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MORLAIX JUSQU'A LA REVOLUTION

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Les sires de Léon, sous les titres successifs de comtes et de vicomtes, furent les premiers possesseurs de Morlaix. C’étaient des principes actifs, guerriers et turbulents, mais en général malheureux dans leurs entreprises militaires. Ils se virent bientôt disputer cette propriété par les ducs de Bretagne, dont la puissance s’accroissait chaque jour. L’esprit méchant et brouillon du vicomte Guyomar IV fournit à Geoffroy l’occasion qu’il cherchait de remettre cette ville sous sa domination. Le vassal s’étant révolté, en 1177, contre son suzerain, le duc marcha contre Morlaix, s’empara de la ville et la réunit au domaine ducal, afin de tenir sous l’obéissance les seigneurs de Léon, car cette ville était la clé du Pays.

Guyomar encore riche et puissant ne tint aucun compte de la confiscation, il leva des troupes et, suivi de son frère Hervé, il reprit, en 1186, la ville sur les officiers du duc, par l’intelligence de quelques habitants, et s’y enferma.

Un an après, Henri II Plantagenet, roi d'Angleterre, tuteur du jeune Arthur, duc de Bretagne, vint l’assiéger en personne. La ville se défendit vaillamment et les assiégeants ne mirent pas moins de vigueur dans l’attaque. Ils occupaient les hauteurs du Crec’hou, (Créclou veut dire les hauteurs) du Merdyet du Portzmeur, et ils avaient établi une communication entre leurs divers corps par un pont jeté sur le Keffleut devant Traon-ar-Vilin. Attaquée par trois côtés à la fois, Saint-Nicolas, Saint-Martin et le Parc-au-Duc, la place résista neuf semaines. A la fin, les « engins du roi lançaient de si grosses pierres », la famine devint si cruelle, qu’on fut forcé de se rendre.

Le roi, après avoir passé quelque temps à Morlaix, marcha sur Saint-Pol. En route, il rasa le château de Trébez (du Trépied) qui était bâti au confluent du Douant et de la rade, et qui appartenait aux princes de Léon. On en voit encore aujourd’hui les ruines au sommet de l’aride promontoire qui forme la limite de Taulé du côté du Levant. Après avoir accompli cet acte de vengeance, il enleva le château de Saint-Pol, qui fut aussi rasé ; les campagnes de Léonais devinrent la proie du pillage et de l’incendie. Peu à peu les seigneurs de Léon se refirent en silence, seulement leur principauté fut diminuée de moitié et ils n’eurent le droit que de porter le titre de vicomtes.

Morlaix resta au pouvoir du duc et Pierre Mauclerc y fixa sa résidence. Cependant les vicomtes persistèrent à soutenir leur droit sur la ville et la lutte continua entre eux et les ducs de Bretagne. Il paraît que durant ces guerres sanglantes, Morlaix retomba au pouvoir des vicomtes. Quand Jean II vit le vicomte ruiné par la débauche et ses folles prodigalités, il lui acheta, en 1280, la ville et le château de Morlaix moyennant quatre-vingts livres de rente. Déjà Brest avait été vendu pour une haquenée blanche et six cents livres.

Morlaix commençait alors à acquérir de l’importance. Son commerce d’exportation était florissant et ses pêcheries avaient une certaine renommée, lorsque la guerre civile de Blois et Montfort vint arrêter cette prospérité naissante. Jean III étant mort sans laisser de testament , Jean de Montfort, son frère , disputa le duché à Jeanne, sa nièce, épouse de Charles de Blois, neveu du roi de France Philippe V de Valois. La France prit parti pour Jeanne et le roi d'Angleterre soutint Jean de Montfort. Dans cette conjoncture difficile, la Bretagne se divisa. Morlaix fut constamment du parti franco-breton, et nous voyons des bourgeois Morlaisiens figurer parmi les ambassadeurs qui furent envoyés à la cour de Windsor, pour traiter de la rançon de Charles de Blois. En 1363, notre ville fit un bon accueil à Duguesclin, quand il marchait vers la Cornouaille avec ses compagnies françaises. L’année suivante, la bataille d'Auray, où périt Charles, réunit tout le pays sous la bannière de Montfort. Pour se concilier les habitants de Morlaix, le nouveau duc vint, en 1366, poser la première pierre du portail de. la basilique de N.-D. du Mur. Mais les marchands ne lui pardonnaient pas d’avoir fait alliance avec l'Angleterre, et, quand la Bretagne se révolta quelques années plus tard contre Jean IV, Morlaix fut une des premières villes qui entrèrent dans l’insurrection anti-anglaise.

En vertu du traité d’alliance conclu, en 1371, entre Jean IV et Edouard III d'Angleterre, le duc avait mis dans la ville de Morlaix une garnison anglaise de trois cents hommes, sous le commandement de Jean du Barry. Cette troupe étrangère rançonna et traita si mal les habitants qu’ils prirent le parti de se joindre à la noblesse du voisinage et de se défaire de leurs tyrans. En même temps, ils appelèrent à leur secours les compagnies françaises, qui étaient commandées par Duguesclin, et les introduisirent secrètement dans la ville. Les Français passèrent au fil de l’épée tous les soldats qui tombèrent entre leurs mains et chassèrent les autres ; les Anglais, enfermés dans le château, se trouvant bloqués et harassés de tous côtés par les archers qui les décimaient du haut de la tour du Mur, furent obligés de se rendre : « Ils vuidèrent le château le baston blanc en main et un petit fardelet sous l’aisselle ». Le duc poursuivi par Duguesclin fut obligé de se retirer en Angleterre.

Malheureusement le connétable ne tarda pas à s’éloigner et le duc revint, eu 1374, à la tête d’une armée de trois mille hommes d’armes et de deux mille archers. Il aborda au Conquet, dont il s’empara, de là il marcha droit sur Saint-Pol pour se diriger sur Morlaix qu’il avait juré de prendre afin de le punir d’avoir le premier chassé les Anglais. Les habitants, qui ne se voyaient pas en état de résister, renvoyèrent la garnison française, firent enlever les portes de la ville et députèrent au duc, alors à Saint-Pol, pour tâcher de fléchir sa colère. Cette députation ne fut pas heureuse. Les députés furent faits prisonniers et le duc fit avancer son armée, à laquelle il promit le pillage de la ville rebelle. Tous les bourgeois et tout le peuple se voyant ainsi menacés prirent un parti désespéré. Ils allèrent au-devant du prince qu’ils rencontrèrent à la vallée de Donant. A sa vue, ils se jetèrent à genoux en criant : « Miséricorde ! vive Bretaigne ! ». Le duc ne put rester insensible aux cris de ce peuple qui demandait grâce, et il lui pardonna à la condition qu’on lui livrerait cinquante des plus coupables. Ces otages lui furent amenés au château de Cuburien qui venait d’être évacué par les Français, et il y passa la nuit. Le lendemain il sortit du château auquel il fit mettre le feu pour se venger du vicomte de Rohan, parent de Charles de Blois, par alliance. Il entra à Morlaix, traînant à sa suite ses prisonniers, la corde au cou. Dans l’après-midi, il fit dresser cinquante gibets sur les murs du château, et convoqua, à son de trompe, tout le peuple pour assister à cette terrible exécution : les habitants terrifiés n’osèrent désobéir et s’y rendirent sans exception. La vue du supplice des leurs ne fit qu’augmenter la haine qu’ils avaient vouée à leur duc.

Une tradition rapporte à cette cruelle exécution un dévouement qui rappelle celui d'Eustache de Saint-Pierre. Un bourgeois de Morlaix vint s’offrir, pieds nus, la corde au cou, donnant sa vie pour sauver celle de ses compatriotes. Le duc aurait été moins généreux qu'Edouard III, il aurait fait dresser pour ce malheureux un gibet à l’endroit qui depuis s’appela de son nom la Roche Coroller.

En quittant Morlaix le duc y laissa une garnison anglaise de huit cents hommes, dont les cruautés poussèrent les Morlaisiens à une nouvelle révolte, en 1376. Ils appelèrent les Français qui entrèrent dans la ville et passèrent au fil de l’épée la garnison anglaise. Jean IV était en Angleterre lorsqu’il apprit cette nouvelle. Emporté par la colère, il jura de raser la ville et d’en exterminer les habitants, mais d’autres affaires l’empêchèrent d’exécuter sa vengeance. Le second traité de Guérande, en 1381, lui rendit cette place. Alors le duc oublia le passé et fixa sa résidence à Morlaix où il se livrait aux plaisirs de la chasse (1394) ; il fit même quelque bien à la cité marchande et lui accorda diverses exemptions. Pierre II donna à Morlaix, en 1450, des lettres d’affranchissement de fouages, tailles, contributions aux aides, emprunts, etc.

