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LES SEIGNEURS DU TIERCENT : LA MAISON DU TIERCENT

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Les seigneurs du Tiercent commencent à figurer dans l'histoire du pays de Fougères dès le XIIème siècle, en même temps que leurs voisins les seigneurs de Saint-Brice, de Saint-Etienne, de Saint-Mard, du Châtellier, de Linières, d'Oranges et des Flégès, avec lesquels nous les trouvons associés comme témoins dans un grand nombre d'actes de cette époque. Tous ces chevaliers constituaient la petite cour du baron de Fougères ; de même que ce dernier était considéré comme l'un des barons du duc de Bretagne, ces petits seigneurs portaient également dans les chartes le nom collectif de barons du sire de Fougères.

Le seigneur du Tiercent était d’ailleurs plus particulièrement attaché au baron de Fougères, parce que sa seigneurie était, comme nous l'expliquerons plus loin, le gage féodé d'une sergenterie de la baronnie.

I

GAULTIER DU TERSANT apparaît le premier, témoin avec Geoffroy de Saint-Mard en 1155 et avec Henri du Chastellier en 1157 de diverses donations faites à l'abbaye de Savigné par le baron de Fougères. Un peu plus tard on voit le nom de Guillaume du Tersant, en compagnie de celui de Thomas de Québriac vivant en 1180, figurer dans un acte du Chapitre de Dol en faveur de l'abbaye de la Vieuxville [Note : D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 623, 629 et 776. — Dans ces actes on a imprimé de Serlant au lieu de du Tersant, mais il paraît hors de doute qu'il s’agit bien des sires du Tiercent portant alors le nom primitif de leur paroisse]. Vers la même époque H. et G. du Tiercent furent avec Guillaume d'Aubigné témoins de donations faites en la paroisse de Saint-Mard-le-Blanc, à l'abbaye de Saint-Sulpice-des-Bois par Jourdain de Saint-Mard, à l'occasion de l'entrée en ce monastère de Jeanne, sa fille, et de Pétronille, sa nièce (Bibliothèque Nationales, Blancs-Manteaux, N° 22, 325).

En 1301 Alain du Tiercent, chevalier, est témoin d'un accord passé entre Olivier de Rohan et Tiphaine, veuve de Henry de Corlay (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 1174).

II

PIERRE DU TIERCENT, chevalier, seigneur du Tiercent, épousa Agnès de Fontenay. Ils vivaient vers 1380, ayant, entre autres enfants : Jean Ier du Tiercent, qui suit, — François du Tiercent, capitaine en 1442 du château ducal de l'Isle, près de l'abbaye de Prières, — Jeanne du Tiercent, dame des Flégès, en Baillé, mariée à Pierre de Baulon et vivant en 1427 — et Marie du Tiercent, qui épousa dès 1383 Guillaume du Boisbaudry, seigneur dudit lieu ; elle lui apporta la terre seigneuriale du Fail en Saint-Mard-le-Blanc (Archives d'Ille-et-Vilaine, B, 371).

Dom Morice nous a conservé le sceau de Pierre du Tiercent apposé sur une charte de 1402 : de forme orbiculaire et sans légende, il renferme un écu penché à droite portant quatre fusées rangées en fasce, tenu par un griffon et un lion et surmonté d'un casque sommé d’un vol (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, N° 63 des planches).

Sceau de Pierre du Tiercent

Du temps de Pierre du Tiercent nous trouvons deux écuyers, frères ou fils de ce seigneur. C'étaient Alain et Hamelot du Tiercent servant à Saint-Aubin-du-Cormier sous le haut commandement de Jean du Hallay, gouverneur de cette place pour le Roi. En 1380, Alain du Tiercent y était à la tête d'une compagnie de dix écuyers dont voici les noms : Alain du Tiercent, — Hamelot du Tiercent, — Raoul de Belleroy, — Alain de Verdun, — Louis de Montléon, — Jean de Montguerre, — Rolland de Guitté, — Perrot Le Porc, — l'abbé de Montguerre — et le seigneur de Montguerre (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 249). Ces dix écuyers avaient dès 1379 figuré dans la troupe de du Guesclin qui soutenait alors en Bretagne la cause du roi de France ; en 1381 ils se trouvaient encore au nombre des défenseurs du château de Saint-Aubin-du-Cormier et au service du Roi (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 373 et 402).

Ce même Alain du Tiercent donna des quittances de gages à Pontorson les 24 juillet, 8 septembre, 25 octobre 1379 et 20 août 1380. Il les scella de son sceau de cadet, présentant un écusson à quatre fusées accolées en fasce et un lambel à trois pendants (Revue historique de l'Ouest, Documents, III, 186).

III

JEAN Ier DU TIERCENT, chevalier, seigneur du Tiercent et fils de Pierre, fit partie de la maison du duc de Bretagne Jean V, d'abord en qualité d'écuyer. Son nom figure à ce titre dans les comptes du trésorier Raoullet Eder en 1412 et 1414 ; il apparaît encore dans l'Etat de la Maison du Duc en 1416 et 1417 (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 875 et 946).

Deux ans plus tard, Jean du Tiercent fut désigné pour commander une des compagnies de gens d'armes devant escorter en France le prince Richard de Bretagne, envoyé vers le roi Charles VI. Mais cette ambassade ne partit point par suite de l'assassinat du duc de Bourgogne au pont de Montereau. La même année 1419, le sire du Tiercent fut mis au nombre des chevaliers retenus par le duc Jean V pour chevaucher avec lui et garder sa personne. Peu de temps après, en 1420, il remplit les fonctions de maître d'hôtel à la cour de ce prince (D. Lobineau, Preuves de l'Histoire de Bretagne, 963, 970 et 971).

