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La Forêt de Paimpont

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- L'antique Brocéliande et la forêt de Paimpont.

- Merlin, devant l'histoire ou Merlin le Barde.

- Merlin en face de la légende ou Merlin l'enchanteur 

- Merlin l'enchanteur et la Fée Viviane, sa mie.

- La dame de Brécilien, et Owen, son chevalier.

- La fontaine de Barenton.

- Le vaillant Ponthus et la belle Sidoine.

L'ANTIQUE BROCELIANDE ET LA FORET DE PAIMPONT

 Dans les temps les plus reculés, une forêt immense couvrait à peu près la moitié du sol armoricain. Elle s'étendait de l'est à l'ouest et commençait à la rivière du Meu, sous Talensac, pour se prolonger, à l'occident, jusque vers la mer. Elle n'existe plus, aujourd'hui, dans son ensemble, mais il est encore facile d'en suivre les contours et les lambeaux sur une carte de géographie. 

On ne connaît pas l'époque où la grande Forêt Bretonne a subi ce morcellement. Les Romains, qui ont occupé notre péninsule pendant 450 ans à peu près, l'auraient-ils détruite ? A-t-elle été ravagée par des incendies? Est-elle tombée de vétusté ? Autant de questions sur lesquelles l'histoire garde un silence absolu. Tacite rapporte, seulement, que les Romains firent disparaître, dans l'île de Man, des forêts au sein desquelles les habitants avaient dressé des autels et répandaient le sang des captifs. 

Quoi qu'il en soit, la plus grande portion qui nous est restée de cette forêt a porté les noms de Brocéliande, Brocélian, Brécilien elle s'appelle aujourd'hui la forêt de Paimpont. 

Au IXème siècle, le cartulaire de l'abbaye de Saint-Sauveur de Redon désignait le pays environnant cette forêt sous le nom de Pontrecoët, de trois mots celtiques qu'il traduisit par ces termes de la langue latine : pagus trans silvam : pays ou canton au-delà de la forêt. 

Les druides avaient fait leur séjour dans cette forêt qu'ils comptaient parmi leurs bois sacrés. C'est en s'adressant à ces prêtres que le poète Lucain dit : « vous habitez de hautes forêts et en des lieux écartés... nemora alta, remotis incolitis locis »

« Les arbres de ces forêts étaient sacrés parce qu'ils étaient arrosés de sang humain : Omnis et humanis lustrata cruoribus arbor »

« Outre les bois, les Druides avaient des autels grossiers et faits sans art : arte carent.. Sacra Deum, structa sacris feralibus ara »... 

On trouve dans les environs de cette forêt des pierres répandues çà et là qui ont servi au culte druidique.

Quoique les conciles eussent ordonné de faire disparaître ces objets de superstition où des insensés couraient acquitter des voeux et porter des chandelles, cette fausse religion se conserva longtemps encore dans le peuple, même après sa conversion à la vraie foi. Dans ce pays, comme dans beaucoup d'autres, le « grand enfant » qu'on appelle la foule a toujours plus ou moins allié les vieilles superstitions aux pratiques du christianisme : Notre-Dame de Paimpont était l'étoile qui devait dissiper ces ténèbres et éclairer tant d'ignorance. 

Profitant de la passion, du peuple pour tout ce qui s'appelle légende, les romanciers et les poètes n'en firent pas moins revivre, vers l'époque du rétablissement du sanctuaire de Notre-Dame de Paimpont, les traditions qui concernaient la forêt de Brocéliande. Elle était mystérieuse et enchantée. Là, coulait la fontaine de Baranton, dont les eaux, répandues sur le perron de l'enchanteur Merlin, excitaient les tempêtes ; là était le val périlleux, autrement dit le Val-sans-retour ou Val des faux amants, ainsi nommé parce que tout amant volage qui s'y engageait était dans l'impossibilité d'en sortir : comment l'aurait-il fait, puisqu'une barrière impénétrable lui en fermait l'issue par le pouvoir et la malice de la magicienne Morgane ? Souvent, de cette forêt sortaient de longs gémissements, des hurlements affreux, des voix inconnues ; souvent, à l'horreur du tumulte succédait l'horreur du silence. 

D'autres fois, de ces solitudes impénétrables, la nuit fuyait, et, sans se consumer, les arbres devenaient autant de flambeaux dont les lueurs laissaient apercevoir des dragons ailés, des serpents, des scorpions ; des fantômes, des spectres apparaissaient et montraient leurs ombres lugubres sur ce fond de lumière ; mais bientôt tout s'éteignait et une obscurité plus terrible encore ressaisissait la forêt mystérieuse... 

L'enchanteur Merlin avait résidé dans ce bois sacré. Il y faisait encore sa demeure, à l'ombre d'une aubépine, non dans un tombeau, car il était vivant, mais dans un état de sommeil où l'avait réduit sa mie Viviane, ce qui n'empêchait pas que quelquefois on entendit encore sa voix. 

C'est également dans cette forêt qu'Eon de l'Etoile, ce fameux « Juge des vivants et des morts », et ses fanatiques partisans avaient tenu leurs orgies et exercé leurs brigandages : « cremantur quibusdam inhabitantium gladio et fame peremptis, et aliae multae heremitarum mansiones in Brésilien... Ludo erat nomine de pago Lodiacense ortus... »

L. Bail dans sa « Somme des conciles », rapporte un long article de Guillaume de Neubrige sur Eon de l'Etoile. Je ne suivrai pas cet insensé dans ses égarements. 

Les merveilles de Brocéliande avaient un tel retentissement, que les poètes et les romanciers les célébraient à l'envi. Ebranlé par tant de récits, Wace, poète anglo-normand du XIIème siècle, vint la visiter. Voici comment, dans son langage, il raconte son voyage : 

« Là alai-jo merveilles querre,
Vis la Forest et vis la terre,
Merveilles quis, maiz nes trovai,
Fol m'en revins, fol i alai, 
Fol i alai, fol m'en revins, 
Folie quis, por fol me tins. ». 

La forêt actuelle de Paimpont atteint une superficie de près de 8.000 hectares. Des 14 étangs qui l'arrosent, les plus grands, ceux du Pas-du-Houx et de Paimpont, et le plus pittoresque, celui des Forges, méritent de servir de rendez-vous aux promeneurs les plus difficiles, tant à cause de leurs immenses nappes d'eau que de leurs capricieux contours. 

