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Prééminences et Prérogatives de Nantes sur Rennes

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PRÉÉMINENCE DE NANTES SUR RENNES,

par Jean Boutin, sieur de Chamballan - 1619

Les objections que rapporte la ville de Rennes ne sont aucunement considérables ; ses prétendues prérogatives et prééminences ne peuvent lui attribuer la dignité de capitale et métropole. Au contraire, les prérogatives et prééminences de la ville de Nantes sur toutes les villes de Bretagne, et notamment sur la ville de Rennes, sont si grandes et incomparables, qu'il n'y a point de doute qu'elle ne soit la capitale et la métropole. Pour abréger et tenir un ordre sommaire, je n'en alléguerai que neuf ou dix de plusieurs autres.

La première est l'antiquité, pour laquelle je ne répéterai pas ce que j'en ai ci-dessus dit. M. d'Argentré véritablement vante bien l'antiquité de la ville de Vannes ; mais il n'en apporte preuve que de Jules César, auquel cas ceux de Rennes et autres se trouveront de pareille antiquité. Mais au contraire, la ville de Nantes va recherchant son antiquité, dans les siècles éloignés plus de quinze cents ans auparavant Jules César. Elle est bâtie, comme il a été dit, par Namnès, fils de Galathée, 22ème roi des Gaules, l'an du monde deux mil sept cent quinze, c'est-à-dire mil vingt-neuf ans après le déluge, et cinq cent trente-sept ans avant la ville de Rome, laquelle ne fut construite que l'an du monde trois mil deux cent cinquante-deux. Or, cette antiquité est indubitablement une marque de noblesse et d'excellence par dessus les autres.

Puis donc que l'antiquité de naissance donne la primauté, la préséance et l'excellence de noblesse, comme un droit de primogéniture inhérent et inséparable à la priorité de l'être, sans doute, par cette originaire antiquité concédée à la ville de Nantes, lui appartient d'être la capitale et métropole.

La seconde et qui regarde la substance de son être, est sa fertilité si grande, qu'elle suffit non-seulement à elle-même, mais outre elle sert de mère nourrice à toute la Bretagne. De sorte que c'est une ingratitude à toute la province de ne reconnaître les bienfaits d'une si bonne mère, et pour le moins la reconnaître pour capitale et métropole ; mais malgré tous, la vérité triomphera, puisqu'en effet, de ses mamelles abondantes, elle nourrit tout le corps. Le paysan chez Ménandre est gracieux, qui adore son petit champ plutôt que les statues des Dieux. Enquis de cela ? Parce que celui-là me fournit de tout, ceux-ci de rien.

Salve, ô amica terra, post longum tempus & aspiciens,

Saluto : hic autem non ergo omnem facio

Terram, sed meum intuitus agrum,

Quod eum me nutrit, id indico Deum.

Donc on ne lui peut dénier qu'elle ne soit la métropole, la mère ville, la mère des villes, la mère nourrice de la province.

La troisième prérogative et prééminence de la ville de Nantes par dessus la ville de Rennes, que Nantes est la plus riche et la plus forte, la plus notable et la plus renommée ville de la Bretagne. De cela la preuve s'en fait de soi-même, res ipsa loquitur. Je ne compte point ce que j'ai trouvé dans cet ancien manuscrit, que la ville de Nantes était sur les deux plages de la rivière de Loire, auquel cas c'était deux villes, il ne nous en reste pas le tiers ; l'autre est rasé et porte nom de Rezé. Je parle à prendre la ville comme elle est maintenant, et comme elle a toujours été, et, pour être bref, je n'en représenterai que trois singularités : la première, que le grand roi François s'étant obligé, par le traité de Madrid, à faire souscrire douze des meilleures villes de son royaume, Nantes y fut comprise pour la sixième ! De Rennes nulle mention, non plus que si jamais elle n'eut été. Elle n'était lors la ville du parlement ; ce n'était rien : Jugement sans soupçon de faveur, et par deux rois, et par deux peuples, les plus grands qui furent jamais.

La seconde, qu'en ces dernières années, le pays s'étant obligé à racheter le domaine engagé, le comté Nantois en a payé pour sa part la sixième partie. Voyez donc combien il est grand peuple et riche, puisque lui seul a supporté la sixième partie des charges de toute la Bretagne en laquelle y a neuf évêchés et vingt-huit villes closes ! Les Athéniens, pour preuve de leur prééminence sur une grande partie de la Grèce, supportaient les deux tiers des charges, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, comme garder les frontières, fortifier les villes, dépenses des assemblées générales et particulières, des ambassades, voyages, négociations et intelligences, tant dehors qu'en l'étendue de leur République. Si quelques-uns voulaient opprimer leurs confédérés, ils les secouraient d'hommes, d'argent et conseil, et en faisaient leur propre cause. Il ne se trouvera point que Rennes aie fait tels efforts, quand la province a été en nécessité, ou les moindres communautés.

La troisième et dernière, que les anciens cosmographes, comme Strabon au livre IV, n° 13, ont désigné toute la Bretagne par la seule ville de Nantes.