C'est à cette époque que Jean V fut traîtreusement arrêté et emprisonné par le comte de Penthièvre. Jean du Tiercent prit les armes à cette occasion, et son nom figure le troisième en tête des chevaliers conduits par le vicomte de la Bellière au secours du duc de Bretagne. Ayant recouvré la liberté, Jean V tint à Vannes un parlement général au mois d'octobre 1420, et le sire du Tiercent s'empressa de s'y rendre et d'entrer dans la ligue formée par les seigneurs bretons pour venger leur souverain (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1009 et 1061).

Jean du Tiercent continua en 1421 et 1422 de remplir ses fonctions de maître d'hôtel à la cour ducale. Au commencement de 1427, le duc Jean V offrit des étrennes aux officiers de son entourage, notamment au seigneur du Tiercent. Quelques mois plus tard, celui-ci prit part aux Etats de Bretagne réunis à Vannes et y rectifia, le 20 septembre 1427, le traité de Troyes, récemment conclu entre la France et l'Angleterre ; il apposa son sceau sur la charte de ratification (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1065, 1084, 1201 et 1224).

Le sceau de Jean du Tiercent présente un écu penché portant quatre fusées rangées en fasce, timbré d’un heaume ayant pour cimier un buste de femme, et supporté par un homme sauvage [Note : Ce sauvage nous rappelle qu’il subsiste encore au château du Tiercent deux landiers de cheminée en fer battu, hauts d'environ 80 centimètres et représentant chacun un sauvage complètement nu, tenant un écu couvert de fleurs de lys et une masse à la main ; ces landiers sont du XVème ou XVIème siècle] et une damoiselle sur un champ à feuillages ; de la légende on ne lit plus que ces mots : S. JEHAN DV .. (Douët d'Arcq, Collection de Sceaux de France, II, 90).

A la même époque le sire du Tiercent fut fait « gouverneur et garde » de Rennes ; il s'occupa activement des fortifications de la seconde enceinte de cette ville, en particulier de la construction de la tour Le Bart et des ponts de la porte Saint-Michel (Bulletin de la Soc. Arch. d'Ille-et-Vilaine, VI, 131 et 136).

Le 28 août 1442 mourut à Nantes le duc Jean V. Son successeur, François Ier, continua ses faveurs à Jean du Tiercent ; nous voyons même qu’au mois de septembre de cette même année le seigneur du Tiercent n'est plus seul à la cour du duc de Bretagne ; on y trouve près de lui Jean et François du Tiercent, très probablement ses fils ; le sire du Tiercent remplit toujours sa charge de maître d'hôtel, Jean du Tiercent est écuyer du duc et François du Tiercent enfant de chambre ou page de ce prince (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1372).

Au premier jour de l'an 1445 le duc de Bretagne fit à toute la famille du Tiercent de fort belles étrennes : « à Messire Jean du Tiercent une coupe d'argent du poids de trois marcs et quatre rubis », — à sa femme « un texu de couleurs long o sa garniture dorée », — à Jean du Tiercent une coupe d'argent pesant trois marcs ; — à François du Tiercent « un gobelet d’argent du poids de deux marcs » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1396 et 1397).

La cour de Bretagne se trouvait au château de Sucinio, dans la presqu'île de Rhuys, au commencement de l'année 1447 ; le duc François Ier y offrit comme cadeau d'étrennes à « messire Jean du Tiercent » une nouvelle coupe d'argent ; François du Tiercent reçut aussi des étrennes que le Trésorier de Bretagne ne désigne pas. Mais un an plus tard, ce même François du Tiercent voulant prendre part à un tournoi couru à Nantes, le Duc lui fit un présent « pour l'aider à faire ses joustes » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1412).

Le 8 février 1458 le chancelier de Bretagne envoya de Nantes un mandement au premier sergent d'ajourner au Conseil « messire Jehan du Tiercent pour y répondre à Michel Brays » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1715). Nous ignorons de quoi il s'agissait. Lorsqu'en 1462 le duc François II réunit à Vannes les Etats de Bretagne, il y appela Jean du Tiercent, seigneur dudit lieu. Dans la séance du 14 juin furent évoqués les sergents féodés de la baronnie de Fougères ; le sire du Tiercent, qui devait en cette qualité répondre à l'appel, ne parut point et « fut excusé pour maladie » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 5). Peu de temps après, en effet, mourut Jean Ier du Tiercent, le 11 décembre 1462 (Archives de la Loire-Inférieure).

Ce seigneur devait être âgé et avait rempli d'honorables fonctions à la cour de ses souverains les ducs de Bretagne ; ce fut probablement ce qui l'éloigna du Tiercent, où il ne semble pas avoir souvent résidé. Il était d'ailleurs richement possessionné, car il avait en 1427 et 1440 la terre noble du Vaugraffin, en Iffendic, en 1427 les manoirs du Fail, en Saint-Mard-le-Blanc, et de Montéval, en Baillé, en 1427 aussi les hôtels de la Rivière, en Goven, et de la Douettée, en Bréal-sous-Montfort ; il possédait encore en 1435 les seigneuries de la Forêt-Neuve, en Saint-Brice, et de Lévaré, en Saint-Germain-en-Coglais, et en 1447 la terre noble du Bois, en Sainte-Croix-de-Machecoul ; il se trouvait probablement en ce dernier manoir quand en 1434 il fut poursuivi, pour fait de chasse prohibée, par Jean Moreau, chantre de l'église de Nantes. Enfin Jean du Tiercent et Bricette de la Noë, sa femme, jouissaient de la terre et seigneurie de l'Ile de Bréhat, dont nous parlerons plus loin (Réformation de la Noblesse en Bretagne. — Archives de la Loire-Inférieure et des Côtes-du-Nord).

Mais c’est en la paroisse de Guignen que Jean Ier du Tiercent acquit un manoir qu'il semble avoir préféré à tout autre. Il lui donna même son nom, car durant tout le XVème siècle, on appela la Chapelle-du-Tiercent le château qu’on nomme aujourd’hui la Chapelle-Bouexic.

