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MAHALON PENDANT LA REVOLUTION

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Peu de temps avant le commencement de la Révolution, le 4 Mars 1789, François Perrichon, recteur de Mahalon, avait permuté avec Mathurin-Joseph Sohier, vicaire de la paroisse de Bélignec et titulaire du bénéfice de Saint-Jean du Meurrier, paroisse Saint-Jean de Nantes. Celui-ci refusa de prêter serment à la Constitution civile du clergé. De plus, il avait pris copie, au séminaire, de la protestation de Mgr. de Saint-Luc et il s’était chargé de la répandre et de la faire signer dans le pays. Les maîtres du jour ne le lui pardonnèrent pas. Il fut traité de séditieux et accusé de faire des prônes incendiaires, et, finalement, chassé. Son vicaire, Sébastien Gloaguen, refusa également de prêter serment. Il mourut au presbytère en Septembre 1791.

Le 27 Mars 1791 eurent lieu des élections pour remplacer par des recteurs assermentés les recteurs réfractaires du canton de Pont-Croix. Ce fut une dure besogne. Le Roux, curé de Peumerit, fut élu recteur de Mahalon. Poullan, Pouldergat et Meilars furent réservés à huitaine. Quelques jours après, Tréhot de Clermont, maire de Pont-Croix, écrivait : « On ne sait encore que dire des élections faites des curés. Les choix, dans ce canton, ont été excellemment faits, mais la majeure partie a refusé d’accepter ; d’autres, après avoir accepté, se sont rétractés. L’embarras est de trouver des sujets : il y a de la manoeuvre en diable pour détourner ceux qui sont bons... Ho ! par exemple qu’un recteur de Primelin, un recteur de Mahalon qui sont des séditieux, qui ont fait des prônes incendiaires, soient chassés, c’est pain bénit... ». Il était entendu qu’on supprimerait plusieurs paroisses si on ne trouvait pas de prêtres assermentés à mettre à leur tête. « Ce n’est pas la peine d’induire de nouveaux recteurs en des dépenses pour s’établir dans des paroisses qui bientôt seront supprimées. Cela me parait sage » (Correspondance de Tréhot de Clermont). C’est ainsi qu’il fut question de partager Meilars entre les paroisses voisines.

L’élection des nouveaux recteurs fut reprise le 1er Avril. Le Roux, curé de Peumerit, après avoir accepté, avait refusé de venir à Mahalon. Et ce jour-là, c’est Jean Saouzanet qui y fut nommé. Jean Saouzanet, né à Pont-Croix, le 28 Avril 1748, était prêtre en 1774 et devint professeur au collège de Quimper. A l’exemple de son principal, Claude Le Coz, il avait prêté serment. En apprenant sa nomination à Mahalon, Tréhot de Clermont écrivait : « Il n’acceptera sûrement pas ; la sous-principalité lui pend à l’oreille et cette place convient mieux à sa paresse et à son indolence ». C’est, en effet, ce qui arriva : il ne vint jamais à Mahalon et fut nommé sous-principal au collège. Plus tard, en 1794, il devint curé constitutionnel de Fouesnant. Il mourut après le Concordat, après avoir refusé un confesseur.

M. Sohier restait donc toujours à Mahalon. Tréhot de Clermont écrivait encore : « Le remplacement et le déplacement des Recteurs se sont passés fort tranquillement. Il n’y a que le Recteur de Mahalon qui tient bon. On a nommé deux sujets de suite qui ont d’abord accepté et qui ensuite ont remercié ».

