Tiers Etat de la paroisse observe que presque tous les individus de la paroisse sont marins, et beaucoup morts au service du Roi, dont les veuves et les enfants gémissent, accablés qu'ils sont sous le poids de la misère ; qu'il serait digne, en cette hypothèse, de la bienfaisance du gouvernement de venir à leur secours (voir note qui suit).

Note : Une description du duché de Penthièvre rédigée, semble-t-il, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, donne sur la situation économique de Plévenon les renseignements suivants : « La paroisse est assez pauvre. Le commerce des habitants, c'est la navigation, se mettant sur les bâtiments de Saint-Malo. Ce sont les femmes et filles qui labourent la terre en l'absence de leurs maris. Il s’y fait tous les ans une pêche de maquereaux avec la gaule et la ligne » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E, fonds de Penthièvre).

14° — Le dit Tiers observe encore qu'il est notoire qu'il existe des prêtres en différents lieux de la province, qui, après avoir passé tout leur temps au service de la société, se trouvant vieux, infirmes ou en démence, se trouvent cependant dénués de tous secours et même privés des objets de première nécessité, qu'il serait donc encore digne de la bonté du Roi de faire établir des hospices dans les différents diocèses pour le soulagement de ces pauvres prêtres.

15° — Le Tiers demande l'abolition du rachat (voir note qui suit).

Note : Le droit de rachat est mentionné dans les aveux rendus au duché de Penthièvre (Arch. des Côtes-du-Nord, E 332). Le minu rendu en 1778 par François-René de Trémerreuc pour les deux tiers de la Seigneurie du Meurtel relevant de Lamballe porte, in fine, la mention de la liquidation du droit de rachat pour ces deux tiers, sur le pied de 600 l. (Ibid.).

16° — Qu'une des places de procureur syndic de la province soit rendue à l'ordre du Tiers, de plus celles de greffiers et héraut des Etats soient données au turne entre les ordres de la Noblesse et du Tiers.

17° — Que le bail des devoirs soit entièrement réformé, et qu’il en soit rédigé un nouveau.

18° — Que le casernement soit supporté par les trois ordres indistinctement.

Arrêté à Plévenon, en la sacristie, lieu ordinaire des délibérations, sous les seings des habitants formant le Tiers de la dite paroisse, pour être remis aux députés et par eux porté où il appartiendra ce vingt-neuf mars mil sept cent quatre-ving-neuf.

Il est d’observation que tous les habitants soussignés sont nés français, originaires, domiciliés de la paroisse et âgés de plus de vingt-cinq ans chacun.

[38 signatures, dont celle du président Le Restif].

 

DÉLIBÉRATION DU GÉNÉRAL ET DES NOTABLES du 8 février 1789.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, H).

Note : Cette délibération présente une très grande parenté avec celle de Pléhérel. Elle semble avoir été écrite de la main d'un de ses signataires, Marjot.

[L'assemblée, s'adressant aux « députés des communautés de Bretagne » et aux « citoyens de la commune de Rennes », leur fait d'abord part de son adhésion aux arrêtés du Tiers des 22-27 décembre 1788 et à celui des dix paroisses de Rennes du 19 janvier 1789].

Serait-il à propos, Messieurs, de mêler vos doléances particulières à celles qui nous sont communes avec le reste de la Bretagne ? Oserions-nous vous prier d'obtenir de Sa Majesté qu'il fût permis à chaque particulier de sur la côte d'avoir des armes à feu pour le bien de l'Etat et ses propres intérêts ? Pour en démontrer la nécessité, nous vous dirons, Messieurs, que la paroisse de Plévenon, formant une presqu'île et étant, pour son malheur, trop voisine des îles anglaises Jersey et Guernesey, est exposée en temps de guerre aux incursions des senautts (sic), qui ruinent le commerce, en prenant à la vue une infinité de barques du cabotage, et nous menaçant à chaque instant de piller nos petites possessions.