Au début du XXème siècle, dix gardes-forestiers ont prêté le serment de veiller au respect du domaine. Leur uniforme les signale à l'attention des délinquants en même temps qu'il les recommande à la considération des vrais amis de l'ordre, des défenseurs du droit sacré de propriété. Ils occupent çà et là, dans la forêt, en qualité de brigadiers ou de simples gardes, les postes qui leur sont assignés par l'administration et reçoivent un traitement fixe de la famille Levesque, propriétaire alors de la forêt. 

Que de travaux ont été faits dans cette forêt, depuis les mille et mille canaux qu'on y a creusés, jusqu'à ces nombreux poteaux indicateurs qu'on y a plantés, jusqu'à ces lignes d'un tracé irréprochable qui permettent aux chasseurs comme aux charretiers, de parcourir les différents cantons ! ! Paimpont se trouve ainsi, aux temps actuels, traversé dans tous les sens par d'excellentes routes auxquelles la carrière de Jacob fournit l'entretien. On peut donc, sans être aventurier et sans courir le risque de s'égarer, se payer facilement le luxe de la plus charmante des promenades sous bois. 

A deux fortes lieues de Paimpont, entre les villages du Pertuis-Néanti, de Beauvais et le modeste bourg de Tréhorenteuc, le touriste trouvera le célèbre Val-sans-retour où restait prisonnier tout chevalier traître à sa dame. C'est, avec les Forges et la Haute-Forêt, le beau site du pays. Ce val se compose d'une suite de monticules d'une rare originalité. De leurs sommets sauvages, l'oeil plonge, par un temps clair, à des distances merveilleuses et embrasse de vastes horizons. Visiteurs, si vous n'avez à vos côtés un guide sûr, gardez-vous de trop vous attarder dans la contemplation ; dites adieu à ce labyrinthe, avant la tombée de la nuit, sous peine de vous trouver, même sans être de faux amants, dans l'impossibilité de sortir d'un val qui serait pour vous « sans retour »

On montre encore dans la forêt deux fontaines : celle de Barenton, près de laquelle, je le répète à plaisir, l'enchanteur Merlin et sa mie Viviane se donnaient rendez-vous ; et celle de Jouvence (Juventus), qui avait autrefois le privilège de rajeunir les personnes qui allaient s'y désaltérer. 

C'était là, dans l'eau de ces fontaines, que les fées de la forêt venaient mirer leurs jolis minois et lisser leurs blondes chevelures. C'était là aussi que les Paladins de la Table-Ronde couraient, sous la conduite de Messire Artur (Arthur), chercher des aventures et accomplir leurs prouesses. 

Enfin, sur une lande rocheuse, tout près de Jouvence en vue du robuste clocher de Saint-Malon que l'on aperçoit à quelques pas seulement du monument, est un dolmen renversé appelé le Tombeau de Merlin. Si l'on en croit la renommée, les habitants des villages voisins auraient, tout dernièrement, pratiqué des fouilles pour essayer de trouver des trésors enfouis sous ces blocs de pierre. Peine inutile, hélas ! Merlin n'est pas Baal. L'hôte du buisson d'aubépines fut le chevalier de l'amour ; il ne sera jamais le dieu de l'or. Terminons par ces vers que le grand poète breton a consacrés à « Brocéliande » :

Chantons tous le chêne, roi des grands bois ! 
Chantons tous, jeunes gens, et chantons les arbres verts !  
Cruel est celui qui coupe les chênes : 
Hélas ! combien d'arbres en Bretagne ont été abattus ! 

Kanomb holl ann dero, roué ar c'hoajou braz ! 
Kanomb holl, tud iaouank, ha kanomb ar gwé glaz 
Kris éo ann hini a drouc'h ann dervenned : 
Allas ! kément a wé é Breiz zo diskarret ! 

 

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MERLIN, DEVANT L'HISTOIRE OU MERLIN LE BARDE

« Il n'est ni ange ni homme Qui ne pleure quand chante la harpe »

M. de la Villemarqué, après de savantes recherches, est parvenu à découvrir quelques traits de la première et mystérieuse figure dont le souvenir se rattache à la forêt de Brocéliande. Il en fait d'abord un barde, et voici comment, dans ses « Poèmes des bardes bretons du VIème siècle », il dépeint les fonctions et les privilèges de ces poètes favoris des rois et des peuples : « les bardes, dit-il, occupaient à la Cour un rang assez élevé. On les voyait figurer aux côtés du roi, avec ses premiers officiers, quand le soir, il était assis à table près du feu, dans la salle de son palais de bois à voûte basse et cintrée, que soutenaient six colonnes faites de troncs de chêne, polis avec soin, et qu'éclairaient des torches d'arbres résineux »

« Le barde royal tenait à la main une harpe, présent du prince, et portait au doigt un anneau d'or reçu de la reine le jour de son admission, et il ne devait jamais se dessaisir de ces objets. Si le chef du palais désirait qu'il chantât, il devait faire entendre trois chants de trois espèces différentes ; si c'était la reine qui l'en priait et qu'elle le mandât dans sa chambre, il devait se rendre à ses voeux, et lui dire trois chants d'amour, mais à demi voix pour ne pas troubler la Cour. Trois chants aussi pour le noble ; mais « si un paysan l'en prie, qu'il chante jusqu'à l'épuisement », dit le législateur, voulant montrer par là que le barde appartient bien plus au peuple qu'aux rois, aux reines et aux nobles »

« Au jour du combat, il devait chanter pendant la bataille l'hymne national de la domination Bretonne, et grande était sa part aux dépouilles … »

« Il montait un cheval des écuries du roi et logeait chez le préfet du palais. Son plus beau privilège, dans un temps où la force brutale régnait trop souvent sans partage, était de pouvoir arrêter et conduire au Roi tout homme qui en insultait un autre, et de protéger quiconque manquait de protecteur... et ce, depuis son premier chant, au lever de l'aurore, jusqu'à son dernier chant du soir, c'est-à-dire constamment... L'injure qu'on lui faisait à lui-même était punie sévèrement et sa mort suivie d'un châtiment plus grand et d'une amende moitié plus forte que quand il s'agissait du meurtre du médecin royal, personnage important cependant. Le législateur voulait-il donner à entendre que l'homme qui calme de ses chants les douleurs de l'esprit vaut deux fois mieux que celui qui guérit de ses drogues les douleurs du corps ? »

Bien plus considérables encore étaient les privilèges du chef des bardes : Merlin fut le plus illustre d'entre eux. Ambroise, surnommé Merlin ou. Merzin c'est-à-dire « merveille », naquit dans la Combrie, au Vème siècle à l'époque oh les Barbares, après avoir envahi l'île de Bretagne, opprimaient le pauvre peuple dont ils avaient gagné le roi, le traître Wortigern. Dieu suscita un libérateur aux Bretons dans la personne du vaillant prince Ambroise-Aurélien qui arracha une grande partie de sa patrie au joug des Saxons maudits. Il fut secondé dans cette œuvre par les véritables tyrtées qui s'appelaient les bardes Taliésin, Liwar'ch, Aneurin et surtout Merlin qui, par reconnaissance, prit le nom du grand patriote. 