Mahalon avait deux vicaires. L’un d’entre eux était chargé spécialement de la trêve de Guiler. A cette époque, c’était l’abbé René Rochedreux, né à Concarneau, en 1756, qui en était chargé. A l’exemple de son rec­teur, M. Sohier, il refusa de prêter serment à la Consti­tution civile du clergé. De plus, il commenta cette Constitution en chaire et dit à ses tréviens qu’il était interdit de vendre et d’acheter les biens du clergé. Pour ces déclarations, il fut arrêté et jugé. Tréhot de Clermont nous fournit quelques détails sur ce jugement : « Je suis allé à l’audience pour entendre le jugement de l’abbé Rochedreux, vicaire de Mahalon à Guilair, qui, au mois de Janvier, recevant le décret sur la Constitution civile du clergé et en en donnant lecture au prône et l’expliquant, dit qu’il ne croyait pas qu’il fût permis de vendre et d’acquérir les biens du clergé ; que cela était défendu par les conciles, sous peine d’anathème et d’excommunication, qu’il se croyait obligé d’avertir tous ceux qui en achèteront de ne point s’adresser à lui en confession, sains ou malades, parce qu’il ne les absoudrait pas, à moins de restitution ou de volonté déclarée de restituer en cas d’impuissance, et qu’il assurait qu’aucun prêtre ne pouvait pas plus les absoudre que lui, que d’ailleurs les choses pouvaient revenir dans leur ancien état et qu’il ne conseillait à personne de s’exposer à perdre son argent dans ces acquisitions. — On parle et il avoue deux prônes sur cette matière. Il fut justifié de l’accusation portée contre lui d’avoir laissé mourir un des acquéreurs de biens ecclésiastiques sans confession et sans sacrements, en disant qu’il ignorait que cet homme fût malade, lorsqu’un dimanche, il avertit son peuple qu’il était obligé de s’absenter toute la semaine et qu’il priait ceux qui auraient besoin de secours pendant ce temps, d’appeler le vicaire de Mahalon ou celui de Landudec, voisins qu’il en avait prévenus ; que cet homme était mort le vendredi suivant, pendant son absence, et que quand il eût été chez lui, cet homme serait mort dans le même état, puisqu’on ne vint réclamer de secours qu’au moment où le malade était tellement mourant que son confrère de Mahalon le trouva mort ».

Pour ces prétendus délits, l’abbé Rochedreux, assis au banc des accusés, reçut une admonestation sévère, et en outre, fut condamné à être privé de tout traitement pendant six mois, et, ce qui dut le peiner bien davantage, il fut condamné à être suspendu de toute fonction pendant le même laps de temps. Et Tréhot de Clermont continue : « Le jugement est un peu trop rigoureux pour un aussi vieux péché qui date de Décembre dernier ou de Janvier, qui n’a produit aucun effet fâcheux et qui n’a été commis que par l’impulsion d’un forcené de Recteur de qui il dépendait ».

Le « forcené de Recteur » c’était toujours M. Sohier. Cela se passait le 15 Avril 1791.

Le 1er Décembre suivant, l’abbé Rochedreux fut de nouveau arrêté en exécution de l’arrêté du Département du 29 Novembre. Voici les raisons que donne de cette arrestation le District de Pont-Croix, dans sa séance du 9 Décembre : « Le district de Pont-Croix a fait mettre en état d’arrestation : Rochedreux, pour avoir, malgré le jugement qui l’avait flétri d’une admonition publique et sans réclamation, continué ses prédications incendiaires contre les lois, ses outrages contre différents curés constitutionnels, et notamment le sieur 0llivier ; s’être immiscé sans aucune autorisation dans les fonctions curiales à Pouldergat, Landudec, Plozévet ; s’être différentes fois on ne peut plus insolemment comporté envers l’administration et y avoir mis le comble en exigeant une restitution des taxes allouées aux témoins entendus contre lui, et s’être rendu par le fait sinon évidemment coupable, du moins violemment suspect de concussion ; pour s’être, après une conduite aussi scandaleuse, mis à la solde d’une maison (Mme La Porte, qui a une chapelle dont on demande la suppression) connue par les grands bienfaits qu’elle a obtenus de l'Etat et de son ingratitude envers lui, par deux émigrations, et par conséquent on ne peut plus suspecte... ».

On le voit, les chefs d’accusation ne manquaient pas contre ce prêtre zélé, vaillant et énergique. Mais l’acte d’accusation qui voudrait être une flétrissure est, au contraire, un panégyrique. Il nous le montre continuant son ministère malgré le jugement qui l’avait déjà condamné et qui n’avait en rien amoindri son ardeur. Sûr de sa voie, il dit à ses ouailles ce qu’il pense de la Constitution civile et les met en garde — en vrai pasteur — contre les prêtres assermentés. Et les gens des paroisses voisines, pour n’avoir pas affaire à ces prêtres, ont recours à lui. Voilà ce qu’il faut entendre par « s’être immiscé sans aucune autorisation dans les fonctions curiales à Pouldergat, Landudec, Plozévet ». Il fait preuve d’un courage peu ordinaire en réclamant au District la restitution de ce qu’il a été condamné à payer aux témoins entendus contre lui. Cette démarche qui le fait proclamer « violemment suspect de concussion », nous le montre au contraire sous sa vraie figure : digne, fier et courageux.

