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L'épidémie de typhus frappe les prisons de Nantes, puis les hospices et la ville

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Les hôpitaux sont encombrés. — Les médecins de l'Hôtel-Dieu craignent que le typhus ne se s'y déclare. — Insalubrité des rues et des places. — Lépinay, répurgateur de la ville, est appelé devant le conseil de la commune. — Rapport de Godebert et Laënnec sur les prisonniers des Saintes-Claires. — Le typhus se déclare dans cette maison. — L'autorité prend quelques mesures hygiéniques. Nouvelle visite de Laënnec aux Saintes-Claires. — Le citoyen Renard, maire de Nantes, rend compte de l'état des détenus et des maisons d'arrêt. — Le pain commence à manquer. — Réclamation des prisonniers sur l'exiguité de leur nourriture. — Une députation de la société Vincent-la-Montagne se rend au conseil de la commune pour se plaindre de l'insalubrité de la ville. — Le typhus au Bouffay et à l'hospice de la Réunion. — Le général Rossignol dirige sur Nantes dix-huit cents malades. — L'épidémie fait des progrès rapides.

IX.

Les malades de la ville et les militaires blessés que l'on dirige continuellement sur Nantes commencent déjà à encombrer les hôpitaux. L’Hôtel-Dieu surtout ne peut plus contenir de malades, et les médecins de cet établissement craignent que le typhus ne s'y déclare.

Pour empêcher le développement de cette cruelle affection, la communauté de Saint-Charles est convertie en hôpital temporaire, et une partie des fiévreux et des blessés est évacuée sur de nouvel hospice. Les officiers de santé suffisent à peine pour faire le service ; mais ils redoublent de soins, et la ville, reconnaissante du zèle qui les dirige dans l'accomplissement de leur pénible mission, leur alloue, à différentes reprises, des gratifications.... C'est ainsi que l'administration générale des hôpitaux adresse, le 9 septembre 1793, une pétition pour indemniser les médecins et chirurgiens de l’Hôtel-Dieu de l'excédant de travail que leur donne trois à quatre cents malades ; c'est ainsi que le conseil général de la commune, « considérant que, depuis plus de dix ans, le citoyen Herbron a constamment donné ses soins gratuitement toutes les fois qu'il a été nécessaire, et qu'il a, depuis l'état de siège où se trouve la cité, employé ses talents au pansement, des citoyens blessés, arrêtait, dans sa séance du 29 août, que, pour récompense des peines et soins que le citoyen Herbron avait donnés gratuitement ; il lui serait payé, à titre d'indemnité, la somme de 1,000 liv., et qu'à dater de ce jour un traitement annuel de 800 liv. lui serait alloué ».

X.

Les mesures de salubrité, si utiles dans les grandes villes en temps ordinaire, deviennent d'une impérieuse nécessité lorsqu'une épidémie les menace. Alors, dans le but de diminuer autant que possible l'intensité du mal, si on ne peut l'empêcher, l'administration et les citoyens doivent réunir leurs efforts pour obtenir un assainissement aussi complet que les localités le permettent... Guidée par ces sentiments, la municipalité avait donné plusieurs fois des avertissements au répurgateur de la ville, à qui elle accordait une forte somme, pour que les rues, places et faubourgs eussent été nettoyés des immondices qu'ils contenaient.... Elle le faisait même exempter du service militaire, afin qu'il pût se livrer entièrement aux occupations de son emploi. Cependant les mesures les plus urgentes de salubrité ne sont point exécutées, et les chevaux que les passages, les séjours des armées de la République introduisent dans la place et qui meurent ne sont point enlevés !

Le conseil général de la commune est réuni.

Un membre de la société Vincent-la-Montagnc, le citoyen Forget, envoyé par le club vers la municipalité, est présent à la séance du 20 septembre. Il a la parole.

« Citoyens,
La société Vincent-la-Montagne me députe vers vous pour vous représenter que la quantité d'immondices qui se trouvent dans les rues donnent un mauvais air et une grande insalubrité qui peuvent devenir funestes aux habitants de la cité.

