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GEOFFROY, ÉVÊQUE DE NANTES (1198-1213)

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M. de La Nicollière-Teijeiro, savant aussi habile que consciencieux, ancien archiviste départemental et conservateur des archives municipales de Nantes, a déjà, dans son armorial des évêques nantais (1868), attiré l'attention sur l'évêque Geoffroy, qui, selon lui, de 1198 à 1213, gouverna ce diocèse. Il a prouvé que ce prélat appartenait à la famille des seigneurs de La Hamelinière, issus des anciens sires de Pantin (Ile-de-France) [Note : Cette petite ville porte encore actuellement des armoiries presque identiques à celles de la famille de Pantin (Lainé, D'Hozier, etc., etc.), et à celles qui sont sculptées sur le clocher de la cathédrale Saint-Pierre, de Nantes, au-dessus de la statue de l'évêque Geoffroy, dont MM. Fx. Benoist et de La Nicollière donnent les dessins (Mairie de Pantin)]. La lecture de son travail fit naître en moi le désir de rechercher quel était ce personnage, quels avaient été sa vie, son administration, son rôle politique et social, les souvenirs qu'il avait laissés. Marcher sur les traces d'un tel savant et avoir un tel guide, c'était être sûr de ne pas faire fausse route. Aussi, je vis bientôt les chartes inédites, les manuscrits généalogiques, les notes de familles, les auteurs les plus divers, les chroniqueurs bretons, les historiens ecclésiastiques, les monuments archéologiques même confirmer la découverte et les attributions de M. de La Nicollière. Je fus, en outre, singulièrement encouragé dans mes recherches non seulement par le concours d'aimables savants et par les conseils de critiques compétents, mais aussi par la pensée que la vie d'un homme aussi actif, aussi habile, aussi énergique que l'évêque Geoffroy, était bonne à faire connaître à ses compatriotes, voire même à sa famille.

Son nom. — Son nom, écrit de douze façons différentes [Note : Son nom est écrit successivement Jouffroy (Mss. généalog.), Gualterius (1210), Gaufridus (Gallia christ.), Geoffridus (Hauréau), Gofridus (Claude-Robert), Gauffridus ou Gauffredus (Pont-Otran,), Gaufridus (Dom Lobineau), 1156-1199+Aubri de Trois-Font. +, Geofroy (Richard, le P. Berthier), Geffroi (Dom Lobineau), Geoffroi ( Ogée, Pitre-Chevalier), Geoffroy (Lainé, Mgr Jager ). Nous nous en tiendrons à l'orthographe : Geoffroy, Gaufridus, plus généralement acceptée], a facilité plusieurs erreurs ; mais il est impossible de ne pas reconnaître que Gualterius et Gaufridus ne sont qu'un même personnage. M. Hauréau a déjà fait justice de cette erreur propagée par Travers et Ogée, mais dans laquelle ne sont pas tombés Dupuy, d'Argentré et Albert le Grand. Du reste, nous voyons alternativement les auteurs attribuer à l'un ou à l'autre les faits reconnus pour appartenir à notre prélat.

Sa famille. — Sa famille, originaire de l'Ile-de-France, était, de celles qui, accompagnant les Carolingiens, s'installèrent autour de Paris et qui, sans noms jusqu'alors, prirent celui des villages qui leur échurent en partage ou donnèrent aux bourgades le nom de leurs ancêtres. — Elle remontait à Renault, qui vivait au Xème siècle [Note : Pentinum (Bulle d'Urbain II, de 1097. — Histoire de Paris, D. Lobineau). Penthinum, XIème siècle. — Pierre, curé de Pentin, 1240 (Hist. des environs de Paris, p. 261, A. Dulaure). « Renauld Pantin vivait en 981, d'après une antienne chronique de Bretagne. » (Mss. généalog. du président des États de Vitré). « Pantin, chastellenie, près Paris, d'où l'on tient que les Pantins, seigneurs de La Hamelinière, sont sortis par un Philippe de Pantin, sire de Bertun, lequel ayant esté deshérité par son père pour avoir pris les intérêts de Henry II, roy d'Angleterre, duc de Normandie, au préjudice du roy de France, desquels il estait également vassal, se retira en Angleterre, où il rendit de si bons offices au roy Henri II, qu'il l'establit son séneschal en ses provinces de Poictou et de La Marche. Il exerçait encore cette charge ès-années 1178, 1180, 1188. La même tradition nous apprend qu'estant veusf d'une dame anglaise, dont le nom nous est inconnu, et père de plusieurs enfants établis en Angleterre, d'où sont sortis plusieurs my-lords dont la postérité subsistait encore il n'y a pas longtemps (en 1705), se serait marié avec Hamelinière de Beaupréau, dame de La Hamelinière, dont issit entr'autres un fils nommé Hardouin, père de Raymond, duquel il y a preuves, qui eut pour fils Philippes Pantin, lequel rendit adveu de son chastel de La Hamelinière, en 1289. Chastellenie (Pantin) portant bannière et paroisse près de Paris de nom et d'armes » (Mss. A. du président des États de Vitré, 1706). (Trincaut. Histoire généalogigue de la maison de Savonnières, p. 71). — L'extrait d'un vieil obituaire nous fait connaître la filiation et la parenté de ce personnage par Adam, seigneur de Pantin et Macée d'Escoüan. Mathieu et Gérarde de Beaumont, Nantier et Sidoine du Puiset [Note : Voici cet extrait, in extenso, tiré des Mss. de la Famille : « Hugues, seigneur de Meudon, vivait en 1100, épousa Mahad, fille d'Adam, seigneur de Pantin, et de Macée d'Escoüan. Robert, seigneur de Louvre, mort en 1135, épousa Avoise, fille de Mathieu, seigneur de Pantin, et de Gérarde de Beaumont. Adam de Poissy, mort en 1166, épousa Adamie, fille de Nantier, seigneur de Pantin, et de Sidoine du Puiset. Hubert, seigneur de Saint-Yon, mort en 1199, épousa Adelle, fille d'Adelart, seigneur de Pantin, et de Suzanne de Chasteaufort. Gervais de Gisors, chev., mort en 1235, épousa Alix, fille de Lambert, seigneur de Pantin, et de Gaillarde de Villepreux. Anthoine de Pitiviers, chev., mort en 1269, épousa Perrette, fille de Clérambaut, seigneur de Pantin, et de Luce de La Queüe. Jeauffray de Gournay, chev., seigneur de Croix, mort l'an 1301, épousa Léonore, fille de Samson, seigneur de Pantin, et de Noël de Saint-Aigle. Philippes de Passy, chevalier, seigneur de Chaumont, mort en 1333, épousa Laurence, fille de Henry, seigneur de Pantin, et de Simonne de Saint-Yon. Renaut de Chevreuse, seigneur de Chaudray, mort en 1370, épousa Marguerite, fille de Michel Pantin et Gilonne d'Orgemont. Charles Pantin, chev. seigneur de Castillac, épousa Anthoinette de Marreuil, fille de Jean de Marreuil, chev., seigneur de La Motte, mort l'an 1100, et de Sibille de Polignac-Escoyeau, d'où : Arnault Pantin, chev., seigneur de Castillac, mort en 1150, épousa Aënor fille de Jacques de Barbazan, chevalier, et de Marbaude de Montferrant »] qui eurent pour fils Philippe de Pantin, père de Hardouin qui accompagna, en 1190, Richard Cœur de Lion en Terre Sainte, Geoffroy, évêque de Nantes, et Philippe, auteur de la branche des seigneurs de La Motte. (Lainé, D'Hozier dos. bl. et bleus, Bib. Natle, Bibl. de l'arsenal). Nous n'avons que fort peu de détails sur les premiers seigneurs de cette maison. Ils formèrent cependant la branche de Castillac, qui paraît avoir peu duré. D'Hozier, Lainé et les généalogistes modernes donnent la suite de l'histoire de cette famille jusqu'à nos jours.

