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NOTRE-DAME-DU-MUR PENDANT LA REVOLUTION

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L’église de Notre-Dame-du-Mur était un bel édifice d’un aspect imposant, quoiqu’il fut irrégulier, à raison de la forme du rocher sur lequel il était construit ; mais l’architecte avait su remédier dans l’intérieur à ce défaut de régularité par une savante disposition de la nef et des chapelles latérales. Elle était riche et décorée avec goût ; il y avait à l’intérieur de très-belles galeries qui faisaient le tour du monument et qui étaient à doubles ouvertures : celles de gauche n’avaient qu’un étage et celles de droite en avaient deux.

On montait à l’église par un escalier de près de six mètres d’ouverture, dont les marches au nombre de trente-deux, étaient en belle taille et à moulures. A la gauche était un très-beau garde-corps à jour d’une remarquable exécution et dont les pierres étaient scellées par des crampons en fer plombés. Sur le rebord de la balustrade on lisait : « Dvplanty procvrevr noble ».

Arrivé sur la plate-forme, où était la base de la tour, on se trouvait en face du portail, et on pouvait admirer le clocher, dont la tour, jusqu’au haut, était percée à jour de diverses formes, et ornée de tourelles saillantes ; la flèche, qui s’élevait au-dessus, dominait la ville, en faisait le plus bel ornement et la couronnait d’une manière agréable.

Le portail était divisé en deux baies, dont les archivoltes étaient ornées de crochets et de pinacles, au haut des baies, était une grotte vitrée où était posée une statue de la Vierge. Dans une niche à droite on voyait saint Luc et dans une autre à gauche, saint Jean l'Evangéliste. Sous la statue de la Vierge et à l’extrémité du meneau cannelé qui séparait les deux baies, se trouvait un modillon formé de trois têtes en pierre coloriées, bien exécutées, ayant des jugulaires. Le peuple croyait qu’elles représentaient les trois frères qui avaient eu l’entreprise du portail et de la tour. A hauteur d’homme, était une croix en pierre, faisant corps avec le meneau ; les fidèles la baisaient avant d’entrer dans l’église. Aux deux côtés du porche étaient placés des bancs en pierre, fixés à la muraille.

En entrant dans le portail, pavé en pierres de Locquirec, on avait immédiatement, à droite, la porte de la tour et, après avoir monté une vingtaine de marches, on entrait à gauche dans les petites galeries en trèfle ; il y avait à chaque extrémité et au milieu un clocheton avec pinacles ayant la forme d’une chapelle. Cette galerie donnait sur la rue du Mur.

En sortant de la galerie, on n’avait qu’à monter quelques marches, et l’on se trouvait dans une autre galerie couverte, donnant entre Saint-Martin et la Roche ; au-dessus était placé un des cadrans de l’horloge. En quittant cette galerie, à gauche, on rencontrait dans l’épaisseur de la tour un passage par où on allait régler le cadran.

De là, en montant, on arrivait dans la chambre de la sonnerie. Si on montait encore quelques marches, on entrait dans la chambre des cloches, où était celle qui avait été donnée par les tisserands. Sur la même ligne, du côté de la rue, était la cloche de la Vierge, moins grosse que la première ; derrière, du côté de Saint-Martin, celle de la Trinité, et à côté, près de la porte, celle du Salut.

En quittant cette chambre, on montait les dernières marches de la tour, et l’on se trouvait dans les hautes galeries ; la sortie de ces marches était couverte d’une tourelle comme celle des galeries de Saint-Melaine.

De cette plate-forme s’élançait dans les airs sa belle flèche octogone, et percée de rosaces, de mouchetures d’hermine, avec cordeaux à chaque angle ; les extrémités des galeries étaient flanquées de quatre clochetons, ornés de crochets et de pinacles, d’un travail admirable. L’intérieur de la flèche renfermait un dôme énorme en plomb, sur lequel on lisait des milliers de noms. A gauche, du côté de Saint-Martin, huit cloches moyennes sonnaient les carillons pour le quart, la demie, les trois-quarts et l’heure ; anciennement ce carillon faisait entendre l’air de l'Ave Maris Stella.

A quatre mètres du dôme, une poutre, traversant horizontalement le clocher, servait à attacher la grosse cloche des heures, — la Campane — au moyen de cercles et de goujeons en fer très-forts ; elle ne pouvait se sonner à la volée. Une masse en fer, soutenue par une chaîne frappait les heures sur l’extérieur de ce timbre. A l’intérieur un lourd battant, mis en mouvement à l’aide d’une corde descendant dans le portail, servait à sonner l’agonie pour les fidèles à l’article de la mort. On s’en servait aussi pour le tocsin, pour les assemblées primaires, pour celles du corps de ville et pour la distribution des lettres à la poste. Dès que le courrier était arrivé, le facteur appelait les habitants, lisait à haute voix les noms qui étaient inscrits sur l’adresse et remettait les lettres aux personnes qui les réclamaient : ce temps devait être l’âge d’or des facteurs. A chaque pan extérieur de la tour régnaient de petits clochetons en saillie.

La tour carrée avait trente-neuf mètres, la flèche y comprenant la croix, en avait quarante-six, ce qui faisait en tout quatre-vingt-cinq mètres d’élévation au-dessus du sol. « Suivant une tradition orale, la tour aérienne de la Collégiale servait d’amers aux navigateurs, entrant dans le port de Morlaix ; et d’aussi loin que les navires l’apercevaient de la haute mer ils la saluaient avec respect et mettaient le cap sur le havre du Dourduff » [Note : Le Morvan. Esquisse monographique de la Collégiale du Mur].

En quittant la plate-forme, et lorsqu’on était descendu à la galerie de l’horloge, on entrait dans le canal de plomb, autre galerie regardant la Grande-Place, à la suite, en tournant à gauche la galerie se continuait, et si l’on tournait encore à gauche, on entrait dans la belle galerie double qui régnait du bas de la nef jusqu’au haut de l’église, du côté de l’épître. Le bas de cette galerie était d’une exécution semblable à celle que l’on voit encore au-dessus des deux fontaines des Carmélites. Les ouvertures au-dessus étaient en arceaux et d’un travail exquis.

Lorsqu’on était rendu à l’extrémité, on entrait à gauche, dans une galerie extérieure, donnant sur la rue du Mur ; puis si on tournait encore à gauche, on se trouvait dans une autre galerie du même côté et au-dessus du haut palier du grand escalier ; une fois au bout, quelques marches conduisaient à une tourelle, dominant la toiture et l’entrée du choeur, et renfermant la cloche de Guillaouic, que l’on sonnait pour les messes basses. Jamais, dit la tradition, nulle cloche n’avait fait entendre des sons aussi clairs, aussi argentins ; elle était faite, affirment les bonnes gens, de matière d’argent et de pièces de six liards. Il est certain qu’on l’entendait à une distance de plusieurs lieues.

Lorsque les cloches furent descendues pour aller à la fonte, Queinec, habile charpentier fut chargé de cette opération qui réussit parfaitement. La population entière vint tristement prendre congé de ses cloches qui furent embarquées. Toute la population demanda qu’on laissât Guillaouic et la municipalité alla la réclamer à bord ; mais le chargement était fait et la fatalité voulut qu’elle fût à fond de cale sous les autres. Le capitaine reçut l’ordre de la retourner après son déchargement à Rouen. Le gouvernement rendit en effet une cloche, mais ce n’était plus la même, et Guillaouic fut perdue pour Morlaix.

En quittant les deux galeries que nous venons de décrire, on montait quelques marches, et l’on se trouvait dans une autre donnant sur la venelle du château. En tournant à droite, on entrait dans une autre galerie d’où l’on découvrait le château et le vallon de l’hôpital.

Comme il n’y avait aucune issue à droite, on était obligé de revenir sur ses pas et on pénétrait dans la grande galerie intérieure, d’où on descendait dans la belle galerie en marbre noir, qui était au-dessus du grand autel ; de cette dernière, on arrivait dans une galerie en bois au-dessus de l’autel du Sacré-Coeur. La galerie, qui est au-dessus du maître-autel de Saint-Jean-du-Doigt, rappelle mais faiblement celle du grand autel du Mur.

Au-dessous, régnait un passage souterrain qui fut comblé par les ossements des prêtres et par ceux du reliquaire, lorsque l’église fut réparée, en 1785. On remontait, et parcourant la première grande galerie extérieure, laissant derrière soi le canal en plomb, on arrivait dans une autre galerie au-dessus de la grande croisée du bas de l’église, en face de Saint-Martin. On descendait ensuite dans une belle galerie intérieure, qui s’étendait jusqu’à l’entrée du choeur. En sortant de celle-ci, on montait dans une autre semblable, au-dessus. On descendait enfin un certain nombre de marches, on entrait dans la tribune des orgues, et de là, après avoir franchi encore quelques marches, on se trouvait au bas de l’église, près de la porte de l'oeuvre [A. Lédan, père, de la Tour du Mur, de ses galeries intérieures et extérieures, passim.].