Il est donc intéressant de chercher des moyens pour la répurgation des rues... La société pense qu'un dès plus prompts et des moins dispendieux serait de mettre en réquisition une certaine quantité de tombereaux, d'y attacher des bœufs pris sur les brigands, et de faire déposer les fumiers aux endroits indiqués. Le produit de leur vente ferait un objet bien plus conséquent que les frais qu'il en coûterait pour les ramasser.

Je laisse, citoyens, sur votre bureau, la pétition et l'avis de la sodété dont je suis membre, afin que vous statuiez le plus tôt possible ».

Appelé à comparaître devant le conseil général de la commune pour rendre compte de ses services, Lépinay expose qu'avec tout le zèle, toute l'activité dont il est susceptible, il se voit dans l'impossibilité absolue de remplir entièrement les clauses de son bail ; qu'au milieu des travaux extraordinaires dont il est chargé en cet instant, il est à la veille de manquer de fourrages et d'argent, et par conséquent d'ouvriers, qui le quittent, faute d'être salariés, et autant qu'ils l'exigent ;

Qu'il ne voit d'autres remèdes à toutes ces difficultés que dans la bienveillance du conseil, qu'il prie de vouloir bien fixer le salaire de ses ouvriers et lui accorder quelques secours pécuniaires, qu'on peut, dit-il, lui avancer avec d'autant plus de confiance qu'il se trouve, dans ce moment avoir pour plus de 80,000 liv. de fumier, dont il ne peut se défaire.

Le conseil, voulant ôter au répurgateur tout moyen d'excuses, décide que le salaire des ouvriers demeure ainsi fixé : savoir 3 liv. par jour pour le cheval ; 3 liv. pour le tombereau, et 2 liv. pour l'homme, et accorde, en outre, au citoyen Lépinay une somme de 1,000 liv. à titre de prêt, remboursable dans quatre mois...

Mais les ouvriers que requiert le répurgateur refusent leurs services, et donnent pour prétexte la modicité du salaire... Le conseil prend alors un arrêté obligeant les commissaires de police de faire marcher les ouvriers qui sont requis, et condamne provisoirement à une amende de 8 liv. ceux qui n'ont point obéi à la réquisition du répurgateur.

Ces mesures ne produisent aucun effet, et les ouvriers persistent à ne pas servir le citoyen Lépinay, dont ils se plaignent assez vivement... L'autorité, craignant les suites funestes que doit faire naître cet état de choses, veut détruire toutes les influences délétères qui agissent sur Nantes... Mais l'état de siège, la longueur de la guerre civile ont tellement épuisé les ressources de la ville qu'elle ne peut plus trouver les moyens de faire transporter les fumiers, les immondices, les animaux morts qui infectent tous les quartiers ; et, pour les enlever, la municipalité se voit obligée de mettre en réquisition les chevaux de fiacre.

Il n'est plus temps de prévenir les conséquences déplorables qui doivent résulter de l'insalubrité de la ville. Déjà beaucoup de citoyens tombent malades ; déjà la disette se fait sentir et augmente le nombre des circonstances qui, en aggravant la position individuelle, rendent chacun plus susceptible de subir la fâcheuse influence des nombreux foyers d'infection que renferme Nantes.

XI.

Depuis plusieurs semaines, la dyssenterie régnait dans la maison d'arrêt, des Saintes-Claires. Les prisonniers, entassés dans des lieux étroits et malsains, tombaient malades..... L'autorité avait prescrit quelques moyens hygiéniques ; mais les choses restaient toujours dans le même état... Le citoyen Godebert, médecin attaché à cette maison de détention, comprenant bien que ses soins deviendraient infructueux tant que des mesures de salubrité ne seraient pas exécutées, faisait un rapport, dans la séance du 22 septembre 1793 du conseil général de la commune, sur la position déplorable de ces malheureux prisonniers.

« Ils n'ont pas de rechange, disait-il ; les poux et la mal-propreté les font périr ; plusieurs ont une diarrhée qui donne lieu à une infection dangereuse, par les miasmes insalubres qui se répandent. Il faut du linge, des couchettes garnies de leur paillasse, pour les blessés que l'on ne peut panser sur le carreau ».