D'après les Gallois, Merlin aurait été baptisé : « il était sujet à cet état extraordinaire d'extase et de catalepsie où les perceptions acquièrent un développement prodigieux que les Bretons d'Armorique appellent mal sacré... attribuant, tous, à ceux qui y tombent, le don de révélation et même d'inspiration divine » (Myrdhinn ou l'Enchanteur Merlin, par M. de la Villemarqué, p. 34). 

Ambroise Aurélien mort, Merlin dut sans doute, s'attacher au successeur de ce prince, l'immortel Arthur. Ce roi, après avoir vaincu les Saxons envahisseurs, tourna ses armes contre les Bretons du Nord qui lui refusaient l'obéissance. Le chef des révoltés, Hueil, frère de Gildas, trouva la mort dans cette guerre civile, tandis que le grand Arthur lui-même disparaissait mystérieusement, et que Merlin, le barde du roi, atteint de folie à la vue de tant de fratricides, s'enfuyait, dans sa douleur, au milieu des forêts, en compagnie des bêtes féroces. 

Là, toutefois, la harpe console encore le vieux barde, et rien n'est touchant comme le chant de sa vieillesse. En voyant venir dans sa solitude son cher Taliésin, Merlin s'écrie : « Ah ! dans quelle mer de douleur je suis ! Quelle mer de douleur monte jusqu'à moi ! depuis que nos concitoyens ont combattu les uns contre les autres ! C'était, en plein soleil, un assassinat réciproque ; c'était une trouée de boucliers fraternels ! O douleur  » (Myrdhinn). 

Après Taliésin, Viviane, soeur du barde infortuné, vint consoler Merlin ; puis aux doux accents de la poésie, de l'amitié et de la fraternité, se joint la voix plus suave encore de la religion chrétienne qui, par le ministère de trois Bretons, trois saints, Colomban, Kentigern et Kadock, vient sécher les larmes du barde pleurant ses fautes et réconcilier Merlin avec Dieu : « Le soir même où la Foi, sous la figure du plus aimable des saints, avait reçu dans ses bras le malheureux barde, on le trouva mort au bord d'une rivière ; des pâtres de la race des Pictes avaient tué, à coup de pierres, le noble chanteur qu'ils appelaient le « fou ». Depuis l'antique Orphée jusqu'à l'Orphée celtique, combien d'autres sont morts de même ! C'est la lutte éternelle de la force brutale contre l'intelligence, douce et sublime inspirée du ciel dont le royaume n'est pas de ce monde » (Myrdhinn). 

Telle est, esquissée à grands traits, l'histoire de ce personnage dont l'existence n'est nullement un mythe. C'est la pure légende qui fait venir le fameux barde dans notre Bretagne Armorique et vivre dans la forêt de Brocéliande. Quoi qu'il en soit, Merlin est resté le prophète de la famille Bretonne, depuis les Ecossais jusqu'aux Armoricains, de tous les Celtes d'Occident, qu'il aurait, dans une dernière prédiction, conviés en masse pour la délivrance nationale et l'expulsion de la race étrangère. « Mais la biographie d'un grand homme a moins d'importance, dit le savant auteur de Myrdhinn, que l'idée qu'il a représentée ; et, si la vie de Merlin offre bien des incertitudes on peut du moins affirmer que la foi politique dont il a été l'apôtre, que l'espérance nationale dont il a été le prophète, que la cause patriotique qu'il a soutenue, n'offraient pas plus de doutes aux nobles âmes de son temps qu'aux coeurs généreux de nos jours ; car cette foi, cette espérance et cette cause sont celles de la justice, du droit et de la liberté »

 

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MERLIN EN FACE DE LA LEGENDE OU MERLIN L'ENCHANTEUR !

« Merlin, Merlin, où allez-vous si matin avec votre chien noir ?,.. — Je viens de chercher le moyen de trouver ici l'oeuf rouge, l'oeuf rouge du serpent marin, au bord du rivage dans le creux du rocher. Je vais chercher dans la prairie le cresson vert et l'herbe d'or et le guy du chêne, dans le bois, au bord de la fontaine... — Merlin, Merlin, revenez sur vos pas : il n'y a de devin que Dieu ». (Barzas Breiz). 

Ce fut au IXème siècle que fut composée par un auteur inconnu, la légende de Merlin dont nous allons raconter les deux scènes les plus remarquables. 

PREMIERE SCENE, que l'on pourrait intituler : Triomphe de la Justice sur la force. Le tyran Wortigern veut immoler Merlin, encore tout petit enfant, pour arroser de son sang les fondements d'une forteresse qu'il veut rendre imprenable, mais l'enfant échappe à la mort grâce à une science et à une sagesse merveilleuses qui surprennent le roi et toute sa cour. Elu, de par Dieu, chef de guerre, il contribue grandement à la délivrance du peuple breton. 

DEUXIEME SCENE ou : Triomphe de l'Intelligence sur la force physique. Le roi Ambroise Aurélien veut élever à Salisburg un monument à la mémoire des Bretons massacrés par les Saxons. C'est la danse des géants, immenses cercles de pierres fournis par le sol irlandais, que Merlin destine à ses compatriotes. Malgré tous leurs efforts, les soldats du roi ne peuvent même ébranler ces masses colossales. Merlin prend sa harpe et les pierres prennent d'elles-mêmes le chemin de Salisburg, pendant que le barde chante l'incantation appelée l'enchantement des pierres précieuses

Les poètes du XIIème siècle n'ont guère célébré que les malheurs de Merlin, les rides d'un âge très avancé, la fuite en forêts, le besoin de consolation et de soutien. 

Avec Messire Robert de Borron et les romanciers ses continuateurs, Merlin adopte la langue et le costume français, l'esprit gaulois si vif et si malin, et se fait réclamer par tous les paladins des XIIIème et XIVème siècles. Puis « le sentiment est chassé par le rire, l'esprit moral et grave par l'esprit grivois et goguenard, le sérieux par l'amusant. Mais la verve de Rabelais pas plus que l'art de Tennyson ne parviennent complètement à vaincre la pitié qu'inspire cette figure tombante » (Myrdhinn). 

