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VIE ET VOYAGES DE FERNAND DE MAGELLAN

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Fernand de Magellan

La grande pensée des navigateurs de la fin du XVème siècle et du commencement du XVIème était de trouver la voie maritime des Indes et de l'extrême Orient. En la cherchant à l'ouest, Christophe Colomb découvrit l'Amérique et s'arrêta devant un infranchissable continent. A l'est, Vasco de Gama fut plus heureux : en doublant le cap de Bonne-Espérance, il était arrivé au but tant désiré et avait donné au Portugal, au détriment de la république de Venise, le monopole du commerce des épices, des liqueurs, des parfums et des bois précieux servant à la teinture et à l'ébénisterie.

A Magellan appartient la gloire d'avoir relié les découvertes de Christophe Colomb et de Vasco de Gama. Les navigateurs et les savants affirmaient que la terre était ronde ; il devenait donc possible, en en faisant le tour, de rencontrer, par la voie de l'ouest, les contrées qui avaient été reconnues en suivant celle de l'est. C'était un voyage de circumnavigation, la traversée la plus longue, la plus périlleuse exécutée jusque-là. Ce premier voyage autour du monde, Magellan le conçut et le tenta ; il l'accomplit, en sacrifiant sa vie, sans avoir pu jouir d'une gloire si bien méritée.

Rappelons-nous qu'en entreprenant son voyage, Magellan marchait vers l'inconnu. Il connaissait les voyages de Colomb et l'existence du nouveau monde, la route des Indes par l'est, tracée par Vasco de Gama ; il n'ignorait pas qu'un Espagnol, Nunez Balboa, était arrivé jusqu'à l'océan Pacifique en traversant par terre l'isthme de Panama. Là s'arrêtaient ses renseignements. Il ne savait rien du grand océan Pacifique, mais son génie lui fit entrevoir qu'il devait exister un passage entre les deux mers, au sud du continent américain. C'est par le détroit qui porte son nom qu'il pénétra dans le Grand Océan, et c'est ainsi, comme je l'ai dit plus haut, qu'il eut l'honneur de relier les découvertes de Colomb à celles de Gama.

Appartenant à l'une des grandes familles de Portugal, Fernando de Magalhaens, dont nous avons fait Magellan, naquit à Porto, vers la fin du XVème siècle, et fut élevé à la cour des rois Jean II et Emmanuel le Fortuné ; il y reçut une forte instruction. Entré dans l'armée de mer, il fit partie de l'expédition de François d'Alméida, premier vice-roi des Indes. Tout en faisant son devoir de brillant soldat, il étudia les ressources du pays, les mœurs des habitants et sonda tous les secrets de la géographie et de l'art nautique de son époque. Avec le grand Albuquerque, il assista à la prise de Malacca et contribua à la reconnaissance des îles Moluques, archipel encore inconnu.

Navigateur Vasco de Gama

Vasco de Gama

Navigateur Nunez Balboa

Nunez Balboa

Revenu en Portugal, il fut d'abord parfaitement accueilli par le roi Emmanuel. Mais, calomnié par ses ennemis, forcé de présenter sa justification, privé des privilèges qu'il croyait avoir mérités, Magellan se résolut à un parti extrême. Renonçant à sa nationalité, il alla chercher fortune en Espagne et se rendit à Séville. L'un des plus célèbres géographes portugais, Ruy Falério, avait pris la même détermination et avait émigré en même temps que Magellan.

Navigateur Christophe Colomb

Christophe Colomb

Avec l'aide de ce savant, Magellan continua à mûrir son projet ; des études approfondies achevèrent de le convaincre de la possibilité de passer d'une mer à l'autre par le sud du continent américain.

C'est alors que, grâce à l'appui d'un personnage influent, Juan de Aranda, facteur de la chambre de commerce de Séville, il obtint une audience du roi Charles Ier [Note : Né en 1500, empereur d'Allemagne en 1519, sous le nom de Charles-Quint] qui se trouvait alors à Valladolid. Magellan exposa ses plans avec l'habileté qui le caractérisait et la foi profonde dont il était pénétré ; malgré la vive opposition de certains de ses conseillers, le roi se décida à armer une flotte, et conclut avec Magellan un traité solennel dont des clauses portaient que l'Etat profiterait de la majeure partie des bénéfices de l'expédition, puisque toutes les dépenses étaient à sa charge.

L'escadre organisée en conséquence de ce traité était plus importante et mieux approvisionnée que celle qui avait été mise à la disposition de Vasco de Gama. Elle se composait de cinq navires : la Trinité, que Magellan commandait en personne, le Saint-Antoine, la Conception, la Victoire et le Santiago. L'équipage comptait 265 hommes, parmi lesquels plusieurs Français et Bretons ; ainsi donc nos compatriotes ne sont pas restés étrangers à la première expédition tentée pour accomplir le tour du monde.

