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Le couvent franciscain de l'Ile Verte. 

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§ I. HISTORIQUE.

Les fouilles effectuées en 1858 par Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, mentionnées ci-dessus, prouvent qu'un monastère existait à l'Ile-Verte aux Vème ou VIème siècles. Ce monastère, s'il survécut jusqu'au IXème siècle, fut alors détruit par les Normands, ce que semblent prouver les débris exhumés par ces auteurs et sur lesquels ils ont reconnu que le couvent franciscain était bâti (tome IV, page 6, note 2).

En tous cas, c'est dans une île alors déserte qu'abordèrent, au XVème siècle, quelques religieux franciscains, ou cordeliers ainsi qu'on les appelait à l'époque, appartenant à la réforme dite Frères Mineurs de l'Observance. D'après le registre paroissial de Bréhat, c'est en 1434 qu'ils fondèrent le couvent de l'Ile-Verte, avec la permission de l'évêque de Dol. Plusieurs autres couvents furent alors établis par les Franciscains dans des îles du littoral breton, où ils voulaient trouver la solitude et l'isolement du monde séculier. En 1436, Gilles de Tournemine, seigneur de la Roche-Jagu, à qui l'Ile-Verte appartenait, donna aux religieux qui venaient de s'y installer les moyens de se bâtir un couvent plus important que la fondation primitive : celle-ci ne comportait en effet qu'une humble maison avec une petite chapelle dédiée à Notre-Dame (M. Courtecuisse : Tables Capitulaires des Frères Mineurs de l'Observance et des Récollets de Bretagne, page IV).

A la fin du XVème siècle eut lieu une nouvelle réforme de l'ordre franciscain, qui donna naissance à une branche séparée, celle des Récollets. La plupart des couvents de cordeliers de Bretagne y adhérèrent au cours du XVIIème siècle ; c'est en 1632 probablement que le couvent de l'Ile-Verte passa de la sorte des Observantins aux Récollets, qui s'y maintinrent jusqu'en 1790 ; il fut alors fermé, comme tous les établissements-monastiques. C'est donc à tort que R. Largillière prétend que les religieux quittèrent l'Ile-Verte pour s'établir sur le continent, comme cela se passa dans d'autres monastères insulaires de l'ordre des Frères Mineurs. (Les Saints et l'Organisation primitive dans l'Armorique bretonne, page 155).

Les Archives départementales des Côtes-d'Armor nous fournissent de nombreux détails sur la fin du couvent de l'Ile-Verte à la Révolution (Série Q, liasse de 20 pièces).

Le 27 mai 1790 était dressé un inventaire général [Note : Nous respectons l'orthographe des documents] en conformité du décret du 26 mars 1790 ; l'original de cet inventaire, ainsi qu'une copie pour le département, se trouvent dans cette liasse. Cet inventaire fut fait par « noble et discret Phelibert-Julien Deniel, prieur-recteur de la paroisse de Bréhat, procureur de la même municipalité, du sieur Yves Le Bozec lainé, premier officier municipal faisant les fonctions de maire (attendu la maladie notoire de messire Pierre Cornu du Moulin, chevalier de l'Ordre Royal et militaire de saint Louis, maire en chef de la dite municipalité) » et par quatre autres officiers municipaux. Il nous donne la liste du mobilier du couvent :

Sacristie : 3 calices en argent avec leurs pataines ; un soleil en argent, un ostensoire avec sa navette de cuivre, 2 ornements blancs avec tuniques et dalmatiques, 7 autres ornements blancs, 5 rouges, 4 noirs, 2 violets, 2 verts, 2 chapes blanches, 1 noire, 3 grands et petits missels, 4 devants d'autel, 43 nappes d'autel, 32 aubes, 36 amics, 10 surplis, 20 cordons, 6 grands bouquets de fausses fleures pour le grand autel, 6 chandelliers de bois doré, 1 lampe de cuivre, 1 ciboire d'argent, 1 graduel et 1 vespéral de même forme, 1 gimpe de soye à franche d'argent, 2 cloches, 1 orloge en fer, 1 glace, 21 corporaux, 15 purificatoires, 4 vieux ornements au rebut, 1 vieille chape noire, 2 tuniques hors de service, 1 table et 4 tabourets.

Linges et meubles de la communauté : 12 paires de draps, 9 douzarnes de serviettes, 12 nappes, 6 essuie-mains.