En même temps que René Rochedreux, le District de Pont-Croix fit arrêter un autre prêtre réfractaire, Henry Charlès, vicaire de Plozévet, qui deviendra recteur de Mahalon après la signature du Concordat. Henry Charlès, né au village de Landrer, en Plogoff, le 9 Janvier 1763, reçut la prêtrise en 1790. Il fut arrêté « pour avoir fait un très grand mal à Plozévet, où il a aidé à mettre à la torture le vertueux Quillivic (on sait ce que signifie à cette époque le mot vertueux) et avoir secondé les efforts des réfractaires pour élever la résistance la plus alarmante en Plogoff et Cléden qui s’étaient d’abord signalés par le patriotisme le plus chaud et leur ralliement unanime à la Constitution ; pour ne pas s’être rendu à Brest (après notification de l’arrêté du 2 Juillet) » (Chanoine Peyron).

M. Boissière nous a conservé, dans son manuscrit, le récit de leur arrestation. « Dans le District de Pont-Croix, dit-il, on se saisit dès le 1er Décembre 1791, de MM. Le Gac... des braves Gloaguen, vicaire de Ploaré, Charlès, prêtre de Plozévet, Plohinec, vicaire de Pont-Croix, et Rochedreux, vicaire de la trêve de Guilers, paroisse de Mahalon, lequel avait déjà éprouvé auparavant une procédure criminelle, à raison de son zèle à instruire ses tréviens...

De ces ecclésiastiques, le vicaire de Pont-Croix seulement demeurait dans la ville, les autres y étaient venus pour y faire leurs affaires. Le Directoire les fit avertir secrètement de se rendre au District. A leur arrivée, on leur rit au nez, en leur disant qu’ils sont en arrestation pour Brest. Ils demandent l’arrêté du Département, on le leur communique. Ils prouvent au District qu’il passe les ordres du Département. On n’en tient compte.

La canaille est mise sous les armes, et si bien stipendiée, que rien ne transpire.

On fait préparer une malheureuse charrette à demi-couverte, et, vers les dix heures du soir, par le plus mauvais temps, on les entasse dans cette misérable voiture, sans leur procurer même de la lumière pour s’y arranger. L’un d'entreux demande une lanterne ; le président du District luy répond qu’il en trouvera peut-être en route.

On les fait partir ainsi pour Quimper, distant de six lieues, escortés d’environ vingt des plus misérables sujets de la ville ; et ils arrivent au Département, vers les huit heures du matin. On les y fait attendre près de deux heures, à la porte de la cour, sans doute pour donner le temps à la population de les insulter, mais une seule femme du voisinage en a le courage.

Conduits enfin dans la cour, puis dans l’antichambre du Directoire, on ne leur propose pas de changer de hardes, quoiqu’ils fussent dans le plus pitoyable état. Arrive le président vers les 10 heures et leur fait faire du feu, mais sans leur offrir rien à manger, malgré le besoin qu’ils en avaient. Viennent ensuite successivement les autres membres du Directoire ; quelques-uns en passant dans l’antichambre font semblant de les saluer, d’autres ne font aucun cas d’eux. Le fameux Gomaire, vicaire d'Expilly, les regarde de la manière la plus dédaigneuse ; ils attendent l’arrivée d'Expilly qui, leur avait-on dit, devait aussi assister à leur jugement, mais retenu, probablement par la honte, il ne vint pas.

Vers les onze heures, ils prient qu’on leur donne quelque chose à manger, et enfin après plusieurs demandes, on remet au suisse quelqu'argent pour leur acheter du pain, et celuy qui le leur distribue le fait en leur tournant le dos, leur donnant les plus grandes marques de mépris et faisant retentir la maison de l’air : Ça ira, etc;

A midy le Président dit aux prisonniers qu’il faut passer au Séminaire où l’on aura soin d’eux, et que s’ils ont quelque chose à répondre aux griefs dont ils sont chargés, ils en auront la liberté. Mais il faut observer qu’ils ignoraient quels étaient ces griefs.

La garde nationale qui les escortait les fait traverser toute la ville, et au lieu des insultes auxquelles ils s’attendaient, ils virent verser des larmes sur leur sort.

Le supérieur constitutionnel Le Coz leur désigne des chambres ; il rougit en leur présence et se retire promptement, comme un geôlier qui ne peut envisager des prisonniers qu’on luy confie.

Au bout de cinq jours, ordre de les conduire à Brest. On les fait passer par les dehors de la ville, personne ne les insulte à l’exception d’un certain Mollet, armurier, forcené patriote, qui les suit près d’un quart de lieue, faisant retentir à leurs oreilles la clochette des agonisants qu’il avait prise à l’hôpital général... » (Peyron, le Manuscrit de M. Boissière, Brest, 1927).