La terre noble de la Chapelle, en Guignen, appartenait au XIVème siècle à la famille Macé, et en 1379 Jean Macé, seigneur de la Chapelle, fonda un obit dans la cathédrale de Rennes, mais en 1427 elle se trouvait la propriété de Jean du Tiercent, seigneur dudit lieu ; elle demeura entre les mains de ce chevalier et de ses descendants pendant un siècle et demi (Des Salles, Réformation de la Noblesse de l'Evêché de Saint-Malo, 42, 109, 239 et 244).

Jean Ier du Tiercent avait épousé, comme nous venons de le dire, Bricette de la Noë ou de la Noue, fille de Jean de la Noue et de Jeanne du Pont, seigneur et dame de Vigneux (Précis généalogique de la maison de la Noue, 48). Nous croyons qu’ils eurent de leur union sept garçons et deux filles, savoir :

1° Jean II, sire du Tiercent, qui suit.

2° Autre Jean du Tiercent, qui fut prêtre et recteur de la Celle-en-Coglais ; il permuta cette cure en juin 1453 avec Jean de Champaigné contre la cure de Saint-Didier ; il mourut à Saint-Didier, au commencement de 1469 (Archives d'Ille-et-Vilaine, fonds de la Borderie).

3° François du Tiercent, que nous avons vu page du duc François Ier et très bien en cour près de ce prince. C'est probablement lui qui, devenu homme d'église, figure en 1493 sous le nom de « vénérable et discret François du Tiercent ».

4° Guillaume du Tiercent, officier d'Arthur III, duc de Bretagne, qu'il accompagna en 1458 dans son voyage vers le roi de France, était en 1461 l'un des « gens d’armes de l'ordonnance » du successeur de ce prince, le duc François II. Il commanda l'une de « lances » en 1464, et figura l'année suivante dans une montre tenue à Saint-Aubin-du-Cormier, en qualité d'homme d'armes du sire de Lescun. En 1470 il se trouvait l'un des gentilshommes de la cour du duc François II, et trois ans plus tard il passa à Laon une revue de troupes (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 121, 124, 266, 271, 1723, 1725 et 1777). Guillaume du Tiercent épousa vers 1460 Marie de Montauban, fille de Guillaume de Montauban, seigneur du Bois-de-la-Roche, et d'Orfraise de Sérent. Elle reçut pour dot cent livres de rente assises sur la terre du Binio, en Augan. De ce mariage sortirent Gilles du Tiercent, qui succéda en 1491 à son oncle Jean II du Tiercent, — et Jeanne du Tiercent, épouse de Guillaume Poulain, seigneur de la Villesalmon, gouverneur de Moncontour en 1491. Guillaume du Tiercent ne fut jamais seigneur du Tiercent, quoiqu'en aient dit divers écrivains. Il mourut avant sa femme, Marie de Montauban, qui se remaria à Gilles de Condest, seigneur de Morteraye (De Bellevue, La Maison de Montauban, 20 et 71).

5° Louis du Tiercent, seigneur de la Forêt-Neuve, en Saint-Brice ; homme d'armes de l'ordonnance du duc de Bretagne, sous le commandement du sire de la Hunaudaye en 1464 et 1474 ; il épousa Suzanne de Channion, qui habitait en 1513 la Maubaichère, en Saint-Brice.

6° Pierre du Tiercent, également homme d'armes de l'ordonnance du duc François II, sous le commandement du capitaine Bertrand du Parc, en 1474 (D. Lobineau, Preuves de l'Histoire de Bretagne, 1343, 1344 et 1369).

7° Michel du Tiercent, homme d'armes au service du roi de France, de la compagnie de Louis du Pont en 1481 (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 420).

8° Jeanne du Tiercent, qui épousa Lancelot Gouëon, chevalier, seigneur de Trémaudan ; en faveur de ce mariage fait après 1443, le sire du Tiercent et sa femme donnèrent à Jeanne la terre et seigneurie de l'Ile de Bréhat, à condition de pouvoir retirer cette terre moyennant « quatre mille francs » tout en laissant la jouissance de la seigneurie aux deux époux pendant leur vie. Un an après ce mariage, en effet, ils opérèrent ce retrait (Archives des Côtes-d'Armor, E, 1309).

9° Marguerite du Tiercent, épouse en 1469 de Jean de Porcon, seigneur de Bonnefontaine, en Antrain.

IV

JEAN II DU TIERCENT, chevalier, seigneur du Tiercent, fils aîné de Jean Ier et de Bricette de la Noue, parut de bonne heure, près de son père, à la cour des ducs de Bretagne. Nous l'y avons vu dès 1442 écuyer de François Ier et recevant de ce prince une coupe d'argent pour ses étrennes de 1445. Quelques années plus tard, en 1453, le duc Pierre II envoya Jean du Tiercent en Guyenne rejoindre les troupes du roi de France et combattre les Anglais (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1372, 1397 et 1628).

Dix ans après, Jean du Tiercent déposa aux plaids généraux du Duc tenus en 1463 à Ploërmel ; il s'agissait d'un procès soulevé entre la dame d'Etampes, d'une part, et Guillaume de Coëtlogon et Tanguy du Chastel, de l'autre, au sujet de la possession des seigneuries de Renac et du Boisraoul. Le sire du Tiercent déclara avoir été présent à Nantes aux conventions passées relativement à ces seigneuries entre le feu duc François Ier et le sire de Bossac agissant au nom d'Isabeau de Vivonne, dame de Renac (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 33).

Sceau de Jean II, sire du Tiercent

Le 23 mars 1464, Geoffroy de Couvran, chevalier, seigneur de la Morandaye, nommé par le duc François II, capitaine et connétable de Ploërmel, donna à ce prince pour cautions ou pièges « Monsieur Jehan du Tiercent, chevalier, seigneur dudit lieu », et Charles l'Enfant (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 393).