Ses parents. — Philippe de Pantin quitta la France de bonne heure et suivit le roi d'Angleterre dans ses aventures. Après avoir longtemps guerroyé en Angleterre, il s'y maria, et ses enfants y formèrent une famille de Richemond [Note : Lingard, Hist. d’Angleterre, 2e vol., p.15 (fondation de Battle-Abbey, et histoire de Henri II, d'Angleterre). Le souvenir de cette origine commune s'est conservé en Angleterre, jusqu'en 1793, où lord Richemond payait au comte de Landemont une pension d'un louis d'or par jour pendant toute la durée de son émigration à Londres. (Récit du vicomte Félix de Landemont)]. Revenu en France avec Henri II, après la mort de sa femme, il contracta une seconde union avec Hamelin de Beupréau, dame de La Hamelinière, fille de messire Hamelin de Beaupréau, qui descendait des comtes de Rennes, puinés des ducs de Bretagne, et d'Agathe de Beaumont-Montrevault. (Lainé, D'Hozier).

Son lieu de naissance. — C’est donc au château de La Hamelinière (près de Champtoceaux) [Note : « La Hamelinière, en Anjou, chastellenie en droit de forteresse et de guet avec les paroisses de Landemont, de La Chaussaire et de La Bouexière, les fiefs de La Hamelinière dans Tillières, aussi en haute, basse et moyenne justice, le Four-à-Ban et les dixmes de drain, vingt-huit métairies, moulins à eau et à vent, et quantité de rentes foncières et autres ; le tout contenant plus de trois lieues de chemin de proche en proche. Philippe en rendit l'adveu l'an 1289 à M. Geoffroy de La Tour, seigneur chastelain de La Galloüere, faisant mention que ses antécesseurs du mesme nom l'avaient de tous temps immémorial possédée devant luy. On tient pour certain que cette terre estait venue dans la famille par une fille de la maison de Beaupréau, l'une de nos ayeules, dès vers l'an 1160 (Trincant, Hist. Généalogique de la maison de Savonnières, p. 71). Cette terre n'est sortie de la famille que depuis quelques années (Mss. du président des États de Vitré, écrit en 1705) ». Ce château, actuellement en ruines, à trois kilomètres de Champtoceaux, appartient à M. le Mis Guy des Nétumières, qui le tient des familles de La Guémeraye et de La Bourdonnaye], qu'a dû naître Geoffroy, et non à Loroux-Bottereaux comme le disent certains auteurs. Je m'étonne que le savant M. Hauréau, dans sa Gallia christiana, ait pu faire une telle confusion, en le prenant pour Geoffroy, archevêque de Bordeaux, qui vivait en 1136, et qui, lui, est bien né au Loroux. Ce qui peut excuser une semblable confusion, c'est l'intimité et une certaine similitude de vie de l'évêque de Nantes existant avec un autre archevêque de Bordeaux, G. (Guillaume et non Geoffroy) de Gebennis, avec lequel il se croisa contre les Maures d'Espagne. Nous pourrions présumer que les moines de Buzay, chez lesquels il revint si souvent durant son épiscopat, ne furent pas étrangers à son éducation, et que ses nombreuses visites et ses bienfaits dans cette abbaye, ne furent que l'acquit de la dette de reconnaissance d'un élève envers ses maîtres ; mais rien ne le prouve.

Eu 1166, Geoffroy fut nominé archidiacre de Nantes par l'évêque Bernard (Donation de Joscelin de La Rochebernard aux moines de Buzay. Bibl. Nat. 22325).

En 1186, ce fut lui qui baptisa le sympathique duc de Bretagne Arthur Ier. (Claudi Roberti Gallia Christiana, 1626.) Il était trésaurier (mss. B. — Hauréau Gallia Christ.) de l'Église Cathédrale Saint Pierre de Nantes. (Mss. de famille, notice sur les villes de la Loire-Inf., Travers).

Depuis cette époque, il ne quitte plus la cour et paraît y être attaché, soit en qualité d'aumônier, soit comme précepteur ou gouverneur clu jeune prince qu'il aima, conseilla, acclama, défendit et vengea. Le mss. 22312 de la Bibi. Nat. assigne à son ordination (Bibi. nat. fonds français, 22312, pièces, diverses sur la Bretagne) la date de 1191. Enfin par la protection du Roi d'Angleterre, il est nommé évêque de Nantes.

Il fut ainsi le 50ème (d'après Cl. Robert), le 62ème (d'aprè J. L. Bn, auteur de la, notice sur les villes de la Loire-Inférieure 1825), successeur de saint Clair.

Ce qu'étaient les évêques de Nantes au XIIème siècle, Pitre-Chevalier, Ogée, Travers, etc, l'enquête de 1206, celle de 1463 [Note : Dom Morice, Preuves, col. 802, titre de l'église de Nantes. Dom Lobineau, II, p. 328 ; VI, I. 1206, Preuves de l'histoire de Bretagne], et M. de La Nicollière nous l'apprennent. Les comtes-évêques de Nantes étaient des seigneurs indépendants qui partageaient la souveraineté de la ville et du comté de Nantes avec le duc de Bretagne ou le comte de Nantes. Ils avaient leur armée qu'ils convoquaient sous le nom de Harelle et jouissaient des droits temporels les plus étendus. Ils habitaient le château de la Tour-Neuve, tandis que les comtes se logeaient au Bouffay. Leur influence était immense au temporel comme au spirituel. Leur rôle politique et militaire considérable.

Il est facile de comprendre l'importance qu'Henri II attacha à placer sur ce siège le fils d'un de ses capitaines les plus dévoués qui portait le mémé nom que son fils, le comte Geoffroy, et dont il était peut-être le filleul.

D'après quelques-uns (Pitre-Chevalier, p. 276. M. le baron du Taya), cette élection eut lieu en 1196, tandis qu'un mss. La fait remonter jusqu'en 1189 (Mss. B des papiers du président des États de Vitré, 1705), que M. Hauréau la date de 1199 (Gallia christiana, Hauréau) et Lainé de 1198 (Armorial général, Lainé).