L’intérieur de l’église n’était pas moins remarquable. Le choeur était rempli de figures représentant des personnages historiques, des animaux fantastiques et des figures grotesques ; l’autel, qui était orné de six candelabres en argent, était soutenu par des colonnettes de marbre noir et rose d’un beau travail ; il y avait trois lampes d’argent massif, dont la plus grande brûlait sans cesse : c’était, avec un calice en vermeil, un souvenir de la reine Anne. Les vitraux étaient remplis de sujets religieux ou historiques et représentaient les armes de France, celles de Bretagne puis celles des familles des donateurs et des prééminenciers. On y voyait encore outre un beau Christ et deux statues de Saint-Marc et de Saint-Louis, une magnifique statue de la Vierge encore existante et dont nous aurons occasion de parler lorsque nous visiterons la nouvelle chapelle du Mur. La niche qui contenait cette statue était environnée d’ex-voto curieux représentant, l’un un sacristain du Mur tombant du haut du clocher sur le rebord de la rivière sans se blesser ; l’autre un navire battu par les flots et poussé sur les noirs rochers où il allait sombrer, lorsque Notre-Dame du Mur, apparaissant au-dessus de la mer, portait secours aux matelots et les sauvait du naufrage ; ailleurs, on voyait un fils mourant, présenté à la mère du Sauveur par une mère en larmes qui obtenait la guérison de son enfant. Il y avait aussi de petits bâtiments en miniature suspendus aux voûtes ; c’étaient des dons faits à Notre-Dame du Mur par des marins au retour d’un long voyage en reconnaissance d’une heureuse traversée [Note : Miorcec de Kerdanet. Notes dans la Vie des Saints de Bretagne].

A la maîtresse vitre du grand autel, il y avait dans les trois premières roses, les armes de Bretagne, surmontées d’une couronne ducale, et au milieu de la vitre saint François.

Au haut du retable en marbre étaient les armes royales du côté de l’évangile et celles de Bretagne du côté de l’épître.

Des chapelles et des autels ornaient les bas côtés, c’étaient du côté de l’évangile : l’autel de la Sainte-Trinité, celui de Notre-Dame-de-Pitié, celui du Saint-Esprit, celui de l'Immaculée-Conception, celui de Messieurs saint André, saint Come et Damien, entre ces deux derniers, on voyait la statue de saint Jacques dans une niche élégante ; du côté de l’épître, la chapelle de Monsieur saint Pierre, celle de Notre-Dame de Lorette, celle de Monsieur saint Eloi, celle de Madame sainte Anne, l’autel de Notre-Dame de Délivrance, celui de Monsieur saint Yves, celui de Monsieur saint Jean-Baptiste, celui de Monsieur saint Jean, celui de Monsieur saint André et celui de la Conception [Réformation de 1679 ; dans les archives de la recette de l’enregistrement, passim.].

Rien n’était gracieux comme l’effet que produisait cette église lorsqu’on la voyait du port. « Son architecture était si remarquable, dit Guibert, (Voir Histoire des villes de France) qu’il ne fut plus permis de parler des merveilles de la province armoricaine, sans citer le portail de Notre-Dame-du-Mur, et sans parler de sa flèche, élevée à une hauteur prodigieuse, et tailladée à jour, comme celle du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon ».

Un décret de l’assemblée nationale supprima les chapitres et les canonicats, un autre supprima les prébendes et déclara les biens du chapitre propriétés nationales. Tous les ecclésiastiques pourvus de fonctions publiques devaient prêter serment et jurer d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi. Les chanoines de la collégiale du Mur refusèrent le serment. La municipalité fit faire par M. Le Denmat, procureur noble du Mur, l’inventaire des objets sacrés en or et en argent possédés par la collégiale. Quarante-neuf pièces d’argenterie, deux calices et leurs patènes, un buste d’argent, huit chandeliers en argent et la croix d’argent du maître-autel furent jugés comme inutiles et envoyés à la monnaie, le 19 décembre 1789.

L’année suivante (10 Novembre 1790) le conseil municipal envoyait encore au Mur deux de ses membres, MM. Ameline et Barazer pour faire enlever les armoiries et les bancs, en exécution des décrets du 19 mars et 19 juin qui déclaraient le régime féodal aboli. Il y avait dans l’église, sur les murs ou sur les vitraux les armes de France et de Bretagne, les armoiries de MM. Lévier, Le Borgne, Penaitz, Bruslé, Thépault, Lézardant, Barach-Rosambeau, La Bouessière-Plourin, Kergroas, Cam, Guillouzou, Diouguel, Armand Derbaud, Nobletz, Kerret, Coetlosquet, Coatanscoure, Kergadiou-Kernéguez, Calloet, Rochglaz, Runescop, La Gandinaye, Coatanfaou, Kerbrunot, Kerdannet-Nouel, Merdy-Guillemot, Le Grand, Kersulguen, Keramoal-Salaun, Lanneuguy de Cremeur, Talouarn, Le Gac, Keringart, Runniou, Boissauveur de Kerrault, Kerochic, Chrestien, Mesambèz, Botmeur, Ballavesne, Pennanvern, Lochrist, Poural-Quintin, Latour-Partevaux, Coethir-Queré, Toulcoet, Croisier, Beauregard, Guicaznou, Lezersaut du Parc, Keranroux, Louharon Le Borgne, Oriot, La Fontaine-Motelay, Kersauson, Kervézec, Kerloaguen ; toutes ces armes furent martelées et les bancs brûlés.

Cependant le chapitre ne fut pas dissout aussitôt et nous le voyons figurer à la fête de la fédération du 14 juillet 1790, où le prévôt célébra la messe, sur la place de la Mairie. Le carême fut encore prêché à l’église du Mur, en 1791, et ce fut le père Saillard, dominicain, que la municipalité chargea de cette prédication bien qu’il n’eût pas prêté serment.

La nouvelle division ecclésiastique n’accordait à la ville qu’une paroisse et la chapelle des dominicains était désignée comme église paroissiale. Les habitants ne voulurent pas accepter cette église et lorsque M. Expilly, le nouvel évêque constitutionnel du Finistère, arrive à Morlaix, le 17 avril 1791, le conseil municipal le prie de vouloir bien user de toute son influence auprès de l’administration pour que l’église Saint-Melaine soit choisie comme église paroissiale. En attendant la décision de l’autorité supérieure la Collégiale du Mur servit de paroisse et M. Derrien, en fut nommé curé après avoir prêté serment, entre les mains de la municipalité. Une délibération du Conseil municipal du 24 avril, prise à propos de la fête de Saint-Marc, donne en effet au Mur ce titre de paroisse : « La procession do Saint-Marc est une procession générale pour la quelle le clergé de cette ville a toujours été dans l’usage et dans l’obligation même de se réunir dans l’église matrice. Le Mur était autrefois cette église, sous le titre de collégiale, et il l’est aujourd’hui comme paroisse. Ses droits devant être reconnus autant à ce dernier titre qu’ils l’étaient au premier, la municipalité intime à MM. Pitot, Guerlesquin et Le Noannès, exerçant les fonctions de vicaires aux églises de Saint-Mathieu, Saint-Martin et Saint-Melaine, défense de faire demain aucune procession particulière, sauf à eux à se joindre à M. le curé de la paroisse pour la procession générale de saint-Marc ».

Des troubles eurent lieu dans les églises et le Conseil municipal jugeant qu’il ne pouvait laisser officier plus longtemps les prêtres réfractaires arrêta, dans sa délibération du 1er mai, de demander au procureur syndic du district leur destitution et leur remplacement immédiat. Malgré cela les recteurs non conformistes exercèrent leur ministère jusque vers la fin de l’année 1791.

Les citoyens, membres de la Société des amis de la constitution, adressèrent, le 26 juin, au Conseil municipal, une pétition qui demandait la fermeture des églises. Ce dernier se réunit et prit une délibération dont la fermeté et la modération ne sauraient être trop louées : « La municipalité considérant que la pétition, dont est cas, a tort conçue en termes de délibération et arrêté, porte la demande expresse qu’il soit ordonné que les églises de Saint-Melaine et Sainte-Barbe, Saint-Mathieu et Sainte-Marguerite, Saint-Martin et Notre-Dame-des-Vertus, l’église du Mur ainsi que toutes les autres chapelles soient à compter de ce jour, 26 de ce mois, fermées pour le service des fonctions et cérémonies religieuses, que la seule église des Jacobins soit destinée à la célébration de tous les offices et messes tant des prêtres constitutionnels que réfractaires, et que l’hôpital et les couvents religieux aient seuls la faculté de célébrer leurs offices religieux, par leurs directeurs respectifs, jusqu’à ce qu’il soit autrement pourvu, mais à la condition expresse que le service divin, procession etc. s’y feront dans leurs enclos, sans qu’il leur soit permis d’y recevoir aucune autre personne que celles de leur intérieur. 