Quelques jours après, Laënnec, qui avait reçu l'ordre d'aller aux Saintes-Claires examiner l'état de cette maison et on rendre compte à la municipalité, découvrait dix-huit hommes entassés dans une cellule étroite, parmi lesquels se trouvaient dix malheureux atteints du typhus....

« Tout manquait, dit-il, dans cette maison : l'air, l'eau, les aliments, les remèdes ; tout, jusqu'aux moyens d'ensevelir et d'enterrer les morts ».

Le conseil renvoya les citoyens Godebert et Prévost vers l’administration du district pour lui exposer cet état de la situation des Saintes-Claires, et pour lui demander les objets que réclamaient les besoins urgents de cette maison...

Au conseil du département, des voix se faisaient aussi entendre pour faire connaître la position dans laquelle se trouvaient les prisons.... Dans la séance du 11 octobre 1793, le procureur général syndic provisoire représentait que les maisons de détention de Nantes étaient pleines de monde ; que, dans l'une d'elles, il régnait une maladie grave ; et que l'on devait craindre qu'elle ne devint épidémique. Il faisait observer que les opérations de l'armée et le décret sur les gens suspects allaient encore augmenter le nombre des prisonniers ; il représenta que bientôt il devait arriver un certain nombre de détenus, et qu'il était urgent d'aviser aux moyens de se procurer de nouveaux locaux propres à faire des maisons de détention ; que, dans le cas où la maladie qui régnait aux Saintes-Claires ne fût venue à continuer, il aurait été indispensable d'établir une maison d'arrêt dans un bon air, laquelle prison eût été en même temps une infirmerie ou une maison de convalescence pour les détenus. Il demandait, enfin, la nomination, dans le sein de l'administration, d'un commissaire qui aurait été chargé de se concerter avec la municipalité pour trouver les locaux nécessaires et convenables à la destination qu'on se proposait de leur donner.....

Le conseil fît droit à ce réquisitoire, nomma le citoyen Petit son commissaire, et le chargea de lui faire un rapport sur le résultat de ses recherches.

A la séance du soir, l'ordre du jour est la discussion sur les prisons.

Le commissaire chargé par l'arrêté du matin de chercher un local convenable pour renfermer les gens suspects, fait connaître que ses démarches ont été infructueuses. « La discussion, dit le procès-verbal que nous avons sous les yeux, s'est prolongée sur cet objet, autant que le méritaient et son importance et les difficultés dont il est susceptible... ». Le conseil, après avoir entendu le procureur-général en ses conclusions,

« Considérant qu'il est urgent de séparer les individus malades qui sont aux Saintes-Claires de ceux qui sont sains, afin d'éviter que la maladie ne devienne épidémique dans cette maison d'arrêt et ne se communique au dehors ;

Considérant que la maison des Petits-Capucins offre un local commode, un bon air, et dont on peut tirer un parti avantageux, arrête que les prêtres détenus aux Petits-Capucins seront transférés dès demain dans un navire, et que le citoyen Colas, membre du conseil général du département, Chesné, membre du district, et Cordet, membre du conseil de la commune, sont nommés commissaires pour examiner, avec les officiers de santé qu'ils voudront s'adjoindre, la maison des Petits-Capucins, et constater les avantages qu'elle peut présenter dans les circonstances actuelles ».

Si le typhus commençait à se déclarer aux Saintes-Claires, des causes puissantes contribuaient à y développer cette cruelle maladie. Nous en avons la preuve dans le rapport que le citoyen Orhont adressait au conseil de la commune, le 16 octobre. « La difficulté d'avoir du pain chez les boulangers, disait-il, laisse les détenus dans un besoin extrême ; il faut sur-le-champ leur fournir du pain, si l'on ne veut pas les voir périr d'inanition ».

Une demi-livre de mauvais pain et une chopine d'eau, voilà quelle était leur subsistance !

A la même séance, les commissaires de la société de Vincent-la-Montagne faisaient connaître qu'il existait une grande quantité d'immondices dans cette maison, et qu'il y avait à craindre qu'il ne se développât, chez les détenus, des maladies épidémiques... Tout les y prédisposait, puisque la plupart des prisonniers n'avaient point de lits ; qu'ils manquaient souvent de paille, et qu'ils étaient obligés de coucher sur la terre humide.... C'était, leur disait-on, assez bon pour eux !