Toutefois, Geoffroy fut un certain temps évêque élu « electus legitur, nondum vero consecratus ».

Un acte de 1199 publié par M. A. Teulet (Gallia christiana), dans ses documents inédits, en 1863, mais déjà livré au public, en 1856, par M. B. Hauréau (I, p. 199. - 488, chapelle des Bons-Hommes, près d'Angers, 1199, 18 avril), nous le montre signant : « Gaufridus Nannelensis electus » la donation qu'Arthur de Bretagne fit à la chapelle des Bonshommes au diocèse d'Angers. Ce fut sans doute cette même année, ou peu après, qu'il fut sacré, car nous ne voyons plus d'autres actes conserver la mention d'évêque élu.

Geoffroy prend une grande part aux événements politiques de son temps :

En 1195, il assiste aux États de Rennes dans lesquels l'habile duchesse Constance associe son fils au gouvernement et le fait déclarer duc de Bretagne. Il est un des premiers à lui prêter le serment de fidélité. Tout fait supposer qu'il conseilla cette mesure. Geoffroy appartenait par son père et par lui-même à Henry II et à son troisième fils, le comte Geoffroy, tandis que par sa mère il était allié à la famille de Constance, fille de Conan IV, roi de Bretagne. L'histoire des évêques de Saint-Brieuc nous donne les motifs de cette mémorable assemblée (Hist. des év. de Saint-Brieuc, p. 51. Bibl. nat., Bl. manteaux, n° 86. D. fr., 22 359).

En 1198, le pape prend sous sa protection l'abbaye de Beauport, fondée par Allain, comte de Penthièvre (Delaporte, p. 140), notre prélat n'est pas étranger à cette mesure.

Geoffroy accompagne le duc Arthur en Anjou, et appose son sceau sur une donation de Bigot à la Magdeleine de Geneston (B. M., 36, p. 244).

En 1199, il (D. Morice, Histoire de Bretagne, I, 770, « ex archiv. Pontis-Otranni. » — D. Lobineau, II, p 163, IIIe livr) confirme les donations d'Olivier de Chateaufromond à l'abbaye de Pont-Otran, puis celles d'Olivier, sr de La Roche, à Saint-Gildas, et de Pierre de Bain, à Saint-Sauveur-de-Béré (IIe vol... p. 197. III livr.). La Bibliothèque nationale nous conserve, aux mss., une lettre que les abbés de Saint-Serge d'Angers, de Saint-Albin, et l'archidiacre, adressent à Geoffroy, évêque de Nantes [Note : Mss. 22325. « Reverendo in chro Patri suo et Dne G. Dei gratia venerabili nannetensi epo G. Sti Sergii, et G. Sti Albini humiles abbates et R. archidiacones andegavensis salutem et debitam pariter reverentiam, etc... »], et dont le formulaire est curieux.

Le 1er juin 1199, se termine enfin la contestation que durait depuis 350 ans entre l'évêque de Dol et l'archevêque de Tours, au sujet de leur suprématie sur les évêques de Bretagne. Il contribua à l'apaisement de cette querelle, qui semblait devoir s'éterniser.

En 1200, Geoffroy célèbre le mariage d'André, baron de Vitré, avec Eustache, fille d'Harscoët, baron de Retz (Ogée, 1845, II, p 1).

Il s'occupe de l'administration de Saint-Gildas-des-Bois, ratifie la donation de Bernard de Machecou à l'abbaye de Buzay (Bibl. rat. mss. 22325, ar. n, case B, n° 29. B. M.), et celle de Mathieu Botherel de Choiron (Bibl. rat. mss. 22325, ar. n, case B, n° 29. B. M.) ; et, le 25 mars de la même année, approuve l'exeat d'une colonie de moines qui sort de Buzay pour s'installer dans la forêt de Touffou. En 1201, Constance donne 30 liv. de rente à Buzay (Bibl. rat. mss. 22325, ar. n, case B, n° 29. B. M.) ; Geoffroy confirme cette dotation.

Cependant Guy de Thouars, ayant fait faire de nouvelles fortifications, envahit les terres du comte évêque (Ogée, II, p. 1. Travers, etc.). Fidèle au serment qu'il avait prété, de défendre les biens de son église, Geoffroy oblige le duc à revenir à récipiscence, et l'habile prélat obtient de lui, à titre de dédommagement, 7 liv. De rentes en 1207.

Cette rente fut confirmée en 1260.

Geoffroy sut ainsi éteindre, ou au moins assoupir une querelle qui, sous Pierre de Dreux, s'envenima de telle façon, que les deux pouvoirs en vinrent à une situation impossible. Pierre Mauclerc prit la croix et alla, en expiation de tous ses crimes, mourir en Terre Sainte, en 1247.

L'activité de l'évêque Geoffroy, au commencement de ce XIIIème siècle, qui fut l'apogée du moyen âge, cette grande époque des croisades et l'exaltation de tous les nobles sentiments, fut immense. Il s'occupe de son diocèse avec un intérêt peu commun, et fait appel à la générosité de tous les grands seigneurs au profit des églises, des monastères et du peuple.

Eu 1201, l'évêque Geoffroy est le témoin de la fondation de l'abbaye de La Vieuville, par la duchesse Constance, il sanctionne la donation de Guillaume de Sion (Bibl nat., mss. 22325. Dom Morice, col. 793 des preuves) à sa chère abbaye de Buzay, puis celle d'Archoïd de Retz (Bibl nat., mss. 22325) à la même abbaye et d'une carrière par Bernard de La Touche au cimetière Saint-Nicolas (Bibl. nat., mss. 22325).

Il accompagne à Buzay la duchesse Constance, que fonde encore, la même armée, l'abbaye de Villeneuve, dans l'emplacement définitif qu'elle occupa depuis et Guy de Thouars aggrandit par de nouvelles donations en 1205.

Mais cette princesse meurt à Nantes de la lèpre en 1201. Geofrroy transporte son corps à Villeneuve où elle est solennellement inhumée par l'archevêque de Tours, assisté des évêques de Bretagne, et notamment de celui de Nantes.

Geoffroy en profite pour convoquer de suite après un Concile à Nantes. Ces assises religieuses y sont des plus brillantes.

En 1202, il ratifie la fondation de Beaufort (Lainé, mss. de famille) ; mais il va bientôt à Rennes pour un événement qu'il appelait de tous ses vœux. Arthur venait d'y faire son entrée, il devait assister à son couronnement par Pierre de Dinan, évêque de cette ville (D. Lobineau). Il devait, à la tête des évêques et des barons de Bretagne, lui offrir l'hommage qui lui était dû.