Le règne de ce prince fait époque dans l’histoire de Morlaix, en ce qu’il nous donne les premiers monuments de quelque intérêt qui nous restent de ces temps éloignés, nous voulons parler de la Réformation du domaine ducal à Morlaix, faite en 1455, et où nous trouvons ce document très-important sur les limites de la ville à cette époque : « La description et confrontation des bornes de la ville de Morlaix selon la description et recort de : Hervé de Coetcongar, âgé de 80 ans ; — Selvestre Le Clerc, âgé de 84 ans ; — Henry L’Onnoré, âgé de 60 ans ; — Yvon Le Harnois, âgé de 65 ans ; — Pierre Le Marant, âgé de 50 ans ; — Maître Guill. Le Marant, âgé de 74 ans ; — Jehan Portzall, âgé de 45 ans ; — Thomas Mahé, âgé de 70 ans ; — Jehan Morvan, âgé de 50 ans ; — Jehan Moël, âgé de 70 ans ; — Guenolay Goff, âgé de 70 ans ; — Jehan Gourmelon, âgé de 75 ans ; Jouhan Bihan, âgé de 70 ans ; — Yvon Jegou, âgé de 70 ans ; — Jehan Bougant, âgé de 75 ans ; — Allain Quiniou, âgé de 70 ans ; — Yvon Le Fichant, âgé de 45 ans. Témoins dignes de foi et enquis par les dits commissaires : et même par l’évidence des lieux ; les dites bornes à les prendre et commencer à Tuonblouchou devers le Marcheiz dudit lieu de Morlaix, au coing dun vergier et jardin clos de murs appartenant a Yvon Le Gall et a Morice Labbé a cause de sa femme, quel coing fiert sur le grand chemin menant de Morlaix a Bogast et a Ploëgonven, où il y a certaines bornes que les dits commissaires y ont fait mettre, et vont contre mont au long des vergier, courtil et bois Yvon Le Pinart par un veill chemin qui vat de Morlaix a Ploërin, et delà vont par le dict grand chemin contre bas au long du mur du Parc au Duc, jusques au coing d’un jardrin clos de murs qui autrefois fust à Yvon Le Pontou appartenant a put a Yvon Broller, entre lequel et le Parc au Duc, il y a un veill chemin qui mene contre bas au Russel de la fontaine du dict Parc au Duc, et passant oultre le dict Russel dedans ledit Parc en montant rez a rez de la Maison Courte! et Parc Yvon Le Harnoi et chéent en un veill chemin en l’endroit de ladite maison, nomée hent tout ar Parc, et delà montant contre mont an long du mur dudit Parc au Duc dun costé et la maison, parc et vergier Maistre Phélipes Coetkis, d’aultre tirant au long dudit Parc au Duc et lessant dedans les dites bornes, la dicte maison parc et closture dudit Maistre Phles, et delà tirant toujours au long dudit mur au coing des parc apartenant a Jehan de Quoëtgouréden Seigneur de Loc-Maria noméz les Parcs Maistre Even, ferans en un chemin qui mene a une croix nomée anciennement la Croix Map-an-Maguerez, laquelle croix a faict réedifier Yvon Ploegomen de Morlaix, et est assise sur un grand chemin qui mene de Morlaix a St. Fiacre, et dudit chemin a l’endroit de la dite croix vont les dictes bornes a un veill chemin qui est entre la terre dudit sire de Loc-Maria d’un costé et la terre du sire de Coetelent d’aultre ; quelle terre dudit de Coetelent demeurent dedans, les dites bornes, férans en un aultre grand chemin qui vient de Morlaix et va a Pont-Paul et dudit grand chemin tirant a un rocher nomé le Rocher de Lan ar Roc'hou au long du parc dudit sire de Loc-Maria, qui est des appartenances de son manoir de Kererbizien, et dudict rocher, tirant aux aultres rochers qui sont vis-a-vis en devalant au coing des Moulins Foulerez et à Tau du Duc assis sur la rivière Cuefflet, laissant dedans les dites bornes, les dicts moulins, la rue aux Brebis, l'Hostel de Belizal et leur appartenance, et d'illec tirent au long de la dicte riviere contre val entre le Parc de Guyon de Kergoat qui est ez dictes bornes d’un costé, et le Pré Jehan Morvan qui est hors les dictes bornes de l'aultre ; et de la rivière vont et montent icelles bornes, contre mont, devers le pays de Léon, au long du russel nomé Russel Tuncio, quel russel commence au village nommé Roudour-an-Nezen, entre le pré dudit Jehan Morvan et le pré Yvon Perrot, continuant en alant contre mont au long dudit russe! entre le pré Yvon Perrot et le parc appelé Parc an Bretonic, et d’illeques, par les prés Yvon Le Soult a cause de sa femme, et les enfants feu Jehan Even, ainsi que ledit russel avoit son cours anciennement ; et du bout suzain dudit pré des desdits Hoirs Jehan Even, montent contre mont ledit russe! et le chemin au long du pré aux Hoirs Guyon Perrot, se rendant audict village de Roudour an Nezen férant sur le grand chemin de Morlaix à Landiviziau et traversant ledit chemin, et alant au long du chemin qui va dudit village de Roudour an Nezen au village de Kererjourdan, entre les deux terres Hervé de Coatcongar, passant ledit chemin entre une pièce de terre appellée la Lande aux Malades et les parcs dudit de Coatcongar, tirant au grand chemin qui mette de Morlaix a Pensez, jusques au coing du mur du parc dudit de Coatcongar, qui est des appartenances de son Hostel de Kerjourdan, lesquels hotel et parc sont hors des dites bornes ; et dudit coing devalant contre bas devers Morlaix, au long dudit grand chemin de Pensez, costéant le Boys revenant (Bois qui revient, taillis) dudict de Coatcongar et la forrest de Cuburien, appartenant au vicomte de Rohan, en continuant jusques au coing du Parc nomé Parc Fistil, appartenant à Yvon Symon, lequel Parc est dedans les dictes bornes, et dudit coing alant au long du fossés dudit Parc, tirant vers la Roche Corolleres, au long des fossés des Parcs appartenant à Nicholas Le Mignot, Guenolay Goff, les héritiers Bolhet, Jéhan Gourmelon, Jehan fils Hervé Olivier, et le Parc nommé Parc Map Nuz appartenant à pnt a Guill. Menez, et le Parc Loys Gourhant, quels Parcs sont audedans lesdites bornes et costeaux, au long de ladite forrest do Cuburien qui est hors desdites bornes, jusques a un petit Parc appartenant aux héritiers Yvon Tanguy, qui est cerné de fosses, contenant un arpent de terre ou environ ; quel parc est hors des dictes bornes et du coing dudit Parc tirant droict a la ligne au long de ladite forrest, jusques a lendroit d’un petit Parc qui fut aultrefois a Hamon Aimoez appartenant a pnt à la Chapelle Notre Dame du Mur dudict lieu de Morlaix ; et dudict petit Parc, les bornes dévalent contre bas a la croix appellée : la Croix du bout de la Ville neufve, joignant au coing du mur du jardin qui fust aultrefois a Jehan Kerguilliau et a pnt a Jehan de Keriveguen, et de la dicte croix dévallant au havre et rivière dudict lieu de Morlaix ; tirant contre bas ladite rivière jusque a l'Estang qui fut jadis a Hue Jouhan et dudit Estang tirant contre mont au long du russel jusque a Trongoursten, et de Tuondoustein tirant au long du russel par les Parcs Henry Tuonmelin et Hervé de Coatcongar et desdits Parcs traversant un grant chemin qui vient de la chapelle de St. Nicolas a la fontaine appelée la Fontaine an Barguet, poursuivant toujours le dit russel, par le Parc nommé Parc an Taon, traversant parmy le pré Jehan Perrot jusques a la source dudit Russel qui commence a la fontaine nommée la Fontaine an Guern biban et de la dicte fontaine au long dun chemin qui fiert devant la maison dudit Jehan Perrot qui est ez dicte bornes ; et de la dicte maison an long du chemin qui se rend sur le grant chemin qui mene de Morlaix a Lanmeur, et dudict grant chemin, traversant a un autre chemin au coing de la maison qui fust aultrefois a Jouhan Courtois et Jehannette Saliou, sa femme, a cause d’elle ; et dudit coing tirant au long d’un chemin qui vient de Kerengriffien et qui se rend audit grant chemin qui va de Morlaix à Lanmeur, jusques a un carrefoul nommé Poul-Map-Enen, tirant au long d’un chemin nome an Portz-Bihan costeant l'Ostel, parc et courtils maistre Phles Coetquiz et Alliette sa soeur, appelle Kerjoce et la terre de la Madrie dun costé, qui sont ez dictes bornes et de l’aultre costé a la terre Jehan Perrot qui fut autrefois a Jehannette Saliou ; et Bert fiert ledit chemin au carrefoul et sur le grant chemin qui vient du moulin an Squer a la maison Fraval, de Coëtquis nomée la Villeneufve, et dudit carrefoul au long dudit grant chemin, costéant le Boys du Manoir de Coetgongar qui est hors desdtes bornes jusques a un aultre carefoul qui arive a un aultre grant chemin qui vat de Morlaix a Lannyon ; et d’icelui carefoul, devalant au long dudit chemin qui vient du moulin an Squer, costéant les Parcs dudict Coetgongar jusques a un aultre carefoul qui est sur le grant chemin qui mene de Morlaix a Ploegat-Gallon en laissant ez dictes bornes la terre devers la Maladrerie et la maison Jehan Le Malcon et son fils ; et dudit carrefoul tirant contre bas vers ledit Moulin Ansquer, au long dudict chemin en laissant ez dites bornes la maison Yvon Bellec a cause de sa femme avec ses parcs et clostures, et les Maisons Jehan Le Marant, et Hervé Le Breton a cause de sa femme ; et dudict Moulin Ansquer, qui est hors dites bornes, traversant lesdites bornes la Rivière de Jarleau et entrant entre le Parc et Pré Pierre Le Broér, et le Parc et Pré les enfants Jehan Du Val, se rendant audit grand chemin qui mene de Morlaix a Ploëgonven, ferant à la cornière du vergier et jardrin Yvon Le Gall et Morice Labbé a cause de sa femme, où lesdites bornes commencent ; où quel lieu lesdits commissaires ont faict mettre les dictes bornes de pierre dont cy devant est faict mention.