La quatrième prérogative et prééminence de la ville de Nantes par dessus la ville de Rennes, est les choses spirituelles, qui est une dignité la plus haute que l'on peut remarquer, pour montrer que c'est la capitale et métropole de la province, combien que ci-dessus en ait été rapporté quelques raisons. Ce point toutefois se peut diviser en trois singulières particularités : la première, que la ville de Nantes a premier reçu le christianisme, et pour premier évêque a eu saint Clair, disciple de Linus, immédiatement successeur de saint Pierre, par conséquent est une église apostolique. La seconde, que la ville de Nantes a la plus belle, magnifique et somptueuse église de toute la Bretagne, comme a remarqué M. d'Argentré, que cette église fut commencée par saint Clair, continuée par Eumelius ou Eumerus, évêques, et finalement parfaite heureusement par saint Félix, évêque, sous le pontificat duquel il décrit, d'après Fortunatus, l'admirable structure et riche étoffe de ce Temple, que je ne sache s'il s'en trouverait encore un en toute la chrétienté qui lui fut lors à parangonner, duquel le frontispice et portail de celui qui est encore aujourd'hui est à comparer à celui du Temple de Saint-Pierre de Rome. La troisième et dernière, qu'à l'entrée solennelle des évêques, doivent assister quatre des plus signalés barons de Bretagne, à savoir : les barons de Rais, de Pont-Château, d'Ancenis et de Châteaubriant. A celui de Rennes, telle solennité ne se doit point faire.

La cinquième prérogative, que comme Nantes a été perpétuellement le séjour et la demeure des rois, des comtes et des ducs de Bretagne, sert encore aujourd'hui de reliquaire précieux à leurs cendres, tout de même elle a été la fidèle trésorière de toutes les chartes, qui est le plus riche trésor de leurs droits et de leurs finances. La chambre des comptes y étant établie, comme encore aujourd'hui (en 1619) elle y est. Cette chambre des comptes, étant instituée d'aussi longtemps que la monarchie des Bretons a commencé et toujours sédentaire, est une preuve inviolable que Nantes a toujours été tenue pour la capitale et métropole de la province, puisque les finances sont les nerfs de l'Etat, et que comme tous les nerfs se rendent et naissent du cerveau, toutes les finances de la province se rendent et sortent de la ville de Nantes, laquelle, pour user de la métaphore d'Hypocrate, est la métropole des finances.

La sixième prérogative de la ville de Nantes, laquelle lui est commune avec les villes de Vannes et de Rennes, est qu'elle a été le siège du Parlement, lorsqu'il était ambulatoire, et qu'il se tenait les Etats assemblés : et dans le vieil Coustumier, imprimé l'an 1538, on voit sur la fin un recueil d'arrêts rendus en ce Parlement ; ensemble on y voit les ordonnances publiées et les règlements faits.

La septième prérogative de la ville de Nantes, et qu'elle a par dessus la ville de Rennes et toutes les autres de la Bretagne, est que les fils aînés des ducs s'appelaient comtes de Nantes, comme dit Joannes Tilman, rerum franc., etc., et Annius, sur le supplément de Manéthon en Bérose : Ab his Nantes per sincopem, quasi Namnetes, orti sunt, manetque illis nomem Angliœ appositis. Estque in Turonensi provincia civitas episcopalis, in Britannia citeriori, quœ comitatus titulo illustratur, Ducis Britanniœ primo genito adscripto. Ainsi la ville de Nantes se vendique, dès le jour de sa naissance, le prince futur successeur de la Bretagne, marque suffisante pour témoigner l'antiquité, la noblesse, la primauté et la préséance de la ville de Nantes. Et puisque Nantes est une comté, Rennes une comté, et qu'entre pareilles dignités l'on garde l'ordre de la naissance et de l'antiquité, s'ensuit que la comté de Nantes étant le premier apanage du fils du duc, la comté de Nantes est la première, la plus ancienne et la plus noble.

La huitième prérogative et marque de noblesse et de fidélité perpétuelle envers nos princes, sont les privilèges et immunités que la ville de Nantes a par dessus la ville de Rennes, et toutes les autres villes de la Bretagne. Ces privilèges sont grands, qui la rendent admirable à un chacun : et Rennes n'a non plus de franchise ni privilège que la moindre bourgade du pays ; dans l'enclos ils sont contributifs à fouage et sujets à four à bans. Un des privilèges de Nantes, c'est que ceux qui acquièrent dans l'enclos ne paient ni lods et ventes, ni autres droits seigneuriaux : ce que les bourgeois labourent et tiennent en leur main d'héritages à trois lieues à la ronde, n'est nullement sujet aux contributions du fouage.

La neuvième prérogative, est l'Université de toutes les sciences, invitant tous ceux de la province et les étrangers d'y venir prendre la teinture et le pastel de toutes les bonnes lettres. En quoi elle continue ce qu'elle avait déjà, par le témoignage de César, dès le commencement, par dessus même toutes les Gaules. M. d'Argentré, quand il parle de cette Université, dit bien que les lettres patentes et les bulles de sa création, donnent de grandes et infinies louanges à la ville de Nantes ; que si nous les avions pour faire voir, l'autorité des rois et la bénédiction des papes qu'elle portent, serait plus que suffisante pour la décision et gain de cette cause.