En 1203, il revint à Villeneuve pour confirmer plusieurs donations faites à cette abbaye lors des funérailles de la duchesse Constance, par Hugon de Montaigu [Note : D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, t. I, CI, 797, « ex archiv. veteris villae frag. » D Lobineau. Table chronolog des diplômes concernant l'Histoire de France, Bibl. nat. Cette charte, sans date, d'après D. Morice, est attribuée à l'année 1203, par Dom Lobineau. Dom Lobineau, II, p. 328, VIème livr.], puis à l'abbaye de Buzay [Note : Archives départementales de Nantes. — Fonds de Buzay, cote A, liasse 6, n° 11. — Cet acte se trouve aussi copié dans le mss. 22325 de la Bibi. nat.], pour confirmer les donations d'Olivier de Rougé et de sa femme Agnès.

Son sceau. — L'original de cette dernière fondation existe encore à Nantes et est scellé du sceau du prélat sur lequel il est représenté en habits pontificaux, la crosse en main. Il peut donner une belle idée de l'habileté calligraphique des scribes de ce temps.

En 1203 (B. M. 36, p. 244), Geoffroy constate encore qu'Aimeric de Dollonelle donne la terre des Mortiers à l'abbé de Geneston, à laquelle Guillaume de Clisson (B. M., p. 248) fait aussi ressentir le bénéfice de sa munificence. Cette même année 1203, Geoffroy reçoit à Nantes le Roi de France, Philippe-Auguste, que le jeune duc Arthur était parvenu à intéresser à sa fortune (Histoire de Bretagne, Daru. — Dictionnaire de Bretagne, Ogée).

En 1204, il assiste à la fondation de Beauport [Note : En 1198, le pape Innocent III avait pris sous sa protection l'abbaye de Beauport, qui est désignée dans la bulle sous le nom de monastère de Saint-Rion. Elle avait été fondée par Allain, comte de Penthièvre (Delaporte, p. 140)], ou plutôt à sa confirmation.

En 1205, il sanctionne une donation que Guy de Thouars fait à l'abbaye de Villeneuve, en présence du Roi de France, Philippe-Auguste (Dom Lobineau, II, p. 328, VIème livr., Preuves de l'histoire de Bretagne, titre de Villeneuve. D. Morice, t. I, de 801, « ex archiv. hujus abbatiæ. »).

Cet évêque se montre un vrai Breton en soutenant de toutes ses forces le duc Arthur, l'espoir de la nation, descendant par sa mère, fille de Conan IV, des anciens ducs de Bretagne, et il s'efforce de rendre indépendant le royaume de ce prince. S'il eût réussi, il eût évité bien des guerres désastreuses. Mais Jean-sans-Terre se débarrasse du jeune duc. Dès que Geoffroy apprend l'assassinat d'Arthur, il ne pense plus qu'au salut de son peuple, qu'il veut sauver de l'étranger. Il convoque les États de Vannes (Dom Morice, Histoire de Bretagne, p. 132, t. l — Histoire de Bretagne, Le Baud, p. 209. — Histoire de Bretagne, de Roujoux, p. 247), auxquels il fait bientôt acclamer Guy de Thouars comme duc de Bretagne, comte de Nantes, et charge ce prince de venger la mort de son beau-fils. Sa politique est des plus habiles dans l'intérêt du peuple breton.

Guy se rend à Nantes où il est couronné par le Roi de France (Notice historique sur le château de Nantes, par M. Ch. Bourgouin fils. Ogée, p. 46). La Bretagne conserve ainsi son indépendance et son autonomie, mais que cache la présence si fréquente du Roi de France ?... Si ce prince convoite la Bretagne et cherche à s'immiscer trop intimement dans son gouvernement, Geoffroy sera encore là pour protéger et défendre son pays contre l'ambition étrangère. Il exerce ainsi à la lettre la mission des évêques exprimée sur la crosse de l'archevêque de Bourges Leodegaire (1097-1120) : Terreat, pungat, supportet et ungat. Il était le protecteur et le défenseur de son pays.

Philippe-Auguste étant l'allié de Guy de Thouars, Jean-sans-Terre aurait dû hésiter à revenir en Bretagne, mais il n'en fut rien.

Siège de Nantes. — En 1206 (Ogée, p. 106), le prince anglais continuant à ravager la Bretagne, vint mettre le siège devant Nantes pour réunir entre ses mains tout l'héritage des Plantagenet, car les trésors de Richard Cœur-de-Lion ne lui suffisaient plus.

Levée du siège de Nantes. — Philippe-Auguste que Geoffroy avait déjà reçu au château de la Tour-Neuve, revient à Nantes en 1203, et force Jean-sans-Terre à lever le siège de cette ville.

Lutte avec le Roi de France. — Mais le Roi de France espérait se faire payer de ses services et faire tourner à son profit les circonstances. Il guettait une occasion favorable pour s'emparer de la Bretagne. Pendant, son séjour à Nantes, Philippe-Auguste chercha à jouir des prérogatives souveraines et à se faire livrer des otages, comme c'était l'usage. Il espérait bien se targuer un jour de ce privilège pour se faire octroyer le commandement du comté Nantais, et peut-être de toute la Bretagne ; mais l'évêque Geoffroy intervient et le force à donner un rescript par lequel il reconnaît que ces otages lui ont été accordés, non comme à un duc de Bretagne, mais comme à un Roi de France (Ogée).

Traité de Guy de Thouars. — Cependant, Philippe ne se décourage pas, et il amène Guy de Thouars à lui céder la propriété de toute la Bretagne, en ne se réservant que la jouissance de Broerec Quimper et Poher. C'en était fait de la Bretagne.

Enquête de 1206. — Alors l'évêque Geoffroy se présente et réclame, au nom des droits de l'évêché de Nantes. Seul, il a le courage de s'opposer à cet humiliant traité. Gagner du temps, c'était triompher.

Le Roi fut obligé de consentir à une enquête [Note : Cette enquête, conservée par tous les historiens, fut faite par André, abbé de Pornic. Elle est féconde en enseignements, et nous montre que le comte-évêque, à la tête de sa harelle, égalait presque en puissance le comte de Nantes et pouvait même, quelquefois, lutter avec le duc de Bretagne. Aussi, n'est-il pas étonnant de le voir tenir tête au Roi de France. Bientôt, nous le verrons traiter d'égal à égal le roi d'Aragon (Dom Lobineau et dom Maurice, Preuves de l'histoire de Bretagne) — Recherches sur la Bretagne, par Delaporte, p. 145, vol. I

« Les droits du comte-évêque parurent énormes, singuliers et bizarres ; disons le mot, presque égaux à ceux du souverain. Philippe-Auguste fut forcé de le reconnaître. Le peuple nantais commençait à voir combien l'évêque défendait sa liberté. Le Roi se retira en abandonnant à Guy de Thouars l'administration de la Bretagne telle qu'il l'avait avant le honteux traité qu'il lui avait extorqué, lorsque Jean-sans-Terre était venu faire le siège de Nantes (Delaporte). Bien plus, il accorda à Geoffroy des lettres-patentes (Guépin, p. 89, Histoire de Nantes) par lesquelles il reconnaissait à l'évêque et aux habitants de Nantes, leurs droits imprescriptibles.

