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ORDRE DE L'HÔPITAL EN BRETAGNE

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Ordre Templiers et Hospitaliers en Bretagne

Ordre de l'Hôpital

en

Bretagne

Ordre Hospitaliers et Templiers en Bretagne

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Deux Ordres religieux militaires se sont répandus au Moyen Âge dans toute la Bretagne, mettant en quelque sorte le pied dans la plupart de nos paroisses et y laissant des souvenirs qui subsistent encore ; souvenirs, il est vrai, imprégnés souvent aujourd'hui d'un caractère légendaire, parfois vagues et indé­cis, mais néanmoins intéressants à constater. Ces deux Ordres furent ceux de la Milice du Temple et de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Le premier sombra dans une tourmente, après deux cents ans d'une existence qui ne fut pas sans gloire ; le second survécut et jeta à son tour un vif éclat jusqu'à la fin de la féodalité. Comment ces Ordres de chevaliers-religieux s'établirent-ils en Bretagne, quelle extension y prirent-ils et quel y fût leur rôle pendant de longs siècles, tel est l'objet de cette introduction. (abbé Guillotin de Corson).

L'ordre de l'Hôpital en Bretagne

(abbé Guillotin de Corson – 1897)

 

armoirie de Bretagne 

Bretagne : Chevalier de Rhodes - Chevalier de Malte

 

  Le concile de Vienne, en prononçant en 1312 la dissolution définitive de l'Ordre du Temple, avait donné tous les biens de cet institut aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cette décision du concile fit loi en Bretagne et « c'est une opinion fort bien autorisée, dit M. de Blois, que nos ducs ne cherchèrent pas à profiter du malheur des chevaliers du Temple et que leurs biens en général passèrent à ceux de Saint-Jean de Jérusalem » (Bulletin de l'Association Bretonne, classe d'archéologie, I, 48).

  Il convient donc de parler maintenant de l'Ordre des Hospitaliers.

  Au milieu du XIème siècle, fut fondée à Jérusalem une église du rite latin, appelée Sainte-Marie-la-Latine ; on y adjoignit un monastère de Bénédictins pour la desservir et un hôpital destiné à recevoir les pèlerins de Terre-Sainte et les pauvres malades. 

  Cet hôpital, dédié à saint Jean-Baptiste, était tenu par un pieux prêtre originaire de Provence, B. Gérard, quand en 1099 l'armée de Godefroy de Bouillon s'empara de Jérusalem. Le vaillant chef des Croisés enrichit Saint-Jean de quelques domaines qu'il avait en France ; d'autres imitèrent sa libéralité, et les revenus de l'hôpital ayant augmenté considérablement, Gérard, de concert avec les frères soignant, sous sa direction, les malades de la maison, résolut de se séparer de l'abbé de Sainte-Marie-la-Latine. Il réussit dans son projet et forma une congrégation nouvelle dont les membres prirent le nom d'Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. 

  Le pape Pascal II, par une bulle de 1113, confirma les donations faites à cet hôpital qu'il mit sous la protection du Saint-Siège. Raymond du Puy, successeur de Gérard, fut le premier à prendre le titre de précepteur ou maître de l'Ordre ; il donna aux Hospitaliers une règle qu'approuva Callixte II en 1120 et que confirmèrent les papes ses successeurs. Cette règle obligeait les nouveaux religieux à faire les trois voeux ordinaires, auxquels fut ajouté un quatrième, par lequel ils s'engagèrent à recevoir dans leurs hôpitaux les pauvres pèlerins de Terre-Sainte et à les protéger durant tout leur voyage au tombeau du Christ. 

  Cette assistance rendue aux pèlerins, obligea les Hospitaliers à assurer la liberté des chemins des Lieux-Saints et à s'opposer aux courses des infidèles ; il leur fallut pour cela prendre les armes et devenir hommes de guerre. 

  En même temps, le grand maître Raymond du Puy, voyant les revenus de l'hôpital surpasser de beaucoup ce qui était nécessaire à l'entretien des pèlerins pauvres ou malades, crut devoir employer le surplus à la guerre contre les Musulmans ; il s'offrit donc au roi de Jérusalem qui accepta ses services. Raymond du Puy sépara dès lors ses Hospitaliers en trois classes : les nobles qu'il destina à la profession des armes pour la défense de la foi et la protection des pèlerins ; les prêtres ou chapelains voués au service des églises et à la récitation de l'office et les frères-servants destinés les uns à la guerre, les autres aux besoins du culte et des malades. Tout cela fut confirmé en 1130 par le pape Innocent II qui ordonna que l'étendard de l'Ordre porterait une croix pleine d'argent sur un champ de gueules, et que les Hospitaliers auraient un vêtement noir orné d'une croix pattée blanche, posée sur la poitrine du côté du coeur. 

  Après la perte de la Terre-Sainte, en 1291, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem se retirèrent d'abord en l'île de Chypre, puis s'emparèrent en 1308 de l'île de Rhodes d'où ils chassèrent les Sarrasins. C'est alors qu'on commença à leur donner le nom de chevaliers, on les appela Chevaliers de Rhodes ; mais ayant perdu cette île en 1522 et s'étant définitivement établis en 1530 dans l'île de Malte, ils prirent le nom de Chevaliers de Malte qu'ils portent encore (nota : l'Ordre de Malte, ayant perdu cette île en 1798, a vu son siège transféré par le Pape à Rome où il se trouve toujours). Néanmoins leur domination officielle est demeurée celle d'Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, et leur grand maître continue de prendre le titre de « Maître de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem et Gardien des pauvres de N.-S. Jésus-Christ »

 Plus ancien que l'Ordre du Temple, celui de l'Hôpital ne dut guère toutefois se répandre en Bretagne longtemps avant lui. Ce fut dans la première moitié du XIIème siècle que Templiers et Hospitaliers vinrent en Occident chercher de nouveaux frères et recueillir des aumônes. Les uns comme les autres se partagèrent la faveur de leurs contemporains et reçurent également de nombreuses donations. Ils se proposaient d'ailleurs le même but : favoriser le mouvement des Croisades en assurant la liberté des pèlerins et en sauvegardant les intérêts de l'Eglise en Terre-Sainte. Aussi beaucoup de seigneurs léguèrent-ils, en mourant, des aumônes indistinctement aux « Frères du Temple et de l'Hôpital ». Ainsi firent Mathilde, dame de Pordic, en 1247, et le duc de Bretagne Jean II, en 1304 (A. de Barthélemy et Geslin de Bourgogne, op. cit., IV, 129 et VI, 96). 

