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LE GUIDE DU VISITEUR DU MONT-SAINT-MICHEL

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Mont Saint Michel

Vue générale du Mont-Saint-Michel, en 1706

Paul Gout (1852-1923), devint architecte en chef des départements de la Bretagne, où il exécuta de nombreux travaux (ex. l'église Notre-Dame du Kreisker, à Saint-Pol de Léon), puis il fut nommé, en 1898, architecte en chef du Mont Saint Michel et le resta jusqu'à sa mort. Il entreprit la restauration de l'église abbatiale, du Grand Degré, des salles inférieures de la Merveille et la Belle-Chaise. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages sur le Mont-Saint-Michel (situé à la limite de la Bretagne et de la Normandie), dont le "Guide du visiteur du Mont Saint Michel" (1909-1910). 

PREMIERE PARTIE

I- Considérations générales

Autrefois, le Mont-Saint-Michel surgissait entièrement isolé au milieu de l’eau, reflétant de tous côtés l’image de son imposante silhouette. L’aborder en barque après en avoir fait le tour était la plus belle promenade en mer qu’on pût faire des côtes voisines. Le plus souvent, on y accédait à marée basse en traversant les grèves, encore humides du dernier reflux et sillonnées de cours d’eau, où les lises dissimulaient, sous une engageante apparence, leur perfide mobilité. La Montagne de l'Archange était alors, comme aux temps héroïques de son histoire, exposée au péril de la mer, celui de la marée montante surprenant le voyageur attardé dans les grèves. Sous le vertueux prétexte d’en faciliter l’accès et, en réalité, dans un but d’intérêt beaucoup moins général dont nous allons dire quelques mots, on construisit le remblai qui établit actuellement une communication commode avec la côte, au prix de la déchéance de la situation insulaire du rocher. Ce remblai, décoré du nom de digue, vint, au mépris de conventions préalablement arrêtées, butter directement contre le rempart de la forteresse avec la préméditation évidente de l’éventrer.

L’immédiate protestation de l'Administration des Beaux-Arts prévint l’accomplissement de cette dernière mutilation, mais n’a pu encore déterminer l’exécution intégrale de la convention stipulant ce remblai, au lieu d’aboutir, comme il le fait, entre les deux tours dont il enfouit les soubassements, s’acheminerait en prolongement de la courbe générale de la digue, vers l’entrée même de la ville du moyen âge. En 1901, on a complété le choix déjà grand, des moyens de transport dont disposait le touriste pour franchir les dix kilomètres qui séparent le Mont de la station de Pontorson, et on a établi une voie ferrée sur l’un des côtés de cette prétendue digue. Ce mode de transport est assurément commode ; mais que reste-t-il de l’émotion qui saisissait le voyageur à l’approche progressive de cette majestueuse pyramide d’abord estompée dans les vapeurs de l’horizon, puis grandissant et se détaillant peu à peu jusqu’à devenir le rocher géant, au pied duquel l’homme prend conscience de l’exiguïté de sa taille en même temps que de la grandeur des oeuvres dues à la puissance de sa volonté.

Le Mont-Saint-Michel a survécu aux calamités innombrables qui se sont abattues sur lui aux temps des luttes sanglantes dont il est toujours sorti vainqueur. Puisse-t-il aujourd’hui, dans la paix, résister à la subtilité d’un autre ennemi, la spéculation, dont les diverses formes rivalisent généralement d’indifférence à l’égard des richesses artistiques ; leur conservation fût-elle d’un intérêt universel.

En 1856, c’est à dire dix huit ans avant que le Mont Saint Michel fût affecté au service des Beaux- Arts, une Société de capitaliste, sous la raison Mosselmann et Donon, obtint de l'Etat, la concession de 4350 hectares de lais de mer, limités par deux lignes droites dirigées, l’une de la Chapelle Saint-Anne à la Chapelle Saint-Aubert au Mont Saint Michel, et l’autre, du Mont Saint Michel vers la pointe de Roche-Torin ; la dernière ligne étant prolongée jusqu’à sa rencontre avec un troisième alignement partant du Pont à l'Anguille et menée vers le Nord. Après dix années d’une exploitation sans profits, cette Société rétrocéda sa concession à une autre entreprise de colmatage, la Société des Polders de l'Ouest, qui hérita des dispositions bienveillantes dont bénéficiait en haut lieu la première, et obtint, en 1869, l’établissement d’un projet de construction, aux frais de l'Etat, d’une digue insubmersible longeant le canal du Couesnon. La guerre ajourna le projet qui fut repris vers 1874 et finalement exécuté de 1878 à 1880. Telle est l’origine de la fameuse digue qui prolongea la route de Pontorson jusqu’au Mont-Saint-Michel.

Cette entreprise, présentée sous l’apparence d’un ouvrage d’utilité publique devant aider la communication du Mont avec la terre ferme, se réalisa comme nous l’avons dit, au mépris des engagements pris en ce qui concerne l’arrivée de ce remblai contre les murs des remparts qu’il devait conditionnellement respecter. Les protestations ne manquèrent pas de se produire contre cette violation des conventions dont les résultats étaient aussi fâcheux au point de vue de l’esthétique que compromettants pour la conservation des murailles désormais exposées à l’impétuosité de violents remous. La presse fit campagne, le Parlement fut saisi. Mais toutes les démarches sont restées vaines ; et jusqu’à l’heure présente les touristes de toutes nationalité, dont la foule s’empresse vers le rocher fameux, mettent pied à terre devant un cul-de-sac sordide et puant, desservi latéralement par la misérable passerelle dont le plancher pourri et les marches impraticables aboutissent comme à regret à la véritable entrée du Mont-Saint-Michel.

Depuis l’exécution de ces travaux et d’autres poursuivis avec une implacable méthode, les atterrissements se sont accrus avec une rapidité prodigieuse; et, à en juger par les progrès qu’ils ont faits depuis une vingtaine d’années, il est permis d’établir mathématiquement que, si l’on continue à ne s’en point alarmer, dans vingt autres années le Mont-Saint-Michel ne sera plus qu’un rocher côtier au sein d’une plaine maraîchère, comme l’est à l’heure actuelle l’ancienne île rocheuse du Mont-Dol, dominant de ses 65 mètres les marais transformés en polders. Adieu alors le saisissant spectacle des belles marées de vive eau venant, au bruit d’un formidable mascaret, envelopper la base du rocher dont l’histoire et les monuments avaient leur raison d’être dans une situation insulaire qu’on lui aura ravie.

Dans ces dernières années, la presse, se faisant l’écho de l’opinion publique indignée, a milité activement en faveur de cette cause énergiquement prise en mains par l’important groupement auquel elle a donné naissance sous le nom d'Association des Amis du Mont-Saint-Michel (reconnue d’utilité publique). On sait d’où vient le mal : il est dans les deux principaux ouvrages exécutés jadis dans un but de spéculation pour provoquer les atterrissements qu’on déplore aujourd’hui, savoir : la digue insubmersible reliant le Mont-Saint-Michel au rivage, et surtout le sillon submersible de Roche-Torin situé à l’est de la baie, qui détourne de leur cours normal les rivières confluentes, la Sée et la Sélune, et met obstacle à la dispersion des sables apportés par le flot montant. Supprimer ce sillon et couper à une distance suffisante la digue insubmersible, c’est résoudre la question du Mont-Saint-Michel dont, à maintes reprises, le Parlement a réclamé la solution. Des échanges de vues entre l’administration des beaux-arts et celle des travaux publics aboutirent à un projet dont le public salua l’avènement jusqu’au jour où lui furent connues les mesures proposées et dont l’inefficacité apparut avec une évidence inquiétante. En effet, on ne toucherait aux digues qu’avec le souci de les conserver. On se contenterai de donner un semblant de satisfaction à l’impatience des Chambres et de l’opinion publique en abaissant partiellement le sillon de Torin et en faisant aboutir en pente douce la digue insubmersible au Mont-Saint-Michel devant lequel elle s’élargirait en une plate-forme de près d’un hectare destinée au stationnement des voitures.