On le devine, « pour faire le portrait du barde, chaque siècle s'inspire de la tradition primitive et revêt de son propre esprit. La légende en fait un saint, la poésie un infortuné, le roman un vaillant chevalier. Pour tous, c'est un héros, mais un héros chrétien, un héros breton, personnifiant tout ce que la grande époque chevaleresque jugeait digne de son respect : la religion, la patrie, la royauté, l'amour pur, discret, délicat pour cette Viviane que l'histoire nous représente comme une soeur du barde, tandis que le roman en fait une amante de l'enchanteur »

Qui ne se demandera, après la lecture de ces lignes, lequel est le plus admirable, ou du barde qui a réalisé un si bel idéal ou du peuple qui a conservé une si riche tradition ? 


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MERLIN L'ENCHANTEUR ET LA FEE VIVIANE, SA MIE

Je l'avoue en toute simplicité, mon seul mérite dans ce chapitre sera de faire concorder le récit de Robert de Borron avec les pages si curieuses de Myrdhinn. 

Tandis que Merlin cheminait sous les bois de Brocéliande, il trouva une belle fontaine. A cette fontaine, venait souvent jouer une jeune demoiselle d'une merveilleuse beauté. Elle demeurait dans un manoir, près de là, au pied d'une montagne. Son père se plaisait parmi les rochers et les bois, les fontaines et les rivières. Il venait souvent habiter son manoir de Brocéliande pour les belles eaux et les beaux arbres de la forêt, et il était si gracieux que tous ceux du pays l'aimaient. La mère de la demoiselle était une fée de la vallée. A la demande de son père, l'enfant avait été douée, le jour de sa naissance, de trois vertus si grandes qu'elle devait être aimée de l'homme le plus sage du monde : faire faire à cet homme toutes ses volontés, sans qu'il pût jamais la forcer à consentir aux siennes, apprendre de lui toutes les choses qu'elle voudrait savoir. 

Elle avait reçu de ses parents le nom de Viviane, qui signifie, en chaldéen, « Je ne ferai rien »

C'était à l'entrée du mois de mai, au temps nouveau et joli ; les oiseaux recommençaient à chanter, les feuilles à s'ouvrir, les fleurs à embaumer les airs de leur parfum, les douces eaux à murmurer et toute chose à s'enflammer. 

Merlin cheminait de grand matin, à la fraîcheur, pour éviter la chaleur du jour ; et, la pensée lui étant venue de faire comme le temps nouveau, il avait pris l'habit et la figure d'un jeune écolier en vacances. 

Pendant qu'il cheminait ainsi sous les bois de Brocéliande, il rencontra Viviane près de la fontaine de Baranton ; il la salua, et répondant aux questions de la jeune fille : — Demoiselle, je suis un écolier, dit-il, qui va retrouver son maître. — Et que vous a-t-il enseigné, votre maître ? — Oh ! bien des choses, demoiselle. — Mais, quoi encore ? Que savez-vous faire ? — Je pourrais bâtir, ici, devant vous, un château et y mettre tant de chevaliers, que ceux qui voudraient l'assiéger ne viendraient jamais à bout de le prendre. Je pourrais encore, par exemple, faire couler une rivière où jamais goutte d'eau ne coula, et même je marcherais dessus sans enfoncer ni me mouiller les pieds. 

— Certes, dit la demoiselle, vous êtes bien savant, et je donnerais beaucoup pour en pouvoir faire autant. — Ce ne sont là que des jeux d'enfant, fit Merlin ; j'en sais d'autres pour divertir les plus hauts barons et les rois. 

Et, comme Viviane s'étonnait, Merlin s'éloigna de quelques pas et traça sur la bruyère un cercle du bout de son bâton. Aussitôt, apparut, sur la bruyère, un château magnifique, et, devant ce château un jardin délicieux dont les arbres avaient autant de fruits que de fleurs, et de fleurs que de feuilles, et d'où soufflait un air suave, qu'on respirait de la fontaine. Au bout de quelque temps, le château magique disparut de Brocéliande ; pour le jardin, à la prière de Viviane, Merlin le conserva, et ils l'appelèrent le Jardin de joie

A côté de Merlin et de Viviane, se trouve, dans les vieilles traditions, la belle et sainte figure de Blaise, l'ermite. 

Prévoyant tous les dangers auxquels cette liaison et cet amour exposaient le barde breton, l'homme de Dieu le grondait doucement, lui reprochant ses promenades sous bois, ses visites à la fée ; puis, il le recommandait au Ciel, tremblant et priant. 

Cependant la passion allait s'enracinant dans le coeur de Merlin. Un jour, il prit congé du bon ermite : « Il faut que je vous quitte, lui dit-il, je yeux voir Viviane »

Il se passa alors entre le vieillard et le jeune homme une scène des plus attendrissantes ; Blaise pleurait, Merlin aussi, mais on se sépara : « J'irai, répétait le jeune fou, je le lui ai promis, je l'aime.... Elle saura tout ce que je sais ». Le coeur de l'homme est un océan de force, mais aussi un abîme de faiblesses !!... 

Quand Merlin revint vers Viviane, les églantiers étaient en fleurs, au bord de la forêt, comme au jour où il vit son amie pour la première fois. Comme alors, il avait pris sa mine éveillée, ses cheveux blonds bouclés, sa cotte et son chapeau d'écolier. Viviane le trouva si jeune, si beau, si charmant, qu'elle se désolait à la pensée de le voir la quitter encore, et pour toujours. Elle imagina vingt moyens : ce fut en vain. 

« Mon doux ami, lui dit-elle enfin, il y a encore une chose que je ne sais pas, et je l'apprendrai volontiers ». — Laquelle ? demanda Merlin qui avait deviné sa pensée. — Doux ami, je voudrais savoir comment emprisonner quelqu'un sans pierres, sans bois et sans fer, et seulement par enchantement. Merlin hocha la tête : « pourquoi soupirez-vous ? » dit Viviane. — « Douce dame, je vois bien ce que vous pensez, et que vous voulez me retenir, mais je me sens si faible que, bon gré, mal gré, il faudra que je vous accorde ce que vous demandez »

Il lui apprit donc comment elle devait s'y prendre, et Viviane écoutait ravie. 