Considérant que s’il était vrai qu’il existât de le fermentation dans cette commune, la clôture des églises indiquées aggraverait ce mal dont il faut, sans doute, prévenir les suites, au lieu d’y remédier ; puisque cette mesure serait envisagée par les citoyens malheureusement trop nombreux, attachés aux principes des prêtres non conformistes, comme une violence faite à leurs opinions religieuses, dont la liberté est fondée sur plusieurs décrets et notamment sur l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et sur la loi du 9 mai 1791 ;

Que rejetée par la justice comme par la constitution, cette violence serait une persécution intolérable, laquelle peut provoquer une résistance qui entraînerait un désordre d’autant plus dangereux que le fanatisme ne manquerait pas de l’alimenter et de l’irriter encore ;

Que si la clôture des églises, ci-dessus dénommées, serait une mesure dangereuse et féconde en germes de discussions, elle serait encore contraire aux lois appliquées à la position actuelle de cette ville ;

Que pour se convaincre de cette vérité, il suffit de songer que si un arrêté du département réduit les églises nationales de Morlaix à une église paroissiale, deux succursales et un oratoire, cette réduction ne peut être regardée comme définitive et consommée, malgré l’installation du curé constitutionnel, puisque préalablement elle doit être adoptée par un décret du corps législatif, et qu’il est certain qu’elle ne l’est pas encore ;

Que telle a été l’opinion du département, dans la lettre du 12 de ce mois ;

Que la pétition présentée, contraire en tout point à la loi, l’est conséquemment aux vues et moyens d’ordre et de tranquillité publique qu’il est plus instant que jamais d’asseoir sur les principes stricts de la constitution et l’exécution littérale des décrets de l'Assemblées nationale ;

Que s’écarter de ces phares pour ne se diriger que par les fantaisies, les vues particulières et l’esprit de parti, c’est se livrer à l’arbitraire et errer sans boussole et sans gouvernail dans une mer orageuse et couverte d’écueils ;

Que si la tolérance des cultes et des opinions religieuses, qui est le dogme le moins équivoque de l’assemblée nationale et qui fut, dans tous les temps, celui de l’homme honnête et juste, doit être protégée, cette protection ne fut jamais plus nécessaire que dans les circonstances actuelles, où la lutte des autres intérêts particuliers et puissants qui, se croisant sans cesse, menacent de toutes parts l’intérêt général 

Qu'il doit avoir également dans l’esprit et dans le coeur cette opinion d’un membre du corps législatif dans les discussions qui précédèrent ce décret : « que les principes de la loi sont les rochers auxquels on doit s’attacher dans un naufrage » ;

Par toutes ces considérations ladite municipalité est d’avis que la pétition, dont est cas, doit être rejetée, comme contraire aux lois et aux principes, et propre si elle était adoptée, à provoquer le trouble et le désordre ». Ont signé : MM. Jh. Ls. Le Denmat, maire, J. Barazer, procureur de la commune, Claude-Gabriel-Alexandre Guillaume, Georges Guégot, Pezron, Le Hénaff, MM. Le Hir, Boutin, R. Ameline, Cretté, conseillers municipaux.

Lorsqu’on apprit à Morlaix l’acceptation de la constitution par le roi, la ville fut en fête et il y eut un Te Deum en action de grâces dans l’église du Mur, en présence des autorités (17 septembre 1791).

Quelque temps après, l’église paroissiale ayant été établie à Saint-Melaine, le Directoire du département décida (Arrêté du 19 avril 1792) que l’église collégiale serait vendue, et le directoire du district en fixa la vente au 23 avril. Dès que les habitants apprirent cette décision, ils firent une pétition, qui fut signée par soixante-trois membres actifs de la commune, et la remirent au conseil municipal, qui se réunit aussitôt et prit la délibération suivante : « Considérant de plus que cette église ayant toujours inspiré la plus grande vénération et respect à tous les habitants de cette commune et des environs, on ne pourrait voir qu’avec peine qu’elle servit à autre usage, Est d’avis et arrête de prier messieurs les administrateurs du district, de prendre dans les plus grandes considérations les motifs ci-dessus exposés, et autres que leur sagesse pourrait leur suggérer, pour surseoir à la vente de la dite église de Notre-Dame-du-Mur ».

Le Directoire du district répondit le 25 du même mois qu’il ne pouvait empêcher la vente de la Collégiale, mais qu’il autorisait la ville à en faire l’acquisition. Le conseil général de la commune se réunit, le 27 avril, et prit une délibération conçue en ces termes : « Lecture donnée au Conseil général de la commune de l’arrêté du département du Finistère qui ne permet pas de suspendre la vente de l’église du Mur ; Vu la pétition de soixante-trois citoyens actifs de cette commune ; Considérant que le clocher de cette église est le seul qui par l’élévation de son beffroi, soit propre à placer l’horloge et les cloches qu’il est important d’entretenir dans des moments d’incendie ou d’autres alarmes, est d’avis, tant pour la commodité de l’horloge, que pour mieux entendre le tocsin on cas de malheur, d’autoriser la municipalité à souscrire pour l’achat de la dite église et de son clocher ».

L’église du Mur fut achetée par la municipalité, mais elle fut fermée au culte catholique jusqu’en l'an II où nous trouvons la délibération qui suit du Conseil général de la commune, en date du 6 frimaire : « Le Conseil général arrête, comme mesure d’économie, que l’exercice du culte aura lieu désormais dans une seule église, celle du Mur et qu’en conséquence le résiliement de son achat sera demandé ».

De son côté le Conseil municipal s’assembla le 18 frimaire et prit l’arrêté qui suit : « Le corps municipal arrête, qu’extrait de la délibération du conseil de la commune, du 6 de ce mois pour la réunion de la desserte du culte en l’église du Mur et en demande de résiliement de l’achat de cette église sera adressé, dans le jour, à l’administration du district ».

Et au-dessus de ce que par l’arrêté du conseil de la commune, qui concentre le culte dans un édifice qui ne peut convenir à autre destination, on aura l’avantage de mettre à la disposition de tout autre service trois édifices qui peuvent y être utilement et facilement appliqués, invite l’administration du district à appuyer la demande de résiliement de l’adjudication de l’église du Mur à la commune de Morlaix et à faire prononcer le plus tôt possible ce résiliement par l’administration du département, la décharge en conséquence des annuités futures de la dite adjudication, même celle des annuités arriérées et prorata d’annuités et la restitution de treize cent vingt livres payées pour les vingt pour cent de comptant, l’achat de la dite église ayant été jusqu’ici sans objet pour la commune.

Arrête aussi, vu l’économie considérable résultant, dans les frais du culte, par la réunion de sa desserte en une seule église et qu’on y trouvera le moyen de faire profiter sur le champ le trésor public de différents effets et du produit de plusieurs autres, de demander à l’administration du district que les frais des réparations qu’exige l’église du Mur, soient pris à la charge de la République et qu’en conséquence l’administration fasse procéder à ses réparations, ou, si elle eût délégué le soin à la municipalité, qu’elle statue que les fonds en seront par cette dite administration faits au fur et mesure de l’exécution des réparations, la commune étant hors d’état de frayer aux avances.

Les églises, sauf celle du Mur, furent fermées et on s’empara de toutes les richesses qu’elles contenaient, ainsi que l’indique la délibération du 29 nivôse : « Le corps municipal considérant que si l’on ne doit entraver l’exercice d’aucun culte, il n’est aussi pas nécessaire de laisser aux ministres du culte catholique tous les objets de luxe qui sont à leur disposition et qui peuvent être fructueusement appliqués aux besoins de la République, arrête, que l’exercice du culte en cette commune étant réuni en une seule église, il n’y sera laissé d’objets d’argenterie que pour le nécessaire, savoir : un soleil, deux ciboires, trois calices, un encensoir et sa navette, et que le surplus de l’argenterie des églises sera déposé à la municipalité et le poids constaté pour, de ce passé, en être disposé comme il appartiendra et sera ultérieurement arrêté, et à cet effet état de l’argenterie de chaque église sera demandé aux administrateurs d’icelles ».

Après que la municipalité en eut fait constater le poids, elle envoya toute cette argenterie à la Convention. Les prêtres constitutionnels prirent possession de l’église du Mur, mais bientôt la municipalité leur défendit de faire les cérémonies du culte catholique en dehors de leur église. « Le corps municipal, dit la délibération du 26 pluviôse an II, arrête que pour prévenir les inconvénients pouvant résulter de l’opposition entre l’esprit public et l’exercice extérieur du culte, en conformité d’ailleurs des principes révolutionnaire à cet égard, il soit ordonné aux ministres du culte de se renfermer, pour son exercice, dans le temple et de s’abstenir pour les actes qu’ils seront appelés à en faire auprès des malades de paraître sur les rues avec costume ni aucun des signes du culte ». Il leur était interdit d’accompagner les morts au cimetière, cependant si la famille désirait les prières de l’église, elle était libre d’appeler un prêtre au cimetière.

L’église du Mur ne resta pas longtemps consacrée au culte catholique, par un nouvel arrêté elle devint le temple des lois. « Le conseil général de la commune, après discussion, suivie de l’expression donnée par chaque membre en particulier de son vote, arrête que l’église, dite du Mur, servira désormais à la célébration des jours de décadi et est nommée temple des lois, en conséquence rapporte son arrêté du six frimaire dernier qui y fixait le culte catholique et par suite arrête que l’exercice du culte catholique, en cette commune, se fera à l’église, dite de Saint-Mathieu, section des halles » (Délibération du 28 nivôse an II).

Lorsque l’église du Mur avait été la première fois, fermée au culte, on avait détruit tous les emblèmes qui rappelaient la féodalité. Plusieurs arrêtés avaient ordonné d’enlever les statues des saints ou celles des rois et des reines, de transporter à l’hospice le linge des églises, de descendre les cloches, de vendre certains objets qui n’étaient d’aucune utilité, mais nous n’avons trouvé aucun document qui nous permette d’affirmer que les objets sacrés, les christs, les statues, les tableaux des églises aient été détruits. Comme la plupart des objets artistiques qui se trouvent dans nos églises, sont d’une date antérieure à la Révolution, nous sommes porté à croire qu’il n’y a pas eu d’ordre de destruction et que lors de la fermeture des églises, les fidèles ont pu cacher les statues et les tableaux sans être inquiétés par l’autorité. C’est ainsi que la statue de Notre-Dame-du-Mur fut transportée par une personne pieuse de la rue des Nobles, dans la mansarde d’une pauvre couturière, Jacquette Cloarec, qui la conserva précieusement jusqu’au jour, où la paix étant revenue dans l'église, il lui fut permis de la rendre à la paroisse.