Le Mont-Saint-Michel

L’Association des Amis du Mont Saint Michel, consciente de ses devoirs statutairement définis, se vit dans l’obligation d’intervenir. Elle dressa le schéma de dispositions propres à assurer avec certitude l’isolement du Mont par l’interposition du cours des rivières entre le sud du rocher et la côte normano-bretonne. Ces dispositions comportent tout d’abord l’établissement d’un cordon submersible de protection en avant du rivage méridional depuis la pointe de Roche-Torin jusqu’à un terre-plein ou terrasse de 250 mètres de longueur à créer, face au Mont, sur la rive droite du Couesnon. Elle comprennent ensuite la destruction complète de la Digue de Roche-Torin et la construction à l’extrémité du Grouin du Sud d’un épi submersible renvoyant les rivières dans la direction Ouest. Elle se complètent par le dérasement de la digue insubmersible du Mont-Saint-Michel sur une longueur répondant à un secteur d’isolement de 1040 mètres et à une profondeur calculée pour y établir un sol guéable à marée basse pour les voitures lorsque les dites rivières divagueront au sud de la baie. Une passerelle pourrait être aménagé pour les piétons, les voitures à bras et pour le va-et-vient de deux chariots sur rails servant au transport des bagages des voyageurs.

 

II- HISTORIQUE

La côte occidentale de la France, principalement dans la région du Cotentin, a subi de profondes transformations au cours des âges géologiques. Rongé par l’érosion marine, l’ancien rivage a peu à peu disparu sous les flots : les îles anglo-normandes, le Mont-Saint-Michel et Tombelaine, formés de roches granitiques, sont les vestiges du continent primitif.

Avant le VIIIème siècle, dans le golfe qui nous occupe, le rivage s’étendait de la pointe de Cancale à la pointe de Carolles. Le rocher que nous entreprenons de faire visiter et qui s’appelait alors le Mont Tombe, n’était, comme son voisin Tombelaine, qu’une éminence rocheuse s’élevant au milieu d’une riche végétation forestière. La légende veut que les Druides y aient longtemps célébré leurs sanglants sacrifices. Puis vinrent des solitaires chrétiens, qui abritèrent leurs ermitages sous les immenses futaies de la forêt de Scissy, renversèrent les idoles païennes et instaurèrent le culte nouveau. Le plus célèbre de ces ermites fut saint Pair qui évangélisa la contrée dès le VIème siècle.

L’histoire du Mont-Saint-Michel commence par une légende dont Saint Aubert, dixième évêque d'Avranches, est le héros. D’après cette légende, saint Aubert aurait élevé au Mont un oratoire à Saint Michel qui lui serait apparu en songe à plusieurs reprises. Le saint évêque aurait résisté longtemps ; mais devant les injonctions réitérées de l'Archange, il se serait décidé, en 708, à faire ériger sur le Mont, qui portait alors le nom de Mont Tombe, une chapelle sur un emplacement désigné par le Prince de la Milice céleste. Il est probable que cet oratoire n’était qu’une sorte de grotte creusée dans le flanc du rocher et dont les derniers vestiges ont fait place aux constructions de la collégiale qui lui succéda. D’après la même légende, au cours des démolitions auxquelles il fit précéder pour faire disparaître les derniers monuments du paganisme gaulois, les efforts des travailleurs ayant échoués devant un énorme menhir couronnant le sommet de la montagne, saint Aubert se serait fait amener un enfant au berceau, dont il aurait appuyé le pied sur la lourde roche qui aurait roulé incontinent au bas de la montagne. Lorsque la voix populaire déclara saint cet évêque, on éleva sur ce point, en commémoration de ce prodige, la Chapelle, dite de Saint-Aubert, campée d’une façon si pittoresque sur la crête d’un amoncellement de roches éboulées.

Une tradition, très discutable, place vers cette époque (en mars 709) l’envahissement définitif de la légendaire forêt de Scissy qu’une grande marée d’équinoxe, chassée par un violent vent du nord, aurait subitement engloutie, n’épargnant que les hauteurs du Mont et de Tombelaine (Note : L’ensablement s’ensuivit par le dépôt des résidus minéraux et végétaux tenus en suspension par le flot montant. Ce sable, qui possède des propriétés fertilisantes a reçu le nom de tangue. Avec les siècles, l’apport continu des marées s’est accumulé dans le fond de la baie, le long des rivages, et les temps modernes ont précipité ces atterrissement au moyen de travaux appropriés. Les terrains ainsi gagnés sur la mer se couvrent d’abord de criste marine, puis la pluie les dessalant, il y pousse l’herbu et ils deviennent d’un bon rapport pour la culture des céréales). Des clercs du diocèse, délégués par Saint Aubert en Italie pour en rapporter des reliques destinées au nouveau sanctuaire, auraient eu, à leur retour, la surprise de trouver la mer là où s’étendait auparavant une luxuriante végétation forestière. Pour assurer la garde de ces reliques, saint Aubert fonda alors le monastère du Mont- Tombe, en établissant dans cet îlot un collège de douze chanoines qu’il dota des revenus nécessaires à leur existence en commun. En quête d’eau pour ses religieux, il découvrit, au bas de la montagne au nord, la fontaine qui porte son nom et qui alimenta l’abbaye jusqu’au XVème siècle.

La célébrités retentissante des miracles opérés autour de l’oratoire de saint Aubert amena une foule de pèlerins dont les offrandes contribuèrent à l’extension de la communauté. On conclut que la montagne jouissait d’un privilège spécial de la part de l'Archange ; et on l’appela désormais le Mont-Saint-Michel, appellation à laquelle on ajouta : au péril de la mer, probablement pour signaler le danger qu’en pouvait présenter l’accès pour les voyageurs inaccoutumés à la mobilité des grèves ou inattentifs aux heures des marées. C’est alors que commence pour le Mont la visite des rois de France, inaugurée par celle de Childeberg II dès l’origine du monastère.

A la mort de Charlemagne, toute la Neustrie occidentale fut ravagée par les Normands. Fuyant devant l’invasion, quelques familles de cette province vinrent chercher un refuge au Mont-Saint-Michel dont la situation semblait devoir les garantir contre les incursions des pirates. Telle fut l’origine de la ville établie au pied de l’abbaye et qui constitue aujourd’hui encore la petite commune du Mont-Saint-Michel.

Le chef des hordes envahissantes, Rollon, devenu duc de Normandie, se fit chrétien et rétablit l’abbaye des chanoines dispersés par les Barbares. Son fils, Guillaume Longue-Epée, dota le monastère d’un immense patrimoine. Mais ces richesses, jointes au contact de la population laïque, amenèrent, dans les moeurs des religieux, un grand relâchement auquel Richard 1er, dit Sans- Peur, troisième duc de Normandie, remédia en établissant, dans le monastère, douze moines bénédictins dont l’austérité de vie lui semblait garantie par la règle sévère de cet ordre religieux. Une charte approuvée par le pape Jean XIII et par le roi de France Lothaire, fixa les rapports des ducs de Normandie et des religieux de l’abbaye. Aux termes de cet acte, l’abbé devait être élu par ses pairs et investi d’un pouvoir temporel appuyé d’une juridiction absolue, tant sur l’abbaye que sur les habitants du bourg.

Le premier abbé élu, en 966, fut Maynard qui, aidé de son neveu et futur successeur, s’appliqua à reconstituer la bibliothèque précédemment pillée par les chanoines indignes. Déjà, sous Maynard II, le monastère était florissant, quand les flammes d’un incendie qui s’était déclaré dans la ville, s’élevèrent jusqu’à l’abbaye qu’elles réduisirent en cendres. Grâce à la générosité du duc Richard II, on reconstruisit des logements et on répara la petite église collégiale édifié dans le courant du Xème siècle.