Au château de Brest, où ils furent incarcérés, MM. Charlès et Rochedreux retrouvèrent M. Gilles-Baptiste Le Hars, chanoine régulier de Daoulas, « homme d’une grande pitié », qui venait, lui aussi, d’être arrêté par la Garde nationale. Il était né à Ty-Glas, au bourg de Mahalon, le 16 Octobre 1727, de Gilles Le Hars, marchand, originaire d'Elliant, et de Marie-Gilette Trépos. Il était petit-fils de maître Jacques Trépos, notaire royal.

Les prisonniers eurent beaucoup à souffrir au château de Brest. Ils subirent toutes sortes de mauvais traitements : injures, menaces de mort, promiscuité, entassement dans des salles trop petites, privations, etc...

Le 24 Juillet 1792, un arrêté du Département désigne 66 prêtres qui seront déportés en Espagne pour avoir refusé de prêter le serment. Le 9 Août ce nombre fut porté à 72. Parmi eux nous trouvons Henry Charlès, alors âgé de 29 ans, et René Rochedreux, âgé de 35 ans.

Embarqués le 12 Août, sur le Jean-Jacques, commandé par le capitaine Thoumire, les proscrits abordèrent le 18 au port de Ribadeo, en Galice, après avoir couru les plus grands dangers dans une tempête qui s’éleva le 16, et fut si violente le 17, et surtout le 18, que le capitaine et son équipage furent eux-mêmes effrayés. Les proscrits trouvèrent asile là-bas dans des communautés religieuses et diverses maisons particulières. Ils y demeurèrent jusqu’à la fin de la Révolution.

A son retour d'Espagne, René Rochedreux resta quelques années à la Rochelle, ensuite il devint professeur à la petite école de Meilars, et, en 1804, recteur de cette même paroisse. Il mourut recteur de l'Ile­Tudy, le 28 Novembre, à l’âge de 72 ans.

Henry Charlès devint, en 1804, vicaire, puis recteur de Mahalon.

M. Le Hars n’était pas resté longtemps au château de Brest. Dès le 16 Janvier 1792, il avait été relâché. Arrêté de nouveau, il fut détenu, d’abord à Kerlot, ensuite aux Capucins de Landerneau. Désigné, le 14 Messidor an II (2 Juillet 1794), pour être déporté à Rochefort, il fut ensuite, en raison de son âge, exempté de la déportation et condamné à la réclusion. Il se vit élargi à Quimper en Mai 1795. Le 21 Brumaire an VII (11 Novembre 1798), il était désigné pour être déporté à l'Ile de Ré. Encore une fois, grâce au ministre de la police générale, Duval, il échappa à la proscription. Il mourut à Quimper, avant la fin de la Révolution.

M. Sohier, recteur de Mahalon, avait dû quitter sa paroisse en 1792, Il s’était retiré à Lamboban, en Cléden, chez Lucie Gloaguen, et y séjourna trois mois. C’est là qu’il mourut le 4 Février 1793. Lucie Gloaguen, pour lui avoir donné asile, fut incarcérée à Pont-Croix. De son côté, la municipalité de Cléden reçut une semonce du District. Elle fut mandée au Directoire du Département, ainsi que celles des paroisses voisines, pour y rendre compte de la situation de leurs communes. A l’égard de Cléden, le District déclara : « Qu’il y a eu et qu’il y a constamment un grand nombre de prêtres, et que la municipalité a tenu sur leur résidence un silence d’autant plus coupable que le ci-devant curé de Mahalon, l’énergumène Sohier, y est mort dans une maison nationale, l’ancien presbytère de Lamboban, après une habitation de plus de trois mois, sans que la municipalité en ait donné aucun avis à l’Administration ».

Son vicaire, Sébastien Gloaguen, était mort au presbytère de Mahalon, le 8 Septembre 1791, à l’âge de 34 ans, sans avoir jamais prêté serment.

La paroisse dut rester quelques mois sans prêtre, car nous voyons Expilly réduit à adresser certaines dispenses au District lui-même, ne connaissant pas dans le canton un prêtre à qui il pût en confier l’exécution. Le 23 Juillet 1792, il écrivait au District de Pont-Croix :

« J’ai l’honneur de vous adresser la dispense du troisième ban pour les deux mariages qui devaient se faire à Mahalon. Le curé ou vicaire étant en fuite, je délègue en blanc tel prêtre que vous jugerez à propos d’indiquer » (Chanoine Peyron).

