Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue ! 

LE PILLAGE DE LANNION DURANT LA LIGUE

  Retour page d'accueil        Retour page Histoire de Lannion  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bretagne : voyage,vacances,rencontre,immobilier,hôtel,camping,restaurant

« Le mardy 28 octobre 1597, le sieur de la Fontenelle assisté d’environ trois cents cavaliers, vint de Douarnenez au bourg de Ploumilliau pour deffaire le capitaine dit Laville-Chapin (lequel on disait être un texier) estant des troupes du seigneur de Kergomar, lequel Laville-Chapin estait assisté d’environ cent cinquante hommes de pied, qui y étaient venus pour contraindre les paroissiens de payer ce qu’ils restaient devoir pour les fortifications de Guingamp, lequel capitaine de toile avec douze ou treize de ses soldats fut tué, et les aultres mis en déroute et fuicte légère qu’ils gagnaient à grands pas « ut canis et nilo »

Cette même année, les habitants de Lannion, mus par un louable sentiment de reconnaissance voulurent faire, quoique leurs ressources fussent épuissées par les incendies et les pillages, de riches présents au seigneur de Kergomar.

« Ils chargèrent le sieur Saliou, procureur (maire), de s’informer de quelques domestique de ce que monsieur de Kergomar aurait pour agréable. Celui-ci ayant découvert que madame de Kergomar avait donné en charge à quelque sien domestique de faire venir de Rouen la garniture de deux lits, à savoir deux rideaux, courtines et tappis avec le tappis de deux tables bien beaux et honnestes, il en conféra à la dite partie d’iceulx habitants qui furent d’avis de faire venir lesdites garnitures à leurs coûts et dépens, comme pour en faire don et présents auxdits seigneur et dame, avec les garnitures même genre de demi-douzaine de tabeaureaux (tabourets) et quelques belle étoffe pour faire des habits aux deux petits fils desdits seigneur et dame, et pour n’être pas recognus (reconnus) ingrats de recognaitre en partie l’honneur que iceulx habitants reçoivent journellement de leur part et pour faire mieux cognaitre le désir que les habitants ont de se toujours maintenir en leurs bonnes grâces ».

Un bourgeois lannionnais, alla donc à Rouen, fit les emplettes demandées, « outre deux chapeaux blancs pour les deux petits » de monsieur de Kergomar, et revint à Lannion avec tout ce trousseau, qui fut gracieusement accepté par monsieur de Kergomar.

Arriva enfin le fameux édit de Nantes, et avec lui la paix. Dans les quartiers de Lannion les brigands de la Ligue l’accueillirent avec dépit, et ne craignirent pas de protester contre le nouvel ordre de choses par d’impitoyables ravages. On fut contraint de faire publier l’édit à haute voix dans nos rues, « afin que personne n’en ignorât ».

L’année suivante (1598), le procureur de Lannion adressa au Parlement la supplique qu’on va lire : elle montre bien ce qu’était le droit de la guerre à cette époque.

« A Nosseigneurs Nosseigneurs du Parlement.

Supllient humblement les habitants de Lannion, remontrant qu’au mépris et contemnement de la sauvegarde et exemption de tout logement qu’il aurait plu au Roy leur octroyer, en considération des grandes et insupportables pertes qu’ils auraient souffert en haine de leur persévérance et de leur fidélité au seigneur de sa Majesté, les capitaines Thomy La Broustière, La Guiette-Cambrigo et aultres conduisant bien ouit (huit) à neuf cents hommes, auraient le lundy ; quatorzième jour d’avril dernier, avant le disner, entré forcément par toutes les avenues en ladite ville, y logé leurs troupes et séjourné jusques au vendredi suivant, dix-ouitiéme (dix-huitième) dudit mois, après le disner ; vivant non seulement à discrétion, mais y exerçant des hostilités, indignités et insolences que jamais gens de guerre firent en ville ennemie, emportée d’assaut et exposée en leur mercy, meurdrissant (meurtrissant) et tuant les personnes, voire les malades en leurs lits, entre aultres le sieur Tertrebaron, les renchonnant (rançonnant) et puis les chassant de leurs maisons, violant certaines filles, rompant les celliers et greniers pour en tirer les vins, bleds et autres marchandises et biens dont ils étaient pleins, vu que d’autant que presque toute la noblesse de l’évesché avait rendu la plus grande partie de leurs commodités, sous l’espoir qu’on eût fait état de ladite sauvegarde ; brisant et bruslant les boisages (boiseries) voire les maisons ; bref, réduit les pauvres habitants en telle désolation qu’ils sont contraints d’abandonner ladite ville à leur totale ruine et au grand préjudice et perte et intérêts de sa Majesté d’autant que c’est l’un des bons hâvres de tout le pays ».