Geoffroy avait, par son habile diplomatie, sauvé l'indépendance du comté Nantais et de la Bretagne, en même temps que fortifié son influence politique et sa puissance militaire.

D'après Lainé, les Généalogistes et les mss. de famille, Geoffroy fit construire l'église Sainte-Croix, à Nantes, sur les ruines d'un ancien temple romain, mais cette église devint sépulture de sa famille. Est-ce à cette époque ?.. En tous cas, Guillaume P., chevalier, seigneur de La Hamelinière, de Landemont, Boisrouault, Boisdessaudo, de Grasmouton, de Gourville, de Sillé-le-Guillaume, etc., chambellan de Charles de France et gouverneur du château d'Angers, y fut inhumé en 1336 (Lainé).

En 1206, la Collégiale de La Guerche (Dom Lobineau, p.103) est fondée. Geoffroy n'y est pas étranger.

En 1207, il accompagne à La Primaudière (Dom Lobineau, p. 330, ch. 82. — Lainé, mss. Ogéc lui donne la date de 1209. Dom Morice, Preuves, col. 810) Geoffroy, baron de Châteaubrient et Guillaume de La Guerche (Du Paz, Généalogie des seigneurs de La Guerche), pour y être témoin de la fondation de ce prieuré.

Une dissension existait depuis longtemps entre Geoffroy et Guillaume de Fougères. L'évêque de Nantes obtient un accord et le fait, confirmer par Guy de Thouars (D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, t. I, col 811, ext. chartul. Alençon, table chronol. des diplômes de France, concernant l'histoire de France).

Ce même Geoffroy de Châteaubrient fonda en ces temps le prieuré de Saint-Michel, où il fut enterré, d'après l'auteur des notices sur les villes de la Loire-Inférieure J. L. Br (1825).

En 1207, Guy de Thouars avait, en fortifiant Nantes pour le mettre à l'abri des excursions de Jean-sans-Terre, envahi les terres de l'évêque, Geoffroy l'obligea à payer 7 livres de rentes, somme importante pour l'époque, à son église, en dédommagement du préjudice causé aux chanoines (Dom Morice, col. 809, Preuves, titres de l'Église de Nantes). Cet acte fut confirmé en 1260 par le duc de Bretagne (Dom Lobineau II, p. 331, v ; Dom Taillandier, Catalogue historique des évêques établis en Bretagne, p. XVij).

Nouveau siège de Nantes. — Le 1er septembre 1208, Jean-sans-Terre qui n'avait pas renoncé à ses prétentions sur le duché de Bretagne, saccage la contrée et revient mettre le siège devant Nantes, mais alors l'évêque et les barons l'obligent à lever le siège et repoussent son attaque (Delaporte, p. 145- l.). Ce fut en 1208 que Geoffroy acheva le clocher de Saint- Pierre et la cathédrale de Nantes (Guépin, p. 89) [Note : Travers prend l'année 1208 pour l'année de sa mort tandis que ce n'est que la date de ses libéralités envers sa cathédrale et de l'achèvement du clocher de Saint-Pierre]. Cette même année 1208, Geoffroy servit d'arbitre entre les moines de Redon et Guethenoc, évéque de Vannes (Dom Taillandier, Histoire de Bretagne, Preuves, 1208). Les faits démontrèrent dans la suite la sagesse de la sentence qu'il rendit et combien de part et d'autre on eut tort de ne pas observer ses Prescriptions (D. Taillandier) ; l'influence du grand prélat n'était plus là pour protéger les moines et l'évêque contre l'ambition et la perfidie de Pierre Mauclerc. Cette sentence fut confirmée en 1216 par Innocent III.

Guy de Thouars qui gouvernait toujours la Bretagne, a bientôt un différent avec Guillaume, évêque de Quimper. Un concile se réunit, en 1209, à Rennes, sous la présidence de l'archevêque de Tours (D. Lobineau, p. 195).

Geoffroy et les autres évêques y appelèrent la cause, et on y signa un accord « dont toutes les parties furent également contentes » (D. Lobineau). Il montra ainsi son esprit de conciliation.

Juste, autant qu'habile, Geoffroy fit restituer en 1210, à l'abbaye de Blanche-Couronne [Note : Dom Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, I, col. 816, « ex archiv. Vitrei frag. » — Dom Morice, col. 847], l'Ile de Pullent détenue injustement par Eudes de Pont-Château. André de Vitré, au moment de partir pour aller combattre les Albigeois, confirma cette restitution dans un acte particulièrement édifiant. Il venait de fonder la Madeleine de Vitré (D. Lobineau, p. 195-196) (D. Lobineau. — D. Morice).

Cette même année 1210, Geoffroy attesta l'aumône faite par Pasticus de Boing, aux moines de Buzay (Mss. Bibl. nat. 22325).

Croisade d'Espagne (1212). — Le chef de l'église de Nantes ne pouvait rester indifférent aux dangers que courait la religion. Le midi de la France était particulièrement menacé, d'un côté par l'hérésie des Albigeois, de l'autre, par l'invasion toujours croissante des Maures d'Afrique, qui, de l'Espagne, ont cru pouvoir subjuguer l'Europe tout entière.

Déjà, il avait envoyé à Paris un de ses prêtres, Rodolphe de Nantes, démasquer et combattre les Albigeois qui dogmatisaient dans cette ville.