Hildeberg, successeur de Maynard II, fit élever sur la grève, en commémoration d’un miracle, un édifice longtemps célèbre sous le nom de Croix des Grèves et qui disparut un jour, emporté par les flots.

Avec Hildeberg II, successeur du précédent, commence l’histoire monumentale de l’abbaye : car c’est à lui qu’on est redevable de la conception générale consistant à établir, au sommet du cône rocheux, une plate-forme de façon que l’église fût de plain pied avec les bâtiments claustraux. Toutefois, étant donnée l’importance des substructions que nécessitait le plan adopté, il est à présumer que l'oeuvre d'Hildeberg II, ainsi que celle de ses successeurs les plus rapprochés, s’arrêta au choeur de l’église, dont il ne reste plus rien, et à quelques parties basses du vaisseau roman qui, commencé en 1023, n’en était encore en 1048 qu’aux quatre gros piliers et aux arcs de la voûte du clocher central.

Dès la fin du XIème siècle, l'abbaye était puissamment riche : car l’abbé Ranulphe de Bayeux, avait pu, sur les ressources abbatiales, équiper six vaisseaux pour ramener d'Angleterre le duc Guillaume triomphant. La reconnaissance du roi-duc se manifesta d’abord dans ses largesses. Mais par la suite, à la mort de Ranulphe, il imposa aux suffrages des religieux, malgré leurs vives protestations, son propre chapelain Roger. On doit à la prélature de ce dernier la construction des parties hautes de la nef qui, à peine achevée, s’écroula une nuit sur le dortoir attenant au collatéral de l’église (1103).

Son successeur, Roger II dut refaire la plus grande partie des bâtiments abbatiaux situés au nord et incendiés par la foudre le 25 avril 1112. Ce fut alors que s’élevèrent la Crypte de l'Aquilon puis le promenoir qui la surmonte, et, au dessus, le dortoir, qui fut raccourci au XVIIIème siècle.

Un esprit d’indiscipline avait germé dans l’abbaye sous l’empire de la légitime indignation provoquée par l’empiétement des ducs sur le pouvoir électif des moines. Un accord intervint cependant d’où sortit l’élection de Bernard du Bec. Celui-ci établit à Tombelaine un petit prieuré où il détacha trois moines de l’abbaye de façon que tout le personnel pût se retremper dans la vie cénobitique. Bernard reprit en même temps les travaux de l’église par la construction d’un clocher en pierre sur les quatre gros piliers à l’intersection de la nef avec les transept. Il décora en outre les fenêtres de vitraux peints, dont quelques fragments furent retrouvés dans les fouilles opérées en 1875.

Après une nouvelle période de troubles suscités par les excès de pouvoir du roi d'Angleterre, Henri II Plantagenet, une élection libre eut lieu le 27 mai 1154, qui conféra la crosse abbatiale à Robert de Torigni dont la prélature inaugura pour l’abbaye une période de prospérité matérielle et de développement intellectuel. Pendant les trente deux ans de cette prélature, l’étude des lettres et des sciences reçut une impulsion féconde dans le monastère dont l’abbé enrichit considérablement la bibliothèque. Il existe encore à la bibliothèque d'Avranches soixante sept manuscrit datant de cette époque. Robert accrut le développement des bâtiments par l’addition, au midi, de l’hôtellerie, de l’infirmerie et des constructions dépendantes accolées à l’ouest contre les substructions de l’église romane en communication avec les anciens bâtiments du nord. Il éleva, devant la façade occidentale de l’église, un porche flanqué de deux tours, dont il ne reste aujourd’hui que quelques fondations retrouvées en 1875, sous le dallage de la plate6forme de l’ouest. De ces deux tours, celle du sud, s’écroula peu de temps après sa construction. Elle contenait la bibliothèque qui fut en partie détruite.

A la mort de Robert de Torigni, la prospérité de l’abbaye atteignit son apogée. Le monastère possédait d’immenses biens et un grand nombre d’abbayes vassales jusqu’en Angleterre, quand, au cours de la conquête de la Normandie par Philippe Auguste, en 1203, Guy de Thouars vint assiéger le Mont-Saint-Michel. Désespérant de s’en emparer de vive force, ce partisan mit le feu à la ville. Les flammes montèrent jusqu’à l’abbaye dont tous les bâtiments étagés au dessus du bourg furent anéantis.

Ce fut pour les remplacer qu’on résolut la construction de la Merveille que les libéralités du roi de France Philippe-Auguste permirent d’un seul jet. A cette époque, l’abbé était Jourdain, homme de grande intelligence, mais peu aimé des moines que les traditions administratives de Robert de Torigni tenaient encore attachés au roi d’Angleterre. Avec Jourdain s’affirment en même temps au Mont-Saint-Michel la nationalité française et le génie artistique français. A cet abbé revient l’honneur du projet relisant la pensée d'Hildeberg II sur le côté nord du rocher et aussi l'exécution d’une partie de ce plan grandiose comprenant le Cellier et la Grande Salle contiguë, dont le porche, à cette époque, s’ouvrait sur l’entrée même du Monastère. A son avènement, en 1212, Raoul des Iles continua les travaux par la Salle des Hôtes et celle des Chevaliers que termina Thomas des Chambres. Celui-ci, de 1218 à 1225, construisit le Réfectoire, modifia le pignon nord du transept roman contre lequel il établit le lavatorium des moines, et commença le Cloître. Cette magnifique construction ne devait être terminée que sous son successeur Raoul de Villedieu, auquel on attribue aussi la petite Chapelle Saint-Etienne.

A cette époque, l’entrée de l’abbaye était située au bas de la tourelle dite des Corbins, à proximité du porche accédant au rez-de-chaussée de la Merveille. Par des emmarchements aboutissant à la terrasse absidiale on arrivait au niveau du grand vestibule, aujourd’hui défiguré, qui desservait la Salle des Hôtes, celle des Chevaliers et le dégagement qui, longeant les substructions du transept nord, met en communication la Merveille avec les bâtiments de l’ouest en passant par l’ancien promenoir des moines.

Or l’abbaye était riche et suscitait bien des convoitises. Cependant elle ne possédait encore, non plus que la ville situé à ses pieds, aucune fortification. Elu abbé en 1236, Richard Turstin entreprit de fortifier l’entrée qu’il avait déplacée en la transportant au bas du bâtiment élevé par ses soins à l’est de l’église et désigné sous le nom de Belle Chaise. Grâce à la munificence de Saint Louis qui vint en pèlerinage vers 1254, ce prélat couvrit de fortifications les escarpements du nord et fit bâtir la tour Nord. On attribue en outre à cet abbé la partie centrale des bâtiments abbatiaux au midi et le commencement du Chapitre dont on voit les amorces à l’extrémité ouest de la Merveille.

En 1300, la foudre tomba sur le clocher de l’église, l’incendia et le ruina entièrement. Le feu communiqué à la ville en détruisit un grand nombre de maison. L’offrande royale de Philippe le Bel, venu en 1311 en pèlerinage au sanctuaire de saint Michel, permit à l’abbé Guillaume du Château de réparer promptement ce désastre. Guillaume continua en outre les fortifications dans la direction du sud-est et construisit, à la base sud-ouest du rocher, les magasins abbatiaux ou Fanils, détruit depuis et sur l’emplacement desquels on voit aujourd’hui la Caserne, élevée en 1828 à l’usage des troupes préposées à la garde de la prison centrale.

L’entrée du bourg se trouvait alors à proximité du point où devait s’élever un siècle plus tard et où se trouve encore aujourd’hui l’église paroissiale.

Quelques années plus tard préludait la guerre de Cent Ans et les Anglais ravageait la Normandie. L’abbé Nicolas le Vitrier, dont la tâche première avait été de réparer les dégâts d’un nouvel incendie occasionné par la foudre en 1350, prit un soin particulier de l’entretien des remparts. Son successeur, Geoffroy de Servon, dut relever de nouvelles ruines, la foudre ayant encore, en 1374, incendié l’abbaye et même la ville devant les Anglais déjà postés à Tombelaine.