  Cependant tant qu'exista l'Ordre du Temple, les Hospitaliers jouèrent un rôle un peu plus effacé. Aussi leurs noms paraissent-ils rarement dans nos chartes contemporaines ; aussi ignore-t-on la date précise de la fondation de la plupart de leurs établissements chez nous. 

  Il est hors de doute néanmoins que les Hospitaliers reçurent de bonne heure en Bretagne des aumônes qui leur permirent d'y créer des hôpitaux. Comme les Templiers, ils s'établirent de préférence dans les villes ou au bord des grands chemins. Ainsi leurs premiers établissements dans notre province semblent avoir été les Hôpitaux Saint-Jean à Nantes et à Quimper, et l'Hôpital de la Feuillée dans le désert de la montagne d'Arrée ; au bord de la voie gallo-romaine de Carhaix à Plouguerneau. 

  Parmi les rares documents rappelant chez nous l'Ordre de l'Hôpital à ses origines, il faut signaler une charte attribuée à Conan IV, duc de Bretagne. Elle est ordinairement datée de 1160, mais quelques copies portent la date de 1170 (C'est cette dernière date qu'a adoptée M. de la Ville Leroulx dans sa magistrale publication du Cartulaire général des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, I, 286) ; dans un cas comme dans l'autre, c'est, paraît-il, une pièce apocryphe composée au XIIIème siècle en même temps que la prétendue charte de 1182 écrite en faveur des Templiers. Cependant, comme cette dernière, l'acte attribué à 1160 a une valeur réelle et ne doit point être mis au rebut. Par une singulière inadvertance, cette charte de 1160, donnée en faveur de la Maison de l'Hôpital de Jérusalem Domui Hierosolimitane Hospitalitatis, a été imprimée par dom Morice dans son premier volume des Preuves de l'Histoire de Bretagne, p. 638, sous le titre absolument faux de Charte du duc Conan IV pour les Templiers. Il est hors de doute qu'il s'agit, au contraire, des Hospitaliers.

 Cette charte contient l'énumération d'une soixantaine d'établissements bretons appartenant à l'Ordre de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Elle est donnée par le duc de Bretagne en faveur de frère Eguen ou Even, hospitalier, et en présence du templier Guillaume Ferron. On y mentionne, entre autres dons, ceux du duc Conan et d'Alain vicomte de Rohan ; le premier concède aux Hospitaliers un bourgeois dans chacun des châteaux et des villes qu'il possède en la région de Guémené-Héboët ; le second également un bourgeois dans chacune de ses forteresses. Un homme dans chacune des paroisses du pays de Retz est aussi donné aux mêmes religieux. Ainsi dès cette époque l'Ordre de l'Hôpital se trouvait déjà bien répandu en Bretagne. 

  Voici du reste le texte de cette charte (tel que l'a publié A. de Barthélemy dans le tome XXXIII de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes et au tome VI (p. 127-130) des Anciens Evêchés de Bretagne) que nous accompagnons de notes, comme nous avons fait pour la charte des Templiers : Conanus dux Britannie et comes Richemundie universis Ecclesie filiis per totum Ducatum suum salutem. Notum sit omnibus me dedisse et concessisse et hac mea carta confirmasse Domui Hierosolimitane Hospitalitatis omnes elemosinas et terras et teneuras que in Ducatu meo predicte Domui date sunt, liberas et quietas ab omnibus consuetudinibus in omnibus locis et in omnibus partibus, quorum omnium hec sunt nomina : In Treker (Diocèse de Tréguier) elemosine de Louergat (Louargat – Côte-d'Armor), elemosine de Loguanoc (Louannec – Côtes-d'Armor) et de Pennguenan (Penvénan – Côtes-d'Armor) et de Pederiac (Pédernec – Côtes-d'Armor) et de Pumurit (Peumerit-Quintin – Côtes-d'Armor) et de Coginiac (Cohiniac – Côtes-d'Armor) et de Pleguen (Pléguien – Côtes-d'Armor) et de Mael (Maël-Pestivien – Côtes-d'Armor), an Rodoued Gallec (Roudouallec – Morbihan), en Luch (Le Louc'h en Maël-Pestivien – Côtes–d'Armor), an Folled (La Feuillée – Finistère), Bannazlanc (Banalan en Plouguin – Finistère), elemosine de Fou (Plonévez-du-Faou – Finistère) et de Brithiac (Briec – Finistère) et de Pennhart (Penhars en Quimper – Finistère) et de Ploeneth (Ploneis – Finistère) et de Arke (Ergué-Gabéric – Finistère) et de Cothon (Cuzon en Kerfeunteunen-Quimper – Finistère) et de Mathalon (Mahalon – Finistère) et de Bodoc Kapsithun (Beuzec-Cap-Sizun – Finistère), hospitalis inter duas Kemper (Quimper – Finistère) et hospitalis super Beloen (Pontmen en Riec – Finistère), elemosina de Moelan (Moëlan – Finistère) et de Cloetgal (inconnu) et elemosina de Guasgury (Le Croisty – Morbihan) ; in Quemenet Guegamt (Guémené-Guégant), elemosinas de Prisiac (Priziac – Morbihan), hospitalis de loco Sancti Maclovii (Locmalo – Morbihan), hospitalis de Pontici (Pontivy – Morbihan), elemosine Alani vice-comitis (Alain, vicomte de Rohan), scilicet unus burgensis in unoquoque castello suo ; elemosine elornini Conani ducis (Conan, duc de Bretagne) scilicet unus burgensis in unaquaque civitate sua et in unoquoque castello suo in Kemenet Hebgoen (Guémené-Héboët), eleemosine de Cleker (Cléguer – Morbihan) et de Treunnatos ou Creunnacos (Trescoët en Caudan – Morbihan) ; in Broguerec (Le Bro-Ereg ou pays de Vannes) eleemosine de Lannkintic (Languidic – Morbihan) et de Laustenc (Nostang – Morbihan) et de Corvellou (Le Gorvello en Sulniac – Morbihan) et hospitalis in Suluniac (Sulniac – Morbihan) et eleemosina de Kinstinic Biagueth (Guistinic-Blavet – Morbihan) et de Mollac (Mollac – Morbihan) et de Malechac (Malansac – Morbihan) et de Kestembert (Questembert – Morbihan) et de Guernou (Le Guerno – Morbihan), et de Azarac (Assérac – Loire-Atlantique) in episcopatu Nannetensi (Diocèse de Nantes) et domus de civitate Nannetensi (L'hôpital Saint-Jean de Nantes – Loire-Atlantique) cum appendiciis suis et de Guenrann (Guérande – Loire-Atlantique) et unus homo in unaquaque parrochia apud Raes (Le Pays de Retz – Loire-Atlantique) ; et eleemosina de Ploearthmael (Ploërmel – Morbihan) et de Brull (inconnu) et de Kessoe (Quessoy – Côtes-d'Armor) et de Tertre-Conaen (Le Tertre-Conan en Hénanbihen – Côtes-d'Armor) et de Grandifonte (La Grand'Fontaine en Hénanbihen – Côtes-d'Armor) et de Pleherel (Pléhérel – Côtes-d'Armor) et de Cruce-Hahaguis (La Croix-Huis en Saint-Cast – Côtes-d'Armor) et de Saltu calvo (Le Bois-Chauff en Jugon – Côtes-d'Armor) et de Stablehon (Port-Stablon en Saint-Suliac – Ille-et-Vilaine) et de Grandivilla (La Grand-Ville en Taden – Côtes-d'Armor) et de Gangarei (inconnu) et de Ponteterre (Pont-de-Terre en Pleudihen – Côtes-d'Armor) et de Teuthcael (inconnu) et de Kaerfounric in Commana (Commana – Finistère) et la Bollie (La Bouillie – Côtes-d'Armor) cum appendiciis. Ego Conanus dux et cornes Richemundie libere et quiete concessi hec omnia domui supradicte pro amore ejusdem domus et fratris Eguen (Eguen ou Even, maître de l'Hôpital en Bretagne) familiaris nostri, anno ab incarnacione Domini M° C° LXmo, regnante Ludovico Francorum rege (Louis VII, roi de France de 1137 à 1180) et Henrico Angelorum (sic) rege (Henri II, roi d'Angleterre de 1154 à 1189), Corisopitensem episcopatum Gaufrido tenente. Testes Haemo Leonensis episcopus (Hamon, évêque de Saint-Pol-de-Léon, 1157-1172) Gauffredus Corisopitensis episcopus (Geoffroy, évêque de Quimper, 1165-1184), Riguallonus abbas Kernperlegii (Rivallon, abbé de Quimperlé, 1163-1187), Gradlonus abbas Sancti Guingualoei (Grallon, abbé de Landévennec en 1160), prior de Monte Sancti Michaelis, Guillelmus Ferron frater de Templo (Guillaume Ferron, maître du Temple en Bretagne, 1170), Robertus cancellarius Ducis (Robert, chancelier de Bretagne), Alanus clericus, Margarita ducissa (Marguerite d'Ecosse, femme du duc Conan IV), Martinus ejus cappellanus (Martin, chapelain de la duchesse), Richardus et Alanus Gemelli (Les frères jumeaux, fils de Richard), Renaldus Boterel (Renaud Boterel, vivant en 1184), Henricus Bretram (Henri Bertrand), Henricus filius Haervei, Alanus Rufus, Alanus de Mota et clerus Corisopitensis ecclesie, apud Kemper Corentin (nota : Il est à remarquer que les témoins de cette charte de 1160 sont généralement les mêmes que ceux de la charte de 1182 en faveur des Templiers). 