Le curé en fuite était M. Sohier.

Le 1er Septembre 1792, le prêtre constitutionnel de Meilars paraît à Mahalon. En Décembre suivant, arrive le vicaire assermenté Donnard, qui fut nommé en Janvier 1793 « officier civil pour les baptêmes et mariages ». Quelque temps après, survient un autre prêtre constitutionnel nommé Falher. Il avait été ordonné par Expilly. Il habitait à Mahalon le premier étage du presbytère. Le rez-de-chaussée était occupé par « Guillaume-Corentin Faucheur, nommé instituteur de la langue française à notre commune de Meilars et Mahalon... au dit citoyen Faucheur de s’arranger avec le citoyen vicaire pour le jardin et autres dépendances ou de les partager de moitié... » (Délibérations municipales de Meilars, 15 Floréal, an III).

Falher ne resta pas longtemps à Mahalon. Donnard y exerça jusqu’à 1794.

Un prêtre originaire de Mahalon, Alexandre-Guillaume Le Guellec, était vicaire à l'Ile de Sein quand il prêta le serment de 1790. Quelque temps après, il devenait curé de Plovan, paroisse à laquelle Pouldreuzic était alors rattaché comme succursale.

En Janvier 1793, il se plaint à Expilly de la délimitation défectueuse de sa paroisse, et l'Evêque du Finistère lui répond, le 29 du même mois, dans les termes suivants :

« Le District de Pont-Croix, mon cher coopérateur, ne peut vous refuser une expédition du décret de l'Assemblée nationale qui fixe la circonscription de toutes les paroisses de son ressort. Je suis sûr que ce décret est rendu il y a longtemps, il l’a été par l'Assemblée Constituante et rapporté par moi-même à la tribune de cette Assemblée. Il est possible que cette circonscription soit mal faite, il est certain quelle qu’elle soit que je l’ai signée et approuvée, je le devais puisque je ne recevais aucune réclamation et que je ne connaissais pas les localités.

Si cette circonscription de votre paroisse n’est pas conforme à la commodité de vos paroissiens et à vos vues, c’est un malheur, car je n’en vois point de remède. Le Département, le District et moi réunis ne pourraient infirmer ce décret. Ainsi, mon cher pasteur, il faut prendre votre parti en brave et travailler à ramener tous ces aristocrates aux vrais principes par votre douceur, votre patience, votre zèle et votre bon exemple : labor improbus omnia vincit. Je viens de vérifier la circonscription de votre paroisse, et j’ai vu que réellement Pouldreuzic est succursale de Plovan. Ne vous découragez pas, mon cher pasteur, le temps et le courage avec la grâce de Dieu opèrent bien des merveilles. Vous aurez plus de mérite et de gloire si vous triomphez ; peut-être ce canton sera-t-il un jour votre plus grande consolation. Agréez mon sincère attachement ».

Le 8 Septembre 1793, M. Le Guellec se rend à la chapelle de Penhors, dans l’intention d’y dire la messe, le jour du « pardon » ; mais il se heurte à l’opposition du maire de Pouldreuzic, qui détient les clefs de la chapelle. Aussitôt il écrit au Département, pour le mettre au courant du fâcheux incident (Chanoine Peyron).

Résolu de quitter Plovan « inondé, dit-il, de prêtres insermentés », il demande au District de Pont-Croix, le 8 Octobre 1794, de lui obtenir la paroisse de Combrit. Deux mois plus tard (11 Décembre), son frère, qui habite Peumerit, lui conseille de solliciter plutôt Gourlison, où il sera « loin des tracasseries de mauvais voisins ».

Au début d'Avril 1795, il est toujours à Plovan. Tourmenté sans doute par le remords, il décide de se réconcilier avec l'Eglise catholique, et écrit à M. Dieuleveut, recteur de Pouldreuzic, pour lui demander comment procéder.

Dans sa réponse en latin, datée du 5 Avril, le vaillant confesseur de la foi lui trace la voie à suivre. Il lui montre qu’il a eu tort d’exercer les fonctions ecclésiastiques, non seulement sans le consentement de l'Eglise, mais encore contre sa volonté formelle et la façon d’agir des pasteurs de second ordre, tous les évêques de France à la réserve de quatre. Tous ces pasteurs sont d’accord sur le point en question avec le Souverain Pontife, et il est interdit en cette matière de s’écarter de leur sentiment. Pratiquement, l’abbé Le Guellec devra cesser les fonctions ecclésiastiques, sauf le cas de nécessité, et aviser tous ceux dont il aura entendu la confession qu’ils aient à la recommencer, à cause de nullité. Ceci devra être dit publiquement. Qu’il s’en aille ensuite trouver les vicaires généraux et qu’il attende le jugement de l'Eglise : « et in pace judicium ecclesiœ expectabis, qui, si tactus dolore cordis intrinseco omnia hœc prœstiteris, gaudium magnum erit in coelo »

En post-scriptum, M. Dieuleveut ajoute ces mots touchants : « Je vous invite, mon cher bon ami et confrère, à me venir voir. Je ne suis pas riche, mais en attendant un meilleur avenir, je partagerai volontiers avec vous le peu que j’ai ».