En 1386, l’abbé était Pierre Le Roy, homme remarquable qui, indépendamment des réparations qu’il fit à l’église et aux bâtiments abbatiaux, agrandit et fortifia considérablement l’abbaye. Il fit refaire le sommet de la Tour des Corbins ruiné par le feu, et entreprit à l’entrée du monastère une succession de défenses qui le mirent à l’abri d’un coup d’audace. Il appliqua contre la façade sud de Belle-Chaise la Tour Perrinne et construisit, en avant de l’entrée, le Châtelet ainsi que le mur le reliant à la Merveille. Puis il fit précéder cet ensemble de la Barbacane, de la Tour Claudine et du Grand Degré. Devenu le conseiller du roi Charles VI, Pierre Le Roy fut chargé par lui d’assister au concile de Pise en 1409 ; il mourut l’année suivante à Bologne. Il avait été accompagné en Italie par son chapelain, Robert Jolivet, qui se fit octroyer des bulles pontificales lui conférant la crosse abbatiale. Rentré au Mont avec 4000 écus d’or que Pierre Le Roy léguait à l’abbaye, il se fit élire régulièrement. Puis il partit pour Paris y étudier en la Faculté des Décrets. Mais on était alors au lendemain d'Azincourt, et les Anglais, fortement retranché à Tombelaine, s’enhardissaient de leurs victoires. La ville, resserrée étroitement dans les fortifications de Guillaume du Château, avait un faubourg dont l’ennemi pouvait chercher à s’emparer pour y propager un incendie propice à ses desseins sur la forteresse.

Rober Jolivet fut donc rappelé au Mont-Saint-Michel que son premier soin fut d’envelopper de la ceinture de remparts qui, branchée sur l’enceinte du XIVème non loin de la Tour Nord, s’étend, baignée par la mer, jusqu’à la Tour du Roi et se retourne à angle droit pour gravir les escarpement du Midi. Mais, sans même attendre le traité de Troye où tout semblait perdu pour la monarchie française, Robert Jolivet se rendit à Rouen et se vendit aux Anglais pour une rente annuelle de mille livres. Afin de le remplacer par intérim dans l’administration de l’abbaye, les moines désignèrent Jean Gonault, leur prieur conventuel, avec le titre de vicaire général. Entré en fonction en 1420, celui-ci s’empressa, de concert avec Jean VIII d'Harcourt, comte d'Aumale, envoyé par Charles VII, d’organiser la défense.

A cette époque commence pour les montois une ère de dures épreuves. Le 10 novembre 1421, le choeur de l’église romane s’écroula subitement, compromettant par sa chute la solidité des piliers du clocher central.

En même temps, les Anglais, maîtres de Paris, devenait chaque jour plus pressants. Aidé de la complicité de Robert Jolivet, ils firent le siège du Mont et tentèrent de le réduire par la famine. L’héroïque résistance des Montois eut raison de leurs assauts successifs. En 1434, mis en déroute par la garnison commandée par Louis d'Estouteville, capitaine du Mont, les anglais abandonnèrent leur artillerie.

Les deux bombardes, qui sont actuellement déposées dans l’avancée de la Barbacane, sont les glorieux trophées de cette victoire mémorable remportée par quelques centaines de héros contre toute une armée commandée par les hommes de guerre les plus distingués de l’Angleterre.

En 1435, Louis d'Estouteville, profitant d’une trève momentanée, se hâta de remanier les fortifications de la ville en conformité des progrès de l’artillerie. Pour protéger la porte, il construisit, en avant, la Barbacane spécialement disposée contre les projectiles des pièces à feu. Cependant l’abbaye se trouvait dans une lamentable détresse, ayant ses biens séquestrés et ses objets précieux engagés afin de pourvoir à la nourriture des religieux et de la garnison. Malgré tout, les défenseurs du Mont traquèrent l’ennemi et s’emparèrent de plusieurs de ses forteresses dans le pays environnant. La lutte dura jusqu’en 1450 où, battus à Formigny, les Anglais abandonnèrent la Normandie et furent définitivement chassés de France, ne conservant que Calais qu’ils durent évacuer en 1558.

Une bulle pontificale de 1446 avait institué le premier abbé commendataire du Mont en la personne du cardinal Guillaume d'Estouteville, frère cadet du capitaine qui avait si valeureusement défendu la forteresse. Guillaume ne résida pas au Mont : mais il propagea au dehors le culte de Saint Michel et obtint du pape des bulles d’indulgence plénières pour ceux qui visiteraient le sanctuaire et lui feraient part de leurs biens. Il affecta ces ressources à la reconstruction du choeur écroulé.

En 1469, Louis XI instituait l'Ordre des Chevaliers de Saint-Michel

Les travaux du choeur, interrompus en 1482 par la mort du cardinal d'Estouteville, furent repris en 1499 par l’abbé Guillaume de Lamps. Un incendie ayant de nouveau brûlé le clocher, Guillaume le reconstruit en même temps qu’il éleva d’autres constructions dans le voisinage du logis abbatial et notamment la citerne de l'Aumônerie, aujourd’hui débarrassée des informes bâtiments qui la défiguraient du côté sud de l’église.

En succédant en 1513, à son frère Guillaume, Jean de Lamps termina le choeur. Sous sa prélature, François Ier vint en pèlerinage au Mont-Saint-Michel.

En 1530, Gabriel du Puy, lieutenant du roi en la place du Mont, éleva la tour Gabriel pour compléter les défenses du côté accessible et construisit devant la Barbacane l'Avancée et le Corps de Garde des Bourgeois.

Les abbés commendataire furent de médiocres constructeurs ; certains, préférant se borner à toucher les revenus n’entretinrent même pas les bâtiments de l’abbaye. Le monastère ayant été de nouveau la proie des flammes en 1564, il fallut un arrêt du Parlement de Rouen pour contraindre l’abbé François Le Roux d'Anort à faire les réparations.

Trente ans plus tard, même incendie, même arrêt du Parlement qui, cette fois, prescrivit la construction, à l’usage du clocher, de la tour massive qui existait avant la construction récente du clocher central.

Pendant les troubles de la Ligue, les abbés défendirent la ville contre les surprises des Huguenots. Un dramatique épisode auquel donna naissance la tentative infructueuse faite en 1591, par Montgomery, pour s’introduire dans l’abbaye par le Cellier, fit donner le nom de ce partisan à cette salle basse de la Merveille.

En 1615, l’abbé était un enfant de cinq ans, Henri de Lorraine, cinquième duc de Guise, dont le mandataire fit divers travaux de réparations et de consolidations, notamment le contrefort où figurent les armes des Guises contre les substructions occidentales.

Cependant, un profond relâchement s’était introduit dans les moeurs des religieux qui durent être remplacés en 1622 par les Bénédictins de la Congrégation de Saint Maur. A part le moulin qu’ils élevèrent sur la tour Gabriel, on ne retrouve de ces moines que des ouvrages de mauvais goût et de lamentables mutilations. Deux d’entre eux furent les plus grands historiens du Mont-Saint-Michel, Dom Jean Huynes qui entra à l’abbaye en 1633, et vingt ans après lui, Dom Thomas Le Roy qui exécuta en l’espace de vingt mois ses « Curieuses recherches ».

Sous Louis XIV, le gouvernement de la forteresse, depuis un siècle retiré aux abbés, leur revint en la personne du chevalier de Malte, Jacques de Souvré.

En 1745, Louis XV, pour se venger du pamphlétaire Dubourg, le fit enfermer dans la cage de fer. Cette fameuse cage, dont l’invention avait, dit on, été suggérée à Louis XI par le cardinal Jean Balue, était construite en bois lourdement armé de fer. Lors d’un pèlerinage qu’il fit au Mont le 17 mai 1777, le comte d'Artois demanda la destruction de cette cage, souhait qui fut réalisé quelques mois plus tard sur l’ordre du duc de Chartres, le futur roi Louis Philippe, venu au Mont avec sa gouvernante Mme de Genlis.