Laënnec, accompagné de Larue, chirurgien, est chargé de nouveau d'aller aux Saintes-Claires. Il compte, dans l'ancien chœur des religieuses, onze cadavres, que, depuis trois jours, on n'avait négligé d'inhumer !... Et, « dans ce sépulcre mal blanchi, dit-il ; vivaient ou mouraient de misère plus de cent citoyens appartenant aux meilleures familles, de Nantes , » pour lesquels il obtint à grande peine d'aller respirer l'air une ou deux heures, par jour dans un mauvais petit jardin fermé par un mur de trente pieds de hauteur... Cinq semaines auparavant, on y avait poussé des détenus jusqu'à ce qu'il n'eût plus été possible d'en faire entrer ; et ils y étaient tellement pressés qu'il avait fallu en faire sortir plusieurs pour pouvoir fermer la porte !.

La veille de la séance où les commissaires de la société Vincent-la-Montagne appelaient l'attention du conseil-général de la commune sur l'insalubrité des Saintes-Claires, le citoyen Renard, maire de Nantes, avait fait aussi un sombre tableau de la position des détenus dans les maisons d'arrêt, et le conseil, « considérant l'état déplorable dans lequel se trouvaient un grand nombre de prisonniers, par les maladies graves dont ils étaient attaqués ;

Considérant que ces maladies donnaient naissance à des miasmes dont l'influence maligne pouvait se répandre dans toute la cité, si l'on ne prenait de prompts moyens pour nétoyer et purifier les maisons de détention ;

Considérant que l'humanité commandait de porter les secours promplement, et que les précautions prises pour prévenir toute altération de l'air étaient expressément ordonnées par les lois de sûreté générale, arrêtait que les républicains et les vrais sans culottes de la société Vincent-la-Montagne seraient invités à nommer parmi eux le nombre qu'ils jugeraient convenable pour s'adjoindre aux membres du conseil général de la commune, afin de surveiller, la répurgation des immondices, qui infectaient les maisons d'arrêt ».

XII.

Des petites villes et des campagnes, un grand nombre de réfugiés avec leurs femmes et leurs enfants arrivaient continuellement à Nantes pour y chercher un asile, pour y trouver secours et protection. Mais bientôt après ils tombaient malades…… Que l'on se représente les patriotes de la Vendée contraints d'abandonner leurs travaux, leurs moissons, leurs bestiaux, et de se renfermer dans la ville comme dans une prison, pour y entendre raconter les ravages de leurs champs et l'incendie de leurs maisons ; qu'on les considère entassés chez leurs parents, chez leurs amis ou dans des chambres que la ville leur donnait ; qu'on se les figure éloignés de leurs foyers, sans pain, en proie aux besoins de première nécessité et à la plus vive inquiétude pour l'avenir, alors on concevra aisément que, dans de telles prédispositions, l'épidémie a dû les atteindre, et faire parmi eux de nombreuses victimes.

L'émigration de ces malheureux, jointe au grand nombre de militaires et de détenus que renferme la ville, met Nantes dans une telle pénurie qu'on est obligé de supprimer le pain que l'on donne aux prisonniers ; et de le remplacer par du riz. Mais la demi-livre de riz que l'on fournit ne peut leur suffire. Ils s'en plaignent, et le conseil arrête qu'on ajoutera à cette ration une demi-livre de pain.

XIII.

La municipalité, comme nous l'avons déjà dit, voulait remédier aux abus qu'on lui signalait, et arrêtait des mesures pour les détruire ; mais ses ordres n'étaient point exécutés, soit qu'il ne fût pas possible de le faire, soit que les personnes chargées de ce soin n'en eussent ni la volonté, ni la capacité... Quoi qu'il en soit, dans ces temps difficiles, quelques fournisseurs qui ne voyaient, dans les marchés qu'ils passaient avec l'autorité, qu'un but, le plus grand gain possible, donnaient souvent des denrées de mauvaise qualité, et plaçaient ainsi les malheureux prisonniers dans la cruelle nécessité ou de mourir de faim ou de manger un aliment malsain que la cupidité de certains hommes les obligeait à prendre... Aussi les détenus se plaignaient-ils depuis longtemps. Un digne homme, le citoyen Pérouty, pauvre menuisier, écoula leurs justes réclamations, et porta, le 26 octobre, leurs plaintes devant le conseil de la commune. Il demanda, au nom de l'humanité souffrante, qu'il fut créé une commission dans laquelle seraient entrés deux prisonniers pour assister à la cuisson et vérifier la qualité du riz, afin de leur ôter tout sujet de plainte…. Le conseil, qui, dans ces temps, n'était pas encore dominé par Carrier, écouta avec bienveillance cette réclamation, et nomma une commission comme l'avait proposé Pérouty.

