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JEAN-FRANCOIS DE LA MARCHE, ÉVÊQUE DE LÉON

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JEAN-FRANÇOIS DE LA MARCHE, évêque de Léon (1729-1806).

Le diocèse de Léon avait pour pasteur Jean-François de la Marche, évêque et comte de Léon, né au manoir de Kerfors, paroisse d'Ergué-Gabéric, en 1729, de François-Louis de la Marche, seigneur de Kerfors, Lezergué, Botmeur, etc.., chevalier des ordres de Saint-Lazare et du Mont-Carmel ; et de Marie de Botmeur son épouse.

Il appartenait à une très ancienne famille, originaire de Braspart, portant : « de gueules au chef d'argent », dont l'un des premiers ancêtres connus, nommé Anceau, existait en 1375. Les de la Marche, déclarés nobles d'ancienne extraction, furent maintenus, en 1670, avec neuf générations.

François-Louis, frère aîné de notre prélat, fut admis en 1739, parmi les pages du roi et devint ensuite lieutenant des maréchaux de France. Jean-François, suivant cet exemple, embrassa aussi tout d'abord la carrière des armes et fut pourvu d'une commission de lieutenant de dragons.

C'est en cette qualité qu'il fit la campagne d'Italie pendant la guerre de la succession d'Autriche, et assista à la bataille de Plaisance, livrée aux Impériaux, le 16 juin 1746, par le maréchal de Maillebois. Il y reçut, sur la nuque, un violent coup de sabre qui lui eût coûté la vie, si le choc n'eût été providentiellement amorti par la queue, ou catogan, en usage dans la coiffure de ce temps-là.

C'est à la suite de cette rude journée où, blessé, il demeura le seul vivant de sa compagnie qu'il fit, dit-on, le vœu de quitter, aussitôt la guerre terminée, les enseignes des rois de la terre pour le service du Roi du ciel. Le brevet de capitaine au régiment de la Reine-Infanterie, qu'il reçut en 1747, récompense méritée par sa bravoure et prémices de la brillante carrière ouverte devant le jeune officier, ne put le détourner de l'accomplissement de son pieux dessein.

Quittant donc l'armée, il se prépara à recevoir les ordres sacrés en faisant, à Paris, sa licence au collège de Navarre. C'est en 1756 qu'il reçut l'ordination à Conflans, des mains de Monseigneur de Beaumont, archevêque de Paris. Bientôt nommé chanoine et grand vicaire de Tréguier, Jean-François de la Marche quitta la capitale, ne conservant, des goûts mondains du brillant officier, qu'un vif attrait pour la musique, passion qui devait plus tard charmer les ennuis de son exil en Angleterre.

On raconte à ce sujet qu'un jour le duc d'Aiguillon, gouverneur de Bretagne, assistant, dans la cathédrale de Tréguier, à une cérémonie religieuse, fut vivement charmé par le talent que déploya le jeune chanoine en cette circonstance. Il s'informa de ses antécédents, lui offrit sa protection et promit de lui faire obtenir la première abbaye vacante dans la province. Le gouverneur tint parole et M de la Marche succéda, peu de temps après, à M. de Vandômois, comme abbé de Saint-Aubin-des-Bois au diocèse de Saint-Brieuc, abbaye dont le revenu était de mille écus par an. De la Marche en conserva la jouissance jusqu'en 1777, époque où il donna sa démission pour se consacrer entièrement aux soins de son diocèse.

Il fut, en effet, sacré évêque de Léon le 7 septembre 1772, en remplacement de M. d'Andigné, transféré à Châlons, et siégea, en cette qualité, aux Etats de Bretagne réunis à Morlaix cette même année, A la suite de cette tenue le duc de Fitz-James, commissaire du roi et commandant de la province, voulut présider lui-même l'entrée solennelle du nouveau prélat dans sa ville épiscopale.

A dater de ce moment, la vie de Monseigneur de la Marche fut tout entière consacrée aux soins de son diocèse, où chacun de ses jours marquait un nouveau bienfait. Partisan de la résidence du pasteur au milieu de ses ouailles, il ne quittait son évêché que pour les tenues d'Etats et, chaque année, parcourait tantôt à pied, tantôt porté dans une simple litière, toutes les paroisses confiées à son ministère.

Le revenu fixe attaché au siège de Léon était alors de 15.000 livres ; mais, par les lods et ventes, c'est-à-dire les droits du seigneur évêque sur les ventes d'héritages, dans son fief des Regaires qui, par Gouesnou, l'un de ses membres, s'étendait jusqu'aux portes de Brest, ce revenu atteignait une moyenne annuelle de 70 à 80.000 livres tournois. Par une sage administration de ses finances, l'évêque de Saint-Pol trouva le moyen de suffire à d'importantes aumônes et de porter remède aux maux nombreux de son diocèse. Il bâtit, à ses frais, dans sa ville épiscopale, un superbe collège, sur les plans de Robinet, et un petit séminaire qu'il dota de fonds suffisants pour élever les jeunes gens pauvres que leurs aptitudes semblaient rendre propres à la vocation ecclésiastique. Ces deux établissements lui coûtèrent, dit-on, plus de 400.000 livres, somme immense pour ce temps-là, qu'il dut prendre, en partie, sur sa fortune personnelle.