Nommé chambellan du duc François II, Jean du Tiercent reçut deux cents livres de gages en 1465. Il fut, en outre, défrayé de l'entretien de douze hommes d'armes et de cent-vingt-sept archers qu'il avait dû entretenir pendant deux mois pour le service du duc de Bretagne (D. Lobineau, Preuves de l'Histoire de Bretagne, 145 et 1369).

L'an 1470 le sire du Tiercent fut appelé par son souverain à ratifier le traité d'Ancenis, conclu entre le roi de France Louis XI et le duc de Bretagne François II (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 194).

Sans perdre la confiance de ce dernier prince, Jean du Tiercent gagna celle du roi de France ; Louis XI en fit son conseiller et l'un de ses chambellans, puis le nomma capitaine de la Charité-sur-Loire. C'est en ces qualités que le seigneur du Tiercent nous apparaît en 1482, donnant le 9 mai de cette année-là, à écuyer Jean Andras, grenetier dudit lieu de la Charité-sur-Loire, quittance de 292 livres 3 sols qu'il avait reçus de lui pour droits de gabelle sur le sel vendu en la ville de la Charité-sur-Loire (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 425).

Quelques années après, Jean du Tiercent était de retour en Bretagne. Le 5 octobre 1488, sur l'ordre du duc François II, dont il était en la circonstance « commissaire commis », il tint sur le pré-Raoul — le champ de Mars d'alors à Rennes — une montre de gens d'armes, c'est-à-dire qu'il y fit une revue de soldats bretons (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 556).

Jean II du Tiercent mourut le 31 mars 1491 sans postérité, car toutes ses seigneuries passèrent à son neveu Gilles Ier du Tiercent.

Les Bénédictins nous ont conservé sous la date de 1476 la magnifique empreinte du sceau de Jean II du Tiercent. Il est orbiculaire et renferme un écu portant quatre fusées accolées et rangées en fasce ; mais cet écu ne recouvre qu’une minime portion du champ occupé surtout par un casque cimé des bustes d'un homme barbu et d'une femme aux cheveux flottants, et accompagné de lambrequins que composent de grands feuillages et quelques fleurettes. La légende porte : SEAU JEAN SIRE DU TIERCENT CHR, c'est-à-dire sceau de Jean sire du Tiercent, chevalier (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, n° 485 des planches).

V

GILLES Ier DU TIERCENT, chevalier, seigneur du Tiercent, était fils de Guillaume du Tiercent, et de Marie de Montauban, et par suite neveu du précédent sire du Tiercent, décédé sans enfants. Le 17 mars 1493, il fournit au Roi le minu de la seigneurie du Tiercent, mais ce fut son oncle « vénérable et discret messire François du Tiercent » qui, en qualité de procureur, présenta lui-même ce minu (Archives de la Loire-Inférieure).

Dès 1491, Gilles du Tiercent se trouvait l'un des cent gentilshommes de la maison de la reine Anne de Bretagne. Lorsque plus tard Charles VIII fit la campagne d'Italie, pour subvenir aux dépenses nécessitées par cette expédition, Anne de Bretagne réduisit le taux des gages et pensions de ses officiers ; à cette occasion le sire du Tiercent perdit 80 livres de pension et Jean du Tiercent, probablement son fils, 120 livres. A la mort de Charles VIII, arrivée en 1498, Gilles du Tiercent reçut pour porter le deuil du roi de France « un béguin de quatre aulnes trois quarts de drap à 5 livres 5 sols l'aulne » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 725, 753 et 793).

Comme ses ancêtres à la cour ducale, le seigneur du Tiercent demeura au service de la reine-duchesse tant que vécut Anne de Bretagne ; nous voyons, en effet, le nom de Gilles du Tiercent figurer parmi ceux des pensionnaires de la reine, notamment en 1501 pour une somme de 400 livres et en 1508 pour 200 livres (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 856 et 889).

La réformation des terres nobles faite en 1513 pour l'établissement des fouages en Bretagne nous montre Gilles Ier du Tiercent richement nanti de belles terres. Il possédait au Tiercent la seigneurie du dit lieu et la maison noble de la Couvrie, — en Saint-Brice les terres nobles de la Forêt-Neuve et de la Maubaichère, — en Baillé la seigneurie de Montéval, — en Saint-Germain-en-Coglais la terre noble des Lévarés, — en Saint-Mard-le-Blanc le manoir de la Vallée, — en Saint-Ouen-des-Alleux la terre noble du Rocher-Poirier, —   en Guignen la belle seigneurie de la Chapelle, — en Goven les terres nobles de la Rivière, de la Noë et de Noyal, etc.

Gilles Ier du Tiercent mourut vers 1520, mais ce ne fut que le 21 février 1527 que le sire de Laval reçut le rachat à lui dû par le possesseur nouveau de la Chapelle, en Guignen, « héritier de deffunt Gilles du Tiercent, seigneur dudit lieu et de la Chapelle ».

Gilles Ier, du Tiercent avait épousé vers 1480 Jeanne de la Lande, fille de Jean de la Lande et de Jeanne Godelin, seigneur et dame de Callac et de la Motte Saint-Armel. Les noms du sire de Tiercent et de sa femme sont encore inscrits avec leurs armes sur une cloche de l'église de Saint-Armel, dont ils furent parrain et marraine ; leurs armoiries se trouvent aussi sculptées sur la façade et à l'intérieur de cette même église paroissiale, dont ils étaient prééminenciers à cause de leur seigneurie de la Motte Saint-Armel.

De son union avec Jeanne de la Lande, Gilles du Tiercent eut au moins cinq enfants :

1° François du Tiercent, qui lui succéda.

2° Jean du Tiercent, officier, comme lui, à la cour d'Anne de Bretagne.

3° Goharde du Tiercent, qui épousa d’abord Jacques Loaisel, seigneur de Brie et de Chambières, puis vers 1545 Guillaume Cochard, seigneur de la Cochardière ; cette dame reçut en partage les terres nobles de la Vallée et des Lévarés et la seigneurie de la Chapelle, en Guignen ; elle donna cette dernière à son fils François Loaisel. 