Le Roi Aber-Mohamed (dit le Miramolin) [Note : D'autres l'appellent : Mahommed-Anneser, sultan du Maroc (De Fourmont, I, p. 200)] s'avançait toujours. Les rois d'Espagne devenaient impuissants à défendre la chrétienté. La croisade avait été prêchée. Les évêques du midi faisaient appel aux chrétiens du nord. Le pape écrivait aux évêques de venir au secours du roi d'Aragon. Geoffroy n'y tint plus et, sentant vibrer dans ses mains son épée de comte nantais, il convoqua « sa harelle » et partit pour l'Espagne avec un bon nombre de seigneurs bretons (André de Vitré) et une partie du peuple nantais (Histoire de l'église catholique en France, par Mgr Jager. Paris, 1864). Son frère Hardouin, chevalier, seigneur de La Hamelinière, n'avait-il pas laissé Agnès de Montejean sous sa protection et celle de Philippe, sieur de La Motte, son autre frère, pour suivre, en 1190, en Terre-Sainte, Richard Cœur-de-Lion ? Il lui tardait d'imiter les hauts faits de Raymond de Saint-Gilles et du sire de Montmorillon dit Quatrebarbes, qui s'étaient illustrés d'une façon si héroïque, en 1088. Saint Guillaume, l'archevêque de Bourges, se préparant à partir, n'en avait été empêché que par la mort. Il enviait la gloire de son prédécesseur sur le siège de Nantes, saint Émilien, mort après des prodiges de valeur en combattant les Sarrasins, sous Charles-Martel, dans les champs de Saint-Jean-de-Leuzy, près d'Autun (l'abbé Cahour au Congrès de Nantes en 1856, p. 35 et suiv.) [Note : Le saint archevêque de Bourges, Guillaume, s'était inscrit des premiers au nombre des croisés, avec Pierre de Corbeil, archevêque de Sens ; Robert Pullus, archevêque de Rouen ; Albéric de Humbert, archevêque de Reims ; Guillaume de Saint-Lazare, évêque de Nevers ; Robert d'Auvergne, évêque de Clermont ; Jourdan du Hommet, évêque de Lisieux ; Robert d'Ablagel, évêque de Bayeux ; Renaud de Monçon, évêque de Chartres (Longueval, p. 279). Gautier, évêque d'Autun, alla aussi combattre les Sarrasins et les Albigeois, mais se retrouve à la prise de Damiette par le roi Jean de Brienne, avec Guillaume de Gebennis, archevêque de Bordeaux ; Pierre de Nemours, évêque de Paris ; Guillaume de Beaumont, évêque d'Angers, et Milon de Nanteuil, évêque de Beauvais (Darras-Bareille). C'est bien le cas de dire, avec M. de Monmerqué, qu'il ne faut juger une époque qu'avec les idées du temps où les faits se passent, et non pas avec les préjugés du temps où l'on vit !]. Bientôt il fut rejoint à Tolède, le rendez-vous général, par Thibaud de Blaison, seigneur de Mirebeau et neveu de Maurice de Blaison, alors évêque de Poitiers, autrefois sur le siège de Nantes par le vicomte de Turenne, Jean de La Marche, etc. Les milices de l'ouest formèrent avec d'autres ultramontains l'avant-garde conduite par Don Diego Lopez de Haro (L'Ouest aux Croisades, p. 200, de Fourmont). Parmi les Français qui portèrent secours aux Espagnols, les historiens citent surtout Almaric, abbé de Cîteaux, principal légat en Languedoc, élu archevêque de Narbonne, Guillaume de Gebennis, archevêque de Bordeaux, et notre Geoffroy, évêque de Nantes [Note : Histoire de l'église gallicane, livre XXX, p. 308, vol. X, par le P. Longueval et Berthier, continuée par P.-Cl. Fontenay. Histoire générale de l'Église, rédigée à Rome, à l'usage des séminaires et du clergé, dont le fonds, emprunté à Berault-Belcastel, est enrichi d'extraits des meilleurs historiens (t. V, p. 245-246, Paris, 1835)].

Il est probable qu'il assista à la bataille de Las Navas de Tolosa, mais nous n'en avons aucuns détails.

Toujours en tête des Français (les ultramontains), il combat vaillamment et s'empare de Malaçon, forteresse importante alors aux mains des Maures. La garnison est taillée en pièces. (Rod. I. VIII. Jager, p. 37). Longueval et Berthier, ann. Cirterc. (Darras Bareille). Histoire Générale de l'Église, fonds Berault-Belcastel).

L'abbé Bareille, dans sa précipitation, traduit « e quibus Gaufridus » par le chevalier Geoffroy, mais l'unanimité des historiens m'ont fait retrouver le texte véritable et dissiper les doutes impossibles en consultant Baronius et Albéric des Trois-Fontaines. De plus, le personnage dont il s'agit est bien notre Geoffroy, puisque tous ceux de ce nom dont il est question pendant cette guerre, se retrouvent ailleurs plus tard ou sont morts depuis.

L'orgueil indomptable des Espagnols fait naître plusieurs discussions. Les Français opèrent alors seuls el pour leur propre compte. Les Maures s'étaient emparés de Calatrava. Les Français reprennent cette place-forte et la remettent à leurs frères d'armes de l'ordre de Calatrava. (Longueval et Berthier, p. 308, 10ème vol., liv. XXX).

Celui qui le premier entra dans la ville fut un prêtre, un vieillard (car presbyter a ces deux sens), qui, tenant le corps de Notre-Seigneur, devança l'armée des Croisés, et la chronique raconte qu'il reçut dans son aube (alba) plus de soixante flèches sans en être blessé.

Ses allures habituelles, son caractère impétueux, sa mort héroïque, pourraient faire croire que ce ministre des autels était notre Geoffroy, mais jusqu'ici je n'ose l'affirmer.

Ce qui est plus certain, c’est que les Sarrasins livrèrent la ville aux Français, et que la nuit venue ils vinrent en cachette offrir au roi Parvus de lui livrer la citadelle qu'ils tenaient encore, avec les armes, les vivres et les trésors qui s'y trouvaient, s'il consentait à leur faire grâce de la vie. Le Roi y consentit et le château lui fut livré ; mais les Français, ayant appris ce qui s'était passé, ne voulurent ratifier ce honteux marché ; l'archevêque de Bordeaux (Guillaume II) et l'évêque de Nantes (Geoffroy) reprirent la route de France. Indignati, repatriaverunt (Alberic des Trois-Fontaines, p. 779, tome XVIII, des historiens de la France ; St. de La Nicollière, p. 43).

Quelques-uns, en revenant, passèrent par Saint-Jacques [Note : Le savant auteur du Barzaz-Breiz, M. le vicomte de La Villemarqué, m'a fait connaître une curieuse complainte du XIIIème siècle, qui se chantait, il n'y a pas longtemps, parmi le peuple de Bretagne et celui du Languedoc, où l'on racontait les malheurs d'une jeune bretonne, enlevée par les Maures, qui est délivrée par son fiancé, venu de Bretagne pour charmer le chef Almoade et lui faire boire l'herbe qui endort. M. Luzel a, le premier, publié des fragments de « la complainte des Sarrazins », IIème vol. du Recueil des chants populaires bretons, p. 20, avec traduction, Lorient. Plusieurs versions en langue d'oc ont été données par M. Alp. Boyne-Ferrier, sous le titre de L'Escrivetta. Montpellier, imp. Centrale, 1883. M. de La Villemarqué en a parlé dans ses « Joculatores bretons », à propos des cantiques de pèlerinage. Le savant barde breton pense que cette complainte serait un souvenir du passage de la Harelle nantaise en Espagne et en Languedoc, à la suite de l'évêque Geoffroy ; car les coïncidences y sont multiples et singulières], pour y vénérer (probablement) les reliques du grand apôtre. Arnaud resta quelques temps encore en Espagne avec Théobald de Belzon (Thibault de Blazon ou Blaizon) et ses compagnons. L'archevêque de Bordeaux revint chez lui, puis repartit pour la Palestine, où il se trouva à la prise de Damiette (1249). De cette façon, les Français n'assistèrent pas à la bataille de la Sierra-Morena, le 16 juillet 1212.