Après l’incendie de 1776 le portail ouest de l’église, depuis longtemps lézardé menaçait de s’écrouler. On démolit les trois premières travées de la nef et, quelques années après, on boucha l’ouverture par la hideuse façade qui déshonore le monument sur la plate-forme ouest. En 1790, les religieux furent chassés, et les cloches emportés par les habitants des pays voisins. Les manuscrits furent déposés à la bibliothèque municipale d'Avranches où ce qu’il en reste constitue une collection du plus haut intérêt et d’une grande valeur documentaire.

Maintenue comme maison de force par Napoléon Ier, en 1811, l’abbaye du Mont-Saint-Michel prit, sous Louis XVIII le nom de prison centrale et de correction. La prison des femmes, disposée dans l’ancienne Hôtellerie bâtie par Robert de Torigni, s’écroula en 1817. Les belles constructions de l’antique abbaye subirent en outre de nombreuses mutilations occasionnées par leur nouvelle affectation. Enfin la nef romane fut ravagée, en 1834, par un incendie survenu au centre d’ateliers aménagés dans les étages qui la subdivisaient.

Les geôles de l’abbaye renfermèrent, de 1830 à 1848, entre autres prisonniers politiques, les chefs des mouvements insurrectionnels dirigés contre le Gouvernement de Juillet : Barbès, Blanqui, Martin Bernard, etc.

Un décret de 1863 supprime la prison et, en 1865, l’évêque de Coutances loua l’abbaye et ses dépendances pour une période de neuf années, y rétablit le culte et y installa des missionnaires diocésains. Peu de temps après, ces derniers furent remplacés par des religieux de Saint-Edme de Pontigny. A l’expiration de ce bail, les logis abbatiaux, à l’exception de l’église et de la Merveille, furent loué pour six années au supérieur de ces religieux. Ce dernier bail ne fut pas renouvelé. Affectés en 1874 au services des Monuments historiques près le Ministère des Beaux Arts, l’abbaye et les remparts du Mont-Saint-Michel ont été, depuis cette époque, l’objet de travaux d’entretien et de restauration d’une importance croissante. Dirigés jusqu’en 1890 par feu Monsieur l’architecte Ed. Corroyer, les travaux furent commencés par la consolidation des substructions romane au Sud et à l'Ouest et suivis de la restauration du cloître et du réfectoire, ainsi que d’une partie des remparts de la ville. Ils furent continués par feu M. Victor Petitgrand, qui exécuta la reprise des quatre gros piliers et la reconstruction du clocher et de la flèche de l’église abbatiale, terminée à son sommet par la statue de saint Michel, pur chef d'oeuvre de Frémiet.

Le Mont-Saint-Michel

Chargé en 1898 de la direction des travaux, nous avons exécuté la restauration complète de l’église, la restitution de la citerne de l'Aumônerie et de ses abords, ainsi que l’ancien dortoir des moines. Nous avons rétabli des circulations dans les galeries souterraines, restauré la barbacane du Châtelet, construit le grand degré extérieur et organisé partout un écoulement méthodique des eaux pluviales en vue de leur utilisation distincte en eau potable et non potable en nous servant des anciennes citernes. Indépendamment de ces travaux et de beaucoup d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici, nous avons procédé à des fouilles qui ont rendu incontestable l’existence jusqu’alors insoupçonnée de la petite église carolingienne et des fondations presque complètes du monastère montois du Xème siècle.

Afin de mettre sous les yeux du public les dernières épaves historiques de l’abbaye forteresse recueillies sur divers points ou extraites des fouilles opérées au cours de la restauration, nous les avons regroupées dans une des salles du monastère, celle dite du Gouvernement ou de l'Officialité abbatiale. Les visiteurs y trouveront des fragments de sculpture et de carrelages anciens, des objets de diverses natures provenant des sépultures abbatiales, inscriptions, crosses, anneaux, restes de vêtements, pièces de monnaie du moyen âge, etc., dont nous donnons à la fin de ce guide le catalogue descriptif. Ils y verront exposés des dessins au nombre desquels les plans indiquant les transformations successives du monastère depuis sa fondation jusqu’à nos jours. Une bibliothèque spéciale permettra en outre au public d’étudier sur place et devant les édifices eux-même l’histoire de ces monuments.

 

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DEUXIEME PARTIE

Visite
Vue générale et remparts à l’extérieur

Quelque soit le mode de transport dont on fasse usage pour se rendre au Mont-Saint-Michel (et aujourd’hui on a le choix), il est préférable de faire le voyage à l’époque d’une marée de vive eau, afin de jouir de l’émouvant spectacle de l’arrivée de la mer qui, retirée à marée basse à plus de douze kilomètres, forme au moment du flot, une barre formidable envahissant progressivement toute l’étendue du vaste estuaire qui s’étend des côtes de Bretagne à celles de Normandie. Aux époques de syzygies, la hauteur de l’eau atteint près de 14 mètres, et tout le Mont se trouve entouré d’eau, sauf, bien entendu, du côté du malencontreux remblai qui le défigure. A l’aide d’une petite embarcation on peut, en côtoyant à distance convenable les neuf cents mètres de circonférence du rocher granitique, voir se dérouler devant soi les aspects les plus saisissants et les plus grandioses, variants, pour ainsi dire, à chaque coup d’aviron. On trouve, à l’entrée du Mont, de braves pêcheurs toujours prêts à procurer aux touristes, moyennant une légère rétribution, le plaisir de cette circum navigation. Ces mêmes hommes sont les guides les plus utiles et les plus sûrs qu’on puisse trouver pour parcourir les grèves. Et si l’on aime mieux faire à pied cette petite excursion, comme la mer descend aussi rapidement qu’elle est montée, on peut, deux après qu’elle est étale, faire le même tour sur le sable fin de la grève. On ne regrettera pas non plus, si les jambes s’y prêtent, d’avoir poussé jusqu’à Tombelaine sous la conduite toujours nécessaire de ces même guides, dont l’expérience consommée égale la prudence.

La hauteur de la plate-forme d’où jaillissent les constructions abbatiale est de 78,41 mètres au dessus du seuil de la porte de l'Avancée de la ville. Il faut y ajouter 87,75 mètres pour avoir l’altitude du saint Michel occupant l’extrémité de la flèche et qui à lui même 2,50 mètres.

L’incomparable beauté du site et des monuments sous les quatre orientations se passe de commentaires. Nos vues générales en fixeront le souvenir. Entre autres inconvénients que présente la digue, se trouve celui de faire arriver le visiteur par le moins beau côté du Mont. En même temps que ce remblai enterre la base du remparts de la façon la plus déplorable, il se trouve précisément donner accès au Mont du côté où de fâcheuses constructions modernes le déparent. La face occidentale se signale par la majesté du soubassement naturel que forment les escarpements rocheux. En continuant le tour dans la même direction, on voit se déployer successivement les faces Nord et Est, sans contredit, les plus imposantes et qui frappent l’imagination du visiteur d’une émotion inoubliable. Dans cette excursion circulaire on devra, dès la porte de la ville, fixer son attention sur la ceinture de remparts extérieurs.

Mont Saint Michel

- Plan 1 -

En se dirigeant vers l’ouest on voit d’abord l'Avancée A (plan 1) ce qui reste du soubassement de l’ancienne tour des Fanils (B) et la caserne (C), construite sur l’emplacement de ces anciens magasins abbatiaux ; puis la Tour Gabriel (D), élevée au XVIème siècle, en même temps que l'Avancée, par Gabriel du Puy, au point ou le rocher pouvait être praticable pour l’assaillant. La tourelle surmontant cette tour est une reconstruction moderne construite en 1627, à l’usage de moulin à vent par les Bénédictins de la Congrégation de Saint Maur. De là, le mur du rempart se coude à angle droit pour gravir les escarpements jusqu’au point où leur extrême rapidité le rend superflu.