L’adresse de la lettre porte : « Monsieur Guellec clericus Plovan ».

Le 12 Avril, dimanche de la Quasimodo, M. Guellec montait en chaire à Plovan et lisait sa rétractation de serment devant les paroissiens assemblés. Le soir même, il en adressait le teste à la municipalité :

« Je soussigné déclare avoir, dimanche 12 Avril, au prône d’une messe, désapprouvé publiquement les prétendues réformes que l'Assemblée Nationale a faites dans la discipline de l'Eglise. Les Apôtres seuls ayant reçu de Jésus-Christ le pouvoir de gouverner l'Eglise, et par conséquent de former des règlements de discipline, les Apôtres seuls et leurs successeurs ont le droit de les changer. Les anciens règlements, qui ont été révoqués ou abolis, étant devenus nuls, ne peuvent avoir de nouveau force de loi qu’en vertu de l’autorité des Evêques ; c’est à eux seuls à les sanctionner, car la puissance civile ne saurait jamais atteindre au droit de la puissance ecclésiastique, d’où il suit qu’un Evêque ne peut actuellement, puisque l'Eglise n’a pas changé sa discipline, recevoir en France ni même en Europe son institution que du Souverain Pontife, que tout ce que feront ces Evêques dans un diocèse, sans le consentement du Pape serait tout à fait nul par défaut de juridiction, qu’il serait lui-même irrégulier et schismatique, que tous ceux qui le reconnaîtraient le seraient également, que tous les pouvoirs que recevraient les prêtres en vertu de la mission qu’il leur aurait donnés seraient aussi nuls.

D’après cette grande maxime de foi, j’ai hautement et à ma honte déclaré et je déclare encore que toutes les fonctions que j’ai faites depuis mon serment sont nulles et sacrilèges, que je cesserai dès à présent de faire toutes fonctions ecclésiastiques. — Plovan, 12 Avril 1795 ».

Quelques jours plus tard, le 23 Avril, le prêtre converti recevait de l’abbé Piclet, vicaire à Locronan et confesseur de la foi (H. Pérennès), un billet qui l’invitait aimablement à se rendre au château du Hilguy, en Plogastel–Saint-Germain, pour s’y entretenir avec un vicaire général « qui l’aime et l’estime beaucoup ».

C’est à Quimper que M. Le Guellec se rencontra, le 6 Mai, avec le vicaire général Le Normant du Pharadon, qui lui accorda de vive voix le droit de remplir les fonctions ecclésiastiques. Craignant que l’agent national de Plovan ne l’admît pas à s’acquitter de ces fonctions, il s’imagina de confectionner un court billet, rédigé en latin, où un personnage fictif : Raolin, vic. f. [Note :  L’abbé Raoulin était l’ancien recteur de Poullan. M. Guellec fera observer au tribunal de Pont-Croix qu’il a écrit Raolin et non Raoulin] est censé lui accorder les pouvoirs.

Mis au courant de l’événement du 12 Avril par la municipalité de Plovan, le District de Pont-Croix fit séquestrer le mobilier de l’abbé Le Guellec, un jour qu’il était absent. Divers documents furent saisis, entre autres les lettres de MM. Dieuleveut et Piclet, et le billet fictif signé « Raolin ».

Le 27 Floréal an III (16 Mai 1795), M. Le Guellec fut arrêté et conduit en prison à Pont-Croix. Il y subit une procédure criminelle où il était accusé d’avoir rétracté le serment et « arboré l’étendard de la rébellion et de la révolte », et, au surplus, d’être l’auteur d’un faux. Au bout de deux mois de détention, il fut élargi : « à une voix près, écrit M. Boissière, il était condamné aux galères et au bannissement » (Archives du Finistère, L. 5, Tribunal du District de Pont-Croix).

L’abbé Le Guellec se fixa alors à Mahalon.