Croisade des Albigeois. — Nous avons vu dans quels sentiments Geoffroy abandonnait l'Espagne ; mais il n'avait pas quitté Nantes pour faire si peu. Le midi de la France était en feu, aux prises avec les Albigeois. Un de ses prêtres, Rodolphe de Nantes avait déjà démasqué et combattu leur hérésie à Paris dès son principe. Son bras, ses armes et ses soldats sont à la disposition du maréchal de la foi. La bravoure de Simon de Montfort le séduisait trop pour qu'il ne l'imitât. Ce fut en guerroyant contre les Albigeois qu'il mourut en 1213, le 10 février, dans une des petites actions qui suivirent la prise de Castelnaudary ou de Châteauneuf. Baronius nous raconte sa mort après les faits divers qui suivent le récit de ce combat [Note : Le 10 février 1243, d'après dom Taillandier et M. de La Nicollière qui, je pense, auront pris cette date dans l'Obituaire de la cathédrale de Nantes (Mss. de la Bibl. nat. 22325. — Histoire de l'Eglise depuis la création, jusqu'au XIIème siècle, par l'abbé J.-E. Darras, continuée jusqu'au pontificat de Pie IX, par l'abbé Bareille. Paris, 1811, t. XXVIII, p. 371)] :

Le comte de Foix, en publiant sa victoire, avait fait croire qu'il avait conquis Châteauneuf. Il résulta donc de cette ruse que plusieurs défections eurent lieu ; mais ce stratagème donna lieu à plusieurs actions partielles où de nombreux croisés trouvèrent la mort.

Sa mort.« De ce nombre fut Geoffroy (e quibus Gaufridus). Se voyant cerné de toutes parts par les soldats ennemis, son cheval [Note : Auprès du cadavre enterré dans le déambulatoire de la crypte de la cathédrale de Nantes, on trouva un vase contenant de la terre et une dent de cheval. Aurait-on ainsi rapporté des plaines du Languedoc une partie du sol imbibé de son sang ? Cet usage antique était, à cette époque, pratiqué comme du temps des martyrs] mort sous lui, sommé de se rendre par un hérétique qui le pressait de près, il lui répondit courageusement : « JE ME SUIS DEPUIS TROP LONGTEMPS DONNE A JÉSUS-CHRIST POUR ME LIVRER A SES ENNEMIS ! ». Frappé à mort, succombant sous les traits, il monte au ciel y recueillir une récompense plus belle que celle qu'il pouvait ambitionner sur la terre. » (Ann. Eccl. Baronius, Luc, 1747. 1241-IX).

Un certain temps se passa avant la nomination de son successeur, Étienne de Bruière ; mais ce ne dut être que plusieurs années après que furent rapportés à Nantes ses restes vénérés, et qu'on lui éleva un tombeau.

Ses souvenirs, chartes, sceau et armoiries. — Nous avons cité plus haut la belle charte que possèdent de l'évêque Geoffroy les archives de Nantes (fonds Buzay, A., liasse 6, n° 11.) C'est la seule pièce originale que nous ayons trouvée de ce prélat. Elle est magnifique de conservation.

Les planches donneront aussi ses armoiries et celles des différentes branches de sa famille. Son sceau est dessiné au n° 4 des planches.

La Hamelinière, lieu de sa naissance. — Le château de La Hamelinière n'existe plus qu'à l'état de ruines imposantes. Il a été brûlé au commencement de la guerre de la Vendée et n'a pas été reconstruit. Des douves pleines d'eau, une belle fuie, une jolie chapelle avec splendide retable du XVIIème siècle à colonnes de marbres de différentes couleurs, une belle cheminée Louis XIII en pierre sculptée et dorée sont, avec un portail de 1777 et deux autres petites tours, les seuls restes de son antique splendeur. Les 12 pièces d'artillerie, souvenirs de hauts faits sur les champs de bataille, et toutes les armes si diverses de l'arsenal (Inventaire du XVIIIème siècle) ont été dispersées à la Révolution. Ce château était resté dans la famille jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. Il appartient vers 1887 au marquis des Nétumières.

Une partie, du chartrier, autrefois très important et souvent cité par les généalogistes, est, vers 1887, entre les mains de M. Toinet de La Turmelière et du propriétaire de la Hamelinière ; mais la plus grande partie a été transportée au château de la Guère, près Ancenis (Loire-Inférieure).

Le Château de la Tour-Neuve, sa demeure. — L'ancienne habitation des évêques à cette époque, était le château actuel de Nantes ; le seul subsistant de ceux que possédait la ville. Il portait le nom de la tour neuve et serait pour moi l'ancien siège de la puissance romaine, transmis plus tard aux évêques, les alliés naturels de Rome, après la venue de saint Clair, tandis que le Bouffay aurait été l'antique résidence des rois de Bretagne, des comtes de Nantes et des gouverneurs autoctones du pays, devenu plus tard le palais de justice, lorsque les deux pouvoirs n'en firent plus qu'un et que Pierre Mauclerc s'en empara.

L'évêque Fulcherius l'avait construit ou l'agrandit ; Alain Barbetort le restaura ; Geoffroy l'habita de même que Werich ou Guérich.

La représentation de sa mort. — Un haut relief, plusieurs fois déplacé, comme on peut le constater en lisant le chanoine Roustau et M. Guépin, et en 1887 au-dessus de la porte Saint-Paul, ne représente pas pour moi la mise au tombeau de N. S. (Guépin) ni un miracle posthume de saint Paul (Cahour), car, pour la première hypothèse, la représentation du tombeau serait contraire à toutes les habitudes des imagiers du moyen âge, et, dans l'autre, les arbres et les rochers désignant un pays montagneux et boisé ne sauraient convenir, ni historiquement, ni traditionnellement, au miracle de saint Paul. Dans les deux cas, les attitudes des soldats et autres spectateurs de la scène ne sauraient cadrer avec le sujet principal du tableau. J'y verrais plutôt volontiers un débris des scènes de la vie de l'évêque Geoffroy, retiré du portail de l'Évêché. On sait, en effet, que plus de cinq cents statues faisaient autrefois de ce monument une sorte de musée historique et religieux consacré à l'histoire de l'église de Bretagne. Il ne serait pas étonnant que Jean de Malestroit ait retracé sur pierre la vie de son hardi et habile prédécesseur, dont il imitait la générosité et auquel il élevait une statue.

La Cathédrale. — Geoffroy avait terminé le clocher de la Cathédrale en 1208, et il fit don d'une rente de quarante sols au chapitre de cette église pour faire sa mémoire ou anniversaire (Livre des anniversaires). Un catalogue manuscrit de la fin du XVIème siècle, dit qu’il augmenta les revenus de son église, et l'enrichit d'ornements (Travers, p. 309). Ce fut sur ce même clocher que Jean de Montrelais éleva une statue représentant un évêque tenant un ostensoir ou monstrance et ayant un sabre placé près de la tête.