A l’époque où nous sommes arrivés, " Les dieux étalent tombés, les trônes étaient vides " ; et les prêtres, restés fidèles à la loi ancienne, étaient proscrits : la France était sous le régime de la terreur. L’autel sur lequel se célébraient les saints mystères était renversé, les fidèles ne voyaient plus les ministres du Christ élevant le saint emblème, ils n’entendaient plus les orgues frémissantes mêlant leur harmonieuse poésie aux voix des jeunes enfants.

La religion catholique fut remplacée par le culte de la Raison, que la Convention avait adopté le 20 brumaire (10 novembre), sur la proposition de Chaumette ; les patriotes morlaisiens, surtout les membres de la société populaire des amis de la Constitution, acceptèrent le nouveau culte avec enthousiasme.

La municipalité voulant donner le plus grand éclat à l’inauguration du temple de la Raison, nomma deux commissaires pour organiser la fête ; elle décida qu’elle aurait lieu le 5 ventôse (23 février), et qu’on célébrerait en même temps « la fête de l’exécration du dernier des tyrans et de la tyrannie » (Délibération du conseil général de la commune, du 30 pluviôse an II).

Le temple fut débarrassé de tout ce qui rappelait le souvenir de catholicisme, une tribune fut placée à droite de la nef entre les piliers sous la double galerie : c’est là que le maire devait à l’avenir lire les lois, les actes de l’état civil et célébrer civilement les mariages.

On éleva une colonne, surmontée d’une urne funéraire et on mit au bas de la colonne les emblèmes de la royauté brisés, aux quatre coins de la colonne se trouvaient les urnes de Marat, Lepelletier, Bayle et Mercier. Autour du fût de la colonne, on lisait cette inscription Aux victimes de la tyrannie.

A dix heures et demie, le corps constitués et les autorités sortirent de la maison commune et se rendirent sur la place du Peuple où étaient rassemblés les membres de la société populaire, la garde nationale, sous les armes, les citoyens et et les citoyennes qui devaient faire partie du cortège.

Les divers groupes prirent le rang qui leur avait été assigné et on se mit en marche. La cavalerie était en tête, elle était suivie des autorités, puis d’un peloton d’infanterie, derrière lequel marchait un groupe de vieillards dont l’un portait une bannière sur laquelle on avait écrit : Le peuple français honore la vieillesse, ensuite venaient un peloton d’infanterie et un groupe de jeunes citoyens, avec une bannière sur laquelle on lisait : Espérance de la patrie, un peloton de troupes, puis les pères et les mères des défenseurs de la patrie, portant une bannière, ornée de cette inscription : La cause de la Liberté est la seule qui sanctifie l’effusion du sang ; un peloton d’infanterie, suivi des citoyens blessés à la défense de la Liberté ; leur bannière portait : La Liberté est notre récompense, un peloton de troupes suivi de la musique et des choeurs de chanteurs et de chanteuses. On voyait alors s’avancer le cortège des citoyens et des citoyennes qui portaient les urnes funéraires, les jeunes filles étaient vêtues de blanc, avec une ceinture tricolore et tenaient les cordons qui étaient attachés aux urnes. Derrière elles étaient placés de jeunes enfants portant des vases pleins d’aromates. Sur la bannière de ce groupe se lisaient ces mots : Aux victimes de la tyrannie, un peloton d’infanterie, puis un groupe de militaires, avec une bannière ornée de cette inscription : L’audace fit les rois, mais la vertu du peuple est d’user de ses droits, un peloton d’infanterie, et la société populaire, au milieu de laquelle était une bannière, où l’on voyait l'oeil de la surveillance avec cette inscription : Fraternité. Enfin un peloton de troupes fermait le cortège (Délibération du conseil général de la commune, 1 ventôse, an II). Lorsqu’on fut arrivé au temple, le citoyen Guillaume fils, agent national près la commune, étant monté à la tribune, prononça, an milieu du grand concours des citoyens qui s’y étaient réunis, un discours relatif au double objet de la réunion. Il fut remplacé par l’agent national près du district. Ensuite l’hymne de la liberté et d’autres chants patriotiques furent chantés par les choeurs de jeunes citoyens et de jeunes citoyennes avec accompagnement de la musique, puis l’on procéda à l’inauguration du temple de la Raison. Une femme jeune et belle appartenant à une des meilleures familles de la ville, représentait la déesse de la Liberté. Elle était vêtue d’une robe blanche de batiste « à la Diane » fendue sur la hanche, et par dessous ce nuage d’air tissu un maillot collant couleur chair ; un manteau bleu céleste flottait sur ses épaules et ses cheveux épars étaient recouverts du bonnet phrygien en soie rouge, l’ensemble du costume représentait ainsi les couleurs nationales. Elle avait des cercles de camées aux jambes et s’appuyait sur une pique. Assise sur un siège de verdure, elle reçut les hommages des assistants qui entonnèrent l’hymne de la Raison.

Le citoyen Bouestard, membre de la société populaire, monta à la tribune et prononça un discours relatif à l’objet de cette fête nationale qui était le triomphe de la philosophie et la mort de la superstition.

Après un intermède de la musique, le citoyen Nicole, juge du tribunal du district, lui succéda à la tribune et prononça un discours sur la fête de l’exécration du dernier tyran et de la tyrannie. « Les vérités soumises, dit le procès-verbal, par les différents orateurs, ont paru vivement et généralement senties. Au sentiment du respect et de la satisfaction qui avait régné pendant l'inauguration du temple, a succédé celui de l'indignation et de l'horreur, pendant la fête de l'exécration des tyrans et de la tyrannie ».

On sortit ensuite du temple dans le même ordre que l’on y était entré et l’on parcourut les rues des Arts (du Mur), du Pavé et des Côtes-du-Nord, (Saint-Melaine). La déesse de la Liberté était assise sur un canon, traîné par quatre chevaux blancs, et partout sur son passage, un peuple enthousiaste criait : Vive la République ! Guerre aux tyrans ! Paix aux chaumières !

Lorsqu’on fut de retour au temple, des chants patriotiques furent encore exécutés, la musique fit entendre des symphonies guerrières, et le cortège rentra à la maison commune. Le soir il y eut des bals donnés dans la grande salle de la Mairie et à la société populaire [Note : Les détails de cette fête se trouvent dans les archives de la Mairie, qui cependant gardent le silence sur la présence de la déesse de la Raison. Le neveu de la personne qui représenta la Raison, un ancien maire de la ville, nous a donné le nom de sa tante, les détails sur son costume, le récit de la fête, le tout lui ayant été transmis comme tradition de famille. M. Le Morvan, dans son Esquisse monographique du Mur, raconte aussi le même fait, sans indiquer toutefois à quelle source il a puisé. Nous donnons donc, comme tradition orale la partie de notre récit qui concerne la déesse Raison].

Le 24 germinal, la délibération suivante fut prise : « Le corps municipal arrête, que les objets de cuivre existant dans les églises, au delà de ce qui est strictement nécessaire à la desserte du culte, seront retirés, qu’état en sera dressé et qu’il seront envoyés à tel dépôt national qu’il sera vu appartenir pour être appliqués à un usage utile à la République, que le linge existant dans les dites églises sera aussi, pour tout ce qui excède les besoins indispensables de la desserte du culte, retiré, qu’état en sera dressé et que ce linge sera appliqué au service et pansement des marins de la République dans l’hôpital général de cette commune, journellement plein de nos frères de la marine allant à Brest ou en revenant ;

Arrête également la suppression à compter de ce jour des sons d’agonie et de ceux dits d'Angelus ! , charge le bureau d’intimer la défense de faire à l’avenir aucun son de cloche de cette nature ;

Et considérant l’importance que l’ouverture du travail, son interruption pour le repas et la clôture, le soir, soient annoncées d’une manière quelconque, arrête, que le concierge du temple de la Raison sera chargé et tenu de sonner à toute volée pendant un demi-quart d’heure, le matin pour le réveil et l’annonce de l’ouverture du travail, à cinq heures en été, eu hiver à six, à midi pour annoncer la clôture, la cloche réservée à l’effet de convoquer les assemblées politiques et pour autres usages civils ».

Le culte de la Raison ne tarda pas à être enrayé par Robespierre, qui était disciple de Rousseau, et qui était un déiste convaincu et fort intolérant. Sur son rapport la Convention décréta ; le 18 floréal, an II (7 mai 1794) :

La proclamation de l'Être suprême. — Cette fête devint une fête réglementaire ainsi que les suivantes, qui devaient se célébrer les jours de décade : Au Genre humain ; — au Peuple français ; — aux Bienfaiteurs de l’humanité ; — aux Martyrs de la liberté ; — à la Liberté et à l'Egalité ; — à la République ; — à la Liberté du monde ; — à l'Amour de la patrie ; — à la Haine des tyrans et des traîtres ; — à la Vérité ; — à la Justice ; — à la Pudeur ; — à la Gloire et à l'Immortalité ; — à l'Amitié ; — à la Frugalité ; — au Courage ; — à la Bonne Foi ; — à l'Héroïsme ; — au Désintéressement ; — au Stoïcisme ; — à l'Amour ; — à la Foi conjugale ; — à l'Amour paternel ; — à la Tendresse maternelle ; — à la Piété filiale ; — à l'Enfance ; — à la Jeunesse ; — à l'Age viril ; — à la Vieillesse ; — au Malheur ; — à nos Aïeux ; — à la Postérité ; — au Bonheur.