Et n’est point a attendre que ceulx qui demeurent a Tuonblouc'hou ne respondent et soyent subjets a l’entertise et soubs la demande d’aoust dudict lieu de Morlaix et ez a ultres debvoirs et subsides ainssis qu’ils ont accoustumé le temps passé ».

« Après, ensuivent le double de certaines lettres touchant les dictes bornes, laquelle lettre est enregistrée dedans le papier d’office de la Court de Morlaix. Les Commissaires ordonnés par le Duc notre souverain Sgr, pour la réfformation de son Domaine, ont trouvé par la déposition de plusieurs témoins dignes de foy, que les bornes de Morlaix doibvent aler par les Parcs et Prés, Pierre Le Braer à Tuonblochou et que le chemin qui souloit estre anciennement par ledit parc à commencer au coing des vergiers et courtils, Yvon Le Gall et Morice Labbé a cause de sa femme audict lieu de Tuonbloc'hou que ledit Le Braër avait faict clore, sera déclos et mis à délivre pour le temps a venir, et sera de telle largeur comme est le dict chemin au bout du Bois Yvon Le Pinart ; et au regard dudit chemin qui anciennement souloit passer contre ledit pré Pierre Le Braër, et le pré les enffants Jehan Du Val et se rendoit en la Riviere de Jarleau a la corniere du Moulin Ansquer qui est sur ladicte Ripviere, est dict et ordonné : Pour ce qu’il semble que le dict chemin ne sert gueres à la chose publique, que ledit Pierre Le Braër mettra ou fera mettre présentement deux grosses pierres haultes pour bornes affin que l’on puisse congnaistre doresnavant où lesdits vergiers et clos desdits Yvon Gal et Morice Labbé, et l’autre pierre et borne, hors dudit pré Le Braër, devers la Rivière de Jarleau ; sauf et réservé par aultre temps de mettre ledit chemin a passer par ledict Pré, s’il est trouvé que ce soit le bien du pays et de la chose publique ; et pourra ledit Pierre Le Braër clore et deffendre, pour le temps a venir aultres chemins qui au temps passez ont été faicts par icelui Parc : Et n’est point a entendre que ceulx qui demeurent a Tuonblouc'hou ne respondent a la lieutenantise de Morlaix et qu’ils ne contribuent a la demande d'Aoust dudict lieu de Morlaix et ez aultres debvoirs et subsides en la manière qu’ils ont accoustumé le temps passé donné. Donné et faict a Morlaix en la présence dudict Pierre Le Braër et de son consentement le septième jour d’aoust, l’an mil quatre cents cinquante cinq ».

Cette pièce est la seule à la quelle nous puissions avoir recours pour comparer les limites actuelles du territoire de Morlaix avec les anciennes : aussi est-elle précieuse malgré les changements qu’ont subis, depuis cette époque, les noms de terres et de villages.

Traonblouc'hou (Tuonblouchou), où commencent ces limites, était le nom d’un pâté de maisons compris entre le chemin vicinal de Callac, la rue Traoulen et le Jarlot. La ligne de limitation remontait le long de la route de Ploërin (route de Carhaix), tournait le Parc-an-Duc, suivait la prairie appelée Prat-ar-Feunteun (le pré de la Fontaine), le chemin qui conduisait à Toul-an-Parc, la route de Pont-Paul, passait à la croix de Mab-ar-Vaguerez (le fils de la nourrice) élevée à l’embranchement de la route de Poulfanc et du chemin de Penan-Ru ; et passant entre les terres du sire de Coëtelan (Parcou-ar-Miliner) et celles de Kerbizien, en Plourin, venait aboutir au Kefffeut. Ces landes appelées Lan-ar-Roc'hou (Landes des Roches) portent aujourd’hui les noms de Goarem-ar-Roc'h, Ar-Vilin-Nevez et Ar-Menez. Le Moulin-Neuf a été construit sur l’emplacement des moulins du duc. La ligne de démarcation suivait le courant du Keffleut jusqu’à son confluent avec le ruisseau du Roudour-an-Ezen (Vallée aux Anes), qu’il remontait pour traverser plus haut le chemin de Landivisiau, abandonné depuis le XVIIIème siècle : il est encore bordé par quelques pièces de terre appelées Parc-an-Hent-Braz-Coz. (Le Parc de l’ancien grand chemin).

Le grand chemin de Pensez est le chemin vicinal qui va de Saint-Martin à la route de Saint-Pol avec l’ancienne route de Brest ; il y a une pièce de terre qui s’appelle Parc-ar-Varyeren et champ de la Croix-des-Ladres dont le nom rappelle celui de Lande aux Malades. De là à la rivière, la ligne de séparation, qui est toujours la même, longeait la forêt de Cuburien. Le palus Marant était en dehors de la limite, qui remontait la rivière, le ruisseau de Troudoustein, son étang aujourd’hui desséché et ses pièces de terre dont deux portent encore le nom do Parc-an-Traon qu’elles avaient autrefois.

Le Petit-Launay (Ar Guern-Bihan), Rascongar (maison de Jehan Perrot), Kerjoce (Kerjoaü) auprès du carrefour de Pont-Mab-Enaff (marais de l'aîné), étaient au dedans des limites. Elles coupaient ensuite les grands chemins : 1° de Lanmeur, qui, partant de Morlaix par Saint-Nicolas, passait devant la maison nommée Hent-Coz (vieux-chemin), traversait la Magdeleine (la Maladrerie), et se dirigeait vers Lanmeur par Garlan ; — 2° de Lannion, qui rejoignait probablement la suivante ; — 3° de Ploëgat-Gallon (aujourd’hui Plouégat-Guerrand) que suivent encore maintenant les piétons venant de Plouégat-Guerrand ; — 4° de Rennes, qui passait par les Tourelles et Lannidy ; — 5° de Ploujean, qui avait aussi le nom de grand chemin. Les limites arrivaient au Moulin de la Chèvre qui n’y était pas compris, de là la ligne traversant le Jarlot à la cornière du moulin coupait la route de Plougonven et revenait à Traonblouc'hou.

Nous ferons remarquer que ces limites sont à peu près celles qui furent données à la commune, en 1790, sauf quelques changements insignifiants à l'Ouest du côté du ruisseau du Roudour-an-Ezen, et à l'Est, où l’on ajouta une lande qui s’étend de Traoulen à Berlinga, vers Plouigneau et Plougonven, et dont les habitations dépendaient, pour le spirituel, de la paroisse de Saint-Mathieu.

Cependant les événements politiques marchaient rapidement dans le duché. La mort du duc François II laissa la Bretagne aux mains d’une femme jeune et faible. La duchesse Anne, pour conserver ses états entamés par les armées françaises et les trahisons des grands vassaux, avait demandé du secours au roi d'Angleterre, Henri VII, qui lui envoya une armée commandée par Eggiccimille ou Eggemil. Les troupes débarquèrent à Morlaix, en 1488, et les habitants, malgré leur aversion pour les Anglais, ne leur firent pas mauvais accueil ; c’est avec la monnaie fabriquée à la Tour d'Argent que ces troupes furent soldées. Cette armée ne se signala d’ailleurs que par des pillages. Le légendaire Albert Le Grand rapporte que son chef impie ayant enlevé le doigt de saint Jean, ne le retrouva plus à son arrivée en Angleterre dans la boîte où il l’avait renfermé : le doigt miraculeux était retourné dans sa chapelle, et Eggiccimille mourut misérablement, en expiation de ce larcin (Albert Le Grand, Translation du doigt de saint Jean-Baptiste).

Quelque temps après, la duchesse Aune épousa Charles VIII et la Bretagne était réunie à la France. Pierre de Rohan vint recevoir le serment des Morlaisiens. Après la mort du roi, Anne se retira à Nantes. Louis XII sentit que le moyen d’unir irrévocablement la Bretagne à la France, était d’épouser la jeune reine douairière. Quelque vif qu'eût été le chagrin de la reine, elle accepta sa main et leur mariage fut célébré à Nantes, le 8 janvier 1499. 