Or, un jour qu'ils se promenaient seul à seul, sous les feuilles nouvelles, à Brocéliande, ils trouvèrent un grand buisson d'aubépine tout chargé de fleurs. Ils s'assirent dessous, à l'ombre, parmi l'herbe verte, et Merlin s'endormit. Lorsque Viviane sentit qu'il dormait, elle se leva et tourna neuf fois son écharpe autour du buisson d'aubépine fleurie, en faisant neuf enchantements que Merlin lui avait appris. Puis, elle revint s'asseoir près de lui, pensant que ce qu'elle avait fait n'était qu'un jeu ; et qu'il n'y avait rien de sérieux dans ces enchantements. 

Mais quand Merlin ouvrit les yeux et regarda autour de lui, la forêt, le jardin, l'aubépine, tout avait disparu, et il se trouvait dans un château enchanté, prisonnier de Viviane. 

Il l'avait prédit pourtant à son ami, le vieil ermite : « Je pars, avait-il dit, pour la terre que je dois le plus redouter, si douce et si belle qu'elle soit. La louve est là, dans la forêt. Elle liera le lion sauvage avec des chaînes qui ne seront ni de fer, ni d'acier, ni d'or, ni d'argent, ni d'étain, ni de plomb, ni de bois, ni de rien de ce que produisent la terre, l'air et l'eau, et elle le liera si étroitement qu'il ne pourra plus remuer »

Hélas ! les craintes prophétiques de Merlin et les appréhensions de Blaise étaient fondées. Encore une fois Hercule venait d'être vaincu par Omphale, et Samson terrassé par Dalila. 

Sous une forme frivole, l'histoire des célèbres amours de la forêt de Brocéliande renferme de graves enseignements : Enchanteurs Merlin, défiez-vous toujours des Vivianes enchanteresses ! ….

 

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LA DAME DE BRECILIEN, ET OWEN, SON CHEVALIER

Temps ancien, ô temps sacré ! 
Alors on entendait en Bretagne 
Dans chaque bois chanter les oiseaux 
Dans chaque village chanter les bardes. 
(Brizeux, Télen Arvor) 

A la cour du roi Arthur, le chevalier Owen, fils d'Urien, entendit, un jour, raconter à son ami Kenon des choses si merveilleuses sur Brocéliande, que, dès le lendemain, il monta son coursier et se dirigea vers l'Armorique. Il y rencontra une vallée, la plus belle qui fût au monde, et, côtoyant une rivière qui arrosait ce délicieux pays, il arriva dans une plaine et fut salué par un seigneur qui lui procura, dans son château, une hospitalité vraiment royale. Je cherche, dit Owen à son hôte, le guerrier que n'a pu vaincre Kenon, le chevalier qui garde la fontaine. Le châtelain sourit : « C'est bien téméraire de votre part », fit-il. Owen insista, et on lui indiqua la route de la célèbre fontaine de Baranton. Cette fontaine appartenait alors à une femme, « la plus belle dame du monde, et la plus chaste, et la plus généreuse, et la plus sage, et la plus noble ». C'était « la dame de la Fontaine ou de Brécilien ». Elle avait épousé le seigneur de Gaël-Montfort, surnommé le Chevalier Noir, à cause de son cheval noir et de son habit de satin noir. Ce guerrier redouté défendait l'approche de la fontaine magique et éloignait les tempêtes des terres de Brocéliande, en empêchant tout étranger de verser de l'eau sur le perron enchanté. 

Le choc fut rude entre Owen et l'intrépide gardien. Les lances brisées, on en vint à l'épée. Owen donna un tel coup au chevalier qu'il perça son heaume, son couvre-chef et son cimier, et sa peau, et sa chair, et son crâne jusqu'à la cervelle. Le chevalier noir se sentit blessé à mort ; il s'enfuit. Comme Owen le poursuivait, il aperçut un vaste et superbe château, le château de Gaël. Le chevalier noir put seul y entrer. On laissa tomber la herse sur Owen qui serait mort de dépit sur son cheval, dans cette étrange et pénible position, sans l'arrivée de Luned, la fidèle suivante de la dame de Brécilien. La blonde jeune fille eut pitié du pauvre chevalier : elle lui remit une bague merveilleuse qui rendait invisible celui qui la portait, le chaton tourné en dedans, et parvint à le délivrer. 

Cependant, le chevalier noir mort, la dame de la Fontaine se désolait de voir Baranton sans défense. Luned lui persuada de prendre le chevalier Owen, de la cour d'Arthur. Cette circonstance peint parfaitement les moeurs primitives d'un peuple adorateur passionné de la force physique : « Je suis sûre, dit la dame de Brécilien, que ce guerrier est le meurtrier de mon mari »

« Et c'est tant mieux pour vous, Madame, répondit Luned ; car, s'il n'avait pas été plus fort que votre seigneur, il ne l'aurait pas tué. On ne peut rien, ajouta-t-elle, contre ce qui est arrivé »

La dame prit l'avis de ses barons, et les noces se célébrèrent au milieu d'une grande affluence des habitants du pays et d'un certain nombre d'archevêques et d'évêques que la veuve du chevalier noir avait appelés à sa cour pour cette fête. 

Et Owen défendit la fontaine pendant trois ans, maniant la lance et l'épée, et occupé à partager entre ses vassaux les dépouilles et les rançons des agresseurs. 

Pendant ce temps, Arthur pleurait son fidèle Owen. Il partit à sa recherche. Tous ses compagnons furent terrassés par le vaillant défenseur de la fontaine. Ce que voyant, Arthur se fit reconnaître. Il y eut grande fête eu château de Gaël. Avant de partir, Arthur supplia la dame de Brécilien de permettre à son seigneur d'aller passer avec lui trois mois dans l'île de Bretagne pour en revoir les amis et les nobles dames. Elle y consentit, non sans peine. 

Heureux de se retrouver au milieu des siens, Owen resta en Bretagne trois ans au lieu de trois mois. Un jour qu'Owen était assis à la table du roi Arthur, voici venir une demoiselle vêtue d'une robe de satin jaune, et montée sur un cheval bai à crinière flottante et couvert d'écume, et la bride et la partie découverte de la selle étaient d'or ; elle s'avança vers Owen, et elle lui arracha du doigt ; son anneau nuptial et dit : « Ainsi mérite d'être traité un trompeur, un fourbe, un infidèle, un valet, un imberbe ». Et elle sortit brusquement. 