Fête de l'Être suprême. — Cette fête fut célébrée le 20 prairial an II. Dès l’aurore une musique guerrière parcourut les différents quartiers de la ville pour annoncer la fête. A dix heures, les autorités sortirent de la mairie et escortées par le bataillon de la garde nationale et celui de la Seine-Inférieure, alors en garnison à Morlaix, se rendirent au temple de la Raison.

Dans le cortège, on voyait des groupes de citoyens portant les attributs relatifs aux arts, aux vertus et aux âges. Lorsque les autorités eurent pris place, l’agent national monta à la tribune destinée à la lecture des lois et prononça un discours propre à inspirer aux assistants le respect et le silence, pendant la fête auguste qu’on allait célébrer. Après la lecture des lois, un hymne en l’honneur de l'Être suprême fut chanté, avec accompagnement de la musique. Plusieurs orateurs montèrent à la tribune et prononcèrent des discours propres à propager de plus en plus dans l’âme des citoyens, les sentiments de respect et de vénération dus à l'Être suprême, et la croyance à l’immortalité de l’âme. Lorsque ces discours furent terminés, la musique exécuta encore plusieurs morceaux.

Le cortège retourna sur la place du Peuple. Là toutes les maisons étaient décorées de guirlandes et de fleurs ; la balustrade qui entourait l’arbre de la Liberté, était ornée d’attributs et garnie de trophées militaires. Une montagne artificielle avait été élevée à l’extrémité de la place, la musique prit place au sommet et plusieurs hymnes patriotiques furent chantés, et toute la ville retentit de cris d’allégresse.

Le 19 fructidor, an II (2 septembre 1794), on ajouta à ces fêtes les cinq sans-culotides, qui furent consacrées à la Vertu, au Génie, au Travail, à l'Opinion, et aux Récompenses.

La constitution de l’an III ne reconnut que sis fêtes nationales : celles de la Jeunesse, des Époux, de la Reconnaissance, de l'Agriculture, de la Liberté, des Vieillards, auxquelles notre municipalité ajouta un certain nombre de fêtes politiques.

Toutes ces fêtes durent être célébrées au Mur qui devint le temple des lois et des assemblées décadaires, mais il n’est resté aucun document qui en fasse mention, pendant cette année et les années suivantes. Nous n’en retrouvons les comptes-rendus qu’en l'an VII, où elles furent célébrées avec beaucoup plus d’éclat qu’auparavant, grâce au comité des fêtes qui fut créé par la municipalité. Les commissaires organisèrent des jeux publics, donnèrent des distinctions honorifiques aux belles actions et aux élèves des écoles qui se faisaient remarquer le plus dans leurs études.

Fête de l’anniversaire de la fondation de la République. — Cette fête fut célébrée le 1er vendémiaire an VII. Les fonctionnaires civils et militaires s’étant réunis à la mairie, se rendirent sur la place du Peuple, d’où un cortège nombreux de citoyens et de citoyennes, précédé d’une belle musique guerrière, les conduisit au temple des lois, embelli de guirlandes et décoré d’inscriptions civiques. Partout sur leur passage, les autorités étaient acclamées des cris : Vive la République ! Haine à la royauté et à l’anarchie ! Le président de l’administration, étant monté à la tribune, prononça le discours suivant :

« Citoyens, si l’enthousiasme du peuple français, si les lois ont marqué par des fêtes célèbres, les plus grandes époques de la nature et celles d’une révolution qui nous en rapproche par le sentiment de l’égalité, il n’en est cependant aucune qui pénètre l’âme d’un peuple libre d’une idée plus grande, plus digne de sa primitive origine que celle de la fondation de la République. Qu’il est majestueux, qu’il a droit à nos hommages, ce spectacle d’un peuple valeureux qui brise ses antiques chaînes et assure ses droits au prix de son sang et sacrifie ses richesses au maintien de sa liberté. Rien, non rien au monde n’est plus ravissant qu’un peuple immense uni se jurant au même instant d’aimer sincèrement la patrie et de rester toujours uni, pour la défendre.

Associons au voeu sacré que nous faisons à la Liberté qui nous a donné le gouvernement que nous célébrons aujourd’hui, cette crainte de ne pas atteindre le but qu’il nous propose ou de le dépasser. Ce but si cher, la Constitution l’a posé, c’est elle qui nous assure la République et c’est la République bien affermie, fruit de tant de fatigues et de sollicitudes, compagne d’une grande Révolution qui doit nous assurer le bonheur auquel nous aspirons.

Entendons son langage, de tous côtés elle nous crie que trop longtemps le sang français a coulé pour les prétentions de nos anciens tyrans, que s’il baigne le champ de nos victoires, il en éternisera les lauriers ; qu’en vain les rois s’obstinent à méconnaître l’indépendance qu’elle nous assure, puisqu’ils ne peuvent nier l’existence de la nation française et celle d’un territoire, sur le quel trente millions d’hommes ont proclamé la Liberté.

Peuples qui vivez encore sous le joug des rois, à l’aspect de la République, connaissez mieux vos droits, apprenez que ceux qui vous gouvernent, ne veulent pas qu’une nation puissante, donne à l'Europe l’exemple d’une constitution libre, fondée sur les droits sacrés de l’homme. Ils craignent que le spectacle de cette liberté ne vous apprenne à la chérir. Il serait perdu pour eux l’espoir coupable de vous retenir dans ce sommeil, dont ils profitent pour saper les fondements de la Liberté qui vous reste et pour forger ces chaînes auxquelles, dans le délire de leur orgueil, ils osent encore condamner l’espèce humaine. Nous citoyens, qui touchons au glorieux repos que nous acquièrent de périlleux triomphes, après une invocation fraternelle aux peuples opprimés sous des jougs différents, célébrons l’anniversaire de la République, comme le plus grand et le plus heureux des jours. C’est par cette institution sublime, créatrice des vertus les plus héroïques, que le peuple français voit sans incertitude sa liberté et son repos également assurés. 

Oui, c’est lorsque la République existe, c’est lorsqu’elle est sagement constituée, qu’elle a triomphé de toutes les factions, qui ont voulu périodiquement la renverser sous des masques différents, que l’homme vertueux peut librement énoncer sa pensée sans craindre d’être voué aux fers ou à la mort par la seule volonté d’un chef de parti. C’est quand la loi, la loi seule punit et protége, avec une égale impartialité, que l’homme social est élevé à sa véritable dignité. C’est alors que dans les moments de crises, tous les citoyens ont un point de ralliement assuré, et ce point est la constitution, charte sacrée qui assure à chacun l’exercice de ses droits, les fruits de son industrie et de la propriété et toute la liberté civile et politique.

Loin de nous cependant cette sécurité trop confiante qui anéantit la vigueur de l’âme. La Liberté doit être vigilante, active, elle doit même être inquiète sur les atteintes qu’on pourrait lui porter, pour anéantir au besoin l’usurpateur qui voudrait faire tourner à son profit le bonheur qu’elle dispense.

J’aime à vous le répéter, citoyens, le jour où nous célébrons la fondation de la République, est pour nous le plus heureux, comme le plus sacré des jours. Que cette brillante époque, que des jours de paix vont suivre bientôt, augmente le délire patriotique qui doit régner dans toutes les fêtes qui l’accompagnent. Que les coeurs froids, que les âmes insensibles à l’amour de la Patrie ; que celles qui ne seraient pas émues par l’objet qui nous rassemble, fuient l’approche du concours des amis de la Liberté. Que la joie la plus vive, que la douce fraternité et le plus heureux abandon règnent parmi les bons citoyens ; que la voix du plaisir s’accorde avec les accents de la Liberté et donne de l’action et de la vie aux sentiments qui nous pressent, la reconnaissance envers les héros de la Liberté et l’amour de la République et des lois ».

Ce discours fut accueilli par les plus vifs applaudissements. Aussitôt on proféra le serment de haine à la royauté, aux cris de vive la République, suivis des chants civiques et des airs patriotiques.

A la fin de la séance les autorités se rendirent auprès de l’arbre et de la statue de la Liberté, à laquelle, en reconnaissance du don qu’elle avait fait au peuple français, on adressa l’hommage de l’amour qu’on lui portait par ce couplet : « Amour sacré de la Patrie etc ».

Dans l’après-midi, l’administration, accompagnée du même cortège, se rendit sur le Champ de Mars, où l’on avait disposé une lice pour la course, un amphithéâtre pour les autorités et des places pour les spectateurs. Les vainqueurs recevaient les prix des mains des jeunes citoyennes et le président donnait l’accolade à ceux qui s’étaient le mieux distingués.

Les danses au son des musettes et des violons succédèrent aux jeux et elles furent « d’autant plus goûtées qu’on prit une partie de la nuit pour suppléer à un jour qu’on avait su rendre trop court ».

Fête de la Souveraineté du Peuple. — Cette fête fut célébrée, le 30 ventôse, an VII. Les autorités partant de la place du Peuple, tambours et musique en tête, se rendirent au temple décadaire, qui était décoré de statues et de figures emblématiques représentant la Liberté et la Souveraineté du peuple. Lorsque la musique eut célébré l’entrée au temple, le citoyen Bouestard, administrateur municipal, monta à la tribune et parla en ces termes :

« Citoyens, dont le tact et l’oeil philosophique avaient marqué, depuis longtemps la fin de l’esclavage des nations au moment où la saine raison viendrait dissiper les erreurs grossières, les préjugés absurdes, aux quels l’hydre à cent têtes, la Tyrannie devait son origine et son appui, vous tous enfin qui chérissez la Patrie et la Liberté, vous applaudissez sans doute aux soins qu’ont pris vos magistrats, pour établir dans cette enceinte l’ordre et la décence que commandent les grands intérêts qui nous y rassemblent.