  Comme l'on voit, nombreux étaient déjà en Bretagne les hôpitaux fondés par les chevaliers ; néanmoins, malgré cette extension chez nous de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, nous connaissons peu les Hospitaliers contemporains de nos Templiers. 

  Nous venons de nommer en 1160 frère Eguen ; voici en 1187 Frère Guillaume de la Landelle, signant une convention au nom de ses frères et en son propre nom, avec les moines de l'abbaye de Saint-Aubin-des-Bois (Cartulaire de l'abbaye Saint-Aubin, 21). En 1211, il est fait mention de frère Guillaume de Villiers, prieur de l'Hôpital en France, traitant avec l'abbesse de Saint-Georges de Rennes (Cartulaire de l'abbaye Saint-Georges de Rennes, 209 et 210). En 1213, nous voyons figurés en même temps frère Geoffroy, « humble maître de l'Hôpital de Jérusalem en France » , et frère Joberd « humble hospitalier de Jérusalem en Bretagne » acceptant une donation du seigneur de Tinténiac (Cartulaire de l'abbaye Saint-Georges de Rennes, 211 et 212). En 1234, vint à Nantes frère Jean de Montgros, prieur de l'Hôpital de France, pour régler un différend survenu entre ses frères de l'Hôpital de Nantes et les Templiers de cette ville (Archives de la Vienne, 3 H, 541 et 774). Enfin, en 1244, frère Pierre de Villedieu, « humble précepteur de la sainte maison de l'Hôpital de Jérusalem, in Romano Britannie », est témoin d'une vente faite à Port-Stablon, où les Hospitaliers avaient un établissement (Cartulaire de l'abbaye Saint-Aubin, 114). Il semble d'après cette charte qu'au XIIIème siècle, les Frères de l'Hôpital avaient divisé leurs possessions en Bretagne en deux grandes sections, d'après la langue parlée en ce pays, et qu'ils y avaient deux maîtres ou précepteurs : un en la Bretagne bretonnante, l'autre en la Bretagne gallèse ou romane, comme on disait alors. 

  Quand l'effondrement de l'Ordre du Temple procura en 1312 aux Hospitaliers, les grands biens que possédaient les malheureux condamnés, l'Hôpital vit tripler son pouvoir en Bretagne. Jusqu'alors les Hospitaliers avaient vécu chez nous côte à côte des Templiers, mais dans une position inférieure, semble-t-il. Plus humbles que ces derniers peut-être, s'empressant de recueillir les pauvres dans leurs hôpitaux, non seulement en Terre-Sainte, mais encore en Europe, moins mêlés aux affaires et aux dissensions des grands seigneurs et s'occupant moins d'amasser des richesses, ils étaient surtout connus du peuple et demeuraient étrangers au grand mouvement féodal. Quand ils devinrent les maîtres des vastes possessions de l'Ordre du Temple, leur importance grandit tout à coup ; mais les services qu'ils continuèrent de rendre à la chrétienté, bataillant vaillamment en Orient et soignant les malades en Occident, les firent aimer riches, comme ils l'avaient été dès l'origine, alors qu'ils étaient pauvres. 

  C'est seulement à cette époque et durant le XIVème siècle que s'organisèrent les commanderies. Qu'il nous suffise de faire remarquer ici que ces commanderies furent composées chacune d'un certain nombre d'établissements appelés les uns Hôpitaux, les autres Temples. Or, ces dénominations nous indiquent la double provenance des dotations de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem : l'une eut pour principe les libéralités faites directement aux Hospitaliers eux-mêmes ; l'autre se rapporte à la confiscation lancée par le roi Philippe le Bel contre les Templiers et à la donation faite à l'Hôpital par le concile de Vienne des Temples confisqués. 