Plus loin, assise sur un petit promontoire, est la Chapelle Saint Aubert (E), puis à la suite, la Fontaine du même nom (F), trouvée dès le VIIIème siècle par le saint évêque, en quête d’eau pour les religieux qu’il avait installé au Mont. Fortifiée au XIIIème siècle, cette fontaine alimenta, jusqu’au XVème, le monastère. Elle communiquait avec celui ci par un Grand degré, dont subsiste encore les ruines au milieu de futaies, restes de l’antique forêt de Scissy, auxquels on a donné de nos jours le nom de Petit-Bois. Ce rideau de verdure, encadré par les escarpements rocheux auxquels se rattache la succession accidentée des remparts et surmonté des colossales constructions de la Merveille, compose un tableau d’une incomparable beauté.

En continuant sa route, on a devant soi, sur ces escarpements, la partie la plus ancienne des remparts de la forteresse dans la Tour Nord (H) et dans les murs adjacents la reliant à l’abbaye, qui ont été construits au XIIIème siècle par Richard Turstin, pour protéger la ville haute, dont le périmètre ne s’étendait pas alors au delà du point où a été élevée au XVème siècle l’église paroissiale (R). Ces murs ont été remaniés au XIVème siècle par l’addition des beaux mâchicoulis qui les couronnent et, au XVème siècle, par celle de l'Echauguette (G) qui appuyait sur les dispositions défensives de la Tour Claudine (Z), destinées au flanquement de la Merveille.

Un peu avant d’arriver à la petite Fontaine Saint Symphorien (H’), l’angle rentrant que forme la muraille marque le point où se soude, sur la primitive enceinte celle dont, au XVème siècle, Robert Jolivet enveloppa toute la partie basse de l’îlot accessible à l’ennemi. Elle comprend un vaste développement de courtines flanquées d’une série de tours, toutes sauf une, pourvues autrefois de couvertures coniques et divisées en un certain nombre d’étages. Ce sont : la grosse tour (I), transformée au XVIème siècle en Bastillon ; la Tour Boucle (J) ; la Tour Basse (K), complètement modifiée et disposée en batterie barbette au XVIIIème siècle ; la Tour de la Liberté (L) ; la Tour de l'Arcade (M), et enfin la Tour du Roi (N). A côté, l’entrée de la ville est pratiquée dans un retour d’équerre de l’enceinte qui gravit d’abord les escarpements vers (S) où se trouvait un corps de garde, puis s’étend vers (T) où est une échauguette, et se relie enfin aux dispositions défensives auxquelles se prêtaient les terrasses délimitant les jardins abbatiaux.  

La ville et les remparts à l’intérieur.

A gauche de la porte de l'Avancée (A) est le Corps de garde des Bourgeois (O), appuyé des crénelages établis en (O)’ pour le cas où l’ennemi aurait réussi à franchir cette première porte. La seconde porte donne accès à la Barbacane (P), fâcheusement encombrée aujourd’hui d’une accumulation de construction modernes masquant la Porte du Roi (Q), laquelle est flanquée de la Tour du même nom (N) et était autrefois munie d’un pont-levis franchissant le fossé qui la précédait.

Après l’avoir traversée, on voit à droite, faisant saillie sur l’escalier accédant au rempart, la maison de l'Arcade (M') contenant un corps de garde et la tourelle du Guet formant avec la tour de l'Arcade un ensemble de constructions disposées en vue d’assurer le service du guet tant interne qu’externe dans le voisinage de l’accès de la forteresse.

En s’engageant plus avant dans la rue que traverse un petit bâtiment du XVIème siècle dépendant de l'Hostellerie de la Lycorne, on remarque, de chaque côté, les hostelleries, maisons de pêcheurs ou Loges de « marchands d’imaiges », dont un certain nombres sont demeurées telles qu’elles étaient au moyen âge. A gauche, en montant, l'Eglise paroissiale (R) construite au XIème siècle et complètement transformée au XVème siècle, non loin de l’entrée de la porte de l’enceinte primitive.

Après avoir gravi une série d’emmarchements se dirigeant vers l’abbaye, on arrive au point où se trouvait la première porte du grand degré extérieur (U) donnant accès au monastère par le côté nord de la barbacane (U’) qui précède le Châtelet. Pour pénétrer dans cette barbacane le visiteur a le choix entre la montée directe du grand degré, et un léger détour consistant à gravir à droite la courtine du rempart qui y aboutit également. Il pourra aussi suivre la courtine du rempart qui y aboutit également. Il pourra aussi suivre sa route à gauche en longeant le soubassement de la barbacane où il pénétrera alors par la poterne sud. Avant d’en franchir le seuil, il donnera un coup d’oeil à la vieille maison à arcatures cintrées à quelques pas au bas du perron : c’est l’auberge de la Truie qui file (V), ancienne loge de « marchand d’imaiges ».

Quantité d’autres maisons méritent d’êtres vues que le cadre de cette notice ne nous permet pas de citer. Les plus anciennes sont toutes dans la ville haute, limitée à l’enceinte des XIIIème et XIVème siècles.

Avant de terminer qui a traité de la ville, nous supposerons que nous reprenons le visiteur au sortir de la Barbacane, afin de lui indiquer le trajet pour revenir au point où a commencé la visite, en jouissant toujours de nouvelles échappées tant sur le bourg que sur l’abbaye et les remparts.

Si le visiteur est entré par la porte sud de la Barbacane, il en sortira par la porte nord, et, traversant la Tour Claudine (Z), il suivra la crête du rempart, où il rencontrera l’échauguette nord (G) et successivement toutes les tours qu’il a vues extérieurement dans son excursion autour du Mont. Parcourant ainsi les courtines, il ne manquera pas d’élever de temps à autre ses regards sur la ville dominée par les majestueuses constructions abbatiales. Les dispositions intérieures des tours qu’il traversera dans cette pérégrination fixeront son attention jusque dans le voisinage de la Tour du Roi, où, s’il est pressé par l’heure, il trouvera l’escalier le ramenant à son point de départ dans la rue centrale, à proximité de la Porte du Roi.

Si, au contraire, disposant du temps nécessaire, il traverse la plate-forme couronnant la Tour du Roi, il s’engagera dans le passage des mâchicoulis battant le pied de la porte du Roi, montera l’escalier dit des Monteux, et, après quelques zigzags, aboutira de nouveau à la poterne sud de la Barbacane abbatiale. Au haut des marches du perron extérieur, il trouvera, à gauche, une petite porte par laquelle il pénétrera  dans un chemin de ronde (Y), qu’il suivra en contournant le pied des jardins abbatiaux jusqu’au soubassement (AE) des ruines de l’ancienne hôtellerie. De là en suivant les lacets de la route, il descendra jusqu’aux Fanils non sans s’être au passage arrêté pour visiter la Tour Gabriel (D) et se trouvera bientôt de retour à la porte extérieure de la ville.  

L’Abbaye  

Mont Saint Michel

 

Mont Saint Michel

Après avoir considéré les dispositions prévoyantes de la Barbacane U’ (du plan 1), destinée à opposer un obstacle de plus à un coup de force, on élève ses regards sur l’altière façade du Châtelet A2 (plan 2), où s’ouvre l’escalier du Gouffre (B2), défendu jadis par une herse en fer manoeuvrée intérieurement au premier étage. Puis l’ayant gravi, on arrive à la porte définitive de l’abbaye, pratiquée dans le bâtiment du XIIIème siècle, appelé Belle Chaise (C2). La première salle, dite, Salle des Gardes C1 (plan1), suit les déclivités de la montagne par des emmarchements en partie pratiqués dans le rocher. Un étroit escalier, dans l’épaisseur du mur, la met directement en communication avec une sorte d’entresol occupant la hauteur différentielle entre sa voûte la plus basse et le plancher de la salle du dessus. Cette petite salle servait aux scribes du Prétoire situé au dessus. Les étages de la Tour Perrinne (D1), à laquelle on accède par la Salle des Gardes, étaient occupés par la garnison.