4° Briande du Tiercent, mariée 1° en 1513 à Pierre de Cluhunaud, seigneur dudit lieu, 2° à Julien Gaulay, seigneur du Boisguy ; elle eut en partage la seigneurie de la Sénéchaussière en Vieuxvy, qu'elle légua à son fils Jacques de Cluhunaud (Du Paz, Histoire généalogiques de plusieurs maisons de Bretagne, 556 - Archives de Loire-Inférieure, B 1400).

5° Françoise du Tiercent, femme de Rolland Yvette, seigneur de la Garenne.

VI

FRANÇOIS DU TIERCENT, chevalier, d'abord seigneur du Bois en Machecoul, fils de Gilles sire du Tiercent et de Jeanne de la Lande, succéda à son père en la seigneurie du Tiercent vers 1520 ; il ne rendit toutefois aveu au roi pour cette terre qu'en 1525.

François du Tiercent avait figuré en 1513 dans une querelle suscitée à son ami Arthur de la Magnanne, seigneur dudit lieu. Se trouvant au mois de janvier au manoir de la Magnanne en Andouillé, il banquetait la nuit avec son hôte lorsque « environ une heure et demie de nuit fut tirée une pierre de couleuvrine qui frappa dans la fenestre de la cuisine ; sur quoi ledit Arthur de la Magnanne et ledit François du Tiercent, seigneur du Boays, et la femme dudit Arthur (Catherine de Corcé) et leurs gens estant sortis, Gilles du Gué, seigneur du Boisdeniel, parut, qui dit : Par la mort-Dieu ! c’est moi qui vous cherche Monsieur du Boays et Monseigneur de la Magnanne ! Et en mesme temps furent encore lachés dix ou douze traits d'arbalestres, d'un desquels la femme dudit Arthur pensa estre atteinte, ledit du Gué jurant par le sang-Dieu qu'il ne les manqueroit pas une aultre fois » (Archives d'Ille-et-Vilaine, fonds de la Magnanne). Nous ignorons pourquoi Gilles du Gué en voulait à François du Tiercent et à Arthur de la Magnanne, mais nous savons qu'au mois de février suivant le seigneur du Boisdeniel se trouvait « detenu ès prisons d'Aubigné et cité à comparoistre devant l'alloué de Rennes » (Archives d'Ille-et-Vilaine, fonds de la Magnanne).

Quand en 1524 le roi de France François Ier convoqua les Etats de Bretagne à Rennes pour s'y faire reconnaître usufruitier du duché de Bretagne, au nom de son fils aîné le dauphin François, propriétaire de ce duché, le seigneur du Tiercent fut appelé à cette assemblée et acquiesça à la volonté royale (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 963).

Nous savons peu de chose de François, sire du Tiercent ; nous ignorons même le nom de sa femme ; il dut mourir vers 1540, laissant six enfants :

1° Gilles II, sire du Tiercent, son successeur.

2° François du Tiercent, seigneur de Ranléon, en Quédillac, dont le fils Jean du Tiercent hérita de son oncle Gilles II.

3° Gilles du Tiercent, dit le Jeune, seigneur de Montéval et de la Forêt-Neuve en 1559, et dont la fille, Orfraise du Tiercent, était en 1601 femme de François Langlois, sieur du Prémorin.

4° Françoise du Tiercent, qui épousa en premières noces Briand de Neufville, seigneur du Plessix-Bardoul, et en secondes noces Zacharie Croc, seigneur de la Robinaye ; elle dut mourir vers 1590.

5° Bertranne du Tiercent.

6° Briande du Tiercent.

VII

GILLES II DU TIERCENT, chevalier, seigneur du Tiercent, était le fils aîné de François, sire du Tiercent, et encore mineur quand il perdit son père. Il ne tarda pas à se trouver à la tête d'une belle fortune : nous le trouvons possédant en 1540 : les seigneuries du Tiercent et de la Gravelle, au Tiercent, — la terre noble de Montéval, en Baillé, — les manoir et fief du Rocher-Poirier, en Saint-Ouen-des-Alleux, — la maison noble de la Forêt-Neuve, en Saint-Brice, — les manoir et seigneurie avec haute justice de la Houssaye, en Saint-Maden, — le château et la seigneurie de l'île Bréhat, — le château et la seigneurie de Saint-Paul, en Plouër, — les manoir et fief du Domaine, en La Boussac, — la terre seigneuriale de Ranléon, en Quédillac, — la seigneurie de la Motte, en Saint-Armel, etc. (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

A de grands biens Gilles du Tiercent joignit les honneurs ; d'après le témoignage de ses contemporains, il fut chevalier de l'Ordre du Roi et gentilhomme ordinaire de son hôtel (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel). Il épousa Renée Botherel, fille de Jean Botherel, seigneur d'Apigné et de Mathurine Thierry. Le mariage se fit au château d'Apigné, en la paroisse du Rheu, en 1522, et s'y trouvèrent « beaucoup de personnes notables » ; Gilles du Tiercent était âgé d’environ 17 ans, et Renée Botherel n'avait que 10 à 11 ans (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Les jeunes époux demeurèrent longtemps en bonne intelligence et eurent un fils nommé René, qui décéda dès l'âge de 6 à 7 ans. Mais dans la suite Gilles du Tiercent « possédé et gouverné par les seigneurs du Plessix-Bardoul et du Cobatz, commença à malmener et maltraiter Renée Botherel » ; il dissipa rapidement sa fortune « sans que sa femme put s'y opposer tant elle le craignoit » (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Il commença par vendre dès 1540 l'importante seigneurie de Saint-Paul à Radegonde des Déserts, veuve de Jean d'Espinay, seigneur du Boisduliers. Il continua ses aliénations, vendant en 1552 la terre seigneuriale du Domaine à Jean Yvette, seigneur du Boishamon, — vers 1566 le château et la seigneurie de l'île de Bréhat, — à des dates que nous ne pouvons préciser les seigneuries de la Motte-Saint-Armel et de Ranléon.