XIV.

Depuis longtemps, la société Vincent-la-Montagne ne cessait de signaler au conseil général de la commune les causes nombreuses d'insalubrité qui'existaient dans la ville et dans les maisons d'arrêt. Nous l'avons déjà vu plusieurs fois envoyer quelques-uns de ses-membres vers l'autorité municipale pour lui faire un tableau de la situation de Nantes, et lui représenter combien il était nécessaire de prendre des mesures d'hygiène publique.

A la séance du soir du 26 octobre, une députation de cette même société se présentait de nouveau, et « faisait observer qu'il était urgent de purifier les prisons et de faire enlever les immondices qui remplissaient les rues et les places de la ville, et qui rendaient l'air insalubre, infect et méphytique, ce qui pouvait occasioner de grands maux ».

Il est temps d'agir, si l’ou veut préserver la ville de l'épidémie... Déjà les détenus qui sont placés dans les conditions les plus défavorables tombent malades et succombent promptement... Au Bouffay, des morts, des mourants et des prisonniers nouvellement infectés, gisent sur le même grabat !.... Les cachots répandent des miasmes putrides, et les lumières s'éteignent lorsqu'on entre dans ces cloaques empestés !...

Ceux qui ont lu la description, des cachots du moyen-âge, où les prisons jouaient un si grand rôle : prisons royales, prisons de seigneurs, prisons d'officialités, plombs de Venise, tous lieux de torture et de supplices, monuments de la féodalité et de la barbarie ; ceux qui sont entrés dans les anciens châteaux forts, ces édifices à mûrs épais et toujours humides, aux vieilles tours, aux voûtes obscures ; ceux qui ont vu les anciennes maisons de détention, où il n'y avait ni cour, ni promenoir ; où les prisonniers ne sortaient jamais de leurs chambres pour jouir du soleil ou pour respirer un air moins corrompu : véritables foyers d'infection placés au centre des villes, avec leurs ouvertures étroites, leurs cachots humides et malsains, avec leurs barreaux de fer si rapprochés, qu'ils semblaient laisser passer à regret la lumière, peuvent juger de ce qu'était le Bouffay en 1793.

Cette prison, déjà trop insalubre de sa nature et trop resserrée pour contenir les individus soumis aux tribunaux du département, était devenue le dépôt et le réceptacle non-seulement comme transit, mais comme séjour permanent, de tout ce qu'on jugeait à propos d'y envoyer des différentes maisons de détention, tant du ressort du département que de plusieurs autres.... La guerre et les nombreuses arrestations de la triste époque dont nous retraçons une partie de l'histoire avaient considérablement augmenté le nombre des prisonniers qui y étaient renfermés. Aussi partout l'air et l'espace y manquaient, — dans ses cachots, « où les prisonniers ne recevaient de jour que par un trou de trois pouces, » — comme dans les chambres où l'on avait jeté plus de détenus qu'elles ne pouvaient en contenir.

En plaçant dans ces lieux insalubres, disons mieux, en y enterrant tout vivants des prisonniers, l'autorité veut-elle les faire mourir dans un air empoisonné ?.

La peur de la contagion s'est emparée, du comité révolutionnaire…… Il demande « un local plus convenante pour juger les détenus publiquement, celui du Bouffay, écrit-il au conseil de la commune, étant infecté par les maladies qui y régnent ».

Sur les observations du médecin, on fait enfin évacuer les foyers d'infection, et on y pratique des fumigations guytonniennes.