Nous avons dit plus haut que le signe distinctif de la puissance du seigneur de Kergomar pendant la Ligue, c’était l’encadrement de ses armes dans la maîtresse - vitres du Baly ; nous allons voir jusqu’à quel point ce seigneur était jaloux de ce droit honorifique.

Précisément à l’époque où nous sommes arrivés, c’est-à-dire à la fin de la Ligue, M. Le Gualès, seigneur de Keryvon, obtint subrepticement des fabriciens et du syndic l’autorisation de faire encadrer ses armes dans la vitrine latérale de l’abside du Baly, côté de l’êpitre. L’affaire, déférée d’abord à la cour royale de Lannion qui débouta le seigneur de Keryvon de ses prétentions, fut ensuite appelée au siège présidial de Rennes qui confirma le premier jugement.

Mais si le seigneur de Kergomar avait laisser protester en sa faveur la ville qui voulait voir les armes de celui-ci briller dans l’abside du Baly, sans en souffrir d’autres auprès, ce fut lui qui se chargea d’exécuter la sentence portée contre son adversaire. Plusieurs gentilshommes de ses amis, pénétrèrent donc la nuit dans le Baly, brisèrent les armes du seigneur de Keryvon, et mutilèrent son enfeu situé dans le cancel ou grand chœur ; ils allèrent jusqu’à incendier son banc en pleine église. En manière de représailles, le seigneur de Kermorvan, frère cadet du seigneur de Kergomar, fut assassiné. Des parents de M. Le Gualès furent accusés de ce meurtre, mais l’affaire tomba d’elle-même, faute de preuves. C’est ainsi que se terminaient souvent par des assassinats les procès de ce temps malheureux sous plus d’un rapport.

On se fait parfois cependant d’étranges idées du moyen-âge. Ainsi, s’il faut en croire certains auteurs, les gentilshommes et le clergé de ce temps vivaient dans une ignorance crasse (c’est le mot employé). Nous sommes en mesure de prouver, du moins pour ce qui concerne notre pays, que cette assertion est complètement erronée.

En effet, nos cours royales, nos sénéchaussées, nos prévôtés, étaient toutes occupées par des gentilshommes et à ceux qui diront que c’étaient de pauvres docteurs, nous répondrons en les renvoyant aux jugements que ces magistrats ont rendus, aux actes qu’il ont écrits ; jugements et actes, qui aujourd’hui encore servent de modèles.

D’un autre côté, personne n’ignore qu’à cette époque presque tous les monastères, presque tous les couvents avaient des élèves.

La ville de Lannion renfermait, à elle seule, trois écoles. L’une était au Porchou ou couvent des Augustins ; l’autre, dans la rue qui conduit du Baly à la place du Miroir ; enfin la troisième, au Baly même. Elles étaient toutes les trois dirigées par le même maître, à des heures différentes.

Le clergé n’étant pas aussi ignorant qu’on veut bien le dire. Ainsi, voici un pauvre prêtre de campagne, un curé de Plestin, celui-là même à qui l’on doit les quelques détails que nous avons donnés plus haut sur la Ligue dans notre pays, qui va parler assez correctement, ce nous semble, la langue de Virgile.

« Epigramma ab Alano Luca, presbytero, in torros milites, editum hoc anno 1594.
Impius his annis ad se trahit omnia miles 
Sed, nisi quod reperit, non tamen ille rapit.
Non lupus est, hodierno tempore, milite pejor,
Non lupus atque leo, nec ferus ullus aper.
Corpora dilaniat multorum christicolarum 
Hic quoque divitias cupit omnigenas,
Carcere nunc flammis, tormentis flagitiisque,
Britones omnes belliger excruciat.
Sed Deus-Omnipotens à nobis pelleret ista crimina,
Si vellet plangere quisque sua 
Horrida cum fuerint (ut fertur) magnaque bella,
Proxima tune nobis pax sine lite foret
Tu, Dominum obsecres pro Luca, candide lector,
Et De profundis exeat ore tuo.
 
»


Ce qui peut se traduire en français :

« Epigramme faite en 1594 par Alain Lucas, prêtre, sur les féroces soldats de son temps.