Coroller, recteur intrus de Landudec, qui avait tant contribué à faire guillotiner M. Riou, recteur de Lababan, le dénonçait au District de Pont-Croix, le 29 Thermidor an III (18 Août 1795) pour avoir préparé une « insurrection » à Guiler. Voici en quels termes :

« Il est enfin temps de réprimer la fureur, la rage et le fanatisme des prêtres insermentés, qui ne cessent de fomenter des troubles en bénissant ou faisant semblant de bénir les églises et cimetières où ont été les prêtres assermentés, et prêchant continuellement de les haïr et de les fuir.

Aujourd’hui, 8 jours, 22 Thermidor, il y avait assemblée à Guiler. Invité par le maire et les bons citoyens de cette commune d’y aller pour célébrer, j’y fus.

A mon arrivée, les confédérés des prêtres insermentés se soulevèrent à dire hautement qu’on n’aurait pas célébré. Le maire, pour les fléchir, leur fit des instances. Rien ne pouvait les calmer ; je fus moi-même à la porte de l'église et je fus repoussé avec violence, par Guillaume Le Gall et Jean Le Brun, de Kerspérou, Jean Le Goff et Corentin Talidec, de Kernerben, Alain Siriou, de Typicolot, tous en Guiler, et quelques autres. Au grand scandale de tout le peuple, je fus obligé de me retirer sans célébrer.

Cette insurrection était préparée, dit-on, par le prêtre Guellec, qui réside à Mahalon et qui a été faire quelques enterrements à Guiler... » (Chanoine Peyron).

L’abbé Le Guellec n’en continua pas moins à exercer son ministère clandestin à Mahalon, jusqu’au jour où il fut surpris, à 7 heures du soir, par un membre du District chargé de l’arrêter, « célébrant un baptême, aux flambeaux et au son de la cloche ». Le 27 Brumaire an IV (18 Novembre 1795), le District de Pont-Croix rend compte de cette arrestation : « Le nommé Guellec, de Mahalon, est en la maison d’arrêt de notre ville... Un de nous a trouvé, dans la sacristie de l’église où ce prêtre tenait ses assises, un registre que nous vous envoyons (aujourd’hui aux Archives départementales), où le saint homme prend la qualité de prêtre délégué... » (Peyron).

Au mois de Mars 1796, M. Le Guellec signa, avec ses compagnons de prison, une pétition pour qu’on les laissât à Quimper au lieu de les transférer au Château de Brest. Mais un prêtre du Morbihan s’étant évadé, le Département ordonna immédiatement le départ pour Brest de 9 prêtres soupçonnés d’avoir protégé l’évasion. M. Le Guellec était du nombre. Ils protestèrent, mais durent partir le lendemain (Peyron).

Plus d’un an plus tard, nous le retrouvons à Quimper. Il y fut interrogé une première fois le 24 Fructidor an V (10 Septembre 1797) par le jury d’accusation de l’arrondissement de Quimper, puis, onze jours plus tard, en audience publique du tribunal de police correctionnel (H. Pérennès).

Il s’évada dans la suite, et on ne fit pas beaucoup de recherches pour le reprendre. A partir de ce moment, nous perdons ses traces, jusqu’à la fin de la Révolution. Au Concordat, il devient recteur de Saint-Yvi, où il meurt en Avril 1805.

Un héros de la foi, M. Kerdréac’h, fit deux baptêmes et cinq mariages à Mahalon, en 1797-1798 (H. Pérennès).

La population se montra généralement dévouée à ses prêtres, non seulement à Mahalon, mais dans le canton tout entier, malgré l’acharnement que mit le District à les poursuivre et malgré les dénonciations quotidiennes. D’ailleurs, pour donner satisfaction à toutes ces dénonciations, à toutes les demandes de protection venant de prêtres assermentés, il fallait en mains des ressources et une force armée dont le District de Pont-Croix était totalement dépourvu. Le 14 Février 1793, il écrivait au Département pour exposer son impuissance :

« Plus de 50 prêtres réfractaires ont désolé le canton par leur fanatisme, plusieurs ont subi la juste rigueur de la loi par une déportation forcée ou volontaire, mais plusieurs ont échappé jusqu’ici à la surveillance des bons citoyens et entretiennent dans plusieurs communes de perfides intelligences. Il n’y a presqu'aucun moyen de défense » (Peyron).