2 lits et 7 autres.

Huit autres lits à l'usage des religieux, un en chaque sellule, garni de paillasse traversiers de balles et couvertures.

Bibliothèque : 999 volumes modernes et anciens, tant bibles, saints-péres, théologiens, commentateurs, sermonaires, historiens, que philosophes, etc.

Cet inventaire nous donne également, ce qui est plus précieux, une description sommaire des bâtiments conventuels :

« La maison conventuelle consiste en un corps de logis très antique composé d'une cuisine, un office, un réfectoire, dans l'enhaut deux dortoires où se trouve quatorze petite cellule de religieux, dans le côté du nord de la dite maison une chambre et cabinet, une cave au-dessous de lad. chambre et cabinet, un grenier au-dessus desdits édifices sous couverture d'ardoises, un cloître en bas ayant une citerne au milieu, du côté du sud de ladite maison une petite église, une sacristie, la Cour au-dessus. Hors cloître au couchant de lad' maison, un appenti à l'usage des domestiques, une chambre d'hôte vulgairement nommée Keraoul, une autre chambre nommée le Saint Louis. Au bout du ouest de l'isle se trouve un Calvaire bâti sur l'éminence d'un rocher, un jardin au bout de l'est de de la maison avec ses murs contenant environ un journal de terre, un demie journal hors murs dans le bout de l'est se trouve aussi une petite chapelle dédié à la Vierge ».

Après avoir dressé l'inventaire des biens meubles et immeubles de la communauté, la commission municipale de Bréhat interpelle « les révérans péres recolets » sur leurs intentions ; ceux-ci répondent « que leur communauté est composé de six religieux, s'avoir d'un Gardien, un vicaire, deux prêtres et deux frères, s'avoir le Rd p. Gardien qui se nomme Pierre Abgrall, âgé d'environ trente six ans. 2° le révérand pére vicaire se nomme Louis Conadan, âgé d'environ quarante un an. 3° le révérand pére Antoine de Pade Madec âgé d'environ cinquante six ans et trois mois, le révérand pére Calixe portant pour nom de baptême et famille François-Marie Le Maou, âgé d'environ quarante ans. Le révérand frére Siméon se nommant Rolland Durand âgé de soixante quinze ans passées, le frère Damien se nommant Mathurin Lheureux, âgé d'environ soixante trois ans ».

Puis les six pères récollets font la déclaration légale sur leur intention de rester ou non dans leur ordre ; de ces déclarations, assez tièdes à la vérité pour des gens ayant adopté l'habit de saint François, il ressort que quatre d'entre eux affirment leur intention de rester dans l'ordre franciscain, avec quelques réserves cependant, alors que les deux autres, dont l'un, frère Madec, avait été missionnaire à Alep en Syrie, font des déclarations ambiguës :

« Et continuant le présent inventaire avons derecheff interpellés lesdits Révérands pères et frères Récollets de faire leur déclaration sur leurs intentions de sortir de leur ordre ou d'y rester ont aussi déclaré la faire comme de fait ils la font comme cy-dessous.

Article Premier.
Je déclare à ses messieurs que je ne veut point quitter mon habit de religieux, que mes voeux sont de quitter les maisons de l'ordre de Saint François et que je désire vivre en accomplissant mon voeux dans le monde, à lisle Verte le 27 mai 1790. Fr Damien Lheureux, recôlet.

2° Je déclare que mon intention est de me réunir à mon ordre dans telle maison qu'il plaira à l'assemblée nationale de m'indiquer. A lisle Verte le 27 mai 1790. frère Siméon Durand ».

Frère Calixte déclare aussi vouloir garder son habit de religieux.

« Frère Antoine de Pade Madec prêtre religieux de Lisle Verte, antien Recteur d'Alep en Syrie, je déclare pour la Liberté. A Lisle Verte 1790 ; signé fre Antoine Madec ».

Frère Cornadan se réserve « de participer aux droits de l'homme dans la suite si je ne m'y plais pas ».

Enfin le père Abgrall, gardien de la communauté, c'est-à-dire le supérieur du couvent, fait une plus longue déclaration, voulant rester provisoirement dans l'ordre de Saint-François là où on lui assignera de se rendre, et espère que l'on va pourvoir « à la sûreté et tranquillité de conscience des Religieux qui sortiront de leur cloître ».