Il paraît même que le sire du Tiercent vendit ou céda à ses soeurs la seigneurie du Tiercent, car en 1559 nous trouvons, dans un résumé de déclarations faites au Roi, signalées « damoiselles Françoise et Briande du Tiercent qui tiennent le lieu du Tiercent, ses moulins et fiefs » (Archives de la Loire-Inférieure, B, 1400). Cette Briande du Tiercent, dont nous ne savons pas autre chose, ne paraît plus ensuite. Mais nous savons que sa soeur Françoise était alors femme de Briand de Neufville, seigneur du Plessix-Bardoul, auquel elle donna une fille, Rollande de Neufville, épouse en 1574 de Christophe de Tanouarn. Or cette dernière, héritière de sa maison, apporta à son mari non seulement la seigneurie du Plessix-Bardoul, en Pléchatel, mais encore des droits à la seigneurie du Tiercent, dont ils prirent le titre. Leur fils, Jean de Tanouarn, né en 1586, et qui devint abbé de Montfort, se disait aussi seigneur du Tiercent (Archives d'Ille-et-Vilaine, E, 58). Toutefois nous verrons bientôt que le seigneur du Plessix-Bardoul ne prit pas facilement possession du château du Tiercent.

Avant d'arriver à ce curieux épisode, nous devons faire connaître une lettre que Gilles du Tiercent écrivit le 14 juin 1562 au duc d'Etampes, gouverneur de Bretagne ; nous y constaterons le triste état où se trouvait alors l'ancien seigneur du Tiercent.

Le calvinisme essayant alors de s'introduire en Bretagne, des mouvements populaires se manifestèrent contre les novateurs, et un commencement de guerre civile menaça notre pays. C'est dans ces circonstances que Gilles du Tiercent écrivit ce qui suit au lieutenant général du Roi, gouverneur de la province : « Monseigneur, voyant les affaires qui aujourd'hui se présentent, je me suis enhardi à vous écrire la présente, vous suppliant par icelle me faire ce bien et honneur de me donner trois cents hommes de pié, que s'il vous plaist m'envoyer la commission j'espère trouver en peu de jours, qui ne seront point mécaniquement en peine ny d'accoustrement, ny d'armes ; et s'il vous plaist nous envoyer au lieu où l'on gaigne ou perd l'honneur je feré paroistre l'affection que j'ai de faire service au Roi et à vous, Monseigneur, et le peu d’amitiés que je porte à ses ennemis, et oultre je suis bien obligé de leur porter ennui, car ils tiennent la plupart de mes terres. Monseigneur, vous savez que autrefois il vous a plu me faire ce bien de me promettre que où j'aurais à faire vous employriez pour moi et que par vostre commandement je …  (Resté en blanc dans la copie des Bénédictins), me ressentant par cela encore et davantage plus votre obéissant et vous supplie qu'il vous souvienne de moi qui suis un povre gentilhomme affligé. Mes prédécesseurs ont fait service aux vostres et je désire vous en faire. S'il ne vous plaist je ne suis rien, et s'il vous plaist je puis estre quelque chose honorable ; et me tenant la main l'honneur de tout le bienfait que Dieu me donnera moyen de faire vous reviendra. Finissant cette lettre par supplier Dieu, Monseigneur, qu'il vous donne en parfaite santé longue vie et félicité et à moi l'heur d'estre le reste de ma vie en votre bonne grasse. Escript à Rennes le 14ème jour de juin 1562, votre très humble et obéissant serviteur toute ma vie GILLES DU TIERCENT ». En suscription : à Mgr., Mgr. le duc d'Etampes, gouverneur et lieutenant général pour le Roy en Bretaigne (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 1308).

Cette lettre était « cachetée de cire rouge, sous une queue de papier, du cachet du dit du Tiercent où sont ses armes en bannière, écartelées au 1er échiqueté d'argent et d'azur (qui est de la Houssaye) ; au 2ème neuf annelets ou roselettes ; au 3ème une croix ancrée ; au 4ème d’or à quatre fusées rangées de sable (qui est du Tiercent) et sur le tout … » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 1308).

Il ne semble pas que le duc d'Etampes ait bien accueilli la supplique de ce « povre gentilhomme » que nous allons voir, au contraire, poursuivi cinq mois après, par ordre du Roi. Plus tard seulement nous voyons en 1569 un Gilles du Tiercent, sieur de la Houssaye, — qui nous semble bien l'ancien sire du Tiercent — archer à cheval de l'arrière-ban de l'évêché de Saint-Malo, en l'archidiaconé de Dinan, recevant « l'ordre de se trouver à Nantes le 17 mars 1569, devant Mgr de Bouillé, lieutenant pour le Roi au gouvernement de la Bretagne, pour tenir garnison là où il plaira audit seigneur l'ordonner » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 1308).

Mais revenons à 1562. Que se passa-t-il après que Gilles du Tiercent eut vainement sollicité du gouverneur de Bretagne un commandement de troupes ? Nous n'en savons rien. Toujours est-il que le 13 novembre 1562 le Parlement de Rennes décréta contre ce seigneur malheureux, mais peut-être coupable, « une prinse de corps » et chargea les trois sergents royaux Pierre Maillart, Guillaume Tresgon et Jean Chauvelière d'exécuter ce décret. Or cette mesure de rigueur fut prise contre Gilles du Tiercent, à la requête de son beau-frère Briand de Neufville, « seigneur du Plessix-Bardoul et du Tiercent », mari de Françoise du Tiercent.

Il semble bien que Gilles du Tiercent, après avoir abandonné sa seigneurie du Tiercent à sa soeur, refusa de la laisser en prendre possession. De là un procès soutenu contre lui par le seigneur du Plessix-Bardoul, procès auquel s'intéressa Renée Botherel, qui, comme nous le verrons plus loin, prétendant avoir droit à la jouissance du tiers de la fortune de son mari, s'opposait à l'aliénation de ses biens.