Cependant le bien spirituel de son diocèse ne fit pas perdre de vue au bon pasteur ses besoins matériels.

Parcourant souvent les campagnes, il usa de l'influence que lui avait value sa bienfaisance, pour introduire en Cornouailles, et faire adopter par les laboureurs du Léon, la culture et l'usage de la pomme de terre. Elle devint, par la suite, la plus précieuse ressource des populations bretonnes qui l'ignoraient encore à cette époque.

La vigilance et le zèle de l'évêque de Léon s'étendaient à tout et à tous. En même temps qu'il présidait lui-même les retraites ecclésiastiques, et mettait au concours, dans son évêché, tous les bénéfices à charge d'âmes qu'il avait à sa nomination, il faisait, en Bretagne, et même à Paris, des pensions aux filles de plusieurs gentilshommes bretons, que la noblesse de leur naissance ne mettait point à l'abri du besoin, et instituait, dans la paroisse du Minihy-de-Léon, une rosière choisie, chaque année, parmi les jeunes filles du peuple. Celle qui, par sa sagesse et sa vertu, obtenait la rose, recevait une somme de 500 livres tournois, et 100 livres étaient attribuées à chacune des deux qui, après elle, avaient réuni le plus de suffrages.

Enfin Monseigneur de la Marche apporta son concours personnel à la rédaction, en français et en breton, du Catéchisme de Léon qu'il fit éditer à Morlaix, chez Guyon, en 1776 et 1779, (in-12) et qui a souvent été réimprimé depuis.

C'est ainsi que Jean-François de la Marche sut remplir dignement son rôle jusqu'au jour où un décret du 12 juillet 1790, supprimant son siège épiscopal, prétendit lui en interdire les fonctions. Loin de se conformer à ce nouvel ordre de choses, l'évêque crut de son devoir d'éclairer son clergé sur l'incompétence de l'Assemblée Nationale en matière ecclésiastique. Il l'affermit si bien contre les exigences de la Constitution civile du clergé qu'il n'y eut, dans son diocèse, que dix-sept prêtres assermentés.

Refusant donc toute soumission aux décrets de l'Assemblée Nationale, l'évêque de Léon continua à régir son diocèse comme par le passé, secondé, en cela, par la fidélité de son clergé et l'attachement de son peuple.

Ainsi qu'il fallait s'y attendre, le gouvernement ne put supporter longtemps cette audacieuse conduite et, au mois de février 1791, le département prescrivit au district de Morlaix l'ordre formel d'arrêter Jean-François de la Marche, pour le traduire à la barre de l'Assemblée Nationale.

Un lieutenant de la maréchaussée et vingt hommes arrivent, à cet effet, à Saint-Pol ; et le chef, se présentant devant l'évêque, lui intime, au nom de la loi, l'ordre de le suivre immédiatement. La Marche, seul en ce moment dans sa chambre, lui demande la permission de passer quelques instants dans un cabinet voisin pour faire sa toilette. Le lieutenant, méfiant, examine les murs, entièrement couverts de rayons de bibliothèque, et, ne voyant ni porte, ni fenêtre, aucune issue par où le prélat pût lui échapper, le laisse seul dans cette pièce et vient l'attendre à la porte de la chambre.

Cependant un certain temps se passe et l'évêque ne reparaît pas ! Le lieutenant, impatienté, se décide à ouvrir la porte du cabinet … Personne ! La bibliothèque masquait une porte secrète, que le militaire n'aperçut qu'alors, et par laquelle le prélat avait gagné la campagne.

Mgr. de la Marche, prévenu que son peuple était résolu à le défendre jusqu'à la mort, contre ceux qui tenteraient de l'arrêter, avait pris le parti de fuir, afin d'éviter toute effusion de sang.

Sa résolution était connue de quelques intimes amis. On avait tout prévu pour faire face à cet événement, attendu de jour en jour, et un asile sûr était préparé pour le recevoir, chez Madame Jégou du Laz [Note : Femme du vicomte Alexandre-François Jégou du Laz, née de Kermainguy de Saint-Laurent. Elle habitait alors Saint-Pol-de-Léon. Le vicomte était émigré], ainsi qu'au château de la Villeneuve, habité par Monsieur de Poulpiquet de Coatlez.