  En conséquence, parmi les possessions des Hospitaliers, tous les lieux qui portent le nom de Temple (et ils sont très nombreux), dénotent habituellement que là fut un établissement primitif de Templiers ; de même tous les lieux, villages et chapelles, auxquels sont affectés le titre d'Hôpital et le vocable de Saint-Jean, doivent être rangés au nombre des propriétés originaires des Hospitaliers (Paul de la Bigne Villeneuve – Bulletin de l'Association bretonne, classe d'archéologie, IV, 191). 

  On peut dire que cette distinction est une règle générale, mais, comme toutes les règles, elle souffre des exceptions. L'on voit parfois dans les actes publics certains établissements de l'Ordre de Malte, appelés tantôt le Temple, tantôt l'Hôpital ; ainsi en était-il des maisons du Croisty et de Roudouallec. Ailleurs, plusieurs domaines appartenant originairement à l'Ordre de l'Hôpital, tels que le Guerno, Questembert et le Gorvello, furent après le XIVème siècle appelés Temples, parce qu'on les unit alors au Temple de Carentoir ; tandis qu'on appela Hôpitaux d'anciens Temples, unis à une commanderie de l'Hôpital. Il faut dire aussi que le vocable de Saint-Jean n'est pas toujours l'indice certain d'une origine hospitalière. Au XIVème siècle, les Hospitaliers reconstruisirent plusieurs chapelles bâties primitivement par les Templiers et les dédièrent à leur patron saint Jean-Baptiste. Enfin les Hospitaliers et les Templiers eurent quelquefois en même temps des établissements dans les mêmes localités, et celle de ces maisons qui engloba définitivement l'autre, reçut indifféremment le nom de Temple ou d'Hôpital, dénominations également populaires dans la paroisse. 

  Avant d'aller plus loin, il nous faut faire connaître les nombreux privilèges que tenaient chez nous, tant des princes séculiers, rois de France et ducs de Bretagne, que du Pape, des Conciles et des évêques, les charitables et vaillants Frères de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Ces prérogatives extraordinaires sont glorieuses pour l'Ordre, car elles témoignent de la faveur justement méritée dont il jouissait en France. 

  Au milieu du XVème siècle, Alain de Boiséon, pourvu de la commanderie de la Feuillée, entreprit le voyage d'Italie pour y trouver des titres lui permettant de se défendre contre les prétentions de l'évêque de Tréguier. Il alla prendre en 1448, au dépôt des archives de la commanderie de Pise et à la Chambre Apostolique, des copies authentiques des privilèges concédés par les papes aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Réunissant ces copies en un petit cartulaire qu'écrivit un notaire apostolique du diocèse de Léon, il put à son retour en Bretagne le produire devant l'officialité de Tréguier pour obtenir la sauvegarde des immunités de son ordre. 

  Cet intéressant cartulaire, petit in-folio de 38 feuillets en parchemin, existe encore et se trouve au dépôt des archives de la Loire-Inférieure ; le savant archiviste M. Léon Maître en a publié (Inventaire sommaire des Archives ecclésiastiques de la Loire-Inférieure, H, 459) l'analyse que nous reproduisons ici, en suivant l'ordre chronologique : 

Bulle du pape Lucius III (vers 1182), visant et confirmant les concessions de ses prédécesseurs en faveur des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, leur permettant de construire des églises avec cimetières et des villas dans les déserts, pour les besoins des pèlerins, prenant leurs quêteurs sous sa sauvegarde ; permettant de célébrer la messe une fois l'an, dans les lieux interdits ; défendant d'exiger d'eux la dîme, les maintenant en possession de leurs biens en Europe comme en Asie, et exprimant le voeu que les élections du grand maître se fassent sans brigue.

Bulle du pape Clément IV (1265), décrétant que les Hospitaliers de Saint-Jean ne pourront être traduits en justice qu'en vertu de lettres apostoliques expresses.

Bulle du pape Clément VI (1346), décrétant que les Hospitaliers seront, eux et leurs biens, exempts de la juridiction des patriarches, archevêques et évêques, et qu'ils relèveront immédiatement du Saint-Siège, à la charge de payer seulement un marc d'or au Pape.

Bulle du pape Grégoire XI (1370-1378), annulant toutes les aliénations de temporel, faites par les maîtres et les prieurs de l'Ordre en dehors de l'approbation de ses prédécesseurs ; décrétant que les actes conclus sont non valables et que l'Ordre rentrera en possession de ses biens.

Bulle du pape Boniface IX (1396), ordonnant à tous les archevêques, évêques et abbés, d'excommunier ceux qui oseraient violenter ou emprisonner quelqu'un des frères de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et de prononcer l'anathème contre quiconque les insultera.

- Autre bulle du même pape et de la même année, mandant aux archevêques et évêques de publier les lettres de privilège obtenues par les Hospitaliers, de faire respecter leurs frères, serviteurs et quêteurs, de leur rendre justice contre tout agresseur, et menaçant de sa sévérité ceux qui ne tiendront pas compte de ses injonctions.

Autre bulle du même pape, ordonnant à tous les archevêques et évêques, de faire respecter les droits de présentation de titulaires, qui appartiennent aux Hospitaliers sur certaines cures et certains prieurés, d'écarter les prétendants illégitimes, de mettre en possession les prêtres recommandés par eux, menaçant en cas contraire de faire agir les Conservateurs délégués par le Saint-Siège.

– Autre bulle du même pape (1396), concédant aux archevêques et évêques le pouvoir d'examiner les lettres de privilège des chevaliers de Saint-Jean, et de leur en délivrer des expéditions pour les besoins de leur défense.

Autre bulle du même pape (1396), invitant les archevêques et les évêques à admettre dans leurs églises, une fois l'an, selon l'usage, les frères quêteurs de l'Ordre de Saint-Jean, à ne pas interdire les églises de l'Hôpital sans un ordre spécial de la cour de Rome ; à les protéger contre toute violence, à les laisser recevoir en liberté les hôtes qu'ils voudront, à inhumer gratuitement les Hospitaliers, à les affranchir de la dîme, à bénir leurs églises et leurs cimetières, faire rentrer dans le devoir ceux qui s'en écartent, à lever l'interdit des églises au passage de leurs quêteurs et à permettre aux clercs de l'église de les assister.

Autre bulle du même pape (1396), frappant d'excommunication quiconque osera en appeler des sentences rendues par les juges Conservateurs des Privilèges des Hospitaliers aux barres des officialités diocésaines, quelque soit la dignité de l'appelant, à l'occasion d'injures, de violences et de dommages causés à l'Ordre, et ailleurs qu'au tribunal du Saint-Siège, si ce n'est en cas de contestation féodale.