Plusieurs billets datés du 14 mars 1791 indiquent que, sans doute consultés à nouveau sur leurs intentions, les religieux de l'Ile-Verte déclarent vouloir se retirer dans la maison des Récollets de Tréguier, sauf l'un d'eux qui demande, à aller dans celle de Châtelaudren. Et une lettre signée Dieupart (membre du Directoire de Pontrieux), datée de Lisle-Verte du 9 avril 1791 et adressée au Directoire de Pontrieux, nous apprend que « M. le Gardien a reçu aujourd'hui à 4 heures après Midy sa nomination à une paroisse considérable du district de Lesneven ». Cette lettre annonce l'envoi des ornements et linges d'église de la communauté.

Les 30 juin, 1er et 2 juillet 1791 avait lieu la vente des objets mobiliers de l'île-Verte, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal dressé à cette occasion. Il faut croire cependant que la bibliothèque du couvent ne fut pas comprise dans cette vente, car un catalogue dressé en 1792 indique 860 numéros, alors que l'inventaire du 27 mai 1790 mentionnait 999 volumes.

Ensuite eut lieu la vente de l'île ; le 10 juillet 1792 elle fut adjugée au sieur Honorat-François Guillou comme bien national pour la somme de 4.500 livres. Le 16 juillet suivant était dressé un « Procès-verbal des dégradations faites à la ci-devant Communauté de l'Ile Verte », par Alexis Dieupart, membre du Directoire de Pontrieux, Olivier Maignon, juge de paix de Paimpol, en présence d'Honorat-François Guillou, acquéreur. Ce procès-verbal nous donne aussi quelques indications sur la disposition des bâtiments du couvent. Au chapitre V il est indiqué que deux portes de l'église donnent sur le cloître ; au chapitre VII on constate que « dans le premier corridor côté levant et couchant, toutes les portes des huit cellules manquent et quatre volets des fenêtres », et que « cinq portes sur les cinq cellules du dortoir nord du cloître... manquent ». On y mentionne également la bibliothèque. Au chapitre VIII il est question du second jardin, et au chapitre IX de la chapelle des Anges. Enfin, au chapitre X, on parle du port ou quai ; c'est la cale ou embarcadère qui était située à l'est de l'île. Malheureusement les indications données par ces différents documents ne nous permettent pas, en raison de la destruction totale des bâtiments, de procéder à la reconstitution exacte du plan du couvent.

Or le sieur Guillou, acquéreur, n'est pas satisfait ; un extrait du registre des délibérations du Directoire du Département des Côtes-du-Nord, en date du 13 septembre 1792, nomme un expert autre que le sieur Boissin pour estimer l'Ile-Verte à la suite de la demande en réduction de prix sollicitée par Guillou. L'affaire est tranchée par une autre délibération, du 26 germinal an II, par laquelle le Directoire du département confirmait la vente de l'île au sieur Guillou pour la somme de 4.500 livres, somme pour laquelle elle lui avait été primitivement adjugée.

Les documents s'arrêtent là ; quelles étaient les intentions de Guillou ? Est-ce cet acquéreur qui consomma le démolition du couvent ? Nous ne le savons pas. La matrice cadastrale nous donne depuis 1833 les noms des propriétaires successifs de l'île : Lineul Armand, à Lézardrieux ; Le Cozannet Olivier, à Lézardrieux ; Le Collen René, à Lézardrieux ; Watrin Armand-Claude, à Kéranvioux, puis sa veuve. Cultivée encore, partiellement au moins, au XIXème siècle, — le cadastre de la commune de Bréhat dont dépend l'île, levé en 1832, divise les parcelles en labours et pâtures, — l'île-Verte est depuis longtemps totalement abandonnée.

§ 2. — DESCRIPTION DES VESTIGES.

Les bâtiments du couvent franciscain de l'Ile-Verte sont complètement détruits et il est impossible de se rendre compte de la disposition générale de l'ensemble des constructions qui s'y élevaient. Les broussailles et les épines ont envahi les ruines du monastère et la plus grande partie de l'île où s'étendaient les jardins à tel point qu'elles rendent très difficiles et pénibles recherches et relevés ; la partie nord de l'île est même de ce fait à peu près inaccessible ; pour tenter des recherches avec quelque chance de succès, il faudrait commencer par débarrasser l'île entière des broussailles, puis effectuer des fouilles, travaux longs et fort onéreux.