La fête que nous y célébrons aujourd’hui, fête dont un de mes collègues va vous détailler le prix et l’importance, suffirait seule pour m’autoriser à vous dire : Cette enceinte est auguste, elle l’est par son nom seul ; c’est le temple de la loi, qui doit avoir aussi sa religion et son culte. La loi, source de toutes les vertus sociales émane de l'Être suprême. Le premier, il dicta ces lois éternelles de la morale universelle, gravées dans nos âmes, ces principes immuables par les quels se meut et se conserve ce vaste univers toujours périssant et toujours revivifié. Oh ! toi qui sous les auspices de ce moteur universel, fais constamment triompher nos défenseurs intrépides de ces hordes d’esclaves, qu’arment contre toi des rois impies, Liberté sainte, viens m’inspirer ; sans la loi ton retour au milieu de nous ne sera que précaire, viens donc m’aider et convaincre mes concitoyens que la Religion et la Loi suffiraient seules pour établir sur des bases solides le bonheur de l’homme en particulier, celui des humains unis par le pacte social. Oh ! mes concitoyens, gardez-vous de croire qu’en essayant de voue démontrer ces deux vérités, je veuille éteindre, dans vos âmes, les sentiments religieux, par les quels vous honorez peut-être diversement l’intelligence suprême ; n’en doutons pas, elle les agrée tous, lorsqu’ils partent d’un coeur pur et nous devons comme elle les tolérer tous, sitôt qu’ils ne sont pas en contradiction avec la loi de la nature, avec celle du gouvernement. Je dis plus, c’est proclamer l’existence de cet Être incompréhensible, c’est en affirmer tous les cultes, que de dire aux humains, divisés sur cet objet, ralliez-vous tous autour de la loi, vous fixerez la paix sur la terre, vous assurerez votre bonheur, vous affermirez celui de tous les hommes.

Voyons, en effet, quelles sont les sources du bonheur de l’homme en particulier, de celui des hommes réunis ? 

Vous ne vous attendez pas à me voir mettre au premier rang les faveurs de la fortune. Le hasard et le crime souvent les déterminent, le remords et l’opprobre souvent en sont les suites.

En vain je parcourrais à vos yeux la longue et fastidieuse nomenclature des objets, sur lesquels, s’écartant des lois naturelles et sociales, l’homme a faussement établi sa félicité. Suivrons-nous le voluptueux ? souvent et presque toujours le dégoût et la douleur sont les suites de ce penchant effréné pour le plaisir ; l’avare, la tête appuyée sur son or, craint la disette, s’amaigrit et ne sommeille pas ; la soif de l’ambitieux s’irrite par la possession des places que souvent il usurpe sur le talent modeste.

Quelle jouissance pourra donc satisfaire chez nous le désir du bonheur ? La jouissance de notre propre estime, de celle de nos concitoyens. Que faut-il pour obtenir l’une et l’autre ? S’abstenir de toute action qui répugne à notre conscience, à ce sentiment intime qui seul nous suffit pour distinguer l’utile et l’honnête, se faire aimer par le bien que l’on pratique, par la bonne réputation que l’on acquiert, elle est le fruit nécessaire des talents et de la vertu. Mais celui dont la conduite est toujours en opposition avec la loi, pourra-t-il se procurer ces précieux avantages ? Non ; s’il affecte d’être heureux, il ment à sa propre conscience, il éprouve des remords continuels ; la paix et le repos ont fui de son coeur.

Oh ! si toujours esclave de ses passions, presque toujours en opposition à la loi, l’homme manque le bonheur, dont le désir est semé dans son âme, qui peut douter qu’il atteindrait ce but en suivant la route opposée et, que par une suite nécessaire, il opérerait le bonheur des individus avec les quels il vit en société.

La loi ne nous oblige en effet que parce qu’elle est l’expression de la volonté générale et que dès lors elle a pour motif et pour but le bonheur du plus grand nombre.

Suivons un instant la conduite de l’exact observateur de la loi, il n’obéira pas à la fougue de ses passions, il verra que pour étancher la soif de l’or, il faut étouffer la première, comme la plus douce loi de la nature, celle de répandre des bienfaits sur ses semblables, il verra que pour s’enrichir il faut souvent violer le premier principe de la justice qui veut que les hommes en société respectent leurs propriétés mutuelles. L’ami de la loi se laissera-t-il aller aux horreurs de la vengeance, aux cris de l’ambition ? Non ; la loi naturelle lui commande d’aimer ses semblables, les lois sociales punissent les excès aux quels l’entraîne cette passion qui le dégrade, il sait que l’ambitieux se permet de rabaisser le mérite, de calomnier le talent, et la loi naturelle veut qu’il prise chez autrui les qualités qu’il désire voir estimer en lui.

Je pourrais tracer ici le cercle effrayant des vices et des désordres, dont l’explosion trouble et dérange l’harmonie sociale, je pourrais prouver qu’il sont tous la suite et l’effet du mépris et de l’oubli de la loi, et par une conséquence nécessaire, j’aurais prouvé que le citoyen fidèle à son culte appellerait et conserverait sur la terre le bonheur de ses semblables. J’aurais prouvé qu’alors, satisfait et tranquille, il jouirait de l’estime universelle, dont la sienne viendrait encore augmenter le prix. C’est dans ce port que l’ami des lois, à l’abri des orages, jouissant d’un bonheur pur, attend avec confiance l’instant qui doit briser sa fragile existence ; mais, pour y parvenir, que d’efforts à faire sur nous-mêmes, que de vices à éviter, que de devoirs à remplir ! La loi nous interdit les premiers, d’une main sûre elle nous trace les autres. Ecoutons-la, nous l’entendrons nous crier dans quelque état que nous aient placé le hasard de la naissance, la bizarrerie des événements, qui nous ballottent, la fortune, qui sans motifs nous abaisse et nous élève : Tu ne peux, ni ne dois oublier les devoirs que le sentiment intime de ton existence, la reconnaissance et l’aspect admirable de l’univers te commandent envers le premier moteur, tu ne peux ni ne dois oublier les devoirs que la loi naturelle et les lois sociales te commandent envers toi-même et tes semblables. Tu ne peux enfin oublier les devoirs que le pacte social t’impose envers ta patrie. Ah ! si maîtrisé par tes passions, gouverné par l’illusion des circonstances, ton âmes pu quelquefois les méconnaître ou les négliger, c’est dans ce temple que le souvenir en sera attaché.

Oui, c’est ici que le magistrat se pénétrera qu’il est de son devoir de concilier l’inflexible sévérité des lois avec les égards qu’il regretterait de n’avoir pas eus pour l’innocent souvent accusé et qu’il serait barbare de violer envers celui que la loi le force de condamner. L’administrateur, depuis le premier jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie politique, s’y convaincra que, chargé de la chose publique, il lui doit tous ses soins, pour en opérer le bien, pour en prévenir les désordres et la chute ; qu’honoré de la confiance de ses concitoyens, il doit assurer leur bonheur par le sacrifice de son repos, leurs propriétés par celui de sa fortune, leur existence par celui de la sienne propre, si pour le maintien des lois, il est forcé de la sacrifier. C’est encore ici que le vieillard, respecté par la jeunesse, sentira qu’il lui doit à son tour l’exemple des vertus, et que toujours devant elle, il doit mettre sur ses lèvres le cachet de la décente circonspection.

Ici les pères et les mères apprendront que leur tendresse pour leurs enfants n’est qu’une faiblesse inexcusable, lorsque cédant à leurs caprices, à leur paresse, ils négligent de former leurs âmes à la vertu, de disposer leurs esprits aux talents et d’imprimer dans leurs coeurs l’amour sacré de la patrie, le respect à la loi.

Vous, enfants, dont les heureuses dispositions font l’espoir le plus consolant de vos familles, n’oubliez jamais que le premier, le plus sacré de vos devoirs, est une reconnaissance sans bornes, une soumission la plus entière, un attachement le plus sincère envers vos pères et vos mères, croyez-en sur cet objet l’expérience de tous les temps, de tous les pays ; l’enfant assez malheureusement né pour ne pas remplir ces devoirs sacrés, devient communément l’opprobre de la famille, le fléau de la société, ce sentiment éteint ouvre son âme à tous les crimes.

J’en ai dit assez, citoyens, pour vous prouver que votre bonheur est tout entier dans l’exécution de la loi. Vos magistrats auront donc la satisfaction de vous voir vous presser dans son temple pour l’y entendre et l’y méditer avec eux, nous y arracherons de concert le germe de tous les vices, nous y cultiverons les semences de toutes les vertus, alors la félicité commune et particulière s’affermira, le gouvernement républicain prospérera ; la vertu seule en est le principe, nous forcerons ses destructeurs à l’admirer et, sous l’égide de la loi, nous jouirons avec sagesse des droits de la souveraineté, des bienfaits de la liberté »

A la suite de ce discours, le citoyen Duquesne, président, monta à la tribune, fit la lecture des lois, des proclamations du directoire exécutif et prononça sur la souveraineté du peuple un discours qui fut chaleureusement applaudi.