Sa statue. — Cette statue grossière, et d'une hauteur exagérée à cause de la perspective d'élévation qu'elle était obligée de subir, a été prise, jusqu'à présent, pour celle de saint Gohard, représenté plus habituellement dans une barque, près d'un autel entouré de son peuple, et toujours la tête dans les mains comme saint Denys (Caractéristiques des saints par les PP. Cahier et Martin), mais l'écusson aux armes de Pantin qui le surmonte ne peut laisser de doute sur son attribution, comme le dit M. de La Nicollière. On est forcé d'y reconnaître l'évêque Geoffroy, de Nantes. C'est ce qu'a fait immédiatement M. l'abbé Cahour, éditeur de l'Iconographie de M. Rousteau, dès que je lui en fis faire l'observation par M. l'abbé Gaborit, archiprêtre de la cathédrale.

Sainte-Croix, de Nantes. — Quelques guides ignorent quel est le fondateur de l'église Sainte-Croix, de Nantes. C'est cependant à Geoffroy que nous devons cette fondation ; toutes les notes de famille que nous avons vues sont d'accord avec les généalogistes (Lainé, etc.). Il y était même représenté « dans la maîtresse vitre avec ses habits pontificaux et l'écu de ses armes ». La famille de Pantin de La Hamelinière y avait, en conséquence, une tombe seigneuriale « en la chapelle de la benoiste et glorieuse vierge de l'église Sainte-Croix, de Nantes, ou aucuns de ses devanciers, avaient été ensépulturés ». Ainsi parle, dans son testament, Guillaume qui y fut inhumé, en 1336, dans une tombe élevée sur laquelle il était représenté, ainsi que dans le vitrage de la chapelle, revêtu de sa cote de maille, chargée de son écu.

Son tombeau. — Les fouilles exécutées vers 1885 dans la crypte de la cathédrale de Nantes, ont mis à jour une belle pierre tombale représentant en rondebosse un évêque revêtu de ses ornements pontificaux. Deux anges l'accompagnent comme pour marquer son entrée au séjour éternel et la vénération que l'on avait pour sa mémoire. De sa crosse, malheureusement cassée, il terrasse un dragon, symbole de l'hérésie, qu'il foula aux pieds (Photographie de M. Martin, successeur de M. Furst, à Nantes). La pierre conserve des traces de peinture rouge. — Cette pierre tombale, évidemment déplacée en 1733, surmontait probablement les ossements trouvés, non pas dans le martyrium reconnu par Mgr Barbier de Montault, lors du Congrès de 1886, mais dans l'axe du déambulatoire, et auprès desquels était un vase renfermant de la terre (peut-être sanguinolente) et une dent de cheval (Mémoire de Montfort). Le travail de cette belle sculpture est dû à la seconde moitié du XIIIème siècle, vers 1280, d'après M. Palustre. On pourrait alors l'attribuer à la piété de son petit-neveu, Philippes de La Hamelinière-Pantin, qui vivait en 1289 (Laisné, Armorial mss. de Bretagne, — réforme de 1669).

S'il est pour moi un devoir de conscience de citer les archives départementales et municipales de Nantes, le dépôt des Blancs-Manteaux, les Archives nationales, la collection Gaignères, les notes mss. Qu’on a bien voulu me prêter, les papiers de famille ou autres que j'ai pu compulser, est un devoir d'amitié auquel je ne saurais manquer, c'est de remercier pour le gracieux concours qu'ils m'ont donné dans mes recherches M. de La Nicollière, M. Montfort, Lisle du Dreneuc, M. l'abbé Gaborit, M. le comte de Landemont, M. le marquis de La Guère, M. de La Villemarqué, le R. P. Rival. M. le baron de Wismes, l'abbé Roche, etc. Que ces aimables collaborateurs trouvent ici l'expression de ma sincère gratitude.

 

LÉGENDE DES PLANCHES.
PLANCHES I ET II.

1° Ecusson de l'évêque Geoffroy, sculpté au sommet du clocher de la Cathédrale Saint-Pierre de Nantes, publié dans « Nantes et la Loire-inférieure » chez M. Charpentier, et dessiné par Fx. Benoist, lith., et dans « l'Armorial des Évêques de Nantes », par Stéphane de La Nicollière, Nantes 1868. pl. II, 2.
2°. Statue de l'Évêque Geoffroy au clocher de la cathédrale de Nantes, d'après Fx. Benoist.
3°. Armoiries de le famille de Pantin, d'après « le Roy d'armes du P. Marc-Grilbert (1540) » ; le « César armorial de César de Grandpré, (1645) » ; Pierre Paliot « Vraye et parfaite science des armoiries » (1661) et le mss. de la Bibliothèque nationale (ancien D'Hozier).
4°. Sceau de l'évêque Geoffroy aux archives départementales de Nantes (Loire-Inférieure).
5°. Haut-relief de la cathédrale de Nantes, d'après M. Hawke (Histoire de Nantes par A. Guépin) pl. 34.
6°. Armoiries de la ville de Pantin (Seine), d'après une lettre du Secrétariat de la Mairie de Pantin, communiquée par M. le marquis de La Guère.
7°. Statue de l'évêque Geoffroy, dessinée par M. Hawke, dans l'Histoire de Nantes par A. Guépin. pl. 8.
8°. Armoiries de la famille de Pantin, (branches des Pantin de Bournan), d'après les mss. de famille, les archives générales et histoire de la noblesse de Lainé, les quartiers de l'ordre Saint-Jean de Jérusalem, prieuré d'Aquitaine, fol. 376. (Bibliothèque de l'arsenal de Paris.) — Cf. les registres de l'ordre de Malte, et les mss. du président des états de Vitré (1705).
9°. Armoiries de la « haute court de Landemont, » d'après les sceaux d'une constitution de rente de 1.200 l. au profit de Rose Pantin de La Hamelinière du consentement de Marie de Cierzay, veuve Hardouin P. de la H. du 23 août 1543, et une procuration pour rendre hommage à l'évêque de Nantes pour les biens situés en Saint Géréon, I e 26 mars 1539. (Archives du château de La Guère.)
10°. Armoiries de Jean (1669), de Hardy (1576) et de Claude (1640) de La Hamelinière-Pantin, marquis de La Hamelinière, baron de Landemont (seigneurs du Messis-Beaucé, du Coing, du Vau de Denée, de La Frémondière, des Navineaux, du Ricord, du Désert, de La Frémondière, de Grasmouton, de Chevreux, du Plessis-Moussard et de Fontenelles, de La Boissière des Salles, de Boisrouault, de La Chaussaire, de La Verrie, de La Cassemichère), d'après les mss. du président des états de Bretagne (1705), les chevaliers Bretons de Saint-Michel, de M. Gaston de Carné, D'Hozier, le comte de Soultrait, etc., et les anciennes plaques de cheminées du château de La Guère, près d'Ancenis (Loire-Inférieure), les mss. des Bibl. Mazarine et de l'Arsenal, et de la Bibl. nationale de Paris.

Planche I concernant l'évêque Geoffroy (1198-1213) de Nantes.

 

Planche II concernant l'évêque Geoffroy (1198-1213) de Nantes.

Cte Alphonse de LA GUÈRE.

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