En 1506 (Note : D'après plusieurs historiens la reine serait venue à Morlaix, le 4 septembre 1505, où elle fit célébrer en sa présence le mariage de Jean de Laval avec Jeanne de Foix, sa parente ) la reine Anne sollicita et obtint du roi la permission de venir visiter ses états héréditaires. Le souvenir de la patrie ne s’efface jamais du coeur. Elle voulait revoir la Bretagne et s’assurer elle-même des besoins de ses anciens sujets. Partout sur son passage, la nation bretonne fit éclater la joie la plus vive et les plus grands honneurs lui furent rendus. Jamais aussi princesse ne fut plus digne d’affection, elle gagnait tous les coeurs par les qualités de son âme et fixait tous les regards par sa beauté, ses grâces, son esprit et sa jeunesse. A Morlaix, la bonne duchesse était restée, comme dans tout son ancien duché, véritablement idolâtrée, et elle le lui rendait bien. Elle fit son entrée dans la ville, avec la plus grande solennité. La foule se pressait sur son passage ; chacun voulait voir une princesse que tant d’infortunes et de vertus rendaient célèbre. Ses traits étaient réguliers et ses yeux, pleins de feu et de douceur ; sa taille était médiocre, mais bien faite, et sa démarche noble et aisée : à peine s’apercevait-on qu’elle fût un peu boiteuse. Tous les spectateurs témoignèrent, par leurs acclamations, la joie que leur faisait éprouver la visite de leur souveraine. " S’ils avoient bien faitz en autres lieux, dit Alain Bouchard, ceulx de la dicte ville de Morlaix, s’efforcèrent de faire encore mieulx : car ils ne sont point de foible courage... Si vous eussiez veu les joyes, ébastements et danses que unq chacun faisait pour l’honneur de la dicte dame c'estoit merveilles et sembloit estre ung petit paradis ".

Elle fut logée au couvent des dominicains, probablement parce que le château était alors en réparations. On admira un arbre de Jessé qui avait été dressé dans le cimetière du couvent et qui figurait sa généalogie, depuis Conan Mériadec, qui y était représenté, suivi des autres rois et ducs de Bretagne. Au haut de l’arbre était une jeune fille d’une beauté remarquable qui la representait elle-même et qui lui fit une harangue lorsqu’elle passa. La ville lui fit présent d’un petit navire d’or enrichi de pierres précieuses, et d’une hermine blanche apprivoisée, ayant un collier de diamants. Ce joli animal caressa la princesse et se jeta précipitamment dans son sein ; elle recula avec un mouvement de frayeur involontaire. Alors Pierre de Rohan qui l’accompagnait lui dit : " Que craignez-vous, Madame ? Ce sont vos armes ! ". Mot qui lui plut beaucoup. La reine laissa à sa bonne ville des souvenirs plus durables que ses fêtes, entre autres cette belle Cordelière qui fut le premier vaisseau remarquable de la marine française. Au couvent elle donna, selon la tradition, un calice en vermeil, pareil à celui qu’on voit encore à Saint-Jean-du-Doigt.

Le 23 septembre 1518, notre ville eut une autre visite royale. François Ier vint à Morlaix et y fut reçu avec beaucoup de magnificence.

Dans la guerre que la France eut à soutenir contre l'Angleterre, sous le règne de Henri VIII, de sanglante mémoire, la Bretagne et Morlaix en particulier eurent beaucoup à souffrir des déprédations des Anglais. En 1522, Henri VIII envoya un grand nombre de vaisseaux pour tenir la mer le long des côtes de la Normandie et de la Bretagne, et piller les villes frontières. Un traître, Latricle, lieutenant du capitaine de Morlaix, qui entretenait des intelligences avec les ennemis, les avertit que la ville était en ce moment sans défense et sans garnison, et leur serait facile de s’emparer de la ville : il leur offrait en même temps l’appui de la troupe qu’il commandait. La noblesse était allée à la montre de Guingamp, où elle était appelée par le Seigneur de Laval, lieutenant du roi en Bretagne, et la bourgeoisie s’était rendue à la foire de Noyal-Pontivy. En conséquence de cet avis une escadre composée de soixante voiles entra dans la rade de Anter-al-Len, le dernier jour du mois de juin.

Une partie des équipages fut mise à terre, et les pirates, déguisés les uns en paysans, les autres en marchands, se dirigèrent, dès le point du jour, vers la ville où ils furent reçus sans défiance. Quelques-uns pénétrèrent dans le château dont Latricle leur ouvrit les portes, d’autres s’arrêtèrent dans les faubourgs, mais la plus grande partie resta cachée dans les bois du Stivel. En même temps, les chefs donnèrent l’ordre à leurs pataches de remonter le chenal à la marée du soir, et de s’arrêter au quai pour recevoir le butin. Mais des paysans, qui avaient des soupçons, firent avorter ce projet, en jetant dans le chenal, en face de Saint-François, une douzaine de gros arbres avec leurs branches, qu’ils avaient coupés dans les rabines de Cuburien. Lorsque dernièrement on a redressé le coude formé par la rivière à Keranroux, on a retiré de la vase plusieurs troncs de ces arbres. Arrêtés par cet obstacle, les pillards qui montaient ces embarcations sautèrent à terre et s’avancèrent vers Morlaix pour venir aider leurs compagnons. Vers minuit, lorsque la ville fut plongée dans le sommeil, à un signal donné, ces bandits sortirent dans les rues, s’emparèrent des portes, firent entrer leurs troupes et s’emparèrent de la ville sans éprouver de résistance.

Les portes des maisons furent enfoncées et aussitôt commença le pillage. Les habitants, réveillés en sursaut, furent tellement saisis de frayeur, qu’ils se sauvèrent par toutes les issues abandonnant tous leurs biens aux vainqueurs. Deux personnes seules ne perdirent pas la tête et songèrent à se défendre. Le recteur de Ploujean, chapelain de Notre-Dame du Mur, ayant levé le pont de la porte Notre-Dame, monta dans la tour, d’où, à coups de mousquet, il renversa bon nombre d’ennemis, mais à la fin il fut tué d’un coup de feu. Dans une maison de la Grand'Rue, — celle qui porte aujourd’hui le n° 18, — une " chambrière, " voyant que tout le monde du logis s’était sauvé, rassembla quelques jeunes filles déterminées comme elle ; avec leur aide, elle souleva la trappe de la cave, et, ayant ouvert une vanne qui communiquait avec la rivière, elle inonda la cave. En même temps elle laissa la porte de la rue à demi-ouverte et se réfugia sous les combles avec ses compagnes. Les pillards, se précipitant en foule dans la maison, tombaient dans ce gouffre que l’obscurité les empêchait d’apercevoir et s’y noyèrent au nombre de plus de quatre-vingts. Cependant la maison fut forcée, et la courageuse jeune fille, poursuivie par les soldats, fut saisie et précipitée sur le pavé de la rue. Il est à regretter que l’histoire ne nous ait pas conservé le nom de cette héroïne, qui mourut en défendant le foyer de ses maîtres.

La ville fut pillée ainsi que les églises : l'Hôtel de Ville fut brûlé avec presque toutes les archives de la ville. Au point du jour, les Anglais, gorgés de vin et chargés de butin, se retirèrent dans leurs navires en emmenant prisonniers un certain nombre de notables. Six ou sept cents traînards, qui étaient restés boire dans les celliers des maisons des Lances, s’égarèrent dans les bois du Stivel et s’endormirent pour cuver leur vin. Le seigneur de Laval, averti à Guingamp par quelques fuyards de ce qui se passait, s’empressa d’accourir avec les gentilshommes du pays. Ils surprirent les ennemis qui étaient encore à moitié ivres, les taillèrent en pièces et recouvrèrent le butin qu’ils avaient fait ; les eaux furent rougies de leur sang. Les morts furent ensevelis aux Capucins, dans le voisinage du Champ de Bataille. En mémoire de cet événement, une fontaine qui se trouve sur le quai, prit le nom de Fontaine des Anglais. « Le combat n’eut du reste pas lieu près de la fontaine qui a porté depuis le nom traditionnel de Fontaine des Anglais (Feunteun-ar-Saozon), mais bien près d’une fontaine alimentée par le même cours d’eau, et appelée par suite de cette sanglante boucherie la Fontaine Rouge, un peu plus haut que celle dont nous venons de parler ». La vengeance arrivait trop tard, et la ville complètement ruinée resta dix ans dans la désolation. Après la conclusion de la paix, les habitants revinrent, rebâtirent leurs maisons, mais cela se fit lentement ; un second sac que les Anglais firent, entre 1522 et 1544, ralentit encore ce faible mouvement de réorganisation. La ville fut un moment distraite de ces sombres préoccupations par l’arrivée de Marie Stuart qui devait être un jour reine de France.

André de Montalembert, seigneur d'Essé, ambassadeur de France, s’était rendu en Ecosse à la tête d’une flotte française et avait demandé la main de la jeune reine, âgée de six ans, pour le dauphin, depuis François II, qui était d’un âge aussi tendre qu’elle. Les Etats d'Ecosse avaient ratifié le projet de mariage des deux princes enfants et le départ de Marie Stuart pour la France. La reine douairière d'Ecosse la conduisit furtivement à Dumbarton où l’attendait l’amiral français Villegagnon, suivi de quatre galiotes destinées à la transporter en France, et elle s’embarqua sur le galion royal.

Partie d'Ecosse, le 7 août 1548, l’escadre française, chargée de son précieux fardeau, entra après une heureuse traversée dans le port de Roscoff, le 13 août 1548. A l’endroit même de son débarquement, elle fonda la chapelle de Saint-Ninien et en posa la première pierre. Afin de perpétuer la mémoire du lieu où elle avait pris terre, on traça sur un rocher, au-dessous de la chapelle, l’empreinte du pied qu’elle y avait posé.