Ruines du monastère de l'île Verte (Bretagne).

Beaucoup plus petite que l'île Saint-Maudez, l'île-Verte a des rives abruptes au-dessus de la mer, et elle est entourée de rochers. Ses dimensions moyennes sont de 150 mètres de longueur dans le sens est-ouest sur une largeur d'environ 100 mètres à son extrémité orientale. A mer haute elle se détache nettement, avec l'amas rocheux du Calvaire à la pointe sud-ouest, et, en son milieu, les deux pins qui y subsistent, les autres ayant été coupés pendant la dernière guerre par les Bréhatins ou les Loguiviens pour leur chauffage.

En partant de l'extrémité orientale de l'île, où la pêcherie et l'embarcadère formés de gros blocs de rochers étaient situés sur la grève de cette partie de l'île, on trouve d'abord quelques murs, et, au nord-est, les ruines d'un petit bâtiment de 7 m. 70 de long dans le sens nord-sud sur 3 m. 90 de large. On peut identifier avec certitude ces ruines comme étant celles de la chapelle dédiée à la Vierge et qui se trouvait « hors murs dans le bout de l'est » d'après l'inventaire du 27 mai 1790. Elle est déjà portée comme ruine au cadastre de 1832, parcelle 1669.

Puis vient un espace allongé de 55 mètres du nord au sud également, large seulement de 3 m. 90, sorte de fossé ou chemin creux qui devait être le chemin desservant la partie orientale de l'île.

Ensuite se trouve un large enclos qui renfermait probablement un champ ou jardin, et qu'un mur de refend épais de 2 m. 40 traverse dans sa largeur et divise en deux parties inégales, celle du sud étant de dimensions inférieures à celle du nord. Cet enclos est d'ailleurs de forme irrégulière ; large intérieurement de 16 m. 30 à son extrémité méridionale, il l'est d'environ 35 mètres au nord, les broussailles nous ayant empêché là d'en prendre la mesure exacte.

Le mur oriental de cet enclos a une longueur totale de 55 mètres ; son épaisseur est anormalement importante : 3 m. 80 ; il a encore actuellement une hauteur de 3 m. 10 au-dessus du niveau du sol et il est construit en blocs de granit gris de grand appareil ; par place des ardoises sont entreposées entre les blocs d'appareil. Il est percé à côté du mur de refend mentionné ci-dessus par une porte de 1 m. 70 de large. La portion nord de ce mur a 33 m. 50 de long et la partie sud 19 m. 80. En deux endroits, situés respectivement près de l'extrémité sud de chacune des deux parties de ce mur, on remarque, sur son flanc est, une grande pierre formant une sorte de linteau, sous laquelle on croit voir un reste d'ouverture, comme s'il se fût agi d'une haie ou d'une meurtrière horizontale. Le lierre recouvre de sa végétation puissante la plus grande part de ce mur, comme de presque tous les autres.

Les autres murs de cet enclos, sans avoir la même importance que le gros mur de l'est, sont encore assez épais : 1 m. 52 pour le mur sud et 1 mètre pour le mur ouest. Quant au mur nord, dont la partie orientale forme pan coupé, il domine à pic la falaise nord de l'île et est à peu près inaccessible en raison des épines du côté intérieur.

Calvaire de l'île Verte (Bretagne).

Il est difficile de pénétrer la raison qui fit donner au gros mur de l'est cette épaisseur massive de 3 m. 80 ; eut-il alors un but défensif, étant donné les troubles du XVème siècle et la menace anglaise ? Les murs des autres côtés de l'île, au nord et à l'ouest en particulier, s'élevaient sur la crête de la falaise bordant l'île, et celle-ci était donc abordable plus facilement de l'est où se trouvait d'ailleurs la cale ou embarcadère. Ce gros mur de l'est aurait eu ainsi un rôle défensif du côté donnant accès à l'île et au couvent ; aucune autre raison ne peut à notre avis expliquer son épaisseur.