En continuant à monter, on a devant soi le Grand degré intérieur (E1), bordé à droite par les soubassements de l’église, et à gauche par tout le développement des Bâtiments abbatiaux (F1). Il est traversé d’abord par un Pont fortifié (G2), faisant communiquer ces bâtiments avec l’église basse (H2), puis, plus loin, par un autre Pont en bois, remplissant le même office avec l’église haute et qui est une restitution d’un état ancien, faite en 1895. Entre ces deux ponts, on aperçoit aussi dans le mur des arrachements d’un autre pont (G'2), qui se sera écroulé lors de la chute du choeur roman. On voit encore à côté la rainure dans laquelle glissait la herse qui défendait cette entrée du logis abbatial.

Plus haut, à droite est la Citerne de l’Aumônerie (I1) construite au commencement du XVIème siècle par Guillaume de Lamps. Ce curieux édifice, que nous n’avons eu qu’à compléter d’après les vestiges très important que nous avions découverts, dissimulés derrière des constructions modernes, était accolé contre le logis de l'Aumônier construit à la même époque.

L’ascension terminée, on se trouve sur la plate-forme du midi, dite du Saint-Gautier (J1). Une porte latérale faite au XIIIème siècle dans le bas-côté donne accès dans l’église (H2), qu’on traverse pour en ressortir à l’ouest sur la plate-forme occidentale (J’1) afin de compléter de ce côté les impressions recueillies au midi sur la vue panoramique. On jette un coup d’oeil sur l’odieux portail construit vers 1780 pour boucher l’ouverture restée béante à la suite de la démolition de trois des travées de la nef qui menaçaient de s’écrouler. Puis on traverse l’ancien dortoir (AC1), du XIème siècle où l’on remarquera les fenêtres remaniées au XIIIème siècle. Passant sur un petit pont et pénétrant dans une cour (N1) on jettera un coup d’oeil à gauche sur le pignon percé de trois fenêtres, témoins de constructions projetées au XIIIème siècle.

On débouche alors dans le cloître (AA1), oeuvre d’art unique au monde dans son genre, par l’intérêt de sa structure et la nouveauté de sa décoration. En passant, on peut donner un coup d’oeil au chartrier (M2), qui devait servir aux moines de bibliothèque journalière, et on entre ensuite dans le réfectoire (AB2), splendide conception où l’architecture du XIIIème siècle affirme la logique de sa méthode et la variété de ses ressources dans la disposition adoptée pour ajourer cette immense salle et pour la couvrir. On observera la chaire du lecteur, aménagée dans l’épaisseur du mur au midi, et le grand trou cylindrique disposé à l’angle sud ouest pour servir à monter les approvisionnements.

En repassant par le cloître on remarquera, sur son côté sud, contre le pignon du transept nord remanié au XIIIème siècle, le lavatorium et ses banquettes avec chêneaux d’écoulement, disposées pour la cérémonie du lavement des pieds.

Puis on retourne à l’église en repassant par la cour situé contre le transept nord en franchissant une porte latérale du XIème siècle. Après avoir considéré la nef, les transepts du XIème siècle et le choeur du XVème, on monte par un petit escalier à vis au midi au dessus des bas-côtés et des chapelles du choeur, d’où l’on jouit d’un panorama superbe. En continuant par le même escalier on arrive à la hauteur de l’escalier dit de dentelle pratiqué sur un arc boutant pour franchir l’espace jusqu’au comble de l’église, dont les chêneaux, munis de hautes balustrades, exemptent de danger la visite de toute cette partie de l’édifice. On redescend ensuite jusqu’au niveau de l’église que l’on traverse dans sa longueur pour aller trouver dans le collatéral du midi, au bas d’un emmarchement, l’entrée latéral (K1), du XIème siècle que nous avons récemment découverte. A cette entrée primitive débouche une galerie (K’2) qui mettait directement en communication l’église haute avec les substructions de l’ouest et les bâtiments de l’hôtellerie (AE) construite par Robert de Torigni. On s’engage alors dans cette galerie et, après avoir descendu les emmarchements, on aboutit à un passage (AD2), reliant les constructions du nord à celles du midi. On passe ensuite sous un massif de voûtes où se trouvait l’entrée de l’abbaye (EP) sous Robert de Torigni. On trouve à proximité divers locaux ayant servi de dépendances à l’hôtellerie, et notamment en (P2) l’ancienne porterie pourvue d’une conduite permettant de rejeter au dehors les détritus et les eaux ménagères ; en W3 l’escalier conduisant autrefois à l’hôtellerie.

Descendant encore quelques marches, on arrive à la partie des substructions abbatiale du XIème siècle qui dessert les cachots, dont les plus curieux, accouplés sur une même entrée, furent dénommés les deux Jumeaux (JJ)’ aménagés au XIIème siècle. En face de ceux-ci en est un autre (B), lambrissé de bois et d’un aménagement moderne, où fut enfermé Barbès, par mesure disciplinaire, lors de sa détention au Mont-Saint-Michel.

Des cachots, traversant un passage au milieu des substructions du XIème siècle, et, laissant à sa gauche l’entrée de l’abbaye à cette époque, on pénètre dans la salle dite de l'Aquilon (AC3), qui servait d’aumônerie au temps de l’abbaye romane. Montant par l’escalier qu’on trouve au fond de cette galerie, on arrive à la hauteur d’une longue salle voûtés qui servait aux moines de promenoir (AC2) avant la construction de la Merveille. On ne s’y engagera sans donner un coup d'oeil à une petite salle également voûtée qu’éclaire un soupirail ouvert dans le cloître, et, plus loin, à la chapelle (N2), le Notre Dame des Trente Cierges située exactement dans le transept nord et pourvue comme lui d’une absidiole circulaire rétablie d’après les vestiges qui en subsistaient. En revenant dans le promenoir, on trouvera à sa droite une salle (O2), qui était la cuisine au XIème siècle. A l’extrémité du promenoir on retrouve la grande galerie (AD2) desservant l’infirmerie construite au midi par Robert de Torigni, ainsi que ses dépendances. C’est à la voûte de la première salle (CF) à laquelle on accède à droite, après avoir descendu quelques marches, que se trouvait suspendue, encore en 1775, la fameuse cage de fer dont nous avons donné plus haut l’historique et la description.

Reprenant l’escalier de la grande galerie, après avoir descendu à nouveau quelques marches, on s’engage dans de sombres souterrains, substructions de l’église du XIème siècle, où l’on trouve en (Q2) les piliers, arcades et murs latéraux de l’église abbatiale construite au Xème siècle et réparée après l’incendie de 992. Cette petite église à deux nefs composait, jusqu’au XVIIIème siècle, le sanctuaire désigné sous le nom de Notre-Dame-Sous-Terre. Elle possédait deux autels disposés dans des excavations voûtées en plein cintre encore existantes mais cachées aujourd’hui derrière le mur fondant la façade de 1780 sur la plate forme de l’ouest, ce qui rend cette façade d’autant plus exécrable. Ces souterrains, dont les piles renforcées au XIème siècle portaient les piliers des trois travées de l’église démolie en 1780 étaient en communication directe avec l’église haute au moyen de l’escalier (R2).

On passe enfin dans la jolie petite chapelle Saint-Etienne (S2), au sortir de laquelle on pénètre dans les substructions du midi (T2). Ces substructions, datant du XIème siècle, ont eu leur voûtes remaniées d’abord au XIIIème siècle, puis ensuite au XVème siècle, lors des modifications apportées aux emmarchements du grand degré qu’elles supportent à l’Est. A l’origine, une entrée de l’abbaye s’ouvrait au pied du mur qui les limitent à l’ouest. On y voit encore la grande roue qui servait à monter les approvisionnements à l’abbaye au temps de l’administration pénitenciaire.