L'infirmerie ne peut plus renfermer tous les fiévreux ; et, dans des lits, cependant, sont couchés jusqu'à trois et quatre personnes ! On dispose la chapelle pour recevoir les détenus que le typhus a frappés ; mais elle ne peut contenir tous ceux qui tombent malades... Herbron, chargé de leur donner des soins, est atteint aussi par l'épidémie. Le citoyen Valteau, chirurgien, est nommé par le district pour le remplacer.

Le conseil de la commune, effrayé des ravages que fait la maladie, délibère sur la nécessité d'aviser aux moyens d'arrêter les progrès du typhus, qui s'est déveleppé au Bouffay, et « considérant que cette maison d'arrêt renferme trois cents détenus pour la conservation desquels l'humanité commande la sollicitude des autorités, constituées ;

Que déjà les prisonniers sont atteints de maladies contagieuses et d'autant plus susceptibles de s'y propager que l'air concentré de cette prison ne peut s'y renouveler, et que les émanations méphitiques des malades sont continuellement aspirées et respirées par les personnes saines ;

Que, pour prévenir les ravages de la contagion, qui peut gagner les maisons voisines, s'étendre de proche en proche et ramener notre malheureuse ville à l'état pestilentiel qu'elle a éprouvé par de semblables causes, le conseil pense qu'il est indispensable de destiner un local au traitement des prisonniers du Bouffay et autres maisons de détention ... ».

C'est en vain que, sur la proposition du citoyen Goudet, accusateur public, on transfère les détenus malades du Bouffay dans la maison des frères de l'école charitable, qu'on appelait hospice révolutionnaire ; c'est en vain que, sur la demande du citoyen Larue, chirurgien, on transporte au Sanitat les prisonniers malades qui sont renfermés dans des navires... Oui, c'est en vain ; la mort les moissonne après comme avant leur translation ; car, au Sanitat, dans cet asile qu'on appelait alors hospice de la Réunion, et qui, dépuis longtemps était destiné à loger les pauvres, les infirmes et les fous, il y avait aussi encombrement de détenus.... De cet entassement, naît le typhus. On veut porter remède. L'autorité municipale écrit au district et au comité révolutionnaire pour faire évacuer cet hospice ; mais on ne lui répond pas, et l'on ne prend aucune des mesures que nécessite cet état de choses.

Bien plus, un mois après, la mort ayant fait cesser l'encombrement, le comité de surveillance y envoya trois cents femmes réfugiées et une cinquantaine d'enfants, qui ne tardèrent point à y succomber victimes du typhus.

XV.

Les arrestations, que l'on a opérées dans la ville et dans les campagnes ; les prisonniers qui ont été faits par les troupes dans leurs nombreux combats ont rempli toutes les maisons d'arrêt, tous les hôpitaux. L'Entrepôt, le Château, plusieurs couvents et églises sont encombrés de détenus et de malades... La ville ne peut fournir les objets nécessaires ; aussi prisonniers, et malades manquent de médicaments, de paille, de couvertures, etc. Malgré cet encombrement de tous les établissements publics et le triste dénûment dans lequel ils se trouvent, Rossignol, général en chef de l'armée de Brest et de l'Ouest réunies, dirige de Rennes sur Nantes dix-huit cents malades, parmi lesquels on compte douze cents tant fiévreux que blessés. Ils arrivent le 20 novembre 1793…. Mais l'administration des hôpitaux manque de fournitures, de vivres, d'objets de pansement, et l'autorité est dans l'obligation de faire prendre une partis du linge qui appartient aux détenus riches et de s'emparer de celui que l'on trouve dans les maisons sur lesquelles on avait apposé les scellés.

L'entassement qu'occasionne l'arrivée d'un si grand nombre de malades augmente les causes déjà si puissantes qui font craindre que le typhus ne se déclare en ville.... Les hôpitaux et les maisons d'arrêt, comptent un grand nombre de morts ; et de braves soldats que le fer des Vendéens avait épargnés, périssent parce qu'un chef d'armée, méconnaissant les lois les plus siniples de l'hygiène publique, dirige une si grande quantité de malades sur une ville où déjà la disette, et l'encombrement faisaient naître une épidémie redoutable ! ……

(Gabriel Le Borgne).

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