Le 20 août (Note : le 22 selon Albert Le Grand. Selon Mignet elle aurait débarqué à Brest), la reine fit une entrée triomphale à Morlaix, où elle fut reçue par le vicomte René de Rohan et une grande quantité de noblesse. La jeune princesse était accompagnée de ses deux gouverneurs, les lords Erskine et Livingston, de Jean Stuart, son frère naturel, et de quatre filles d’honneur de son âge, appartenant aux premières familles d'Ecosse, et qu’on appelait les « quatre Maries, » parce qu’elles portaient le même nom que leur maîtresse, Marie Fleming, Marie Béaton, Marie Séaton et Marie Livingston.

A Morlaix, il est resté d’elle l’image d’une charmante enfant, au teint hâlé, souple et forte, tour à tour douce et fière, folâtre ou mélancolique. Elle avait le visage ovale, les cheveux d’un blond châtain ou blond cendré, épais et soyeux, bien plantés, sur un front d’un contour grec ; ses yeux d’un bleu gris possédaient toutes les nuances de l’expression, et sa voix douce était pleine de charme. Elle était jolie alors avec son snood de satin rose et son plaid de soie, rattaché par une agrafe d’or aux armes do Lorraine et d'Ecosse : elle avait déjà ce don de séduction qui lui était naturel. Par sa beauté naissante, sa grâce exquise, sa subtilité d’esprit, elle conquit l’admiration de tous les seigneurs, « la petite reinette écossoise n’avoit qu’à sourire pour tourner toutes les testes françoises ».

Elle assista au « Te Deum » qui fut chanté dans l’église do Notre-Dame du Mur. Comme elle retournait au couvent de Saint-Dominique et qu’elle venait de passer la porte dite de « la Prison, » le pont-levis trop chargé de cavaliers se rompit et tomba dans la rivière, sans toutefois noyer personne, parce que les eaux étaient basses. Les seigneurs de la suite de la reine, restés dans la ville, jugeant mal de cet accident, se mirent à crier : Trahison ! trahison ! Mais le seigneur de Rohan, qui marchait à pied près de la portière de la litière royale, répondit avec vivacité aux Ecossais, en criant de toutes ses forces : « Jamais Breton ne fit trahison ! ». Parole véridique, dit de Courcy, que la masse de la population n’a jamais démentie. Le seigneur de Rohan donna ensuite des ordres pour faire démonter les portes de la ville et rompre les chaînes qui étaient à l’entrée des ponts. Marie Stuart passa deux jours à Morlaix pour se délasser des fatigues de son voyage.

De Morlaix la reine alla à Saint-Germain, résidence d’été de la cour, où Henri II la reçut comme un père et lui assigna un état de maison, digne de son rang. On sait que son mariage fut célébré à Notre-Dame, le 24 avril 1558 et qu’elle devint veuve deux ans après. Plus tard condamnée à mort, elle porta sa tête sur le billot, le 8 février 1587 : cette mort expie bien des fautes ! — Le brave René de Rohan eut quelques années après une fin malheureuse. Fait prisonnier, en 1551, par les troupes de Charles-Quint, il tomba entre les mains de deux soldats qui se disputèrent à qui l’aurait ; mais un troisième, qui survint, le tua d’un coup de pistolet peur mettre fin à la querelle.

Morlaix, après avoir acquis ses franchises municipales, travaillait à ses affaires et se livrait tout entier à son négoce, lorsque la lèpre de la Ligue, qui s’étendit sur toute la Bretagne, le jeta au milieu de la lutte. Le duc de Mercœur, prince ambitieux, turbulent et actif, voulut détacher la Bretagne de la France et s’en adjuger la souveraineté. Ce prince vint à Morlaix, en 1583, recevoir l’hommage des bourgeois morlaisiens. Après l’assassinat du second duc de Guise, il se sépara du roi et proclama la Sainte-Union en Bretagne. En 1592, il donna le gouvernement de la ville à François de Carné, sieur de Rosampoul et Morlaix fut obligé de prendre parti pour la Ligue. Lorsque Mercœur eut appelé les Espagnols à son secours, les brigandages des ligueurs devinrent à charge aux Morlaisions ; d’ailleurs  la Ligue n’avait plus de prétexte pour eux depuis l’abjuration de Henri IV.

Mercœur, craignant de perdre la ville, et apprenant que le maréchal d'Aumont, lieutenant général du roi, s’avançait vers Morlaix, écrivit aux Morlaisiens pour les retenir dans son parti, leur assurant que la reine, sa sœur, veuve de Henri III, travaillait à une pacification générale. L’envoyé du duc, homme obscur et peu estimé dans la province, semblait avoir pris à tâche de s’aliéner tous les esprits par son arrogance, et un jour dans une discussion qu’il eut avec le sénéchal Bernardin Le Bihan, sieur du Roudour, puîné de la maison de Pennelé, vieillard vénérable et l’un des plus anciens juges de la province, il s’oublia jusqu’à le menacer de le faire pendre. Le sénéchal lui répliqua que sans le respect qu’il avait pour son maître, le duc de Mercœur, il l’eût lui-même fait attacher à un gibet. Les bourgeois indignés de la conduite de l’agent ducal résolurent de remettre la ville au roi.

Le maréchal d'Aumont, qui s’était avancé jusqu’à Lanmeur, fit sommer les habitants de se rendre et leur envoya un sauf-conduit pour leurs députés.

Le corps de ville se réunit pour délibérer et n’osa prendre une décision en présence du gouverneur. A la suite de cette assemblée, les habitants qui étaient pour la reddition se réunirent secrètement au nombre de douze, à l’église Saint-Melaine, dans la chapelle de Saint-Yves. Ils arrêtèrent les conditions de la capitulation et nommèrent quatre députés. Une troisième assemblée, tenue publiquement à l'hôtel de ville, décida, sur la proposition du sénéchal, que l’on proposerait au maréchal dix mille écus pour ne pas entrer dans Morlaix. Lorsqu’on vota sur le choix des députés, les noms de ceux qui avaient été désignés dans l’assemblée secrète sortirent de l’urne. Aussitôt les députés montèrent à cheval et partirent pour Lanmeur. Le gouverneur, qui n’avait pas assisté à la séance, informé de ce qui se tramait, envoya six cavaliers à la poursuite des députés. Mais ceux-ci, qui avaient pris des chemins détournés, échappèrent à cette poursuite et arrivèrent dans la soirée auprès du maréchal, à qui ils présentèrent le projet de capitulation voté dans la séance secrète.

Dans la ville les partisans des Français gagnèrent le peuple en lui disant que la garnison du château animée des plus mauvaises dispositions menaçait de se ruer sur lui. Ils lui commandèrent d’avoir des lanternes aux fenêtres et de se tenir prêt en cas d’attaque ; en même temps ils mirent à la porte des Vignes et à celle de Notre-Dame des gardes à leur dévotion.

Le maréchal n’eut garde de refuser l’occasion qui lui était offerte, et, le vendredi 25 août 1594, au point du jour, parut à la tête de son armée à la porte de la rue des Vignes qui lui fut ouverte. Il arriva sur la place des Jacobins où les magistrats et le procureur syndic assisté des douze jurats lui présentèrent les clés de la ville. Après avoir écouté une courte harangue, il dit aux habitants : « Messieurs, je suis le maréchal d'Aumont dont avez tant ouï parler, prenez tous des écharpes blanches ou des rubans à vos chapeaux, et ceux qui n’en avez, mettez-y vos mouchoirs ». Après avoir pris les clés de la ville des mains du procureur, il poursuivit son chemin aux cris de : Vive le roi ! Il était au milieu de sa cavalerie, armé de toutes pièces, l’écharpe et la plume blanches au vent, appuyé sur son bâton de maréchal arrêté en l’étrier gauche ; à ses côtés marchaient les deux bourgeois qui s’étaient portés garants de l’exécution du traité. Lorsqu’il arriva à la porte de la ville close, le pont-levis était levé ; un orfèvre traversa la rivière, abattit le pont et ouvrit les portes. Les troupes étant entrées doucement dans la ville se postèrent dans les rues. Le maréchal étant arrivé au Pavé porta ses regards sur la Tour de la Collégiale du Mur et, jugeant qu’elle pouvait lui servir de point d’attaque contre le Château, ordonna à une compagnie de mousquetaires de s’y poster sur la plate-forme.

Le matin à leur réveil les habitants, voyant les rues pleines de Français et ayant appris la reddition de la ville, furent enchantés de cet heureux dénouement et accoururent auprès du maréchal qui fit aussitôt publier par un héraut les articles de la capitulation.

Les ligueurs qui se trouvaient dans la ville la voyant au pouvoir des Français, se sauvèrent au Château qui eut cinq cents hommes disposés à le défendre. Dans ce nombre étaient compris la garnison ordinaire composée de deux cents soldats sous les ordres du gouverneur de Rosampoul, cent cinquante commandés par le comte Anne de Sansay de la Maignane, quatre-vingts commandés par le capitaine Rostin, soixante gentilshommes et plusieurs réfugiés, dont la plupart n’étaient que des bouches inutiles. Comme le Château était presque sans vivres par la négligence du gouverneur qui avait reçu peu auparavant mille écus pour cet objet et qu’on lui reprocha de s’être appropriés, il voulut y faire entrer des provisions et quelques pièces de vin, mais une vigoureuse arquebuscade assaillit les ligueurs chargés de cette opération, perça les tonneaux et fit couler sur place tout le contenu. Les soldats prirent la fuite, fermèrent les portes, levèrent les ponts et ils se disposèrent à soutenir le siége, espérant être secourus par Mercœur.