En longeant le soubassement de la curieuse citerne de l'Aumônerie, on arrive à l’ouverture cintrée où l’on pénètre dans la chapelle basse du transept sud (U2) dédiée à Saint Martin et nouvellement restaurée. De là un étroit passage, pratiqué entre le rocher et l’épaisseur des maçonneries, conduit à l’église Basse ou crypte des Gros-Piliers (H2), qui constitue le magnifiquement soubassement élevé au XVème siècle par le cardinal d'Estouteville, sur les fondations même de l’abside écroulée, pour asseoir le choeur qui ne devait être achevé que par les successeurs de cet abbé. Une petite porte pratiquée à l’est d’une des chapelles rayonnantes de cette superbe crypte donne accès à la salle de l'Officialité ou Prétoire (C2) située dans le bâtiment désigné dès sa fondation au XIIIème siècle, sous le nom de Belle-Chaise, où se rendait la justice abbatiale.

Au sortir de la crypte des Gros Piliers, du côté nord, on se trouve dans l’étroit espace séparant l’église des bâtiments annexes de la Merveille sur sa façade sud et consistant d’abord dans un vaste vestibule (V2) malaisément reconnaissable sous l’accumulation d’escaliers qui y ont été pratiqués au XVIIème siècle par les moines de la Congrégation de Saint-Maur. Ledit vestibule servait d’introduction aux grandes salles de ce corps de bâtiment au temps où l’entrée abbatiale avait lieu par la cour de la Merveille au pied de la tour des Corbins, c’est à dire avant la fin du XIVème siècle. A côté, on trouve une salle désignée sous le nom de chapelle Sainte-Madeleine (W2). On passe ensuite dans le splendide vaisseau désigné sous le nom de salle des Hôtes (AB2).

Ce même vestibule dessert un étroit couloir longeant les substructions du transept nord et permettant l’accès des bâtiments occidentaux sans traverser la salle des Chevaliers (AA2), dans laquelle on peut pénétrer cependant par les mêmes dégagements. Cette magnifique salle, qui n’a reçu ce nom qu’à dater du XVème siècle, après la création par Louis XI de l'Ordre des Chevaliers de Saint- Michel, avait jusqu’alors été particulièrement affectée aux réunions du personnel monastique ; la preuve en est dans l’absence de communication directe avec les locaux accessibles aux personnes du dehors, alors qu’au contraire des escaliers la font communiquer avec le cloître et le réfectoire situés au dessus ; le cellier AA3 (plan 3) et l’aumônerie (AB3) situés au dessous. A l’angle sud-ouest de cette dernière salle affectée au service des approvisionnements et à la distribution des aumônes, on remarque l’énorme coffre cylindrique pratiqué à l’intérieur de la maçonnerie et montant jusqu’à hauteur du réfectoire pour y faire parvenir, à l’aide d’un treuil, les denrées et approvisionnements.

Au sortir du porche extérieur, on se trouve dans la cour dite la Merveille (X3), où l’on peut voir les vestiges des constructions projetées au XVème siècle par l’abbé Pierre Le Roy, constructions dont n’a été exécuté que le mur de face fortifiant l’entrée du monastère entre la Tour des Corbins (Y2) et le Châtelet avec lequel ce bâtiment était appelé à se combiner. L’escalier qui, de cette cour, monte à hauteur de la plate-forme du chevet de l’église, est appliqué contre un mur délimitant de ce côté une immense citerne (I3) que nous avons récemment découverte dans le sol d’un jardinet planté dans la terre qui la remplissait. Cette citerne construite en 1417 « en roche visve pour retenir eaues et pour résister à l’encontre de nos anciens ennemis et adversaires d'Angleterre », est la plus grande et la plus ancienne de toutes celles existant à l’abbaye, puisqu’elle date d’avant la chute du choeur roman. Des trois autres, les deux premières (I2) et (I’2) remontent à la reconstruction du choeur par le cardinal d'Estouteville, vers 1450, et la troisième (I1), fut, comme nous l’avons dit, construite par Guillaume de Lamps au commencement du XVIème siècle.

Revenu à son point de départ, c’est à dire à l’entrée abbatiale devenue sortie, le visiteur descendra jusqu’à la porte de la Tour Claudine, et y trouvera l’accès de la belle terrasse du Chemin de Ronde de la Merveille et du Petit-Bois (PB), dernier vestige de l’antique forêt de Scissy, dont les belles futaies s’étagent agréablement jusqu’aux rochers de la grève. Par le sentier côtoyant le pied du mur de ronde de la Merveille, il arrivera à une petite roche à laquelle on a donné le nom de fauteuil de Victor-Hugo (VH), parce que le poète aimait, dit-on, à s’y asseoir pour jouir du magnifique panorama qu’on y découvre : à perte de vue, la pleine mer, parsemée des fragments de l’ancien rivage englouti, Chausey, les Minquiers, Jersey, et plus loin Guernesey, souvenir d’exil de l’auteur des Châtiments.

 

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CONCLUSION

Cette évocation du nom de Victor Hugo nous fournit l’occasion de redire l’appel enthousiaste qu’il lançait le 14 janvier 1884, pour la sauvegarde du Mont-Saint-Michel :

« Le Mont Saint Michel est pour la France ce que la grande Pyramide est pour l’Egypte.
Il faut le préserver de toute mutilation.
Il faut que le Mont Saint Michel reste une île.
Il faut conserver à tout prix cette double oeuvre de la nature et de l’art »
.

Or, le Mont-Saint-Michel est actuellement la proie de diverses spéculations dont l’unique but est d’exploiter la célébrité du lieu sans aucun souci de son avenir. 

Le Mont-Saint-Michel n’est déjà plus une île, et chaque jour, chaque flux avance l’heure, aujourd’hui prochaine, où, subissant le sort auquel le destinent depuis près d’un demi-siècle des calculs égoïstes de la spéculation, favorisés par la complicité d’une coupable indifférence, il sera entièrement englobé par les polders.  

Une merveille, objet de l’admiration du monde entier, menacée dans son intégrité par la cupidité ou l’entêtement de quelques-uns, voilà où en est le Mont-Saint-Michel. Se contentera-t-on longtemps encore de déplorer ce péril sans faire le nécessaire pour le conjurer ?  

 

Appendice : Tombelaine.

Sous la vague silhouette d'un immense fauve accroupi au milieu des grèves, l'îlot granitique de Tombelaine, dont l'histoire est intimement liée à celle du Mont-Saint-Michel, eut comme lui ses sacrificateurs païens et ses ermites chrétiens. Dès le XIème siècle, un oratoire y fut élevé qui fut construit en 1137 par l'abbé Bernard du Bec et dédié à la Vierge sous le vocable de "Sainte-Marie la Gisante de Tombelaine". Bernard érigea cet établissement en prieuré et le fit desservir par trois moines de l'abbaye. Philippe Auguste y avait fait construire un fort en prévision d'une attaque des Anglais. Ceux-ci s'en emparèrent en 1356 et ne le rendirent qu'en 1380 à Charles V victorieux. L'ayant repris en 1419, les Anglais y construisirent d'importants retranchements et en firent le centre de leurs opérations contre le Mont. Ils en furent définitivement chassés en 1450 par le connétable de Richemont, qui vint assiéger cette petite place. Après être passée entre les mains des Ligueurs, puis s'être soumise au pouvoir royal, Tombelaine devint la propriété du surintendant Fouquet, qui transforma le prieuré en château. Après la disgrâce de ce ministre, en 1666, le château et les remparts furent rasés par ordre de Louis XIV. ...... Vendu en 1795 comme bien national, l'îlot a passé depuis en plusieurs mains et est vers 1909 la propriété de la famille de Moidrey....

(Paul Gout - 1909)

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