Autre bulle du même pape (1398), enjoignant aux archevêques, évêques et abbés, d'excommunier, de suspendre et d'interdire ceux qui molesteront les Hospitaliers, les violenteront ou s'empareront de leurs biens.

Enfin huitième et dernière bulle de Boniface IX (1398), décrétant que le maître de l'Hôpital et les frères de son Ordre pourront pour justifier leurs droits de présentation aux bénéfices ecclésiastiques, invoquer la prescription, sans être tenus de faire une autre preuve.

Bulle du pape Grégoire XII (1408) visant une bulle du pape Innocent, adressée au prieur de l'Hôpital de Venise, l'exemptant à perpétuité, lui et ses successeurs, de toute prestations de deniers aux collecteurs du Saint-Siège, et octroyant la même faveur à tous les commandeurs des maisons de l'Ordre.

Bulle du pape Martin V (1417), instituant l'évêque de Consérans et le doyen de Saint-Agricola d'Avignon commissaires, pour juger et frapper des censures ceux qui ont violé les privilèges des Hospitaliers, malgré tous les avertissements.

Bulle du pape Nicolas V (1447), rapportant une bulle de son prédécesseur, Grégoire VIII, et la confirmant : décrétant que les Hospitaliers sont exempts de tout impôt et de toute charge publique, blâmant les ecclésiastiques qui s'obstinent à les taxer, concédant des indulgences à ceux qui visitent leurs églises, maudissant leurs ennemis, exhortant les prêtres à défendre leurs intérêts et à les protéger en tout et partout.

Autre et dernière bulle du même pape Nicolas V, également datée de 1447, relatant et ratifiant une bulle d'Eugène IV, invitant tous les prélats à poursuivre les malfaiteurs qui persécutent et dépouillent les Hospitaliers, à les excommunier au besoin et à publier partout la bulle pour que l'Ordre de l'Hôpital soit respecté.

 

  Ces nombreuses bulles contenant tant de privilèges, prouvent de quelle faveur jouissaient les Hospitaliers près du Saint-Siège ; mais elles font voir aussi que cette faveur excitait la jalousie et qu'il fallait souvent à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, se défendre contre les empiétements de bien des envieux.

 

  Il existe encore une bulle de la même époque, qui ne figure pas dans le cartulaire renfermant les actes précédents. Elle fut donnée par Alexandre V, pape de 1409 à 1410, et est fort importante. Elle accorde, en effet, à l'Ordre des Hospitaliers le droit de recueillir la tierce partie des biens meubles de tous leurs vassaux mourant dans leurs fiefs. Cette bulle fut fulminée en 1430 dans le diocèse de Nantes (Archives de la Vienne, 3 H, 541). Ce droit de mortuage, appelé d'abord tierçage, fut réduit à la neuvième partie des meubles des défunts et prit alors le nom de droit de neume. En 1447, nous avons une sentence de l'official de Nantes, condamnant une veuve de la ville de Clisson à payer au commandeur du lieu la neuvième portion des meubles laissés par son mari décédé intestat (Archives de la Vienne, 3 H, 731).

 

  Il faut aussi signaler les nombreuses indulgences accordées par les papes aux églises et chapelles des Hospitaliers. C'est à ces religieux et aux Templiers que nous devons la plupart de nos reliques de Terre-Sainte, notamment les parcelles de la Vraie-Croix honorées jadis en Bretagne. Il existe encore aujourd'hui de précieux reliquaires apportés par eux de Palestine et déposés dans leurs chapelles : signalons, entre autres, les Vraies-Croix du Guerno, de Sulniac, de Carentoir, et les reliques de saint Jean-Baptiste conservées à Nantes, à Quimper, à Banalan, à Audierne, etc. 

 

  Une preuve de la pieuse affection qu'avait le peuple pour les églises de l'Hôpital, se trouve dans les chaires à prêcher extérieures qui accompagnent ces édifices au Guerno, à Botlan en Edern, à Runan et ailleurs. C'était surtout aux fêtes de la Passion et de la Vraie-Croix qu'accourait de toutes les paroisses voisines vers quelque sanctuaire des chevaliers, la foule avide de contempler les reliques et d'écouter la parole du prêtre glorifiant le Divin Crucifié. 

 

  De cette dévotion pour certaines chapelles de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem naquirent aussi de nombreuses foires, assemblées et marchés, tenus à l'ombre de leurs clochers bénis, comme à la Feuillée, à Montbran, à Louargat, à Runan, etc. Or, il est à remarquer que dans tous ces marchés et foires, les Hospitaliers avaient, par privilège des ducs de Bretagne et des rois de France, le droit de faire vendre du vin en détail, sans payer les droits de billot, étant personnellement exempts de cet impôt. Aussi avaient-ils, à la Feuillée, au Palacret et ailleurs, des caves destinées à loger le vin qu'ils vendaient aux foires desdits lieux (Déclaration de la commanderie de La Feuillée). 

 

  Ceci nous amène à parler des privilèges que les princes bretons concédèrent aux Hospitaliers, privilèges confirmés par leurs successeurs les rois de France. C'était d'abord une juridiction seigneuriale qui consistait la plupart du temps en une haute justice exercée dans leurs fiefs. A la suite de cette juridiction venaient les droits féodaux ordinaires de fourches patibulaires, lods et ventes, gallois, épaves, deshérences, succession de bâtards, création d'officiers, etc. Les Hospitaliers jouissaient, en outre, des droits de foires et marchés, de bouteillage et coutumes, de fours et moulins banaux. Ils avaient même quelques droits originaux, comme le saut dans la rivière du Léguer à Pont-Melvez, la course de la quintaine aux Biais, les oeufs de Pâques à Clisson, une couronne de roses à Saint-Donatien de Nantes, des repas à Varades pour eux, leurs chevaux et leurs chiens, le droit de fermer le missel et d'empêcher de dire la messe à Louargat et au Palacret, etc. (Déclarations des commanderies de Nantes, La Feuillée, Clisson, les Biais, etc …). 

 

  Enfin les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem nommaient les prêtres chargés du service des églises paroissiales – ils en avaient un certain nombre en Bretagne – et des chapelles leur appartenant. Parfois même, comme à Maupertuis, ils prétendaient donner eux-mêmes tout pouvoir et toute juridiction à leurs prêtres, sans que ceux-ci eussent aucunement besoin de recourir à l'évêque diocésain. Quand ils avaient parmi les prêtres de leur Ordre des sujets disponibles, ils leur conféraient les bénéfices relevant d'eux ; autrement ils avaient recours aux prêtres séculiers, en exigeant qu'ils dépendissent entièrement de leur Ordre. 

