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L'épidémie de typhus s'inscrit dans le contexte de la Guerre de Vendée

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La Vendée s'insurge. — Nantes est menacée. — Les Vendéens interceptent les communications. — La garde nationale combat. — Les prisons sont pleines. — Rapport de Darbefeuille sur leur insalubrité. — Affaire du 29 juin.— Un grand nombre de cadavres sont gisants dans les chemins et les champs qui environnent Nantes. — Laënnec, Godebert et Chiron, médecins, sont chargés d'établir, un hôpital pour les blessés. — Des prêtres sont entassés dans le navire la Thérèse. — On permet à ceux qui tombent malades d'aller se rétablir dans des maisens particulières. — Chizeau et Gesbert sont accusés d'avoir donné un faux certificat de maladie. — Ils comparaissent devant le conseil général de la commune. — On ne permet plus de sortir de la ville sous aucun prétexte. — Influence fâcheuse de cette mesure révolutionnaire.

I.

Les 10, 11 et 12 mars 1793, la Vendée s'insurge ; la révolte éclate sur tous les points et menace Nantes.

Dans le danger extrême où se trouve cette cité, Baco, maire, fait prendre les armes à tous les citoyens et fermer les cercles de lecture, afin que les hommes ne soient point détournés du seul devoir qui doit les occuper dans ce moment : le salut de leur ville... Dans ces jours de péril, le dévouement est nécessaire ; mais il ne manque pas. Les membres des trois corps administratifs parcourent la ville, et font connaître le danger commun. Les Nantais répondent à leur appel, et sont décidés à défendre chèrement leur cité … Une activité incroyable règne dans la ville ; la maison des Cordeliers est transformée en fonderie de canons ; l'évêché n'est plus qu'une caserne ; une partie des citoyens travaillent aux fortifications, et les trois corps administratifs se déclarent en permanence.

Les maisons d'arrêt renferment déjà un assez grand nombre de détenus. Les citoyens Godebert et Bisson sont chargés de soigner les prisonniers de l'ancienne communauté des saintes Claires ; Laënnec et Darbefeuille, les détenus du Bouffay et du Château.

II.

Les habitants delà campagne ne viennent plus au marché ; les uns sont enrôlés forcément dans l'armée royaliste ; les autres, ne trouvant plus de sécurité chez eux, se réfugient à Nantes, où ils sont casernés.... On défend l'exportation des comestibles ; car la rareté des vivres se fait vivement sentir.

III.

Le 27 mars, la garde nationale combat les rebelles qui occupent les routes de Paris, de Rennes et de Vannes, et les patriotes font un grand nombre de prisonniers que l'on jette dans les cachots...

L'encombrement de ces malheureux, le peu de nourriture qu'on leur donne, la malpropreté, l'air impur qu'ils respirent, toutes ces causes agissent sur quelques-uns d'entre eux, qui tombent malades ... Darbefeuille, effrayé des suites fâcheuses que peut amener cet état de choses, présente, dans la séance du 7 avril du conseil général de la commune, la situation des prisons « dont la plupart sont tellement encombrées, l'air que respirent les détenus si impur, qu'il est à craindre, dit-il, que le typhus ne vienne à se déclarer ».

Darbefeuille termine son rapport en faisant observer que, pour les prisonniers, soit qu'ils fussent innocents ou coupables, l'humanité exigeait qu'on employât les moyens de rendre leur détention plus supportable et moins dure..... La voix de ce digne médecin fut entendue, et le conseil nomma les citoyens Lecadre et Hardy pour se transporter avec lui au Château et dans les autres maisons de détention, afin de s'assurer s'il eût été possible d'y trouver des appartements plus salubres, et où l'on aurait pu y transférer les détenus.

Cette mesure réussit ; et, par la dissémination des maladies dans les locaux spacieux et bien aérés, on empêcha le développement du typhus... A cet époque on pouvait mettre en usage ces moyens d'hygiène publique ; à cet époque, on pouvait trouver des chambres vides dans les lieux de détention ; Carrier n'était pas à Nantes, et la loi des suspects ne remplissait point encore les prisons !

IV.

Les esprits sont agités ; la prise de la ville est le but que désirent atteindre les chefs royalistes, et Nantes, sans vivres, sans murailles, sans soldats, semble une capture facile. La crainte chez les uns, et l'exaspération chez les autres sont extrêmes ; on arrête toutes les personnes suspectes ; on emprisonne, pour servir d'otages, les parents des chefs insurgés ; les mendiants et les vagabonds sont renfermés, et l'ancien couvent du Calvaire leur sert de lieu de réclusion.