Alors la mémoire revint à Owen, qui partit pour l'Armorique résolu à parcourir, par pénitence, les déserts et les montagnes. Or, il arriva qu'un jour il trouva emprisonnée dans un cachot la fidèle Luned, punie par sa maîtresse pour lui avoir fait épouser un chevalier traître à sa dame. La suivante n'avait plus que deux jours de vie ; si le chevalier déloyal ne venait lui-même la délivrer. 

On devine le dénouement de ce drame, car c'en est un véritable : Luned délivrée, Owen retourna avec elle au château de la dame de Brécilien. Et il conduisit la dame à la cour d'Arthur, et elle fut sa femme tant qu'elle vécut. 

Et on appelle cette histoire : La dame de la Fontaine (Résumé de plusieurs pages des Romans de la Table Ronde, par M. de la Villemarqué). 

 

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LA FONTAINE DE BARENTON

« Est-ce vous, Baranton ? Sur sa pelouse verte 
Que la fontaine sainte est aujourd'hui déserte ! 
Les plantes ont fendu les pierres de ses murs ; 
Et les joncs, les glaïeuls et les chardons impurs 
Entouré son bassin d'où ses eaux étouffées. 
De ravins en ravins coulent au Val des Fées ! 
.............................................................................................
0 bois d'enchantements, forêt de Brécilien 
Où dans son fol amour s'est endormi Merlin ; 
Où rois et chevaliers, sur leurs bonnes montures, 
Venaient de tout pays tenter les aventures, 
Bravant les nains hideux, les spectres, les serpents, 
Tous les monstres ailés, tous les monstres rampants, 
Bravant (autre péril) le doux regard des fées 
Qui, leurs voiles au vent, leurs robes dégrafées, 
Suivaient dans le vallon les sons errants du cor 
Et peignaient leur cheveux autour du perron d'or : 
0 bois d'enchantement, vallon, source féconde 
Où se sont abreuvés tous les bardes du monde, 
Est-ce vous ? Est-ce vous ? Terre morne et sans voix, 
Qui vous reconnaîtrait sous vos noms d'autrefois ? »

(Brizeux, Les Bretons). 

Puisqu'aucun nom n'est aussi fréquemment mêlé à nos légendes que celui de Baranton, consacrons un article spécial à la fontaine féerique du frais vallon et aux traditions merveilleuses qui s'y rattachent. 

Dès le XIème siècle, on venait y demander la pluie, comme l'attestent ces vers de Robert Wace : 

La Fontaine de Barenton 
Sourd d'une part lès le perron 
Aller soulaeint vénéor (Les chasseurs avaient coutume d'aller) 
A Barenton par grant chalor ... 
0 (Avec) leur cor l'ève (L'eau) puiser ; 
Pour ce soulaient pluie avoir : 
Issi soulait jadis pleuvoir 
En la forêt tout environ. 

D'après ce poète, les chasseurs venaient donc, au temps des grandes chaleurs, puiser de l'eau à la fontaine de Barenton ; en versant cette eau sur le perron, ils obtenaient une pluie qui arrosait la forêt et ses environs. 

Vers le même temps, Guillaume Le Breton, chapelain de Philippe Auguste, confirme ainsi le témoignage de Robert Wace : « Quelles causes, dit-il, produisent la merveille de Bréchéliant ? Quiconque y puise de l'eau et en répand quelques gouttes sur le bord, rassemble soudain les nues chargées de grêle, fait gronder le tonnerre et voit l'air obscurci par d'épaisses ténèbres ; et ceux qui sont présents et souhaitaient de l'être voudraient bien alors n'avoir jamais rien vu, tant leur stupeur est grande, tant l'épouvante les glace d'effroi. La chose est merveilleuse, je l'avoue, cependant elle est vraie ; plusieurs en sont garants  » (Philip., VI). 

Toujours avant le XIIème siècle, le poète gallois auteur du conte d'Owen et de la dame de Brécilien, met sur les lèvres de Kenon s'adressant à Kaï, maître d'hôtel d'Arthur, le récit des choses surprenantes qu'il a vues à Barenton : « Au milieu de la vallée de Konkoret, dit-il, il y a un grand arbre dont les branches sont plus vertes que le plus vert sapin, et sous l'arbre, il y a une fontaine, et au bord de la fontaine, il y a un bloc de marbre, et sur ce bloc il y a un bassin d'argent attaché à une chaîne d'argent pour qu'on ne puisse pas l'enlever. Et je m'avançai, et je pris le bassin et je le remplis d'eau, et je le versai sur le bloc de marbre. Et voilà que le tonnerre gronda avec encore plus de fureur qu'on ne me l'avait annoncé, et après le tonnerre l'averse ; et en vérité, je te le dis, Kaï, il n'y a ni homme ni bête qui puisse supporter une pareille averse sans mourir, car il n'y a pas un seul de ces grêlons qui ne traverse la chair et la peau jusqu'aux os. Je tournai la croupe de mon cheval à l'orage, et je couvris sa tête et son cou d'une partie de mon bouclier, tandis que je m'abritai moi-même sous l'autre ; et de la sorte je soutins l'orage. Mais quand je regardai l'arbre, il n'y restait plus une seule feuille. Enfin, le Ciel devint serein ; et voici que des oiseaux descendirent sur l'arbre et se mirent à chanter. Et en vérité, je te le dis, Kaï, ni avant ni depuis, je n'ai entendu de chant pareil au leur. Mais au moment où je prenais le plus de plaisir à écouter les oiseaux, dans la vallée s'éleva une voix plaintive qui venait à moi : 

Chevalier, qui t'amène ici ? Quel mal t'ai-je fait pour que tu agisses de la sorte envers moi et mes propriétés ! Ne sais-tu pas que l'orage n'a laissé aujourd'hui en vie dans mes domaines aucun des hommes ni des animaux qu'il a surpris ? ». Et là-dessus je vis paraître le chevalier au cheval noir, et à l'habit de satin, et à la banderolle de toile noire, et nous nous assaillîmes, et l'assaut fut si violent que je ne tardai pas à être renversé » (Les Romans de la Table Ronde). 

Au XIIème siècle, Girald Le Cambrien écrivait à propos de Barenton : « Il y a dans la Bretagne Armorique une fontaine où, si vous puisez de l'eau dans une corne de boeuf et que vous la répandiez par hasard sur la pierre qui en est proche, à l'instant vous aurez de la pluie, quelle que soit la sérénité du temps »

Après 1160, Chrestien de Troyes, enchérissant encore sur les trouvères du moyen âge, ses devanciers, prête à un héros de son poème le Chevalier au lion, Calogrenant, cette description de la source enchantée : 

A l'arbre vis un bassin pendre. 
Du plus fin or qui fut à vendre, 
Oncques encor en nulle foire 
De la fontaine poez (pouvez) croire 
Qu'elle bolait (bouillait) comme ève (eau) chaude. 
Li perron est d'une esmeraude 
Ainsi percé comme un bohors (bouclier), 
Si ot (il a) un rubis par dehors 
Plus flamboyant et plus vermeil 
Que n'est au matin le soleil.... 