 

  Mais ils faut avouer que si les Hospitaliers avaient de grands privilèges, leurs hommes ou vassaux en partageaient les avantages dans une foule de cas, et c'est d'eux surtout qu'on pouvait dire qu'il faisait bon vivre féodalement sous le joug sacré. Par exemple, il fallait deux choses aux tenanciers de Saint-Jean de Jérusalem, s'ils voulaient profiter des privilèges de l'Ordre : porter d'abord cousue sur leurs vêtements la croix blanche de l'Hôpital (cette obligation était toutefois tombée en désuétude aux derniers siècles) ; avoir de plus cette croix sculptée en pierre ou forgée en fer, en tout cas solidement posée sur le faîte de leurs demeures. C'était là le double caractère distinctif des hommes relevant des Hospitaliers, et nous voyons souvent ceux-ci poursuivre devant les tribunaux, à Faugaret en 1336, à Nantes en 1507 (Archives de la Vienne, 3 H, 541) et bien ailleurs, les seigneurs voisins qui avaient abattu les croix des maisons de leur Ordre. Dans la plupart des aveux des commanderies bretonnes, on recommande instamment l'entretien de ces croix, et nous en connaissons qui subsistent encore à la fin du XIXème siècle, notamment en Carentoir et sur une maison de la rue Saint-Georges à Rennes, dépendant jadis de la commanderie de la Guerche. Ces croix indiquant quels étaient les vassaux de l'Ordre de l'Hôpital, ceux-ci avaient tout intérêt à les entretenir, car voici les avantages que leur procurait leur qualité d'hommes des Hospitaliers. Nous copions la déclaration de la commanderie des Biais, faite au roi en 1679 : « Sont tous les teneurs, vassaux, mansionnaires et estagers des fiefs de ladite commanderie, obligés de tenir sur leur logis une croix pour marque de ladite juridiction et pour cause de la noble franchise, liberté et privilège concédés à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; et sont lesdits sujets, estagers et domiciliés exempts de toutes aides, tailles, fouages (nota : De 1500 à 1510, les officiers du roi ayant voulu obliger les vassaux du Temple de Maupertuis à payer les fouages et à acquitter un droit de pacage dans les communs de la paroisse, procédures furent faites contre eux et ils durent reconnaître les privilèges des opposants - Archives de la Vienne, 3 H, 542), coutumes, pontages, péages et passages des gens de guerre, impôts, subsides et généralement de tous autres droits et impositions que l'on puisse trouver, tant ordinaires qu'extraordinaires ; et lorsqu'ils vendent et achètent quelques denrées ou marchandises aux foires et marchés dudit duché de Bretagne, ils ne payent aucuns droits ni coutumes ; et aussi quand l'un d'eux vient à décéder, les hoirs d'iceluy sont exempts envers le recteur de l'église parochiale, où le défunt demeuroit en son vivant, du devoir de neume ou mortuage des biens meubles que possédoit ledit défunt, payant audit recteur le nombre de treize doubles de Bretagne et à leur seigneur le Commandeur la seconde et meilleure robe du décédé ou bien cinq sols monnoie » (Archives de la Loire-Inférieure, Réforme du domaine, 5e registre, 239). 

 

  Un autre privilège des hommes de l'Hôpital était l'exemption de faire le guet dans les places fortes dont le possesseur était seigneur suzerain des fiefs qu'ils habitaient. Il est vrai qu'en 1408, à la requête du sire de Retz, le duc Jean V ordonna aux sujets des Hospitaliers de venir faire le guet dans les places de la seigneurie de Retz, ce qu'ils avaient refusé (Cartulaire des sires de Rays, 3, 175) ; mais les chevaliers de Saint-Jean réclamèrent et intentèrent à ce sujet un procès au seigneur de Retz, se disant exempts de tout guet par concession des ducs de Bretagne, leurs premiers fondateurs. Ils soutinrent et gagnèrent un procès semblable en 1414 contre le vicomte de Rohan qui voulait obliger leurs vassaux de Maupertuis à venir faire le guet à son château de Blain (Archives de la Vienne, 3 H, 541). 

 

  Dans les siècles derniers, les Hospitaliers étaient également exempts du logement des gens de guerre, et leurs officiers, fermiers, meuniers et domestiques n'étaient point obligés de servir dans la milice. Au reste en 1716, à la requête de Jacques de Mesmes, ambassadeur de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à la cour de France, Louis XV confirma par lettres-patentes les anciennes immunités et tous les privilèges accordés par les rois ses prédécesseurs aux chevaliers du Temple et de l'Hôpital. Ces lettres royales furent enregistrées, l'année suivante, au Conseil d'Etat, au parlement de Paris et à la cour des Aides de cette ville (Archives de la Loire-Inférieure, H, 460). 

 

  Parlons maintenant de l'organisation générale de ce grand institut qu'on appelait l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem et vulgairement l'Ordre de Malte. 

 

  Nous avons dit précédemment qu'on connaissait peu de chose de la hiérarchie des Hospitaliers en Bretagne lorsque florissaient les Templiers. Mais quand ceux-ci eurent disparu en 1312, l'héritage qui incomba à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem fut si considérable que le nombre des établissements hospitaliers se trouva triplé en France (De la Ville Leroulx, Cartulaire de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, I, introduction, p. LXXXV). Ce fut alors que fut remaniée, de la façon suivante, la classification des langues ou nationalités de l'Hôpital. 

 

  L'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem se composa dès lors de huit langues : Provence, France, Auvergne, Italie, Aragon, Angleterre, Allemagne et Castille. Les chefs ou piliers de ces langues, appelés aussi baillis conventuels, résidèrent près du grand maître. Les trois premières de ces langues se trouvèrent en France et furent subdivisées : la Provence en Grands prieurés de Saint-Gilles et de Toulouse ; la France en Grands prieurés de France, d'Aquitaine et de Champagne ; l'Auvergne ne comprit que le Grand Prieuré du même nom (De la Ville Leroulx, Cartulaire de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, I, p. XIII).

 

  Le Grand Prieuré d'Aquitaine était une fondation des Templiers, car nous avons vu qu'au XIIIème siècle les Temples de Bretagne relevaient de la préceptorerie d'Aquitaine ; il est vraisemblable qu'à cette même époque les Hôpitaux bretons étaient tenus du prieuré de France. Après la réunion des biens du Temple et de l'Hôpital, les possessions des chevaliers en Bretagne furent toutes soumises à la juridiction du Grand Prieuré d'Aquitaine que conserva l'Ordre des Hospitaliers. Dès lors le Grand Prieuré d'Aquitaine s'étendit sur le Poitou, l'Aunis, la Saintonge, la Bretagne, l'Anjou, le Maine, la Touraine, et la partie méridionale du Berry. Poitiers fut le chef-lieu de ce vaste ensemble et devint la résidence du grand prieur (De la Ville Leroulx, Cartulaire de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, I, introduction, p. LXXXV). On retrouve encore en cette ville le magnifique hôtel du Grand Prieuré, et c'est au dépôt des archives de la Vienne qu'il faut étudier les riches archives qu'a laissées cette portion de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le sceau du Grand Prieuré d'Aquitaine, de forme orbiculaire, présentait un aigle éployé accompagné en chef d'une croix à dextre et d'une fleur de lys à senestre avec cette légende : S. Prioratus hospitalis in Aquitania (Archives d'Ille-et-Vilaine, 3 H, 9). 