De plus, nous avons dans notre paroisse un fort royal appelé château de la Latte, ce qui fait que tous les habitants de l'endroit sont soldats au besoin ; il est donc intéressant qu'ils aient des armes, pour les manier, s'instruire et se mettre par là en état de repousser l'ennemi. D'ailleurs, quand il n'y aurait que les seuls ravages occasionnés tous les ans par les chiens enragés sur les animaux des campagnes et même sur le peuple, les habitants devraient être autorisés dans la possession des armes à feu, secours dont ils sont privés par les nobles du canton, qui se sont permis de les leur ravir, même dans leur propre maison, ce qui prouvre assez la dure captivité sous laquelle ils tiennent le peuple asservi.

Que notre auguste monarque n'induise pas de notre demande que son peuple veuille faire le métier de chasseur : ce n'est point son intention. Nous savons par expérience combien les moments des agriculteurs sont précieux, pour ne pas les perdre dans un passe-temps aussi inutile et aussi peu lucratif. Nous demandons seulement la permission de porter une arme sur notre propre terrain afin d'en chasser et détruire les animaux qui ravagent nos possessions, tels que les corbeaux et autres. Nous demandons même que personne ne le puisse faire dans tous les temps avec chiens, au détriment de nos récoltes, comme on le fait tous les jours.

Nous vous supplions, Messieurs, de demander la démolition et destruction des colombiers et garennes. Tout le monde sait que les pigeons et les lapins sont un fléau pour les campagnes, détruisent et ravagent toutes les récoltes, surtout dans nos cantons où les colombiers sont en grand nombre et d'autant plus onéreux pour notre paroisse que nous sommes bornés par la mer. Si on doutait du fait, on prouverait, si besoin était, que des particuliers ont été forcés de cesser d'ensemencer des champs voisins d'une garenne. Or, serons-nous toujours obligés de souffrir de pareilles servitudes pour notre ruine ? Plût à Dieu que tous possesseurs de droits aussi nuisibles suivissent l'exemple de différents particuliers du Tiers, qui, quoique fondés en droit pour colombiers et garennes, mais certains par eux-mêmes des torts dont nous nous plaignons, veulent bien en faire un généreux sacrifice en faveur du public !

Serait-il enfin, Messieurs, possible de demander la libération de la servitude désastreuse des moulins ? Ah ! s'il était permis de choisir un de ceux actuellement existants, que nous verrions bien plus de probité dans les meuniers, qui, jaloux d'avoir des mouteaux, les serviraient comme il faut, et dans les seigneurs qui, pour conserver, leur droit et leur revenu, s'étudieraient à choisir un honnête homme, bien loin d'affermer indifféremment au plus donnant et d'exiger de leurs moulins un prix excessif, qui met nécessairement le fermier dans le cas de piller le vassal pour payer son maître ! On objecterait vainement que la loi offre aux mouteaux les plus grands avantages : la seule réponse est qu'ils en sont toujours la dupe.

[26 signatures dont celles du curé Lemée, des prêtres G. Lossois, F. Orhan et Droguet, de Droguet de la Thébaudais et de Marjot].

 

LETTRE DES ECCLÉSIASTIQUES, LABOUREURS ET ARTISANS DES ENVIRONS DU CAP FRÉHEL Novembre 1788. (Arch. Nat., BA 26).

MONSEIGNEUR,
Par arrêt du 5 juillet 1788 concernant l'assemblée des Etats généraux, le Roi permet à quiconque de donner ses observations qui peuvent contribuer au bonheur de ses sujets, unique objet de son cœur.

Le pauvre pêcheur, le laboureur, avec un visage have et noirci par les injures de l'air, maigre et décharné par les sueurs de tout son corps pour fertiliser la terre, et qui n'a pour se couvrir que des haillons poussiéreux, osera-t-il se présenter dans l'assemblée brillante et majestueuse de ceux qui environnent le trône ? Oui, Monseigneur, sous vos charitables auspices il percera la foule et parviendra jusqu'aux pieds du trône, pour y déposer ses besoins dans le cœur du plus tendre des pères.

Jusqu'à présent cette classe d'hommes, si nécessaire à la nourricière des autres, paraît avoir été oubliée, et on ne lui a accordé aucune place dans les assemblées du gouvernement, soit dans les assemblées nationales, soit provinciales ; elle n'a pu encore se voir à lieu de plaider sa cause. On ne peut cependant disconvenir que cette classe ne soit la plus laborieuse, la plus indigente, la plus misérable, et cependant qu'elle est la plus chargée d'impôts de toute espèce.