Les sergents royaux, accompagnés du seigneur du Plessix-Bardoul, partirent de Rennes le 14 novembre 1562 pour se rendre « au lieu, maison et manoir du Tiercent, distant de cette ville de huit à neuf lieues ». Mais il n'y trouvèrent que la dame du Tiercent, bien résolue à se défendre, au besoin par les armes, contre ceux qui poursuivaient son mari. Elle avait tout préparé dans ce but, fermant et fortifiant son manoir et s'y faisant garder par quelques hommes armés. Voici, du reste, comment dans leur procès-verbal les sergents du Roi racontent leur expédition :

« Arrivés au Tiercent nous avons fait sommation et commandement à Gilles du Tiercent, parlant à demoiselle Renée Botherel sa compagne et épouse, elle estant enfermée au grand corps de logis de ladite maison, de nous ouvrir les huys et portes d'icelle maison, pour et à fin que eussions mis notre commission et décret de prinse de corps à l'encontre dudit Gilles du Tiercent à exécution ; ladite Botherel nous a dit et répondu qu'elle ne ouvriroit ny ne feroit ouvrir ladite maison. Luy avons fait commandement de par le Roy, ladite Botherel a répondu que elle ne ouvriroit aucunement, disant que nous eussions à luy bailler un aultant (une copie) de nos dites commissions afin de l'envoyer à son conseil pour nous en faire reponse dans huit jours ; ce que nous avons pris pour refus, et à l'endroit avons commencé à procéder et faire ouverture de ladite maison par un endroit de la muraille d'icelle, à raison que les grilles et fenestres d'icelle estoient tellement garnies de grosses pierres et remparées de canonières et batteries auxquelles y avoit plusieurs personnes garnies d'arquebuses par les pertuis desdites canonières, faisant gestes de vouloir tirer sur nos personnes. Et furent jettées et ruées plusieurs grosses pierres desdites fenestres et pertuis et mesme sonné un tambourin de Souisse afin de faire accourir le peuple et nous mettre en crainte de nous faire saccager ; jurant iceux estant en ladite maison : par la chair-Dieu ! Canailles, si vous faillez à vous retirer, vous ne retournerez jamais en votre quartier ! ».

Il paraît bien néanmoins que les assiégés du Tiercent se contentaient de crier et de « faire geste de tirer », sans pour cela blesser les assiégeants, car les sergents royaux, continuant à démolir une portion de la muraille, étaient sur le point d'entrer par cette brèche, lorsque la dame du Tiercent, Renée Botherel, leur cria d'une fenêtre de la salle basse : « Cessez votre entreprisse de rompre tout, nous nous rendons à justice, moyennant que moi et les gens de ma compagnie n'ayent aucun mal ». Les sergents cessèrent alors leur démolition et entrèrent au manoir du Tiercent.

Ils y trouvèrent sept hommes armés ; un jeune homme nommé Chevallerye qui semblait commander à la bande, puis Etienne Charnière, Michel de Vélobert, Jean Couppé, Thomas Guyonais, Jean Després et Raoulin Lendormy, qu'à l'instance du seigneur du Plessix-Bardoul, ils prirent tous « au corps ». Ils découvrirent ensuite dans le manoir un certain nombre d'armes, savoir : « deux brigandines, un gorgeron de maille, trois salades de fer servant à couvrir la tête, une rondelle couverte de cuir noir, six épées, deux daigues, trois piques, trois javelots dorés, deux arquebuses à mèche, une arbalestre avec son baudrier, un tambour de Suisse, etc. ». Toutes ces armes furent confiées à la garde de Briand Robinault, sieur de la Courbaudière.

Les sergents firent ensuite dans tout le logis « perquisition de la personne de Gilles du Tiercent qui ne fut trouvé nulle part, et leur fut dit, par les cy-devant nommés, qu'il en avoit fui le jour précedent ». Ils laissèrent en liberté Renée Botherel, mais emmenèrent à Rennes leurs sept prisonniers (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Quoique nous ne sachions pas comment se termina cette affaire, tout porte à croire que ce ne fut pas à l'avantage de Gilles du Tiercent ; s'il put conserver sa liberté, il ne dut pas rentrer en possession régulière de la seigneurie dont il portait le nom. Parlons maintenant de ses difficultés avec sa femme.

Gilles du Tiercent et Renée Botherel habitaient à Rennes « leur logis près la rue du Four du Chapitre ». A la campagne ils préféraient au château du Tiercent leur manoir de la Houssaye en Saint-Maden où ils vécurent une vingtaine d'années.

Après plus de quarante ans d'union devenue pénible, la dame du Tiercent demanda à la justice une séparation de corps et de biens. Elle s'adressa au juge de la cour de Bécherel, sollicitant « un logis séparé où se retirer et jouir paisiblement de la tierce partie des biens de son mari Gilles du Tiercent, attendu les mauvais traitements que lui fait le dit seigneur ». Par sentence du 12 juillet 1568, le juge déclara « qu'il sera baillé à ladite dame logis commode au lieu et maison de la Houssaye pour soi habiter, et lui sera baillé sa contingente part des biens meubles qui sont de la communauté de leur mariage ». Un acte notarié très curieux du 19 janvier 1569, signé des deux époux, constate la remise de ces meubles faite par « noble homme Gilles du Tiercent, seigneur dudit lieu et de la Houssaye, à damoiselle Renée Botherel, sa compaigne espouse, dame des dits lieux ». On y voit figurer des lits, linge de table et de maison, vaisselle d'étain, chevaux et bestiaux, etc., avec l'assiette d'une rente de 300 livres et de plus une somme de 2.000 livres que « noble homme Julien Botherel, seigneur d'Apigné, frère de la dite damoiselle lui avoit baillée » (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Néanmoins Renée Botherel n'eut point la jouissance du manoir et de la seigneurie de la Houssaye, mais simplement la propriété d’une métairie voisine appelée la Haute-Houssaye. Son mari vendit la seigneurie de la Houssaye à René Tournemine, baron de la Hunaudaye. Le fils de ce dernier, autre René Tournemine, se disant « neveu de Renée Botherel » n'en fut pas moins poursuivi par la dame du Tiercent lorsqu'elle fut devenue veuve. En 1585 il lui assura la possession de la métairie et du moulin de la Houssaye. Ce qui n'empêcha pas cette dame de plaider à nouveau contre lui en 1595 pour une rente de 300 livres qu'elle réclamait sur la seigneurie même de la Houssaye, à cause de son douaire. D'autre part nous voyons Renée Botherel en procès en 1594 et 1596 avec son fermier des « moulin et métairie de la Haute-Houssaye » lui appartenant (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