Aussi, toutes les perquisitions que fit la maréchaussée dans le palais épiscopal, puis dans la ville, demeurèrent-elles infructueuses. Les amis fidèles de l'évêque de Léon préparaient secrètement son embarquement pour l'Angleterre.

Un soir un bateau fraudeur vint mouiller sans bruit dans une anse isolée de la côte de Roscoff. Au même moment, à la faveur de la nuit, deux nobles gentilshommes, messieurs de Kermainguy fils et l'un de ses amis, le jeune Salaün de Kertanguy, se rendaient mystérieusement au château de la Villeneuve. L'évêque, prévenu, était prêt à les suivre.

Ils sortirent donc ensemble par une porte du jardin, donnant sur la grève de Paimpoul. Guidée par un matelot de l'équipage du fraudeur, la petite troupe arriva bientôt au pied du rocher au sommet duquel se trouve la vieille chapelle de Sainte Barbe. Là, les fugitifs aperçurent dans la baie le bateau échoué sur le sable à marée basse.

La mer montait rapidement troublant seule, de son monotone murmure, le silence de la nuit religieusement gardé par les contrebandiers. L'instant était grave et solennel. A voix basse, le prélat reçut les adieux de ses conducteurs, les remercia et les bénit ; puis, prenant place dans le bateau à présent soulevé par les flots, jeta un regard attristé sur ce pays breton auquel il avait voué sa vie et qu'il ne devait jamais revoir.

Un moment encore ses amis restèrent sur le rivage, cherchant à percer, de leurs regards anxieux, les ténèbres dans lesquels le bateau venait de disparaître. Celui-ci ne contenait ni lit, ni siège ; mais seulement des barils d'eau-de-vie que le patron voulait introduire en Angleterre.

La traversée était de trente six lieues et il y avait à craindre de ne pas échapper à la douane anglaise. Mais Dieu protégeait le proscrit et ce péril fut évité comme les autres. Le 28 février 1791, Jean-François de la Marche posait le pied sur cette terre, hospitalière bien qu'étrangère, qui devait un jour devenir son tombeau.

Il n'avait rien emporté et se fût trouvé dans le plus affreux dénuement si des personnes riches, autant que généreuses, n'avaient pris soin de pourvoir à tous ses besoins.

Outre les gentilshommes français qui l'avaient précédé dans l'exil, plusieurs nobles anglais lui vouèrent une estime et un attachement durables, dont le charitable évêque sut user pour venir en aide à ses compagnons d'infortune, les prêtres français fort nombreux alors en Angleterre, dont il devint le protecteur et le soutien. Monseigneur de la Marche fut bientôt favorisé de la considération et de l'amitié des personnages les plus marquants et les plus célèbres de la société de Londres et de l'émigration française.

Châteaubriand, qui en faisait partie, ne paraît pas, cependant, avoir partagé l'enthousiasme général pour le prélat breton dont il parle en ces termes peu admiratifs :

« Les personnages distingués de notre Eglise militante étaient alors en Angleterre ... l'évêque de Saint-Pol-de-Léon, prélat sévère et borné qui contribuait à rendre Monseigneur d'Artois de plus en plus étranger à son siècle » (Chateaubriand, Mémoire d'Outre-Tombe).

Il nous a paru de notre devoir d'enregistrer cette note discordante, peut-être justifiée par la rigidité outrée dont la Marche fit preuve dans la suite, lorsque le Pape Pie VII, lui-même, demanda à l'évêque de Léon la démission de son siège que le Concordat venait de supprimer. Il ne la donna, dit-on, qu'après des hésitations et des protestations qui provoquèrent de la part du premier Consul une note diplomatique pour demander le renvoi d'Angleterre des évêques de Metz et de Saint-Pol, faisant du refus de cette expulsion un casus belli.

Cette insoumission momentanée de Monseigneur de la Marche aux ordres du Souverain Pontife jette une ombre fâcheuse sur la noble carrière de ce bienfaisant prélat. Atteint, peu après d'une grave maladie, il fut visité deux fois par le comte d'Artois qui voulut recevoir ses dernières bénédictions.

L'évêque de Léon mourut pieusement à Londres, le 25 novembre 1806, après avoir instamment recommandé que son convoi se fit sans pompe et sans que rien rappelât sa dignité d'évêque. « Je demande des prières, disait-il, et ne veux point d'éloges ».

Il fut inhumé dans le cimetière de Saint-Pancrace à Londres, par les soins et aux frais du marquis de Buckingam, auprès de Monseigneur le Mintier, dernier évêque de Tréguier, de qui il avait été l'ami et dont il partageait ainsi le destin et la tombe.

Jean-François de la Marche fut le dernier anneau de la chaîne illustre des évoques de Léon dont la succession avait duré treize siècles (J. Baudry).

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