Parmi les personnages qui s'attachèrent à la fortune de Magellan se trouvait l'Italien Antonio Pigafetta, chevalier de Malte, qui rendit beaucoup de services à l'amiral par ses connaissances variées et sa bravoure, et qui fut l'historiographe de l'expédition.

La flottille mit à la voile de San-Lucar de Barraméda, le port de Séville, le 20 septembre 1519.

La traversée du détroit de Magellan

Pour ne pas décourager ses équipages, Magellan s'était bien gardé de faire connaître le plan hardi qu'il avait conçu. Aux difficultés et aux périls d'une navigation sur une mer où les vents soufflent avec violence et où les tempêtes sont fréquentes, venait se joindre l'inimitié des capitaines des quatre autres navires placés sous son commandement, en particulier celui du Saint-Antoine, Juan de Carthagéna. Cette haine avait pour cause la différence de nationalité, les quatre capitaines étant Espagnols et Magellan Portugais.

Six jours après son départ, la flotte mouillait devant l'une des îles Açores, Ténériffe, sur laquelle Pigafetta raconte des choses incroyables. Il dit, par exemple, qu'il n'y pleut jamais, qu'il n'y a ni sources ni rivières, mais qu'il y croît un grand arbre, toujours environné d'un brouillard épais et dont les feuilles distillent sans cesse des gouttes d'une eau excellente, qui est recueillie dans une fosse au pied de l'arbre.

Après avoir touché aux îles du Cap-Vert, on se trouva arrêté, par une chute de vent, sur la côte de Sierra Leone. Pendant cette relâche, qui dura vingt jours, le mauvais vouloir et l'indiscipline des capitaines se manifestèrent avec une insolence telle, que Magellan fut obligé d'arrêter de sa propre main Juan de Carthagéna, le plus mutin d'entre eux. Cette mésintelligence devait pendant longtemps paralyser l'expédition.

Le 13 décembre, on arriva au Brésil, dans une rade qui reçut le nom de Sainte-Lucie et où fut bâtie, en 1556, la capitale du Brésil, Rio de Janeiro [Note : C'est-à-dire Rivière de Janvier, parce que ce fut le 1er janvier 1531 que Souza pénétra dans la rade, qu'il prit pour l'embouchure d'une grande rivière]. Les navires y restèrent treize jours, au bout desquels ils se remirent en marche vers le sud en côtoyant le littoral et arrivèrent sans incident à la vaste embouchure du Rio de la Plata. C'était la côte du Paraguay où, trois ans auparavant, Diaz de Solis avait été massacré par des indigènes Quérandis appartenant à la nation charrua. A partir de ce point, Magellan ne devait plus rencontrer que des terres inconnues. Dès lors commença la partie nouvelle et originale de son expédition.

On était au mois d'avril, c'est-à-dire en hiver, les saisons de l'hémisphère austral étant l'opposé des nôtres. Deux îles se présentèrent ; on les trouva peuplées d'animaux que Pigafetta appelle des oies et des loups. Ces oies étaient des pingouins et ces loups, des phoques, animaux absolument inconnus des navigateurs. Les navires arrivèrent enfin dans la baie de Saint-Julien, où Magellan résolut de passer la mauvaise saison.

C'est quand l'expédition atteignit ce mouillage qu'éclata, à bord des navires, une révolte suscitée par leurs capitaines : révolte qui faillit coûter la vie à l'amiral et arrêter l'expédition au moment où elle allait réussir. Grâce à son énergie, Magellan conjura le péril et fit rentrer les équipages dans le devoir. Pour terrifier les mutins, il eut la cruauté de condamner leurs chefs, Gaspard de Quesada, capitaine de la Conception, et Luiz de Mendoza, capitaine du Saint-Antoine, à un supplice atroce, qu'ils subirent tandis qu'on leur lisait la sentence qui les flétrissait du nom de traîtres. Juan de Carthagéna et un prêtre qui avait cherché à soulever les matelots furent mis à terre et abandonnés avec quelques provisions.

Avant de quitter ces contrées désolées, Magellan avait fait connaissance avec les indigènes, qu'il nomma Patagons, à cause de l'énorme dimension de leurs pieds. Dans sa description de cette race. Pigafetta s'abandonne à ses exagérations habituelles. Il parle d'hommes plus grands de moitié que les Espagnols, mangeant par jour une corbeille pleine de biscuits, buvant d'une haleine un demi-seau d'eau, avalant les souris toutes crues, sans les écorcher, etc. Et ce portrait a été reproduit par des voyageurs plus modernes ! La vérité est qu'en moyenne le Patagon ne dépasse pas 1 m, 72 en hauteur, ce qui est déjà une assez belle taille.

Camp de Patagons

Ces sauvages sont nomades, habiles écuyers et vivent du gibier qu'ils poursuivent avec des chiens. Ils chassent la vigogne et le guanaco ; avec la peau de ces animaux, ils fabriquent leurs manteaux et leurs chaussures. D'après Pigafetta, ces animaux, qui se ressemblent beaucoup, « ont la tête et les oreilles d'une mule, le corps d'un chameau, les jambes d'un cerf et la queue d'un cheval ».