Les forces du maréchal s’élevaient à trois mille hommes, dont deux mille fantassins et trois cents cavaliers. Le samedi 26, le maréchal investit le Château et dressa ses batteries. L’une,  placée sur le Mont-Relais, du côté du midi, fut pointée contre le donjon, entre les bastions des Fossés et celui du Mont-Relais, l’autre fut établie sur la plate-forme du clocher de Saint-Mathieu ; non encore achevé et l’autre sur celle du clocher de Notre-Dame du Mur. Cette dernière batterie incommodait si fort les assiégés et les mousquetaires, leur faisait éprouver de si grandes pertes que le lendemain, dimanche, ils pointèrent quatre canons contre cette tour. Ils la canonnèrent toute la journée sans interruption, abattant les tourelles et ébranlant la flèche ; les habitants, qui craignaient la chute de leur clocher, prièrent le maréchal de faire changer cette batterie : ce qui leur fut accordé. Les mousquetaires se transportèrent avec leur artillerie à la batterie de Saint-Mathieu et commencèrent un feu bien nourri. Les canons du Château répondirent avec la même vigueur ; leur tir fut d’une telle justesse qu’un boulet brisa une des cloches, un autre pénétrant dans la gueule fit éclater un canon, dont les éclats tuèrent un des servants, emportèrent le machicoulis, une partie de la plate-forme et un quartier de la tour. Cette batterie étant démontée, il restait encore celle du Mont-Relais, qui fit brèche plusieurs fois entre les bastions, de sorte que tous les jours les assiégeants livraient de nouveaux assauts et, des deux côtés, on faisait des prodiges de valeur. En même temps, les travaux des mines et des tranchées avançaient avec une rapidité remarquable. De leur côté, les assiégés élevaient des barricades et de nouvelles fortifications. Vers la fin du mois d’août, un corps anglais, composé de sept mille cinq cents hommes, sous les ordres du général Nouris, débarqua au port et vint renforcer l’armée française : ces troupes prirent position au faubourg des Brebis et dans les environs.

Rosampoul, pensant qu’il ne pourrait tenir longtemps contre de pareilles forces, envoya un émissaire à Mercœur pour lui faire savoir de quel prompt secours il avait besoin. Lavallée, gentilhomme de duc, qui pénétra dans le château à la faveur de la nuit, rendit l’espoir aux assiégés en leur apprenant que son maître accourait à marches forcées avec ses troupes et celles de l’espagnol don Juan d'Aquila qui devait le rejoindre au Relecq. Arrivé à Carhaix, Mercœur envoya sommer le maréchal de cesser les hostilités. D'Aumont réunit son Conseil et comme quelques officiers étaient d’avis de lever le siège à cause de leur infériorité numérique, le maréchal jura qu’il se ferait tailler en pièces plutôt que d’abandonner une ville qui s’était mise sons sa protection. Il se prépara donc à la lutte en fortifiant sa position et en la faisant clore, depuis le Val-Pinart jusqu’à Roz-ar-Bleiz, entre le Jarlot et le Keffleut. Le 16 septembre, entrèrent au port deux navires anglais, chargés de vivres et de munitions pour les troupes de Nouris.

Cependant les assiégés luttaient avec ardeur contre l’ennemi et contre la famine. Par des sorties continuelles ils harcelaient les troupes du maréchal, contreminaient les mines des assiégeants, tiraient sur tous ceux qui se montraient dans les rues ou aux fenêtres des maisons, et « tenaient en cervelle et le camp et la ville » (Albert Le Grand). La disette des vivres devint telle qu’ils furent réduits à manger les chevaux, les chiens, les chats, puis à faire la chasse aux rats et aux souris, sans avoir un morceau de pain. Enfin, pour tenir plus longtemps, ils firent sortir par la poterne du Keffleut toutes les bouches inutiles. La dame de Rosampoul, Renée de Catalan, enfermée dans le château, était sur le point d’accoucher. Le maréchal ayant appris sa position se montra galant chevalier et lui envoya avec beaucoup de courtoisie des perdrix, de la volaille et trois ou quatre moutons. Mais elle lui renvoya ses présents en le remerciant et lui disant qu’elle ne voulait d’autre nourriture que celle des soldats : « Et non seulement en cela se montra-t-elle courageuse, mais tant que continua le siége, elle se montra si résolue à encourager le soldat, sans aucune apparence ni signe d’étonnement, qu’elle plantait le cœur au ventre du plus lâche » (Chanoine Moreau. Histoire de ce qui s’est passé en Bretagne durant les guerres de la Ligue).

Pendant ce temps, Mercoeur avançait avec ses forces franco-espagnoles. Entre Huelgoat et le Cloître, dans la montagne d'Arrhés, ses chevau-légers attaquèrent un poste de trois cents cavaliers, les meilleurs de l’armée royale, et l’emportèrent d’assaut. Ils tuèrent cinquante hommes et firent soixante prisonniers ; le reste se sauva en laissant les bagages aux mains des vainqueurs : le sieur de Lesmais, de Tréguier, se trouva parmi les morts. Les ligueurs ne subirent aucune perte. Ce succès releva le courage des assaillants, mais les royalistes du siége furent tellement abattus que plusieurs, découragés par la perte de leurs plus braves compagnons d’armes, firent partir leurs bagages pour Guingamp, qui était leur plus proche retraite. Un événement inattendu changea la face des choses.

Le maréchal avait choisi une position avantageuse et attendait l’ennemi de pied ferme, tandis que Mercoeur, après avoir descendu les montagnes d'Arrhés, arrivait aux environs de Plourin où il prenait ses dispositions pour le combat. Avant d’en venir aux mains, il harangua ses troupes françaises et les trouva disposées à faire leur devoir. Puis s’adressant à Don Juan, il lui demanda s’il n’était pas d’avis de donner sur l’ennemi. L'Espagnol lui répondit : « Non , monseigneur, comment voudriez-vous donner? — Je me mettrai à pied, répliqua le duc, à la tête de trois cents gentilshommes, qui, tous la pique à la main, donneront tête baissée, et vous n’aurez seulement qu’à nous suivre avec les vôtres.— Ma troupe ne donne pas tête baissée, reprit Don Juan, pero piano, piano ». Il termina cependant en disant qu’il conduirait ses troupes à deux conditions : qu’il marcherait en ligne de bataille et qu’on lui accorderait le pillage de Morlaix. Le duc refusa d’accepter cette dernière condition, alléguant qu’il avait dans la ville plusieurs serviteurs dévoués qui n’avaient pas trempé dans la reddition, qu’il n’était pas juste de punir des innocents, mais qu’il lui accordait le pillage des maisons de tous ceux qui seraient coupables. Quant à la marche, il lui offrit la conduite de l’avant-garde. L'Espagnol indigné de ce refus répondit qu’il voyait bien qu’on voulait l’exposer lui et les siens à la boucherie, et établit son camp loin de celui du duc Mercœur qui sentait combien il était important d’avoir son concours, sans lequel il ne pourrait réussir, envoya plusieurs seigneurs pour l’apaiser, mais Don Juan resta inébranlable, et refusa de le suivre.

La défiance du flegmatique Aquila avait été habilement exploitée par d'Aumont qui fut la principale cause de son refus. Informé par ses espions du différent qui s’était élevé entre les deux chefs, il eut recours à la ruse. Il écrivit à Mercceur une lettre par laquelle il le suppliait d’accomplir ce qui était convenu entre eux, afin qu’ayant débarrassé la France de ces Espagnols maudits, ils s’unissent tous au service du roi. Après l’avoir signée et scellée de son cachet, il la fit jeter adroitement dans le camp espagnol et tomber entre les mains d’un soldat qui la remit à son général. Don Juan crut que ce qu’elle contenait était vrai. Ses soupçons furent encore augmentés par des gens intéressés qui lui firent entendre de ne pas se fier à Mercoeur qui avait promis à Henri IV de se débarrasser des Espagnols pour faire la paix avec le roi ; ce qui n’était pas sans quelque apparence de vérité, car la paix étant générale en France, sauf en Bretagne, où le duc voyait ses partisans diminuer chaque jour, on pouvait penser que le duc désirait rentrer en grâce auprès du roi par quelque important service, et quel service plus signalé pouvait-il lui rendre que d’exterminer les Espagnols. Don Juan adressa les plus vifs reproches à Mercœur, et sans écouter aucune de ses excuses, il rompit avec lui et se retira à Quimperlé avec ses troupes. Le duc ne pouvant rien sans l’appui des Espagnols n’osa attaquer le maréchal et battit en retraite, le 19 septembre, laissant les assiégés à la merci du maréchal. Il retourna à Quimper, en brûlant le château de Granec, retraite du fameux Fontenelle.