Les prisons sont pleines ; les détenus sont entassés les uns sur les autres, et au Château, par exemple, l'on place trente de ces malheureux dans une chambre qui à peine peut en contenir dix. La faim les exténue, la vermine les dévore, et un air méphitique les empoisonne... L'autorité, pour remédier à ces influences délétères, prend quelques mesures, et décide que, chaque jour, on présentera une liste de détenus qu'on croira pouvoir élargir…. C’est de toute justice, car, dans ces édifices publics qu'on a transformés en prisons languissent un grand nombre d'hommes et de femmes, dont la détention n'est motivée que sur des suspicions vagues, qui ne sont fondées sur aucun fait précis et articulé... mais ce n'est point par ces demi-moyens que l'autorité pourra prévenir le développement de l'épidémie qui va décimer les prisons et les hôpitaux... Il fallait, ou donner la liberté à tous les détenus, ou mettre dans des lieux plus spacieux ces malheureux que l'on vouait à une mort certaine en les plaçant dans des maisons d'arrêt qui présentaient déjà le tableau affligeant d'un encombrement de prisonniers respirant un air méphitique, couchés sur la terre ou sur de la paille pourrie, sans couvertures et sans nourriture suffisante...

V.

L'activité règne dans la ville, et présage un grand péril. Des églises sont transformées on ateliers, en casernes, en clubs. Partout se manifestent des sentiments patriotiques que les chefs d'administration exaltent encore en parlant des dangers que court Nantes... Quoique le pain manque, le courage ne manque pas, et tous les habitants travaillent aux fortifications, bien résolus de mourir en défendant leur cité.

Le 22 juin, les représentants Merlin et Gillet déclarent la ville en état de siège. On s'excite au combat. Les administrateurs, les membres des sociétés populaires se réunissent dans l'église de Sainte-Croix et font retentir les voûtes des cris unanimes : Aux armes !

Il est temps ; car 80,000 Vendéens sont aux portes de la ville, et Nantes n'a que 10,000 hommes de troupes !

VI.

Le 27, on combat à Nort ; et, le 29 , Nantes, est attaquée... La lutte avait été acharnée de part et d'autre, et un grand nombre de cadavres et d'animaux morts gisaient dans les chemins, les fossés et les champs autour de la ville…… Le général Beysser, commandant temporaire de la place, adresse un réquisitoire à la municipalité, afin qu'elle donne sur-le-champ les ordres nécessaires pour faire inhumer, à une profondeur convenable, les corps morts qui sont étendus çà et là ... Sur l'invitation de la commune, les citoyens Danglas, Thomas, Soulastre, J. Le Roux, Henry, Bellot et Gaudin, se transportent sur les différentes routes, et font enterrer les cadavres par les habitants de la campagne.

Si le nombre des morts avait été grand, celui des blessés l'avait été encore davantage... L'Hôtel-Dieu seul en reçut 297. Dans le cours de la semaine, on comptait 350 blessés dans cet hôpital. Beaucoup de citoyens se firent traiter chez eux.... Dans des moments aussi graves, aussi solennels, il fallait du zèle. Il ne manqua pas, et le corps médical, je suis heureux de le dire, se montra à la hauteur de sa mission.... Ecoutons Laënnec raconter cette belle page de la médecine nantaise, devant les administrateurs des hospices et les autorités de la ville, le 31 août 1815, dans une séance de distribution de prix aux élèves de l'école :

« Laissez-moi, Messieurs, respirer, avec quelqu'orgueil, ma faible portion de la louange que mérita ce jour là le département chirurgical de l'Hôtel-Dieu... Et moi aussi, j'endossai fièrement l'armure et l'habit de ma première éducation ; et moi aussi je fus tour à tour chirurgien, médecin, pharmacien, aide, élève, infirmier, tout ce qu'on voulut. A l'exemple du chef et marchant près de lui, je me sentis électrisé par le concours de nos amis et de nos confrères accourus à notre aide : la pitié me fit retrouver dans mon cœur la trace d'un genre de courage dont j'avais perdu l'habitude ».