Au XIIIème siècle, M. Baron du Taya, dans Brocéliande, raconte une visite de Huon de Méri à Baranton et détache de son poème du Tournoiement de l'Antéchrist, cette description de la célèbre fontaine : 

Je la trouvai, dit-il, par aventure ;
La fontaine n'est pas obscure, 
Ains (mais) est clère comme fins argens... 
Le bassin, le perron de marbre, 
Et le verd pin, et la caière (chaire) 
Trouvai en icelle manière 
Comme la descrit Chrestien, 

A peine eut-il puisé de l'eau avec le bassin que s'éleva une tempête si violente que le Ciel s'ouvrit, ce qui permit au poète de voir le Paradis : « Et tout cil (ceux) ki en paradis sont »

A la même époque, Vincent de Beauvais, dans son Speculum naturale, nous parle avec la même admiration de la fontaine miraculeuse de la Petite-Bretagne. 

Le XIVème siècle, avec l'auteur de l'Image du monde n'est pas moins explicite au sujet des merveilles de Baranton. 

Enfin, aux lecteurs que l'imagination de nos vieux romanciers ferait sourire de pitié et qui attribueraient au délire ces compositions plus ou moins fictives, le siècle suivant offre un titre curieux, celui-ci sérieux et officiel, Il s'agit, dans les Usements et coustumes de la forest de Brécilien, rédigés en 1467, de la constatation d'un droit des seigneurs de Montfort, propriétaires de la fontaine de Barenlon. On y lit textuellement ce qui suit : « Item auprès du dit breil il y a un autre breil nommé le breil de Bellenton, et auprès d'icelui y a une fontaine nommée la fontaine de Bellenton, auprès de laquelle fontaine le bon chevalier Ponthus fit ses armes, ainsi qu'on peut voir par le livre qui de ce fut composé. Item joignant la dite fontaine y a une grosse pierre qu'on nomme le perron de Bellenton, et toutes les fois que le Seigneur de Montfort vient à la dite fontaine et de l'eau d'icelle arrose et mouille le dit perron, quelque chaleur temps (qu'il fasse), assuré de pluie quelque part que soit le vent et que chacun pourrait dire que le temps ne serait aucunement disposé à pluie, tantôt et en peu d'espace, aucune fois plus tôt que le dit Seigneur n'aura pu recouvrer son château de Comper, autres fois plus tard, et que que ce soit ains que soit (et dans tous les cas, avant) la fin d'icelui jour, pleut au pays si abondamment, que la terre et les biens étant en icelle, en sont arrosés et moult (beaucoup) leur profite » (Cartulaire de Redon : prolégomènes). 

M. de la Villemarqué raconte qu'en 1835 encore, tous les habitants de la paroisse de Kon-Kored (vallée des fées), qui tire son nom du vallon qu'arrose la fontaine (?), s'y rendirent solennellement demander au Ciel une pluie, d'abord terrible aux premiers siècles, et devenue bienfaisante, à la fin du moyen âge, avec l'adoucissement des moeurs.

Ce fut dans un autre but que notre Châteaubriant visita, lui-aussi, Baronton : « Pieux et sincère Breton, raconte-t-il, j'ai puisé de l'eau avec ma main : le bassin d'or m'a toujours manqué »

Aujourd'hui, hélas ! pourquoi faut-il le constater ?, le bassin d'or ou d'argent manque toujours au visiteur : il n'existe plus que dans le pré fleuri où l'a jeté la main du Créateur. La chaîne d'argent elle-même a été enlevée. Le bloc de marbre, l'émeraude et le rubis du perron, tout cela a disparu, comme au sortir d'un rêve, pour laisser apercevoir la surface plus ou moins ridée d'une pierre très-commune. Là où chevauchait la fleur des Preux, travaille, tête baissée, l'infatigable bûcheron. La hache terrasse les arbres où se brisaient les lances, où brillait au soleil l'épée des chevaliers. Ignorant tant de merveilles, le petit pâtre suit son troupeau, au son de la clochette, dans le vallon où résonna le cor, et se désole dans une solitude qui a perdu pour lui tous ses enchantements. Si violentes qu'elles soient, les tempêtes qui s'élèvent en ces lieux comme sur les autres parties de la Forêt-Bretonne n'ouvrent plus les portes du Paradis. Plus d'un pèlerin cependant, serait heureux d'apercevoir, à la faveur de l'orage, au séjour du véritable enchantement, tant de bardes pieux, de naïfs trouvères, et tous ces gens du peuple qu'ils égayèrent de leurs récits et de leurs chants. 

En revanche, la dévotion à la Vierge, devenue, chez nous la plus noble des passions, fait oublier de jour en jour, les profanes amours de Brocéliande. Des merveilles de Barenton, il ne reste plus que quelques verts sapins, quelques aubépines aux blanches livrées et une fontaine qui ne se distingue de ses soeurs de Paimpont que par une maçonnerie plus soignée et un abord plus difficile. 

Et pourtant le touriste aime encore à venir rêver au passé, au bon vieux temps, ... à la source féconde « Où se sont abreuvés tous les bardes du monde »

Mais, hélas ! hélas ! ô fontaine magique, pas plus que le chantre immortel « des Bretons », nul maintenant « Ne te reconnaîtrait sous tes noms d'autrefois ! » 

 

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LE VAILLANT PONTHUS ET LA BELLE SIDOINE

« En souvenir durable du combat a été composé ce chant : qu'il soit chanté par les hommes de la Bretagne en l'honneur du bon seigneur Lez-Breiz ! Qu'il soit longtemps chanté partout à la ronde, pour réjouir les hommes du pays » (Barzas Breiz). 