Jusqu’à la Révolution, Guiler était une trêve de Mahalon. Elle fut alors attachée à Landudec. Ce ne fut pas du goût des habitants, et Guiler devint un sujet de plaintes continuelles pour Coroller, l’intrus de Landudec. Le 12 Décembre 1792, par exemple, il écrivait au District de Pont-Croix :

« Vous avez en mains le pouvoir de faire exécuter, respecter, suivre et maintenir les lois ; vous êtes en charge pour rétablir le bon ordre, faire germer la paix et la concorde ; vous ne pourrez jamais y réussir qu’en faisant éloigner tous les réfractaires ecclésiastiques, et en faisant à leurs confédérés reconnaître et suivre les lois et les décrets, tels que les non-conformistes de Guilaire, qui refusent de reconnaître cette succursale comme annexée à Landudec, et qui commencent aujourd’hui à s’y rassembler dans l’église, en synagoge (sic) et à y chanter à haute-voix l'Introït de la messe, le Gloria in excelsis, le Credo et le reste, ainsi que les vêpres, disant aussi des oraisons et même le Dominus Vobiscum, comme s’ils étaient sous les ordres sacrés. J’ai recours à votre ministère pour faire rentrer dans le devoir ces non-conformistes de Guilaire, et je requiers qu’on leur fasse notifier, à leurs frais, une copie de la circonscription des paroisses, avec défense de s’assembler dans l’église en tumulte et d’y chanter...

Les enragés de Guilaire sont Jean Le Brun, nommé maire, Alain Stéphan et Jacques son fils, Guillaume Stéphan, du bourg et sonneur de cloche, Jacques Lucas et Joseph Stéphan, qui sont les chantres et vicaires. Tous ces rebelles ci-dénommés refusent de reconnaître Guilaire comme annexé à Landudec, et même plusieurs autres. Ils attirent à leur synagogue (sic) plusieurs de Landudec. Ainsi, je vous prie de vouloir bien y mettre ordre, autrement je me trouverai bientôt seul à l’office, et je serai forcé de remercier, comme a fait 0llivier, curé de Pouldergat.

Comme Guilaire n’est point composé de 500 âmes, il ne doit pas avoir de municipalité ».

Une autre fois, le 7 Février 1793, Coroller écrit encore au District :

« Je vous dénonce le Maire de Guilaire pour réfractaire à la loi et attroupant ses confédérés dans cette chapelle, les dimanches et jours de fêtes, à l'heure même de l’office à Landudec, et fournissant par là occasion aux prêtres réfractaires de célébrer dans cette chapelle, vu qu’il a la clef devers lui, car j’y fus hier pour célébrer la messe, et je ne pus la célébrer, ne trouvant point la clef.

... Je demande que le maire de Guilers soit tenu à remettre les clefs de cette chapelle à Guillaume Canévet, procureur de cette commune, ou à moi-même ; je demande qu’on éloigne, s’il est possible, les prêtres réfractaires,... car ils font un mal infini... » (Peyron).

Finalement, pourtant, Guiler fut érigé en commune et en paroisse indépendante.

L’embarras n’était pas moins grand pour exécuter, dans ce canton « fanatisé », l’exécution du décret obligeant les fabriques à faire la remise de leurs vases sacrés, croix, argenterie. Les municipaux se défient des ordres arbitraires que pourraient donner, dans ce sens, les membres du District, et réclament un écrit moulet, imprimé, avant de se séparer d’objets auxquels ils tiennent beaucoup, et qui font l’honneur de la paroisse. Et devant cette résistance, le District déclare mélancoliquement : « Les campagnes ne s’éclairent pas et n’abandonnent pas leurs préjugés en un jour ».

La tradition rapporte que, pour éviter la profanation d’une belle croix d’or qui existait alors à Mahahon, les paroissiens la cachèrent dans une prairie des environs de Ramyéré. Et si la tradition est exacte, elle y serait encore...

ENQUÊTE SUR LA MENDICITÉ EN 1791 : A Mahalon, le nombre des mendiants atteignait 229, ce qui est énorme. L’enquête donne, comme unique cause, la paresse de défricher, et fait observer qu’il faudrait réparer les ponts et défricher de nouvelles terres.

A Guiler, le nombre des mendiants est de 106. Pauvreté forcée, dit l’enquête, sans moyens de remédier à la mendicité. En général, pour tout le District, le désoeuvrement et l’habitude de mendier sont les causes de la misère des habitants. On propose d’obliger chaque paroisse de nourrir ses pauvres et, pour empêcher le vagabondage des mendiants, de les forcer à avoir chacun une médaille portant le nom de leur paroisse (Archives départementales).

(Archives de l'Evêché de Quimper et du Léon).

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