Dès que la nouvelle de cette retraite parvint au camp royal, d'Aumont donna ordre au Sr. de Coëtedrez d’aller avec quatre-vingts salades reconnaître l’ennemi et s’informer de la direction suivie par l’armée des ligueurs. Ce capitaine les trouva à Huelgoat et vint faire son rapport. Quelques officiers qui étaient présents dirent que si Coëtedrez eût été un homme de courage, il aurait attaqué les ennemis, et demandèrent l’autorisation d’aller poursuivre leur arrière-garde. Le maréchal, cédant à leur importunité, leur permit de partir. Soixante cuirasses, hommes courageux et de la meilleure noblesse sortirent de camp vers le soir. Cette petite troupe découvrit, le lendemain matin, l’armée du duc et donna tête baissée au milieu des ennemis. Ces braves furent promptement enveloppés de toutes parts ; le plus grand nombre fut tué et les autres furent faits prisonniers. Là mourut le seigneur de Lesmes (Lesmaes), qui fut pris vivant par deux cavaliers. Comme ils se disputaient à qui l’aurait, l’un d’eux dit à l’autre : « Il ne sera ni à toi ni à moi, » et au même instant il lui fracassa la tête d’un coup de pistolet. Mercoeur renvoya les prisonniers sur parole ; il ne garda que les chefs, comme otages, et fit dire au maréchal qu’ils seraient traités de la même manière qu’il traiterait les assiégés du Château.

Alors les assiégés, qui pensaient être délivrés, ayant perdu tout espoir, souffrant de la faim et ayant perdu un grand nombre des leurs, demandèrent à capituler après cinq semaines de résistance. Un armistice de trois jours leur fut accordé et tout acte d’hostilité fut suspendu. Pendant ce délai, ils envoyèrent des parlementaires qui arrêtèrent la capitulation dont la signature eut lieu, le 21 septembre au soir. Les conditions qui étaient assez dures portaient : que le sieur de Rosampoul, le comte de la Maignane, et Rostain videraient la place avec tous leurs soldats et la livreraient avec son artillerie au maréchal ; que tous ceux qui auraient moyen de payer la rançon demeureraient prisonniers de guerre jusqu’à ce qu’ils eussent payés pour les prisonniers royaux que Mercœur détenait, et trente mille écus en plus, et que s’ils ne pouvaient payer, leur rançon serait taxée à la discrétion du maréchal ; que les officiers de fortune et les autres soldats sortiraient l’épée au côté seulement, sans qu’ils pussent de trois mois porter les armes contre le roi. On publia à son de trompe que personne ne devait emporter de bagages sous peine d’être dévalisé et que toutes les personnes de quelque qualité qu’elles fussent, seraient impitoyablement fouillées, même les femmes. An dire du chanoine Moreau, « il demeura dans le château un grand butin, tant en or qu’en argent, joyaux, que autres richesses qui se pouvaient porter en cachette » : aussi d’après la tradition populaire croit-on que de grandes richesses sont enfouies dans le château ducal. L'héroique châtelaine emporta cependant les plus chers de ses joyaux et un peu d’or qu’elle cacha sur soi ou sur ses demoiselles, et la courtoisie de l’ennemi fit qu’elles ne furent pas fouillées ; les capitaines à qui la capitulation fut étendue, firent de même et purent ainsi sauver ce qu’ils avaient de plus précieux. Le gouverneur y perdit toute sa caisse, « et disait-on que c’était un juste châtiment de Dieu ; que le sieur de Rosampoul ayant eu la mal grâce des habitants par son avarice et manque d’avitailler la place des deux mille écus qui lui avaient été, peu de temps auparavant, délivrés par le commandement du sieur duc son maître, et qu’il avait mis en sa bourse, Dieu permit qu’il perdît et la place, et argent, et équipage, avec une grande rançon, qui fut sa totale ruine, depuis la quelle il n’a jamais pu se relever » (Chanoine Moreau).

Le lendemain 22, le maréchal entra dans le Château qu’il visita dans tous ses détails et y mit une garnison, composée des compagnies des seigneurs de Corbouzon, de Boiséon et de Coëtedrez. Après avoir fait un emprunt de dix mille écus aux habitants, il laissa de Corbouzon comme gouverneur particulier du Château, et Pierre de Boiséon, seigneur de Coëtinisan, comme gouverneur de la ville au nom de Henri IV, et marcha sur Quimper avec son armée. Ainsi se termina le dernier siége de Morlaix.

Voici le texte de la capitulation : 

« Articles accordés par Monseigneur d'Aumont, mareschal de France, comte de Chasteau-Roux, Gouvereur pour le Roy au Dauphiné, et Lieutenant General pour sa Majesté, en ses Païs et armée de Bretaigne. A Messieurs les Magistrats, Habitans, et réfugiés en la ville de Morlaix, pour la reduction de ladite ville en l'obeyssance de sadite Majesté, et sous le bon plaisir d’icelle. 

I. Que l’exercice de la Religion Catholique Apostolique et Romaine, sera seul permis et non autre, et ne se fera presche ny aucun exercice de la Religion pretendue reformée, tant dedans la ville qu’en tout le Bailliage d’icelle.

Response. Le Roy a agreable, veut et ordonne, qu’il ne se face exercice que de la Religion Catholique Apostolique et Romaine, ès ville, Chasteaux et fauxbourg dudit Morlaix, ny ès autres lieux deffendus par l'Edit de l'an mil cinq cents soixante dix sept.

II. Qu’ils seront generalement maintenus et conservés en tous et chascuns leurs privileges, dignites, Offices et Benefices, et tous autres droicts desquels ils ont joui sous les predecesseurs Roys, sans qu’il y soit rien innové ny diminué, dont leur seront depeschés Lettres patentes de confirmation, portant aussi abolition et assouplissement de tout ce qui se pourroit avoir esté par eux fait à l’occasion des présents troubles, en l’exercice de la Justice, Chambre appelée de l'Union, ou autrement, et n’en sera fait aucune recherche.

Response. Le Roy les veut maintenir et conserver en tous leurs privileges, dignités, Offices et Benefices, et tous autres droicts, pour en jouir ainsi qu’ils ont bien et deuement fait par le passé, et outre les descharges entièrement de tout ce qu’ils ont fait pendant et à l’occasion des présents troubles.

III. Qu’il ne sera estably Gouverneur en leur ville qui ne soit Catholique, et du pays.

Response. L’occasion s’offrant, sera pour veu par sa Majesté, le plus à leur soulagement et contentement que faire se pourra.

IV. Que pour le regard du Chasteau de la ville, iccluy reduit il sera advifé entre lesdits habitans et nous, lequel sera plus à propos pour le service du Roy et seurté de la ville, ou de laisser ladite place en son entier, ou de la desmolir, en quoy sera pris peine de satifaire, et rendre contents lesdits habitans, et sera leur advis le premier sur ce pris.

Response. Monsieur le Mareschal d'Aumont y a pour veu.

V. Que les dons cy-devant faits par le Seigneur de Mercœur, de quelque nature de deniers que se soient, tant à la Commune de ladite ville, qu’aux particuliers d’icelle, ou autre, auront lieu, sans que les débiteurs habitans de ladite ville puissent en estre recherchés ni inquiétés, en quelque façon que se soit, ny aussi les donataires : et qu’en cas de trouble ou empeschement en l'execution du présent article, et autres precedents et subsequents sa Majesté en retiendra la cognoissance en son Conseil, et icelle interdira à tous autres Juges quelconques tant subalternes que souverains de ceste Province, en conséquence dequoy, seront lettres et Commissions necessaires depeschées aux habitants de ladite ville en general, et à chacun d’eux en particulier.

Response. Accordé la descharge et evocation.

Auront lesdits habitans main levée de tous leurs biens saisis en la main du Roy, sans qu’ils puissent estre inquietez en la jouissance d’iceux.

Response. Accordé.

VI. Quant au fort du Torreau, il sera gouverné et manié selon et suivant les anciens privileges de leur ville, par tel que bon leur semblera.

Response. Accordé comme ils ont cy-devant bien isüi et vsé.

VIII. Pour le regard des derniers levés et deubs par quelques-uns desdits habitants en qualité de Receveurs des imposts et billots, ports et havres, foüage, deniers des Estats, saisies, pancartes et deniers extraordinaires qu’ils ont esté contraints de payer audit Seigneur de Mercœur, ou à ses Commis, et levés sur eux, on demeureront quittes, et n’en pourront estre recherchés à l’advenir.

Response. Accordé en rendant compte, auquel seront allouées les parties emploiées en vertu des acquits et mandements et autres Ordonnances dudit Duc de Mercœur, qui sont validées pour ce regard seulement.

IX. Que certaine pancarte accordée cy-devant ausdits habitans par les Gouverneurs du païs, pour subvenir aux frais qu’il leur convient faire, tant pour les fortifications de ladite ville, que pour leurs autres urgentes affaires, sera continuée pour un an, et de nouveau baillée à ferme, sans qu’on en puisse prendre aucuns interests, et pourront neantmoins lesdits habitans faire rendre compte à ceux qui auront eu les deniers de ladite pancarte, ou les faire payer, aient esgard au temps qu’on aura iouy, et à commencer du jour du bail.

Response. Accordé, prenant Commission du Roy, et pour ledit temps seulement permettant sa Majesté la rendition du compte par eux requise.

X. Les Gentils hommes et autres refugiés estan de present en ladite ville, jouiront des mesmes privileges, franchises et libertés, accordés ausdits habitans, faisant le serment de fidélité à sa dite Majesté, entre nos mains, et sans en ce comprendre les Receveurs des deniers Royaux, et non originaires et habitans de ladite ville.

Response. Accordé.

Faict et accordé au camp de Landt-Meur, le 24 jour d'Aoust l'an M. D. XCIV. Signé d'AUMONT, en l'Original ».