Dans ces années malheureuses, tout devient la proie d’une soldatesque impitoyable. Le soldat d’aujourd’hui ne le cède en cruauté ni au loup, ni au sanglier altérés de sang ; il déchire comme une proie le corps de mille chrétiens après les avoir dépouillés de toutes leurs richesses. La prison, les flammes, les tortures , le déshonneur, l’homme de guerre n’oublie rien pour le tourment des Bretons.

La main du Tout-Puissant éloignerait de nous ces fléaux si chacun voulait pleurer ses crimes. Aux horreurs d’une guerre désastreuses nous verrions bientôt succéder les douceurs d’une profonde paix.

Lucas, auteur de ces vers, vous demande une prière, ô bon lecteur. Que vos lèvres pour lui murmurent un « De profundis ».

Autres temps, autres mœurs. Autrefois un auteur vous demandait une prière pour toute récompense ; aujourd’hui c’est autre chose !…

Mais reprenons le fil, un moment interrompu, de notre narration.

Lannion avait donc été pillée quatre fois pendant la Ligue : d’abord en 1590, par les troupes de Mercoeur ; ensuite, en 1593 et en 1596, par les brigands de Fontenelle ; enfin en 1598, par les troupes du Roi sous le commandement des capitaines Thomy la Broustière et la Guette-Cambrigo.

Tout le pays environnant n’avait pas moins souffert.

Aussi, grande était la misère à Lannion et dans tout le pays lannionnais après les guerres de la Ligue.

Laissons ici parler M. L’abbé Daniel :

« Lorsque sur la fin du XVIe siècle, dit ce savant, l’on traversait les rues de Lannion et ces riches campagnes qui bordent la Manche depuis le Yeaudet (Yaudet) jusqu’au château du Taureau (baie de Morlaix), et que l’on voyait encore toutes fumantes les traces qu’y avait laissées partout la guerre civile, une tristesse inexprimable devait saisir l’âme et l’on devait se demander si de hardis barbares n’avaient pas passé et repassé par là. En effet, dans la ville, deux cents maisons réduites en cendres sont désertes, les échanges du commerce sont dans une stagnation complète et nul espoir de voir celui-ci recouvrer son ancienne prospérité n’entre jamais dans le cœur. Et pourquoi désormais des commandes, puisque soudainement les chariots des châteaux ou des villes fortes arrivaient pour dévaster les magasins ? Pourquoi encore restaurer les rues incendiées, puisque demain elles auraient le même sort qu‘elles ont déjà subi ? Dans les campagnes, le laboureur fuyant devant le fer et le feu, arrivant à la fois et périodiquement infester son village, s’était retiré dans les forteresses des villes et des châteaux, parce qu’il croyait par là mettre sa vie en sécurité ; enfin ça et là au milieu des friches apparaissaient dans les airs les hideux et horribles squelettes des maisons et des villages noircis par la fumée des incendies, et attestaient que si la Providence ne suscitait pas un remède à tous ces maux, la pays allait tomber dans la barbarie ».

Il est un fait incontestable pour quiconque a étudié l’histoire de Bretagne, c’est la recrudescence de la piété, la naissance de saints hommes, la construction d’établissement pieux, durant tout le XVIIe siècle (NDLR : le plus grand nombre des églises de nos campagnes datent comme il est facile de le voir par les inscriptions qu’elles portent pour la plupart, de la fin du XVIe siècle ou du commencement du XVIIe siècle), ce qui, par parenthèse, se fait d’autant plus remarquer que le siècle suivant va conspuer et fouler aux pieds tout ce que son aîné a vénéré et adoré, le front dans la poussière.

Nous verrons que l’histoire de Lannion, au XVIIe siècle, n’est remplie, à peu près, que par des faits religieux.

En 1600, Lannion avait cinq monuments destinés au culte.

La chapelle de Saint-Nicolas était moins fréquentée que précédemment ; ceux qui l’avaient élevée par dévotion à saint Nicolas, c’est-à-dire les « mariniers et bourgeois de la ville, ayant alors au Baly un autel dédié à ce saint, aimaient mieux aller prier saint Nicolas à l’église paroissiale ».

La chapelle des Augustins était nue et délabrée. Ces moines étaient si pauvres et leur établissement tellement en ruines que la ville jugea à propos de leur faire don du produit « des devoirs d’un pot de vin ». Ce « devoir » était un impôt qui se prélevait sur la vente du vin en détail.

© Copyright - Tous droits réservés.