 

  C'est également au XIVème siècle que furent créées les commanderies, dont le nom ne figure nulle part auparavant ; il n'y avait, en effet, à l'origine, tant chez les Templiers que chez les Hospitaliers, que des préceptoreries ou maîtrises. 

 

  « L'origine des commanderies - dit le Père Hélyot - vient de ce que anciennement les biens de l'Ordre étaient en commun et pour les faire valoir, on commettait des séculiers qui en étaient ou les fermiers ou les receveurs, et qui en rendaient compte. 

 

« On finit par commettre et députer un frère pour régir et administrer chaque commanderie pour autant de temps qu'on le jugeait à propos, à condition que tous les ans il paierait entre les mains d'un receveur de l'Ordre établi pour cela une certaine somme proportionnée au revenu de la commanderie ; cette imposition fut nommée responsion. 

 

« On n'envoyait pas les chevaliers seuls, on leur donnait pour aides quelques autres frères et tous ensemble, avec quelque prêtre de l'Ordre, formaient une communauté. Celui qui était à la tête fut nommé Commandeur et la maison où était assemblée la communauté Commanderie, nom qui signifie moins un commandement qu'une administration, une commande. 

 

« Mais la division se mit, dans la suite, parmi les Frères vivant ensemble ; il fallut les séparer, laisser le soin de la commanderie à un seul, en le chargeant de payer des pensions à quelques confrères ; de là l'origine des pensions que plusieurs chevaliers possèdent sur des commanderies » (Pierre Hélyot, Histoire des ordres monastiques, tome III, chapitre XII). 

 

  C'est d'après ce système que les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem groupèrent en chaque région les établissements qu'ils y possédaient. Grâce à la pieuse générosité des fidèles ils purent former ainsi des commanderies, parfois considérables, composées indifféremment, semble-t-il, de Temples et d'Hôpitaux, auxquelles ils donnèrent les noms des plus anciennes ou importantes maisons. Ces commanderies furent d'abord assez multipliées, mais leur nombre diminua sensiblement au XVIème siècle, soit par suite des guerres civiles, soit à cause de la dépréciation des rentes anciennes. Les Hospitaliers furent alors contraints d'unir entre elles plusieurs commanderies, de telle sorte qu'aux deux derniers siècles, le Grand Prieuré d'Aquitaine n'en comprenait plus que trente-cinq (De la Ville Leroulx, op. cit., I, Introduction, p. LXXXV). 

 

  De ce nombre, quatre appartenaient à la Bretagne : les commanderies de la Feuillée, du Temple de Carentoir, du Temple de la Guerche et de Nantes ; deux autres commanderies bretonnes, moins importantes, se trouvaient, en outre, annexées à des commanderies poitevines : le Temple de Clisson uni à celle de Mauléon, et le Temple des Biais uni à celle de Coudrie. 

 

  Mais à l'origine il y avait bien en Bretagne une trentaine de petites commanderies condensées plus tard, comme on vient de le dire, à cause du peu de revenu de chacune d'elles. Nous avons même chez nous un curieux exemple de la manière dont on unissait ainsi certaines commanderies, dans la bulle d'union de l'Hôpital de Quessoy au Temple de Carentoir, union sollicitée et obtenue du grand maître de Malte par les servants d'armes et d'église auxquels ces commanderies étaient affectées (A. de Barthélemy et Geslin de Bourgogne, op. cit. VI, 255). 

 

  Par suite d'unions semblables, la Feuillée se composa de huit membres ayant primitivement eu chacun leur autonomie : La Feuillée, Quimper, le Croisty, le Loc'h, Plouaret, Plélo, le Palacret et Pont-Melvez. Le Temple de Carentoir comprit : Carentoir, Questembert, le Guerno, Lantiern, la Vraie-Croix, Malansac, Villenart, Quessoy, Port-Stablon et la Croix-Huis. Au Temple de la Guerche, furent unis Rennes, Dol, Montfort, la Nouée, Créhac et la Caillibotière. La commanderie de Nantes renferma, outre le Temple et l'Hôpital de Nantes, le Temple de Maupertuis, l'Hôpital de Faugaret et la Templerie de Grée. Enfin les Temples de Clisson et des Biais furent annexés l'un à Mauléon, l'autre à Coudrie. 

 

  Ces commanderies s'étendaient dans tous les évêchés de Bretagne ; une seule était homogène, celle de Nantes ne sortant guère du diocèse de ce nom ; mais la Feuillée, Carentoir et la Guerche avaient chacune des biens dans presque tous nos diocèses, et cet éparpillement de leurs possessions n'était pas la moindre cause de la modicité de leurs revenus, les frais d'entretien, de surveillance et de juridiction se trouvant d'autant plus élevés. 

 

  En général, quoique répandues dans un très grand nombre de paroisses, les commanderies de Bretagne n'étaient point de riches bénéfices. La moins pauvre était celle de La Feuillée s'étendant en quatre-vingt-deux paroisses dans les diocèses de Cornouaille, Tréguier, Léon, Vannes, Saint-Brieuc et Dol ; elle était affermée seize mille livres en 1747. Carentoir, avec ses biens en soixante-dix paroisses environ, n'était affermée que quinze cents livres en 1745. La Guerche, touchant à plus de quatre-vingts paroisses, fut affermée deux mille sept cent cinquante livres en 1741. Enfin Nantes, s'étendant en soixante-dix-huit paroisses, n'était louée que quatre mille huit cent quatre-vingts livres en 1749 (Baux des fermes générales de ces diverses commanderies - Archives d'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Inférieure). 

 

  Encore faut-il remarquer que les commandeurs ne touchaient jamais la totalité des revenus de leurs bénéfices. Chacun d'eux, en effet, était tenu de verser annuellement une partie des rentes de sa commanderie au Grand Prieuré dont relevait celle-ci. Cette imposition appelée responsion était par les soins du grand prieur, envoyée au Trésor central de l'Ordre. 