La fin de Gilles du Tiercent fut triste et pénible : ce seigneur, chevalier de l'Ordre et jadis possesseur de nombreuses et belles terres, « décéda si nécessiteux de tous biens, qu'il estoit contraint de demeurer en une petite maison de village, près le chasteau de la Hunaudaye, en Plédéliac » (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel. – On ne sait pas autre chose de ce Jean du Tiercent, qui dut mourir sans postérité). Il y mourut misérablement en 1578, laissant pour héritier, dit un acte de 1580, « écuyer Jean du Tiercent, seigneur dudit lieu » (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Ce dernier était le neveu du défunt et le fils de François du Tiercent, seigneur de Ranléon, mort vers le même temps que Gilles du Tiercent. Mais Jean du Tiercent jouit-il réellement de la seigneurie du Tiercent ? Il est permis d’en douter, car nous voyons à la fin du XVIème siècle le seigneur du Plessix-Bardoul continuer sa procédure et ses saisies au sujet des biens du seigneur du Tiercent. Aussi la terre seigneuriale du Tiercent fut-elle vendue en 1602 à Gilles Ruellan « partie conventionnellement et partie judiciellement ».

Finissons-en avec Renée Botherel, qui survécut plusieurs années à son mari, Gilles du Tiercent.

La sentence de séparation de corps et de biens qu'avait obtenue cette dame en 1568 ne la satisfaisait pas, puisqu'elle demandait la jouissance du tiers de la fortune de son mari et qu'elle n'avait reçu en fin de compte que la propriété de la métairie de la Houssaye ; Gilles du Tiercent ne pouvait lui donner davantage, en effet, ayant vendu toutes ses autres terres. Mais lorsqu'il fut mort, sa veuve plaida contre les acquéreurs, notamment contre Gabriel de Téhillac, seigneur du Boisduliers, petit-fils et héritier de Radegonde des Déserts, qui avait acheté en 1540 la seigneurie de Saint-Paul, en Plouër. En sa qualité de « douairière du Tiercent », Renée Botherel obtint du Parlement de Paris un arrêt, en date du 5 avril 1583, lui assignant la jouissance du tiers de cette seigneurie de Saint-Paul. Il paraît que Gabriel de Téhillac fut contraint d'accepter cet arrêt ; mais ne voulant pas démembrer sa terre de Saint-Paul, il donna en échange à la dame du Tiercent l'usufruit du manoir et de la terre de Villeneuve, en Toussaints de Rennes, et lorsqu'en 1585 il vendit cette terre à Jean de Luxembourg, il stipula au contrat que Mme du Tiercent en conserverait la jouissance tant qu'elle vivrait (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Mais Renée Botherel aimait évidemment les procès : elle en fit aux propriétaires de Villeneuve, qui n'entretenaient point d'après elle ce manoir en état convenable, en 1584 à Gabriel de Téhillac, en 1596 à Jean de Luxembourg. Elle semble d'ailleurs avoir préféré sur la fin de sa vie le séjour de la ville à celui de la campagne. Si elle quitte Rennes en 1582 pour aller demeurer deux ans au château d'Apigné, chez son frère, « c'est à cause de la contagion désolant ladite ville ». Elle rentre en 1584 à Rennes et y habite dans la rue des Dames la maison de la chapellenie Saint-Sébastien, qu'elle loue quinze écus. En 1591 et 1600 elle occupe dans la même rue un logement plus important, « grand corps-de-logis avec galerie et cour, joignant le logis de Vauclair et appartenant au seigneur de la Teillaye-Satin » ; elle paie cette maison trente-trois écus par an (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel).

Quoique tourmentée par la manie des procès, Renée Botherel exerçait néanmoins la charité autour d'elle ; elle la pratiqua surtout à l'égard de l'hôpital Saint-Yves de Rennes, donnant à cet établissement, d'abord en 1595 une rente de 105 livres, puis en 1596 une somme de 600 livres. Aussi son nom figure-t-il encore dans la liste des bienfaiteurs de l'Hôtel-Dieu de Rennes.

Renée Botherel, dame du Tiercent, mourut à la fin du mois de janvier 1605, car on commença le 1er février en l'église de Bonne-Nouvelle de Rennes un annuel de Stabat pour le repos de son âme (Archives d'Ille-et-Vilaine, E. Fonds de Botherel) ; elle fut inhumée dans le chanceau de la chapelle Saint-Yves. Lorsque cet intéressant édifice fut si malheureusement sécularisé en 1860 on releva les inscriptions des tombeaux qu'il renfermait. Dans le sanctuaire fut alors signalée une dalle de granit très fruste : un cartouche entouré de larmes gravées en creux, formé d'ornements de la décadence du style flamboyant, y portait une inscription dont on ne put lire que les mots TIERSANT vers le milieu de l'inscription ; puis à la ligne suivante le mot DECEDA ; puis encore à la ligne suivante la date 1605. C'était la tombe de la douairière du Tiercent. (Guillotin de Corson).

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