Sur le bord de la ligne de forêt qui conduit du bourg de Paimpont au village de Folle-Pensée, dans le canton et près du poteau qui portent toujours le nom du héros resté si populaire, on montre encore les derniers vestiges du château de Ponthus. Quelques notes analytiques sur ce chevalier, immortalisé par le pas d'armes de Brocéliande, curieux extrait du roman de Ponthus, publié, on l'a dit plus haut, par M. Baron du Taya dans son intéressant ouvrage : Brocéliande et ses chevaliers, cloront à merveille la série de ce que, le premier, nous avons appelé nos Légendes Bréciliennes

Il y avait, un jour, un roi de Bretagne qui tenait sa cour à Vannes et dont la fille, nommée Sidoine, était la plus belle du monde. Pour mériter par ses exploits la main de cette noble princesse, un brillant chevalier de l'entourage du roi, le vaillant Ponthus, se rendit secrètement dans la forêt de Bertelien. Il prit asile dans un petit ermitage « qui était tout solitaire, au plus profond de la forêt ». Chaque jour, il entendait la messe, jeûnait trois jours par semaine. Pour costume, il portait la haire, afin de se préparer par la pénitence aux hauts faits d'armes qu'il rêvait. 

Un jour, il fit venir un nain, l'habilla très bien et l'envoya par toute la France publier cette lettre : « Le chevalier noir aux armes blanches fait savoir aux vaillants chevaliers de chaque contrée qu'ils le trouveront à la Fontaine des Merveilles ou des Adventures (la fontaine de Barenton), en la forêt de Berthelien, en un pavillon noir aux armes blanches, tous les mardis de l'année, à l'heure de prime, et ils y trouveront son écu pendant à un arbre, et il y aura un cor qu'un nain sonnera, et sitôt qu'il aura sonné, paraîtra une damoiselle ancienne, à un cercle d'or, accompagnée d'un ermite, laquelle leur dira ce qu'ils doivent faire et les mènera au pré où le Chevalier Noir sera armé de toutes armes, lequel joutera de trois coups de lance à fer émoussé, et après la joûte il combattra à l'épée, tranchant sans pointe, jusqu'à outrance, et celui qu'il vaincra demandera en bonne foi à tous les chevaliers qu'elle est la plus belle princesse du royaume de la Petite Bretagne, et il se rendra à elle prisonnier de par le Chevalier Noir aux armes blanches. Et est à savoir que tous les chevaliers qui auront joûté avec ce dernier, se rendront à la Pentecôte, dans un an, en cette forêt, à une fête qui s'y fera, et celui qui aura le mieux joûté aura la lance et le gonfanon et un cercle d'or à marguerites ; et celui qui aura plus dur frappé de son épée aura l'épée à franges dorées et la couronne d'or ; et, s'il advient que quelqu'un vainc le chevalier Noir, il le pourra envoyer prisonnier à telle dame qu'il lui plaira »

Le nain parti, Ponthus fit promettre à tous ses gens le secret le plus absolu sur sa personne et sa position et fit venir de Rennes, alors la Ville Rouge, une vieille damoiselle de sa connaissance. Puis il se déguisa en ermite avec un grand manteau et une barbe blanche. 

Le mardi suivant accoururent à la fontaine des Merveilles bon nombre de chevaliers. Alors du grand pavillon sortit un nain moult laid et moult camus qui se mit à sonner du cor. La vieille damoiselle parut ; elle fit crier que tous ceux qui voulaient joûter devaient pendre leurs écus aux arbres voisins. 

Le nain parla de la sorte : Madamoiselle vous fait savoir qu'elle choisira entre tous ces écus, quatre auxquels elle tirera une flèche empennée d'or, et celui qu'elle fera premier s'armera pour le 1er mardi, et le suivant s'armera pour sept jours plus tard, et le troisième pour le tiers mardi, et ainsi chaque mois jusqu'au bout de l'an jusqu'à ce que le chevalier Noir ait été vaincu par les armes. 

La demoiselle tira ses quatre flèches et frappa les quatre écus de Bernard de la Roche, tenu pour le meilleur chevalier de Bretagne, de Geoffroy de Lusignan, le meilleur du Poitou, Landry de la Tour, le meilleur des Angevins et le comte de Mortain le meilleur des Normands. 

Le faux ermite rentra ensuite dans la tente et se dépouilla de son froc. Puis il sortit l'épée au poing et l'écu au col, monté sur un grand cheval. Grand et fier, le chevalier « moult fut regardé et remiré, moult se émerveillaient quel il était », mais personne ne pensait que ce fût Ponthus qu'on croyait à la guerre en Hongrie.

 Bientôt parut Bernard de la Roche « moult richement armé à grand foison de trompettes et de ménestriers, tant que tout en retentissait. Le Chevalier Noir prit une coupe d'or et puisa en la fontaine et en arrosa la pierre, et aussitôt il commença à tonner et à grêler et à faire fort temps, et s'émerveillèrent moult les étrangers de la merveille, de cette fontaine »

Ponthus remonta ensuite à cheval, et le combat commença. Bernard de la Roche fut vaincu. Lors lui dit Ponthus : « Chevalier, je vous laisse aller en la prison de la plus belle de ce royaume et me la saluer de part le chevalier Noir ». L'accord tomba sur le nom de Sidoine. Le seigneur de la Roche-Bernard partit donc pour Vannes et s'y rendit prisonnier de la plus belle princesse bretonne. 

Le second mardi, le sire de Lusignan, bien qu'« à merveille bon chevalier », fut également vaincu par Ponthus et gagna à son tour la ville de Vannes. Ainsi des autres. 

Ainsi furent défaits à Brocéliande cinquante-deux chevaliers des plus adroits et des plus renommés. Citons : les ducs d'Autriche, de Lorraine, de Bar, le comte de Dampmartin, Henri de Montmorency, Robert de Roussillon, le duc de Savoie, le comte de Montbélial, le comte de Montfort, messire Guillaume des Barres, Hernoult de Hainault et beaucoup d'autres non moins illustres. 

Aux fêtes de la Pentecôte, Ponthus fit savoir au roi de Bretagne, qu'il n'était point en Hongrie, mais à Brocéliande, près de la fontaine des merveilles, et l'invita à venir dîner avec son aimable fille, Monseigneur l'Evêque de Vannes et ses plus grands seigneurs et dames. 

Après que l'Evêque de Vannes eut chanté messe sous un riche pavillon, l'illustre compagnie se rendit en une vaste salle où le Roi et Sidoine firent de beaux présents. Ponthus, à son tour, partagea les plus belles curiosités qu'il avait apportées de l'Orient entre les 52 meilleurs prisonniers de Sidoine. Pour lui, il obtint ce qu'il désirait le plus au monde : la main de Sidoine. Il y eut, à Vannes, une noce telle qu'il n'y en aura jamais de pareille.

Louis Gervy - 1907

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