Les présents articles ont esté veus et resolus parle Roy estant à Paris, le 21 jour d'Avril, 1595. Ainsi signé en l'Original HENRI, et plus bas, Potier, et confirmées par sa Majesté en ces termes : CONFIRMATION DY ROY. 

Henry par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amés et feaux les Conseillers et gens tenans nostre Cour de Parlement, Chambre de nos Comptes, Intendants et Generaux de nos Finances en Bretaigne, Seneschal de Morlaix ou son Lieutenant, et à tous autres nos Sujects et Officiers qu’il appartiendra, ausquels ces présentes seront monstrées, Salut. VEU PAR NOUS les Articles cy attachés, cy-devant présentés à nostre Cousin le Marescal d'Aumont nostre Lieutenant general en nostre païs et armée de Bretaigne, par luy accordés sous nostre bon plaisir à nos chers et bien amés les Magistrats, Habitans, et refugiés en la ville de Morlaix, le tout meurement veu et considéré, NOUS VOULONS et vous mandons, que chascun desdits articles vous ayes à vérifier et enteriner, et le contenu d’iceux faire entretenir, garder et observer, tant en ce qui concerne L'EXERCICE de la Religion esdites Ville et Chasteau de Morlaix, et autres lieux. La continuation et confirmation de tous et chascuns lesdits Magistrats, Habitans, et refugiés, en tous et chascuns leurs privileges, Offices, Dignités, Benefices, et tous autres. L’abolition et descharge de tout ce qui a esté par eux et chascun d’eux fait, durant et à l’occasion des présents troubles. L’establissement du Gouverneur et Capitaine. esdites Ville et Chasteau. La recherche et repetition des dons faicts par le sieur Duc de Mercœur, tant à la Communauté de ladite ville, qu’aux particuliers habitans d’icelle ou autres refugiés. La main levée de tous leurs biens. Gouvernement et maniment du fort du Torreau. Validation et descharge des levées, employ, maniment et distribution des deniers. La continuation de la levée qui se fait pour un an, suivant la pancarte, et la rendition de compte et maniment d’icelle, et la jouyssance de la mesme grace accordée par nostre dict Cousin ausdits habitans, tant pour les Gentils-hommes, et autres réfugiés estans en ladite ville lors de la rendition d’icelle, le tout suivant et conformément aux responses et apostilles par nous mis et apposez à chacun desdits articles, contraignans à ce faire, souffrir, et obéir, tous ceux qu’il appartiendra, et que pour ce seront à contraindre : Nonobstant appelations ou oppositions quelconques, pour lesquelles, et sans prejudice d’icelles, ne voulons estre differé, et quelconques Edicts, Ordonnances, Declarations, mandements, deffenses, et lettres à ce contraires, ausquels à la derogatoire des derogatoires y contenues, nous avons desrogé et desrogeons, par ses présentes. Car tel est nostre plaisir. Donné à Paris le 20 Avril, l’an mil cinq cents quatre-vingt et quinze, et de nostre regne le septiesme. Ainsi signé en l'Original HENRY, et au-dessous par le Roy, POTIER, et scelées en cire jaune sur simple queuë

Le parti de la ligue était complètement abattu dans notre ville, cependant l’assemblée que les ligueurs avaient nommée fut encore assez puissante pour se maintenir en place pendant huit ans. Les conséquences de cette guerre civile pesèrent longtemps sur le pays ; les campagnes avaient été mises au pillage par les gens de guerre. La famine arriva et les malheureux paysans se virent réduits à se nourrir de graine de lin, d’oseille sauvage et d’orties ; aliments qui prolongeaient à peine leur vie de quelques jours. Sur les chemins et dans les fossés, en ne trouvait que gens morts de faim, dont les cadavres étaient dévorés par les chiens et les loups. Ce n’était pas encore assez, la peste se joignit aux autres fléaux et mit le comble à la désolation : les populations frappées de terreur à la vue de ces abîme de maux crurent que le règne de l'Antéchrist était arrivé.

Morlaix ne fut pas épargné, la contagion s’y abattit à diverses reprises et emporta un grand nombre d’habitants. Ruinée par la guerre, décimée par la peste et la famine, la ville resta des années avant de se relever. Lorsque, en 1607, il fallut liquider ces douze années de désordre, pendant les quelles les finances publiques avaient été dilapidées, la dette dépassait 250,000 livres. La ferveur religieuse se réveilla, ainsi qu’il arrive ordinairement après les grands ébranlements sociaux, et des fondations pieuses contribuèrent à la ruine des finances pendant la plus grande partie du XVIIème siècle : on a vu de quelles sommes énormes s’allégeait, tous les ans, les revenus de la ville au profit des communautés. Les querelles interminables entre les juges royaux et le corps de ville absorbaient encore une bonne partie des recettes, et pendant ce temps, la ville restait comme la ligue l’avait laissée, avec ses rues fétides, ses fossés vaseux et ses remparts en ruines.

En ces temps si durs pourtant, les bourgeois ne laissaient pas échapper l’occasion de célébrer une fête et de se livrer à la joie. L’entrée des gouverneurs de la ville ou de la province était un motif suffisant pour donner des tournois, des carrousels, des bals, des festins et d’autres réjouissances. La plus brillante de ces réceptions fut celle qui fut faite, à César, duc de Vendôme, fils naturel de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, grand maître de la navigation et gouverneur de Bretagne.

« Le lundi, 10 novembre 1624, monsieur le duc de Vendôme fut reçu solennellement à Morlaix, toutes les compagnies sous les armes, à la seconde porte du quai de Léon ; au droit de la place dite le Pavé-Neuf, étoit élevé un arc triomphal à trois étages ; au premier étage, haut de quatorze pieds, étoit le portrait du roi en relief à hauteur d’homme, habillé en Mars, la couronne en tête et le ceptre en main ; au sommet, les armes de France ; de part et d’autre, celles de Navarre et de Bretagne en l’étage du milieu, sous la représentation du roi étoient les armes de monseigneur le duc de Vendôme, soutenues d’un côté de la déesse Thétis, et de l’autre du dieu Neptune, pour représenter le pouvoir que le roi lui avoit donné en cette province par terre en étant gouverneur, et par mer en étant amiral, et étant actuellement en visite des côtes. A l’autre étage étoient les armes du seigneur de Coatinizan, gouverneur de la ville, placées entre deux trophées, et au-dessous celles de la ville, qui est d’azur au navire d’argent, aux voiles éployées et mouchetées d’hermines à la devise, s’ils te mordent Mor-les. Du côté droit de l’écu, paroissoient trois Nymphes orcades ou montaignères représentant les trois montaignes dont la ville est fermée ; chaque Nymphe accoudée sur une colline ou montaigne en relief, pour témoigner leur soumission audit seigneur duc. Au côté gauche on voyoit deux Nymphes Naïades, portées sur deux petites rivières peintes sur le fond de l’arcade, rencontrées d’une sirène portée sur un flot de mer, représentant les deux petites rivières Jarleau et Keuleut qui fluent entre ces montaignes, et embrassant la ville close, se jettent au canal de mer qui donne jusqu’à la Maison de Ville, et étoient ces énigmes animés d’un distique, comprenant une succinte description de la ville, gravé en grosses lettres d’or sur une table de faux-marbre noir ».

Au XVIIIème siècle, la ville vit accroître son commerce, surtout après la guerre de la succession d'Espagne, lorsque de nouveaux débouchés eurent été ouverts à ses produits. La longue paix que le ministère du cardinal Fleury donna à la France, contribua à favoriser les relations de Morlaix avec les pays étrangers, mais la misère est encore bien grande et nous voyons, en 1730 et dans les années suivantes, le corps de ville demander aux évêques de Léon et de Tréguier la permission de manger des oeufs en carême et de faire usage de lait, car les poissons et les légumes sont trop chers pour le peuple. Les années qui suivirent la guerre de sept ans, donnèrent encore un nouvel essor au commerce. Les bourgeois fondèrent à l'Hôtel de Ville, en 1778, la Chambre littéraire et politique, qui fut instituée l’année suivante, par lettres patentes du roi. Toutes ces années furent donc une période de calme et de travail, mais ce calme était celui qui précède la tempête : la Révolution approchait.

Au milieu de ses préoccupations commerciales, la bourgeoisie ne restait pas étrangère au mouvement des idées. Nourrie des écrits de Montesquieu, de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, de Turgot, de d'Alembert, elle réclamait, avec l’école de ces penseurs, la destruction des abus et des privilèges. Elle se sentait humiliée par les hauteurs de la noblesse, elle était froissée, lorsqu’elle voyait des parvenus acheter des lettres d’anoblissement pour se soustraire aux charges qui pesaient sur le tiers, et nous voyons les députés de la ville porter ses doléances aux Etats. Humanité, justice, tolérance, liberté : tels sont les principes dont elle cherche la réalisation. L’accroissement des impôts, le déficit du trésor et les vices du gouvernement, malgré la bonne volonté du roi ne faisaient que creuser le gouffre plus profondément, et au mécontentement de la bourgeoisie se joignaient maintenant les sourdes rumeurs d’une multitude misérable. « De ce côté gronda l’orage, dit un historien ; des vents furieux abattirent un édifice déjà miné dans ses fondements, et il disparut au souffle de l’ouragan populaire ». (J. Daumesnil).

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