A l'ouest de ce premier enclos, des murs moins épais (0 m. 60 environ) laissent voir trois enclos consécutifs, à peu près rectangulaires et juxtaposés. Celui du nord, large de 22 mètres environ à son extrémité est et seulement d'une quinzaine de mètres en son milieu, dimensions nord-sud, a une longueur est-ouest de 45 mètres environ ; son extrémité ouest est arrondie, on croirait y voir la forme d'une abside d'église ; mais, outre que les documents placent celle-ci au sud du couvent, elle n'aurait pas été orientée liturgiquement. Il faut voir là un autre jardin des religieux ; l'Ile-Verte était renommée pour sa fertilité et la beauté de ses jardins. L'accès de cet enclos se fait par une entrée située sur son flanc sud et où aboutit le chemin de l'ouest.

L'enclos du milieu, en forme de trapèze, a une longueur est-ouest moyenne de 28 à 29 mètres ; il est large de 20 mètres à son extrémité est et de 14 m. 60 seulement à l'ouest le long du chemin.

Enfin l'enclos méridional a 26 mètres de long est-ouest sur une largeur moyenne de 27 mètres nord-sud. C'est dans son angle sud-ouest que poussent actuellement les deux pins que l'on distingue de fort loin. Son mur sud est dans l'alignement de celui du premier enclos et la longueur totale de ces deux murs est de 47 m. 20 extérieurement.

De petits murs situés au sud de cet ensemble jusqu'à la crête du versant méridional de l'île sont complètement recouverts de broussailles épineuses, nous n'avons pu en relever le plan ; c'étaient là sans doute encore d'autres jardins.

Bordant les trois enclos consécutifs du milieu se trouve le chemin de l'ouest, à peu près parallèle à celui de l'est, c'est-à-dire allant dans la direction nord-sud ; encaissé également, il est long de 45 mètres et large de 4. Vers son milieu, une autre chemin qui lui est perpendiculaire, large de 1 m 30, se dirige vers l'ouest sur une quinzaine de mètres. C'est dans l'espace situé dans l'angle sud-ouest de ces deux chemins, sorte de pentagone irrégulier, que s'élevait le couvent ; au plan cadastral de la commune de Bréhat levé en 1832, ce terrain forme la parcelle 1657 et la matrice cadastrale. lui donne la qualification caractéristique de « ruine », remplacée ultérieurement par celle de « pâture » ; l'aspect bouleversé du terrain, recouvert maintenant de broussailles, montre d'ailleurs que l'on se trouve sur l'emplacement de constructions détruites. Mais il faudrait procéder à des fouilles méthodiques pour déterminer la situation exacte et l'orientation des bâtiments conventuels qui s'élevaient en ce lieu. Seuls trois vestiges sont visibles.

En premier lieu, c'est à 14 mètres à l'ouest du chemin, au sud, un petit bâtiment ruiné long de 9 m. 60 d'est en ouest et large de 6 mètres. Ce bâtiment est-il ancien ? Il nous est impossible de l'affirmer. Au cadastre, il occupe la cote 1659 avec la mention « maison », ce qui fait supposer qu'en 1832 il n'était pas encore ruiné. Il n'en subsiste plus que la base des murs. D'après les textes, et spécialement l'inventaire du 27 mai 1790, il existait au sud du couvent une « petite église » avec sa sacristie : nous croyons pouvoir supposer que c'était donc là l'église conventuelle ; dans ce cas elle eût consisté en un simple rectangle orienté, avec chevet plat. Que si l'on nous objecte ses faibles dimensions, nous pouvons répondre qu'il n'y eut jamais qu'un nombre peu élevé de religieux à l'île-Verte et que l'acte de 1790 la qualifie d'ailleurs de petite. Cette identification, précisons-le bien, est cependant absolument hypothétique.

Le procès-verbal du 16 juillet 1792 indique que deux portes de l'église donnent sur le cloître. Si ce bâtiment ruiné était l'église conventuelle, comme nous le supposons, le cloître aurait donc été contigu à son côté nord et ces deux portes se seraient ouvertes dans le mur nord de l'édifice. Cet emplacement présumé du cloître nous semble également confirmé par l'inventaire du 27 mai 1790 qui indique formellement le cloître « en bas, ayant une citerne au milieu ». Cette citerne, ou puits de l'île, est le second vestige encore visible ; il est situé à quelques mètres au nord-ouest du bâtiment ruiné que nous croyons être l'église conventuelle.