Et, finalement, pour comprendre plusieurs autres en une seule, la ville de Nantes a un présidial, des consuls des marchands, qui sont les juges du trafic et commerce, lequel de tout temps immémorial est en cette ville. Cette table, depuis quelques années découverte dans de vieilles ruines, montre son ancienneté, sur laquelle ils sacrifiaient à leur dieu Neptune, amiral de la mer, après avoir surgi à bon port d'un lointain voyage ; témoignage aussi comme, de tout temps, ils ont été amateurs de la piété et grandement religieux. Il se trouverait bien d'autres antiquités, si elle n'avait été par tant de fois misérablement pillée, saccagée et ruinée, servant toujours de proie aux plus forts, et néanmoins tous ces tours et détours de fortune, elle a toujours été florissante par un soin continuel qu'ont eu les princes, sous lesquels elle a été en l'obéissance, et de ses citoyens qui l'ont toujours conservée et maintenue en la première réputation aux nations les plus éloignées, qu'ils y ont traité leur commerce pour la loyauté et prud'homie que les habitants ont acquis telle créance parmi les étrangers, qu'une infinité d'hommes s'y sont venus habituer, pour y trafiquer et tâcher de parvenir à une plantureuse richesse. Par après, ils ont pouvoir de créer un maire, qui a la garde et le gouvernement de la ville, et sont préposés pour le bien et le salut de leurs citoyens, comme un tuteur à ses pupilles, ou comme avait anciennement un consul à Rome, à qui l'on peut dire ce que Claudius dit à Honorius : In civem patremque geras, tu consule cunctis, non tibi : nec tua te moveant sed publica damna.

Et en récompense à ceux qui sont parvenus à cette charge, ils ont une qualité sur le commun de la ville, qu'ils se peuvent qualifier nobles, eux et leur postérité, acquérir en fiefs et juridictions, non seulement en cette province, mais encore partout le royaume, partager avantageusement, et même aspirer à être chevaliers de l'Ordre, qualité la plus relevée et plus honorable, après les ducs et pairs, que les plus illustres du royaume sauraient désirer ! Ce serait chose immense qui voudrait décrire par le menu les faveurs que les princes ont de temps en temps départi à la ville de Nantes, qui a encore seule en ce pays, de commun avec les autres illustres villes, le navire pour armoiries, marque de fertilité, d'abondance et de primauté, comme Athènes entre les grecs, Paris sur la France, le pape sur toutes les églises. Le navire est le signe hiéroglyphique d'un premier établissement, comme on voit en l'ancien Saturne, auquel on donne le navire pour avoir le premier entré et peuplé l'Italie. Par le navire, on désigne la navigation à bon port, la félicité, le salut et soin que l'on prend au gouvernement et conduite des peuples que l'on a en sa subjétion, témoin Ciceron qui use de ces mots : Quamobrem, mi Quinte, conscende nobiscum & quidem ad pupim una navis, est jam bonorum omnium quamquidem non damus operam, ut rectam teneamus utinam prospero cursu ; sed quicumque venti erunt, ars nostra certe non aberit. Belle résolution ! que plut à Dieu qu'elle fut imprimée et engravée au coeur de nos neveux, auxquels on donnera les rênes du gouvernement de la communauté de Nantes, qui a toujours été très fidèle à ses princes, et mère nourrice de la haute et basse Bretagne, participant en l'un et l'autre idiome, qui sert de forteresse et de rempart inexpugnable à l'encontre de tous, qui reçoit en son sein les riches trésors de l'océan, pour les départir, comme par une veine porte, en tous les lieux de la province. Puisses-tu à jamais conduire à bon port toutes tes entreprises ! sois la félicité et le salut de tout le peuple, et toi-même, comme capitale et métropole, possèdes pleinement la prospérité et la bonne fortune pour en faire part aux autres,

Voilà donc terminé et décidé, comme me semble, la première question sans déguisement, à savoir que, par le fait, il est très véritable que la ville de Nantes doit être dite la capitale et métropole de la Bretagne.

(Apologie pour la communauté de Nantes et autres communautez de la Bretagne, contre la préséance prétendue par la communauté de Rennes à la tenue des Estats de la province, par le sieur de Chamballan et des Perrines-Boutin, p. 68 à 87. Nantes, Pierre Doriou, 1619, in-12 de 104 pages, non compris le titre, la dédicace au duc de Vendosme, de Beaufort et d'Estampes, gouverneur et lieutenant général pour le roy en Bretagne, et l'avis aux lecteurs, formant 4 feuillets.

Opuscule devenu excessivement rare, comme toutes les impressions de Doriou. Le titre porte sa marque, représentant le type de l'amour parfait, dans un pélican qui se saigne avec son bec pour nourrir ses petits. Les Marnef de Poitiers s'en étaient déjà servi, et l'un de leurs bois, reproduit dans la dernière édition de Brunet, t. 1er, p. 1163, à l'art, de Jean Bouchet, offre beaucoup de ressemblance avec celui-ci)

 Jean Boutin - 1619 

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