Les paysans ne manquent pas de bon sens, comme on se l'imagine, et, si l'éducation n'est pas égale en tous, il n'est pourtant guère de paroisses où l'on ne trouve des hommes du plus solide jugement et particulièrement dans celles où le peuple possède quelque modique propriété, où les sentimens se ressentent moins de l'avilissement de la servitude.

Ils s'unissent aujourd'hui, Monseigneur, pour demander humblement de pouvoir dans la suite être admis ou représentés dans les assemblées qui regardent la cause commune séparément des villes, qui connaissent moins parfaitement les besoins de la campagne, et d'y être accompagnés par leurs pères spirituels, je veux dire les recteurs, les curés et les autres prêtres employés au ministère dans les campagnes, qui, comme eux, ont été jusqu'ici exclus ; en effet, cette portion d'ecclésiastiques ne doit pas être dédaignée. Ce sont eux qui sont le plus à même d'exercer leur zèle, jour et nuit, et de travailler pour les besois spirituels et corporels de ceux parmi lesquels la Providence les a placés ; ce sont eux qui sont les admirateurs des vertus des campagnards, de leur amour tendre et respectueux pour leur souverain et de leur fidélité inviolable.

Plaise donc à Votre Grandeur, Monseigneur, faire agréer au Roi notre humble requête ; Dieu, dans cette vie et dans l'autre, ne laissera pas votre charité sans récompense.

F. DENIS, recteur de Planguenoual ; P. BERTRAND, recteur de Pléneuf ; J. PATARD, recteur de Saint-Alban ; L. BAUDOUARD, recteur de Hénansal ; Fr. ORIRUX, recteur de Saint-Denoual ; Louis BRENEL, curé de Saint-Denoual ; MAUSSERAG (?), recteur d'Erquy ; LEMONIER, recteur de Plurien ; F. ORHAN, prêtre ; F. Ph. BOUËTARD, recteur de Pléhérel ; J. BOUÉTARD, curé de Pléhérel ; L. LEMÉE, curé de Plévenon, recteur absent ; J. PASTUREL., curé de Plurien ; J.-B.-J. LE FEBVRE, recteur de La Bouillie ; J.-J. BOUQUET, pensionnaire du Roi, prêtre de Pléneuf ; GUICHART DE QUENROIT ; DAYOT, laboureur, syndic de Pléneuf ; CORNILLET DE LA ROCHEMORIN, pour la paroisse de St-Alban ; Pierre CRUPEL, pour la paroisse de Hénansal ; J.-R. GUESNIER BOUËXIÈRE [de Plurien] ; DROGUET ; VILLERUAUST GUESNIER [de Plurien] ; DE LA THÉBAUDAIS ; François BOUGUET, laboureur ; Mathurin ROUAINRYE, trésorier de Pléneuf ; Pierre GUINARD, négociant ; Toussaint PANSART, constructeur de vaisseaux.

MONSEIGNEUR,
Ce sont là les vœux de tous les paysans en général, et en particulier de tous les ecclésiastiques, des mariniers, des laboureurs et artisans habitant les côtes des environs du Cap Fréhel. Nous avons cru que la multitude des signatures était qu'il était plus à propos de n'employer que quelques-uns des anciens et principaux des paroisses. Pleins de confiance en vos bontés, Monseigneur, ils ont confiance que leur requête sera agréée de Sa Majesté ; ils supplient d'en donner avis et l'adresser à l'abbé Bouguet, ancien préfet apostolique des îles Saint-Pierre et Miquelon, résidant actuellement à Pléneuf par Lamballe [Note : Jacques Bouguet, vicaire à Pléneuf, était parti pour l’Amérique en 1773 (Le clergé du diocèse de Saint-Brieuc…, loc. cit. , p 313)]. Ils ne cesseront d'adresser des vœux au ciel pour la prospérité de vos précieux jours.

(H. E. Sée).

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