L'Hôtel-Dieu ne pouvait contenir tous les blessés. Le Général Beysser écrivit au conseil de la commune pour lui demander un local propre à y établir un hôpital militaire, susceptible de recevoir 500 malades.

Le conseil chargea Laënnec, Godebert et Chiron de ce soin .... Le lendemain, les commissaires firent un rapport sur les divers établissements convenables pour y former un hôpital militaire, et sur la préférence que le général donnait au bâtiment du collège et à la maison de l'Oratoire.

L'assemblée, après avoir délibéré, pria de nouveau les mêmes commissaires d'aller, avec le directeur des hôpitaux militaires, inspecter et examiner la maison des Visitandines et d'en venir référer au conseil... Rentrés dans la salle, ils exposèrent que la maison des Visitandines réunissait véritablement toutes les commodités qu'il était possible de désirer, et que cette maison pouvait, à très-peu de frais, être promptement disposée pour un hôpital militaire de cinq à six cents lits ; qu'on y trouvait un bon air, un lavoir, des puits, de grandes casernes, une superbe boulangerie, des salles vastes, des cloîtres magnifiques, un beau jardin , etc.

Comparant ensuite ces avantages avec la maison du Collège, que semblait préférer le général. Beysser, ils firent connaître que ce dernier établissement n'avait pas de cuisine, que celle de l'Oratoire en était fort éloignée, que tous les rez-de-chaussées étaient extrêmement humides et peu éclairés, qu'il n'y avait ni puits, ni lavoir, ni jardin ;

Que la maison de l'Oratoire, qui atteignait au Collège, était le dépôt de la bibliothèque publique, et le seul endroit de la ville ou l'on pût conserver les monuments des sciences et les classes des enfants ;

Que ces deux maisons n'avaient de communication entre elles que par une galerie pratiquée par dessus la rue de la Visitation, ce qui rendait le service lent et pénible, puisque, pour passer de la cuisine de l'Oratoire aux salles basses du Collège, il fallait monter un étage et en redescendre un autre ; qu'enfin la dépense nécessaire pour approprier ce local aurait été double ou triple de celle qu'aurait demandé la maison de la Visitation.

Sur ces considérations, le conseil, après avoir longuement discuté les avantages et les inconvénients des deux locaux, et ouï le procureur de la commune en ses conclusions, arrêta : 1° que la maison de la Visitation serait offerte au citoyen général Beysser pour y fonder un hôpital militaire, et qu'il serait invité, au nom du conseil, à l'accepter ; 2° que le citoyen général serait également invité à disposer de la communauté de Saint-Clément pour y caserner le 109ème régiment, à qui il devait être indifférent d'être logé dans tel ou tel local, pourvu qu'il y eût trouvé, comme le conseil le désirait, un air pur, et l'espace nécessaire à rétablissement d'une caserne agréable et salubre…

Que de soins, que de précautions dans le choix d'un hôpital militaire ; et dans quelques semaines, quelle incurie et quelle négligence n'apportera-t-on pas à tout ce qui tient à l'hygiène publique, dans les établissements où seront placés des malades et des détenus !

VII.

En attendant le jour de leur déportation, on avait jeté un grand nombre d'ecclésiastiques à bord du navire la Thérèse véritable ponton, tombeau flottant où, dans un espace de dix toises de longueur sur vingt pieds de largeur, étaient renfermés jusqu'à deux cents prêtres !..... Dans la cale où ils sont entassés, on peut à peine respirer. Plongés, dans une atmosphère dont la température élevée ne tarde pas à devenir insupportable, ces malheureux ont le corps couvert d'une sueur abondante ; leur respiration est pénible... L'air est tellement lourd et épais dans ce navire, qu'à une faible distance une chandelle allumée ne s'aperçoit que comme un nuage... Avec quelle impatience ces détenus attendaient le lendemain pour pouvoir ouvrir les panneaux qui, pendant douze ou treize heures, leur interceptaient toute communication avec l’extérieur ! De l'air, de l'air, donnez-nous de l'air ! était leur cri général.

Ainsi pressés les uns sur les autres, respirant, un air impur, ils ne tardent point à en ressentir l'influence délétère : quelques-uns tombent malades.... Les citoyens Gaudin, commissaire de la municipalité ; Duluy et Chizeau, chargés, comme médecins, de leur donner des soins, adressent alors une note au conseil de la commune, dans laquelle ils exposent qu'il y a lieu de craindre que les miasmes putrides et pestilentiels ne viennent à se développer à bord du navire la Thérèse, si l'on ne s'empresse de faire sortir le plus tôt possible les prêtres qui y sont renfermés ...