 

  Il est vrai que si les commandeurs avaient beaucoup de tenanciers comme ceux de la paroisse de Piré, dépendant du Temple de la Guerche, ils ne pouvaient que difficilement garnir leur bourse ; un bail de 1600 porte, en effet, cette singulière clause : « Certains vassaux du Temple, en la paroisse de Piré, tiennent leurs héritages seulement à debvoir de cinq patenostres (Pater Noster) et cinq Ave Maria pour la bonne prospérité et santé du seigneur Commandeur » (Archives de la Vienne, 3 H, 379). 

 

  De nos quatre commanderies bretonnes, trois étaient destinées aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ; la quatrième, celle de Carentoir, appartenait aux servants d'armes ou d'église. Néanmoins, cette dernière pouvait elle-même, en certains cas, être donnée à des chevaliers par le grand maître, et c'est ce qui arrivait parfois. 

 

  L'Ordre de l'Hôpital comprenait, en effet, avons-nous dit, trois états de personnes : les chevaliers, les chapelains et les servants. Tous les chevaliers portaient les armes et devaient être nobles de quatre générations, tant du côté paternel que du coté maternel. Les chapelains ou prêtres conventuels, indépendants des Ordinaires, devaient appartenir à une famille considérée si elle n'était pas noble ; ils desservaient les églises de l'Ordre et faisaient fonction d'aumôniers sur les vaisseaux armés contre les Turcs. Les servants se distinguaient en servants d'armes et servants d'église, selon qu'ils étaient employés à combattre sous les ordres des chevaliers ou à faire le service des églises et des hôpitaux, sous la direction des chapelains ; ils devaient eux-mêmes être issus de familles au-dessus du commun. Les servants d'armes pouvaient parfois devenir chevaliers, soit à la suite d'une action d'éclat, soit par grâce du grand maître. Centrée dans l'Ordre était subordonnée pour tous les membres, mais à des conditions diverses, à la production de preuves dont l'examen donnait lieu à une enquête appelée procès (De la Ville Leroulx, op. cit., I introduction p. XIII). 

 

  Le grand maître de l'Ordre gouvernait avec l'aide d'un Chapitre général qui se réunissait périodiquement et disposait du pouvoir législatif ; il avait, en outre, divers conseils groupés autour de lui et se partageant le pouvoir exécutif (De la Ville Leroulx, op. cit., I introduction p. XIII). 

 

  Dans chaque Grand Prieuré, une commanderie dite « magistrale », était à l'absolue disposition du grand maître ; les autres étaient données soit à l'ancienneté (c'était les commanderies de justice), aux chevaliers de la langue dans laquelle elle était située, soit au choix (et on les appelait alors commanderies de grâce) ; mais ce choix était limité à deux commanderies par prieuré tous les cinq ans et exercé par le grand maître et le grand prieur, chacun pour une commanderie (De la Ville Leroulx, op. cit., I introduction p. XIII). Par ailleurs, nul ne pouvait posséder une commanderie, s'il n'avait fait au moins quatre caravanes ou campagnes sur mer. 

 

  Dans chaque commanderie, le commandeur devait faire lui-même, ou faire faire par gens compétents, tous les ans, la visite des églises et chapelles souvent nombreuses, dépendant de son bénéfice ; il devait en même temps examiner les comptes des fabriques et ordonner toutes les réparations nécessaires aux édifices et aux choses du culte (Archives de la Vienne, 3 H, 464). 

 

  Quand un commandeur administrait convenablement sa commanderie et en augmentait la valeur par sa bonne gestion, il était désigné en vertu du droit d'améliorissement pour une commanderie plus importante. Ces améliorissements étaient constatés périodiquement (tous les cinq ans au XIXème siècle), par des visites prieurales qui donnaient lieu à des procès-verbaux descriptifs de l'état des biens, revenus, droits et bâtiments (De la Ville Leroulx, op. cit., I introduction p. XIII). C'est à ces procès-verbaux, parfois très détaillés, que nous devons, en grande partie, la description de nos commanderies de Bretagne. 

 

  Si nous voulons d'ailleurs savoir ce qu'étaient bien nos commandeurs de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, écoutons l'un d'entre eux, le commandeur de la Feuillée en 1574 ; voici sa propre déclaration : « A cause de ladite Religion de Saint-Jean de Jérusalem dont il est chevalier et religieux, ledit commandeur (de la Feuillée) est tenu d'aller à la guerre, tant par mer que par terre, lorsque de par Monsieur le Grand Maistre de ladite Religion son supérieur luy est commandé d'y aller, en la compagnie de ses frères Chevaliers et religieux dudit Ordre, pour la tuition et défence de la foy catholique contre les Turcs infidèles et ennemis d'icelle et de la chrétienté, et y exposer sa vie quand la nécessité y est ; et quand il est en repos et demeurant sur le bien de sa commanderie, il est tenu payer la responsion à ladite Religion, pour aider à soudoyer les souldarts et aultres gens de guerre qui journellement travaillent et guerroient pour défence de ladite foy catholique avecq les Chevaliers et gens de la dite Religion contre les infidèles » (Archives de la Loire-Inférieure, B, 187). 

 

  Ainsi aux derniers siècles, la guerre contre les Musulmans était le seul but que se proposassent les chevaliers de Malte ; pour l'atteindre, deux choses étaient nécessaires, la valeur militaire et l'argent, nerf de toute guerre. A Malte, se formaient de courageux soldats ; dans les commanderies, on tirait le meilleur parti possible des domaines et des fiefs pour augmenter les ressources de l'Ordre. 

 

  C'est donc une erreur de considérer en Bretagne nos commanderies comme des monastères habités par de pieux religieux. A l'origine cela pouvait être vrai, et nos commanderies avaient même souvent été des hôpitaux ; mais ceux-ci disparurent avec le temps, les derniers, ceux de Nantes, au commencement du XVIème siècle. Dès lors, la commanderie devint un simple domaine, noble, un manoir comme on disait jadis, accompagné d'une chapelle, d'un bois de décoration et d'un moulin avec des terres et des fiefs plus ou moins importants. Là venaient habiter les commandeurs, quand ils n'étaient pas à la guerre, ou quand l'âge et les blessures ne leur permettaient plus de combattre. 

 

  Aussi, à vrai dire, les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem n'ont-ils point d'histoire chez nous. Si vous voulez connaître leurs hauts faits, allez à Rhodes, transportez-vous à Malte, parcourez la Méditerranée, partout là vous trouverez ces vaillants, chevaliers et servants d'armes, aux prises avec l'ennemi de la chrétienté. C'est épuisés de fatigue, vieillis souvent avant l'âge, mutilés dans les combats, que nos commandeurs viennent se reposer dans leurs manoirs bretons, y attendant dans le silence et la prière la récompense divine.

abbé Guillotin de Corson

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