Enfin, à 4 mètres au nord de ce bâtiment, nous en trouvons un, autre, qui a 3 m. 35 de long est-ouest sur 2 m. 55 de large. Il est encore recouvert d'une voûte en berceau plein cintre longitudinale ; sa porte d'entrée est située à l'est, et elle est précédée d'une sorte d'avant-porte légèrement saillante ; ce détail nous incite à voir là un cellier ou cave, d'autant plus qu'il est à demi-enfoui en terre ; cependant l'inventaire de 1790 place la cave au nord ; dans ce cas, celle-ci n'eût pas été mentionnée ; elle ne l'est pas non plus au cadastre, et il nous est impossible de lui assigner une date ; cependant il paraît invraisemblable que ce soit là une construction postérieure à 1790, date où l'île fut abandonnée, et nous croyons que si ce bâtiment n'a pas été porté au plan cadastral c'est en raison de ses faibles proportions. Sa voûte est en petit appareil de granit gris et de schiste ardoisé ; elle est percée de plusieurs trous carrés d'aération et d'éclairage.

Le puits, ou citerne, dont nous venons de parler, est à 12 mètres à l'ouest de ce cellier ; d'un diamètre de 0 m. 60, il est actuellement comblé à quelques mètres de profondeur.

Un mur large de 1 m. 60 et long de 12 mètres relie l'angle nord-ouest du bâtiment ruiné que nous supposons être l'église conventuelle à un bloc élevé de rochers qui domine toute l'île et la termine au sud-ouest ; à son faîte s'élevait un calvaire dont il ne reste pas de trace et qui est mentionné à l'inventaire de 1790 ; mais le rocher est toujours connu sous le nom du Calvaire, Ar Halvar en breton. Ce mur aurait ainsi limité le cloître au sud ; de ce fait les étrangers qui venaient à l'île, après avoir accosté à l'embarcadère situé à l'extrémité orientale, pouvaient se rendre à la chapelle Notre-Dame au nord-est de l'île, puis, par les chemins est et sud contournant les jardins, entrer dans l'église conventuelle par la porte de sa façade ouest, sans pénétrer ainsi à l'intérieur de la clôture conventuelle. C'est là une coutume constante dans tous les établissements claustraux, où l'église est la seule partie accessible aux laïcs ; cela semble bien confirmer notre hypothèse, à savoir que le bâtiment ruiné du plan est probablement le vestige de l'église conventuelle.

Le procès-verbal du 16 juillet 1792 mentionne la chapelle des Anges : était-ce là le titre de l'église conventuelle ? Fort probablemént, car il paraît peu vraisemblable qu'il y ait eu trois sanctuaires dans l'île, et d'ailleurs l'inventaire de 1790 n'en mentionne que deux.

Le couvent de l'lle-Verte servit, dit-on, vers la fin de l'Ancien Régime, de lieu de réclusion. Les auteurs des « Anciens Evêchés » écrivent (Tome IV, page 6, note 2) : « On aperçoit sur le sol les traces de cellules de ce pénitencier qui reçut plusieurs coupables fameux, tant ecclésiastiques que laïques ; tout près, un énorme rocher porte encore le nom de Prison ». Il n'est pas question, dans les documents de l'époque révolutionnaire que nous avons cités, de ce genre de cellules, et nous supposons donc que celles dont parlent ces auteurs étaient celles des religieux, indiquées dans les documents cités ; l'inventaire de 1790 en mentionne 14 ; elles pouvaient éventuellement servir à des relégués. Quant au rocher dont ces auteurs ont parlé, il existe à quelque distance de l'île dans la direction de Bréhat un rocher de forme à peu près ronde, connu effectivement des pêcheurs loguiviens sous le nom de « Prison » ; il communique à pied sec avec l'Ile-Verte aux basses mers ; il ne semble pas toutefois qu'il ait jamais pu en tenir lieu, étant fort escarpé et en fait inhabitable. Aucun document jusqu'à ce jour ne permet cette identification. Ce ne doit être là à notre avis qu'une légende.

Enfin, signalons qu'il y a au point de jonction du mur intérieur séparant le grand enclos de l'est des trois enclos du milieu avec le mur nord, lequel est à pic au-dessus de la mer, un gros rocher encastré dans le mur septentrional et qui devait supporter une sorte de belvédère d'où l'on découvrait le large et l'ensemble des îles. (P. Barbier).

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