Huit jours après, ils disaient dans un second rapport : « Leur situation fait frissonner ; plus de vingt malades ou moribonds poussent des cris affreux pendant la huit……… Ils sont couverts de plaies gangrenées, et ils gisent dans la fange, parce qu'on ne peut les soulever ni les changer, n'ayant d'autres lits que des planches... Il est impossible qu'instruits de leurs maux, qu'on ne saurait qu'esquisser, vous ne vous intéressiez à leur prompte translation dans une maison de réclusion. L'épidémie qui s'ensuivrait entraînerait nécessairement les plus robustes. Tous déjà souffrent ; tous sont languissants. Les plus jeunes n'en sont pas exempts, et si le pain tant réclamé n'eût été apporté ce matin, le nombre des morts eût augmenté ».

Quel tableau ! il n'y a rien à y ajouter.

Le conseil arrêta, que les prêtres vieux et infirmes seraient transférés aux Petits Capucins, et nomma les citoyens Gaudin, Hardouin et Nouël, substitut de procureur de la commune, pour aviser préalablement aux moyens d'exécuter cette translation.

Mais plusieurs de ces ecclésiastiques qu'on avait placés dans cette maison comme dans un lieu plus salubre que la cale d'un navire tombent malades, et demandent à être momentanément élargis sous le cautionnement de plusieurs citoyens... Le conseil fait constater leur maladie par les docteurs Laënnec et Duluy, et décide que les prêtres, sous le cautionnement que les citoyens Simon et Bertrand doivent signer au greffe, seront transportés dans des maisons particulières où ils pourront avoir les secours que l'humanité fait un devoir de leur administrer, à la condition de n'y recevoir d'autres visites que celle des médecins, et d'être reconduits dans la maison de détention aussitôt que l'état de leur santé le permettra ..... A cette époque (23 juillet 1793), le cautionnement d'un citoyen suffit ; à cette époque, Nantes n'a pas encore été le théâtre des cruautés de Carrier ; la justice est toute nantaise, et un proconsul sanguinaire ne paralyse point les bonnes intentions des hommes qui sont à la tête de l'administration.

On abusa de la confiance qu'avait montrée l'autorité municipale ; car dans la séance du 30 juillet du conseil général de la commune, un membre se leva et accusa les citoyens Chizeau et Gesbert, médecins, d'avoir délivré au sieur Matisse, détenu à bord du navire la Thérèse, un faux certificat de maladie, puisque, selon le conseiller municipal, les citoyens Gaudin et Hardouin, commissaires, chargés de la surveillance des détenus, attestaient que le sieur Matisse leur avait dit qu'il était en bonne santé... Le conseil, après avoir considéré qu'il était du plus grand intérêt pour la sûreté générale que des médecins et officiers de santé ne cédassent à aucune influence, dans la délivrance de leurs certificats qui doivent toujours contenir la vérité ; après avoir considéré que la surveillance de la municipalité doit réprimer les abus qui résultent de faux certificats, assigna les citoyens Chizeau et Gesbert à comparaître à la séance du lendemain pour donner les motifs qui les avaient dirigés dans cette circonstance... Les citoyens Chizeau et Gesbert comparurent devant le conseil, et rendirent compte des raisons pour lesquelles ils s'étaient déterminés à délivrer un certificat de maladie au sieur Matisse, prêtre insermenté, tandis que, suivant la déclaration que celui-ci avait faite aux citoyens Gaudin et Hardouin, il se trouvait en bonne santé...

Le conseil déclara qu'il se contentait de leurs observations, et les engagea à être à l'avenir moins faciles dans la délivrance de certificats, sans être certains des objets qu'ils y auraient à constater.... Deux mois après, le comité révolutionnaire accusait un autre médecin, Bacqua, d'avoir favorisé l'évasion d'un prisonnier placé à l'Hôtel-Dieu, et le faisait arrêter.