La musique exécuta diverses symphonies, après quoi le président ayant donné la main au vieillard le plus âgé de l’assemblée, le conduisit à l’autel de la patrie et en face de la statue de la liberté, le vieillard prononça la formule ainsi conçue : « La souveraineté du peuple est inaliénable ; comme il ne peut exercer par lui-même tous les droits qui en découlent, il délègue une partie de sa puissance à des législateurs et à des magistrats choisis par lui-même ou par des électeurs qu’il a nommés. C’est pour le pénétrer de l’importance de ces choix que le peuple se rassemble aujourd’hui ». Le président lui répondit : « Le peuple a su par son courage, reconquérir ses droits trop longtemps méconnus ; il saura les conserver par l’usage qu’il en fera : il se souviendra de ce précepte qu’il a lui-même consacré par sa charte constitutionnelle, que c’est de la sagesse des choix dans les assemblées primaires et électorales que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la République », et lui donna l’accolade fraternelle. Le cortège retourna à la mairie où l’on se sépara au cri de : Vive la République ! 

Fête des Epoux. — Cette fête fut célébrée, le 10 germinal an VII. L’administration adressa des lettres d’invitation aux personnes qui s’étaient mariées dans le mois de germinal et à celles qui avaient adopté des enfants. La réunion des invités eut lieu sur la place du Peuple d’où l’on partit à 4 heures un quart pour se rendre au temple décadaire. Les groupes qui faisaient partie du cortège avaient des bannières dont les inscriptions étaient : à la République, à la Reconnaissance, à l'Hymen et aux Vertus conjugales. Le président de l’administration municipale donnait le bras au citoyen Laudren qui, depuis huit ans, partageait son pain avec une enfant abandonnée, bien qu’il fût déjà père d’une nombreuse famille et qu’il fût dans un état voisin de la misère. Six autres citoyens accompagnaient les orphelins et les orphelines qu’ils avaient adoptés ; après eux venaient les mariés du mois de germinal, suivis de trois jeunes couples qui allaient consacrer leur union au temple des Lois.

Lorsque les membres du cortège eurent pris la place qui leur était assignée, un des administrateurs fit un discours pour faire connaître le motif de cette réunion. Le président donna lecture de l’acte constitutionnel, des lois promulguées dans la décade, des nouvelles pouvant concerner les citoyens, et du registre de l’état civil, après quoi la musique exécuta l’ouverture du Baiser, et le choeur fit entendre un chant patriotique.

Le président étant monté à la tribune, prononça un discours sur le mariage et contre le célibat. « Longtemps, citoyens, leur dit-il, des préjugés absurdes firent du célibat une vertu, l’amour, même légitime, ce sentiment consolateur qui sèche les pleurs de la patrie et ceux des familles, fut mis au rang des faiblesses par des hommes qui sanctifiaient ces monstrueux sacrifices de l’espèce humaine, dictée par des courtisanes ou des ministres avides de pouvoir. La République, bien différente, honore le lien conjugal comme base fondamentale de la prospérité publique et privée. C’est au père d’une famille élevée pour elle, qu’elle assigne les premiers emplois  c’est à lui qu’elle dit : Vous avez obéi sans rougir à l’empire de la nature, vous m’avez donné des citoyens et assuré des défenseurs, vous êtes mon enfant chéri ..., citoyens, enseignez à vos épouses, qu’après le plaisir de donner le jour à un citoyen, celui de l’allaiter et de former son coeur tient le premier rang, dites-leur bien de ne jamais abandonner les soins de la première enfance à des mains mercenaires, dont le moindre des maux est d’altérer les sources de la santé. Et vous célibataires, vous à qui la nature reproche la stérilité et la société, peut-être l’inhumanité, vous êtes étrangers au bonheur de la famille, la vie vous fut prêtée, vous la deviez aux générations futures, vous vous enorgueillissez de l’indépendance : vous êtes des égoïstes. C’est au soir de la vie que je vous attends, les regrets viendront vous y assaillir, vos yeux se fermeront, sans avoir pu fixer le cortège consolant d’une famille vertueuse.... Puisqu’il en est temps encore, allez donner à l'Etat des citoyens qui répéteront avec vous, les mêmes transports, Vive la République ! »

A ce cri d’allégresse succéda l’air : « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille », pendant lequel le président donnait l’accolade fraternelle aux citoyens bienfaisants qui élevaient des orphelins et il consacrait les mariages. Après cette cérémonie la musique exécuta l’hymne de l'Hymen, composé par Geinguenet de l’institut national, et l’hymne des Marseillais.

Les autorités retournèrent à la place du Peuple, aux sons des tambours et de la musique, et l’on se sépara au pied de la statue et de l’arbre de la Liberté.

Fête de la Reconnaissance et des Victoires réunies. — Cette fête fut célébrée, le 10 prairial. Les autorités et les personnes qui devaient faire partie du cortège, partirent de la place du Peuple. Les troupes formaient la haie et des groupes d’enfants alternaient avec des groupes de vieillards qui portaient des bannières. Le temple était orné d’inscriptions en rapport avec la fête, et au moment de l’arrivée des autorités la musique joua des airs patriotiques. La séance fut inaugurée par la lecture du bulletin télégraphique annonçant une victoire des Français sur les Russes ; cette nouvelle fut reçue aux cris de : Vive la République et ses braves défenseurs ! 

Après la lecture des actes officiels, le président prononça un discours sur la Reconnaissance, à la suite du quel la musique exécuta l’ouverture de Panurge. Les choeurs chantèrent avec accompagnement à grand orchestre l’hymne à l'Égalité, commençant par ces mots : Égalité douce et touchante ! Le président célébra quatre mariages et après avoir entendu encore une symphonie, le cortège officiel sortit du temple dans le même ordre qu'il avait à l’arrivée.

Fête funèbre relative à l’assassinat des ministres français à Rastad. — Cette cérémonie eut lieu le 20 prairial ; elle fut annoncée par la cloche décadaire qui tintait à coups interrompus, et les troupes eurent des marques distinctives de deuil. Le général Oshée fut invité à hisser à moitié mât le pavillon national que l’ordonnateur de la marine de Brest venait d’offrir à la ville. Cette cérémonie fournit l’occasion aux administrateurs de haranguer le peuple et alors la musique fit entendre l’air de Ça ira ! 

Aussitôt après, on se dirigea vers le temple. Le cortège avait tout l’appareil d’une pompe funèbre, les tambours voilés faisaient entendre des roulements lugubres et la musique exécutait la marche funèbre composée par le citoyen G. Guégot, commissaire du Directoire près de l’administration municipale ; les officiers portaient le crêpe au bras et les soldats, les armes renversées.

Le temple était décoré de tentures noires, de cyprès et d’inscriptions. Au milieu de la nef était une urne portant cette inscription : Aux mânes de Roberjot et Bonnier, et la statue de la Liberté tenait à la main une légende où on lisait en gros caractères : VENGEANCE ! Les écoles étaient dans les tribunes ; et celle d'hydrographie avait un guidon portant ces mots : Ecole nationale de navigation.

Après la lecture des documents officiels la musique exécuta une marche funèbre, à la suite de laquelle, le président Duquesne donna communication des pièces concernant le massacre des ministres à Rastad.

Alors le citoyen Penguern chanta un hymne qu’il avait composé à la mémoire des martyrs de la liberté et la musique exécuta l’ouverture d'Iphigénie en Aulide et le Chant du Panthéon. Le citoyen Bouestard monta à la tribune et fit le récit de la mort de nos ministres, assassinés par l’empereur d'Autriche, auquel il lança cette apostrophe : « Aveugle tyran, despote insensé, tu viens d’effacer, de surpasser tous les forfaits que les pages de l’histoire ont transmis aux nations et par lesquels les Néron, les Charles-Quint, les Charles IX et tant d’autres monstres armés d’un sceptre de fer, ont versé sur leur cendre et sur leur nom la haine la plus implacable et l’exécration la plus universelle. Ces sentiments terribles animent aujourd’hui une nation généreuse qui voulait t'épargner... Tyran tremble, nous les vengerons !... C’est dans vos mains, Masséna, c’est dans les tiennes, Moreau, notre concitoyen, que nous remettons le soin de notre vengeance. Nous en sommes impatients et nous gémissons de n’en pouvoir partager avec vous la gloire et les dangers. Vengeance !, Vengeance ! ».

Ce cri de vengeance fut énergiquement répété par toute l’assistance et retentit jusqu’au dehors. Puis la musique voulant prendre part à cette manifestation exécuta en choeur la strophe Amour sacré de la patrie, conduis, soutiens nos bras vengeurs, arrangée en trio par le citoyen G. Guégot. En quittant le temple chacun des assistants déposait sur l’urne des victimes le rameau de chêne qu’il portait à la main. Des symphonies furent encore jouées au pied de la statue et de l’arbre de la liberté et après la parade les rangs furent rompus.

Fête de l'Agriculture. — Cette fête fut célébrée, le 10 messidor. Dès la veille, l’administration municipale fit annoncer la fête dans toute la ville. Elle envoya chez tous les cultivateurs deux hérauts qui avaient ordre de suspendre à leur porte un rameau de chêne et de les inviter à assister à la fête an nom de la municipalité.

A quatre heures et un quart, tous les fonctionnaires civils et militaires étaient réunis sur la place du Peuple. Un roulement de tambour annonça le départ et le cortège se forma sur le champ dans le plus bel ordre. Un peloton de chasseurs ouvrait la marche, à leur suite venaient les tambours, la musique, la gendarmerie, les hérauts et les autorités, rangées sur deux rangs. Le président à la droite conduisait un cultivateur et lui donnait le bras, son exemple était imité par tous les administrateurs, par le général Oshée et par tous les officiers. Tous portaient à la main un rameau de chêne, et un autre rameau était placé au chapeau à côté de la cocarde nationale.