Nous n'avons pu savoir quels furent les moyens de défense que présentèrent MM. Chizeau et Gesbert, et si nous mentionnons ce fait, c'est afin de faire voir combien l'autorité, à cette époque, était loin d'être mue par les mêmes sentiments qui, quelques mois plus tard, devaient animer celle qui, trop soumise aux ordres d'un Carrier, se rendait son complice en faisant exécuter ses décrets de mort... Si alors les médecins Chizeau et Gesbert eussent été sous le poids d'une accusation quelconque, leur sort n'eût pas été un instant douteux ; car il est probable qu'ils auraient porté leur tête sur l'échafaud, pour la trahison que le représentant de la Convention n'eût pas manqué d'y voir.

VIII.

Depuis quelque temps, il n'est plus permis de sortir de la ville sans avoir des motifs graves, et l'on ne délivre plus de passeport sans présenter un certificat de maladie : les clubs ont ainsi décidé... Une députation des deux sociétés républicaines s'est rendue, le 15 août 1793, à la séance du conseil de la commune pour lui remettre une pétition dans laquelle on demande :

« 1° Que, vu l'état de siège où se trouve la cité, il ne soit plus délivré de passeport à qui que ce soit, excepté aux réfugiés des campagnes insurgées et aux étrangers qui, pour cause de commerce, sont entrés à Nantes depuis le 25 juin dernier avec passeport ;

2° Que tous les sergents-majors seront tenus, par ordre de la municipalité, de faire un état des gardes nationaux qui se sont absentés depuis que la ville est en état de siège, et de remettre ces états à la municipalité ;

3° Que la municipalité sera priée d'annuler les passeports qu'elle a pu délivrer aujourd'hui, et qu'elle fera passer des ordres aux barrières pour en empêcher l'effet ».

Beaucoup de personnes qui craignent de voir Nantes en proie aux maux qui doivent, quelques semaines plus tard, la décimer : la disette, le typhus et la guillotine, prétextent un état de souffrance pour pouvoir s'éloigner de la ville ... La municipalité apprend que des médecins délivrent, les uns par faiblesse, les autres par affection personnelle des certificats de maladie à un grand nombre d'individus.

« Considérant que le prétexte de changement d'air ou d'aller aux eaux est illusoire, et n'est employé que pour obtenir la permission de se retirer de la ville ;

Considérant que la sortie de toutes ces personnes, hommes et femmes, occasionne des pertes que supportent les marchands et les ouvriers, l'autorité arrête qu'il ne sera plus délivré de passeport sous quelque prétexte que ce soit ».

En agissant ainsi, la municipalité ignorait, sans doute combien elle compromettait la vie des citoyens, en retenant de force, dans une cité déjà encombrée d'hommes et d'animaux, les personnes qui voulaient en sortir, sous le prétexte bien puéril, en comparaison des dangers d'une grave épidémie, de nuire aux intérêts des marchands !

Il y avait alors un comité de salubrité, pour lui représenter que cette mesure, en concentrant dans la ville un si grand nombre d'individus, devait faire naître une épidémie meurtrière. Mais pour être utiles, il eût fallu que les membres des commissions de salubrité qu'on avait formées, et dans les sociétés populaires, et dans le conseil général de la commune, eussent possédé les connaissances indispensables pour apprécier toutes les causes d'insalubrité, et les moyens d'y remédier ; qu'ils eussent été nombreux pour les rechercher ; que la considération due à leurs caractères et à leurs lumières eût donné de l'autorité à leurs conseils ;

Il aurait fallu aussi diviser les travaux pour les rendre exécutables avec rapidité, en réunir, en classer les résultats ;

Il aurait fallu un point central où toutes les observations, tous les conseils fussent venus aboutir, et où l'administration, eût pu puiser tous les renseignements propres à diriger son action ;

Il aurait fallu que les commissions eussent été composées de médecins, de chimistes ou pharmaciens, choisis parmi des hommes éclairés et placés dans une position qui leur permit de se livrer à ces utiles fonctions avec dévouement et activité, complétées par des notables et des commissaires-voyers qui eussent pu leur donner, sous le double rapport du temps et de la dépense, des renseignements précieux relativement à la possibilité ou à la facilité d'exécution des mesures qu'elles auraient proposées à l'autorité ;

Il aurait fallu établir trois ordres, de commissions : des commissions de quartier, des commissions d'arrondissement, et une commission centrale ;

Il aurait fallu, avant tout, l'union entre les différents pouvoirs, ce qui était loin d'exister, et ce qui fut cause de l'intensité des maux que Nantes eut à supporter.

(Gabriel Le Borgne).

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