Au centre du cortège, on voyait une charrue ornée de rubans aux couleurs nationales, de gerbes de fleurs de chêne et traînée par deux boeufs et un cheval aux harnais couverts de nœuds tricolores. La charrue était conduite et dirigée par trois jeunes agriculteurs que suivaient un groupe de citoyens, enfin un peloton de chasseurs fermait la marche.

Le cortège se rendit au temple qui était décoré de guirlandes de verdure, de feuillages et de massifs de chêne. Des ustensiles de labourage étaient suspendus à une colonne qui s’élevait au milieu du temple, et la statue de la Liberté était ornée des prémices de la saison.

Autour du temple étaient suspendues les inscriptions suivantes : 1° C’est dans les champs qu’on trouve une mâle jeunesse. C’est là qu’on sert les dieux, qu’on chérit la vieillesse. J’admire tes bienfaits, divine agriculture, Tu sais multiplier les dons de la nature. La victoire, les arts, la liberté, l’honneur, Sont le partage heureux du peuple agriculteur.

Le cortège étant rendu au temple, les agriculteurs eurent les places d’honneur. Après les lectures des actes officiels, le citoyen Duquesne, président, prononça un discours sur les bienfaits de l’agriculture. « C’est aujourd’hui, citoyens, dit-il, que !a France semblable à la République Romaine dans ses beaux jours, honore l’agriculture ».

Les législateurs en consacrant cette époque à l’art de cultiver la terre, de la fertiliser pour les besoins de l’homme, ont voulu venger « l’outrageant oubli où l’orgueil monarchique avait plongé le premier comme le plus grand de tous les arts... Vertueux agriculteurs, vous fûtes longtemps, sous des hommes jadis puissants, associés aux animaux compagnons de vos travaux : les monstres ! ils méconnaissaient en vous les fils aînés de la nature, trop longtemps ils vous marquèrent du sceau de la servitude ; vous fûtes des instruments de leur ambition ; ils trafiquèrent des jours de vos enfants et des vôtres, et même de vos propriétés par une occupation qu’enhardit votre innocence. La République vous a rendus à la dignité d’hommes libres qui vous fut autrefois ravie. Ecoutez les accents de la fraternité ; désormais fertilisez vos champs en paix, votre repos sera respecté. Venez au temple, nous vous parlerons des sentiments de fraternité qui nous attachent à vous, et tous ensemble, nous ferons retentir, comme aujourd'hui, les voûtes de cette enceinte des cris répétés : Vivent les Agriculteurs ! ».

Après ce discours, la musique exécuta l’ouverture des Trois Fermiers et le citoyen Penguern chanta quelques couplets de sa composition.

Ce chant fini, la musique exécuta l’air Où peut-on être mieux, pendant lequel les administrateurs descendant de leur tribune, s’approchèrent des agriculteurs, les prirent par la main et les conduisirent près de la colonne où ils leur donnèrent l’accolade fraternelle et échangèrent contre des bouquets de fleurs, les rameaux de chêne qu’ils portaient à la main. La fête terminée, on se rendit au pied de la statue et de l’arbre de le Liberté d’où le cortège assista à la parade et au défilé des troupes. Nous avons voulu donner un aperçu des fêtes célébrées sous la République, nous ne faisons donc qu’énumérer les dernières.

Le 10 vendémiaire, an VIII, on célébra une fête funèbre à la mémoire du général Joubert. Le 10 ventôse, on fit prêter au temple décadaire serment de fidélité à la Constitution et nous trouvons la signature des citoyens Derrien et Lefrout, ministres du culte catholique. Le 25 messidor, on célébra encore, avec une grande pompe, l'anniversaire du 14 juillet, et enfin, avec beaucoup d’éclat, l'anniversaire de la fondation de la République, où les troupes firent le simulacre d’une petite guerre, le soir un feu de joie fut allumé et la journée se termina par une salve d’artillerie. Ce fut là la dernière fête célébrée au temple décadaire, du moins les registres des délibérations n’en font plus aucune mention. Il faut que nous arrivions au 18 pluviôse an X, pour trouver une délibération qui concerne l’église du Mur et nous y lisons cet arrêté : 

« Le maire a appelé l’attention du conseil sur l’état de dégradation de l’édifice connu sous le nom de Mur ; il a observé 1° que les moyens pécuniaires de la ville ne permettaient pas d’employer les faibles ressources de l’octroi à la réparation et à l’entretien de cet édifice ........... sur quoi le conseil délibérant arrête :

Article 1er. — Aucunes dépenses relatives à la réparation et à l’entretien de l’édifice du Mur, ne pourront être faites à l'avenir, sauf toutefois celles qui sont indispensables à l’entretien de l’horloge, tant qu’il en existera une dans la tour de cet édifice.

Article 2. — L’usage de l’édifice du Mur sera abandonné, si en se prolongeant, la ville de Morlaix était tenue aux réparations ».

Le 22 pluviôse an XI, eut lieu au sujet de cette église une nouvelle séance, dans laquelle il fut décidé qu’elle serait démolie, « mais qu’il était cependant avantageux de conserver la tour de cette église, monument antique d’une architecture estimée, dans laquelle d’ailleurs se trouvaient placés l’horloge principale de la ville et le beffroi ». Le conseil demanda donc au gouvernement la concession de cette église, pour être démolie au profit de l’hôpital général, à la condition d’en payer la valeur, suivant estimation faite et de conserver la tour comme propriété communale. Conformément à cette délibération, l’église fut vendue à M. Mahé, en 1805.

L’acquéreur fit démolir l’église « afin de profiter, le plus tôt possible de ses riches matériaux » ; mais le clocher, privé de l’appui de ses arcades et de ses murs, menaça bientôt ruine. Le vendredi, 28 mars 1806, dans la matinée, les passants virent rouler des pierres qui se détachaient du portail et du clocher, en même temps, il se produisait un tassement de la tour qui faisait prévoir une chute prochaine. A dix heures, une députation des habitants du quartier se rendit à la mairie pour informer l’administration, et M. Gouin, adjoint, qui remplaçait le maire, convoqua le sous-préfet, le conducteur des travaux, l’ingénieur et quelques maîtres maçons. On se rendit sur les lieux vers midi ; après examen, on constata qu’il n’y avait aucun moyen de porter remède au tassement et qu’il ne restait qu’à faire promptement évacuer les maisons voisines. L’administration se retira à la mairie pour préparer l’arrêté qui ordonnait aux voisins de quitter leurs maisons. Le gardien de la tour, qui ne croyait pas au danger, rentra chez lui et le nommé Guy Barazer qui se trouvait avec sa fille dans une maison longeant la venelle, ne voulut pas sortir.

La foule continuait à stationner dans le voisinage, lorsque vers midi trois quarts un bruit sourd et effroyable se fit entendre, et tout le quartier fut en un instant obscurci par une poussière épaisse et suffocante. Lorsqu’elle se fut dissipée, les regards cherchaient en vain la tour, il n’en restait plus une pierre debout. Quelques maisons du côté droit, en montant la rue, avaient été endommagées, celle de la venelle et celle du jardin avaient disparu sous les ruines.

L’administration et les habitants accoururent promptement sur le lieu du sinistre. On brisa, avec une masse de fer, la porte de la maison qui communiquait avec celle où le gardien était enseveli, et l’on put parvenir jusqu’aux décombres d’où sortaient des gémissements plaintifs. Après bien des efforts, on parvint à retirer le gardien qui était encore vivant, mais il mourut deux mois après, le 15 mars, des suites de ses blessures. Un enfant nommé Charles-Julien Cressever, âgé de deux ans et demi, fut trouvé mort au même endroit ; la mère, qui était auprès, fut retirée sans avoir beaucoup de mal. De l’autre côté, dans la maison qu’occupe maintenant la venelle, le jeune Bannéat, âgé de neuf ans, put être retiré sain et sauf, ce qui le fit surnommer « l’enfant du miracle » ; plus tard il devint prêtre et il est mort sous le second empire, curé de Taulé. Guy Barazer et sa fille Catherine que nous avons vus naguère ne tenir aucun compte des avertissements qu’on leur donnait, avaient cessé de vivre lorsqu’ils furent retirés de dessous les décombres : le père avait soixante-huit ans et la fille quarante. Sept personnes en tout furent retirées vivantes. Le cadavre d'Olivier Kerdreluz, âgé de 31 ans, journalier de profession, ne fut retrouvé que le 13 avril [Note : Ces noms ont été pris dans le registre des décès]. Ce malheureux était rentré dans sa maison, un quart d’heure avant la chute de la tour, pour sauver son argent. On mit des factionnaires aux deux extrémités de la rue, jusqu’à ce qu’il n’y eut plus de danger. Ce fut à cette occasion qu’un habitant voulant rentrer chez lui, reçut de la sentinelle, peu familiarisée avec les genres, cette réponse plaisante : « On ne passe pas, faites la tour » (Voir Lédan, Mémoire déjà cité).

Ainsi tomba cette église, ducale et royale, après quatre cent quarante ans d’existence. Cette grande bâtisse que vous voyez dans la rue de l'Auditoire et qui s’étend jusqu’à la rue de la prison, a été construite avec ses débris [Note : Plus tard dans cette maison, le feu prit aux vêtements d'une jeune fille qui fut brûlée vive, et le peuple, qui voit partout la main de Dieu dans les événements de ce monde, crut que c'était une vengeance du ciel]. Les pierres de son portail et de sa tour ont été vendues à l’adjudication, comme marchandise vulgaire, et ont servi à la construction des maisons ou à des travaux d’utilité publique. Il ne reste pas même une pierre pour en rappeler le souvenir (J. Daumesnil).

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