Dans sa répression de la révolte, Magellan avait déployé une excessive sévérité ; mais il croyait avoir pour excuse la nécessité de conserver son autorité au moment où il allait s'engager, sans renseignements, sans cartes, sans indications, dans le détroit qu'il avait deviné et qui est si justement redouté  des navigateurs. C'est une sorte de couloir où le vent s'engouffre, encombré de plantes marines enchevêtrées, d'îles et de récifs, où la mer soulève des vagues de 27 mètres de hauteur, ainsi que l'a constaté Dumont d'Urville.

Magellan mit à la voile, après avoir pris possession de la Patagonie au nom du roi d'Espagne. Le 21 octobre 1520, il aborda le détroit par le cap qu'il appela cap des Vierges et qui porte encore aujourd'hui ce nom.

Aussitôt engagé dans le détroit, la flottille fut assaillie par une horrible tempête qui dura trente-six heures. Je ne décrirai pas les périls de cette traversée, dont l'accomplissement est le plus audacieux et le plus étonnant triomphe qu'ait jamais remporté un navigateur. Cent fois les équipages se crurent perdus et il fallut toute la force de volonté de Magellan pour les obliger à marcher en avant.

Entrée du détroit de Magellan

Après avoir dépassé le cap Froward, qui partage le canal en deux parties bien tranchées, il arriva au cap Pilarès, d'où l'on aperçut les eaux libres du Pacifique. En voyant cet océan sans limites, les marins versèrent des larmes de joie et embrassèrent leur glorieux chef. Celui-ci avait donné à cet affreux passage le nom de détroit des Patagons ; la postérité, juste envers le grand explorateur, l'a appelé détroit de Magellan.

C'est sans le savoir et simplement en courant des bordées que Vasco de Gama avait doublé le cap de Bonne-Espérance. La découverte du passage maritime de l'Atlantique au Pacifique par l'ouest n'est nullement un effet du hasard ; elle est due à la persévérance autant qu'au génie de Magellan, qui, s'il n'avait pas trouvé ce passage après un mois de rude traversée, était décidé à le chercher jusque dans la région du pôle antarctique.

Carte du détroit de Magellan

Il est inutile d'insister sur les conséquences de cette admirable découverte. Elle démontrait que Christophe Colomb s'était trompé en prenant pour les Indes le Nouveau-Monde, auquel il avait donné le nom d'Indes occidentales ; elle prouvait que l'Amérique était un continent à part, puisque le détroit de Magellan se trouve à plus de 16.000 kilomètres du point le plus rapproché de l'Asie ; elle allait permettre à l'expédition d'accomplir le premier tour du monde connu ; enfin, elle ouvrait la route vers le Chili et le Pérou, ces riches pays qui ne devaient pas tarder à tomber sous la domination espagnole.

Vingt-sept jours après avoir abordé le détroit, Magellan déboucha dans l'océan auquel on donna le nom d'océan Pacifique, qui lui a été conservé, parce que, pendant tout le temps de la traversée, la flotte n'eut à essuyer aucune tempête. Et pourtant cette mer n'est pas aussi tranquille que son nom l'indique ; des navigateurs modernes, Cook et Bougainville, entre autres, y ont été assaillis par d'affreuses tempêtes, et beaucoup de navires, surtout des baleiniers, s'y sont perdus corps et biens.

Chose singulière ! Pendant une période de trois mois et vingt jours, et un parcours de 16.000 kilomètres, on ne découvrit que des îles désertes, où l'on ne rencontrait que des arbres et des oiseaux, et qui, pour cette raison, furent nommées îles Infortunées. Cependant cet océan, traversé, pour la première fois, dans toute sa largeur, est couvert d'un nombre si considérables d'îles et d'archipels, que les géographes modernes en ont fait la cinquième partie du monde, l'Océanie, véritable voie lactée de la mer.

On ignore quelle route ont suivie les navires de Magellan. Probablement ils ont passé entre l'archipel Dangereux de Bougainville et les îles Marquises, avant de pénétrer dans l'hémisphère boréal, vers le 172° degré de latitude ouest.

Le défaut de ravitaillement éprouva naturellement les équipages. Pendant cette longue traversée de trois mois et vingt jours, privés absolument de nourriture fraîche, les hommes ne vécurent que d'une poussière de biscuit, mêlée de vers et imprégnée d'urine de souris, de morceaux de cuir de bœuf, de sciure de bois et de souris que l'on payait fort cher quand on pouvait s'en procurer. L'eau était putride et puante. De plus, une épidémie se déclara, qui attaquait les gencives et causait de vives douleurs dans tous les membres. C'était le scorbut. Dix-neuf matelots moururent de cette maladie jusqu'alors inconnue. Aujourd'hui, grâce aux progrès de la science, le scorbut se déclare bien rarement à bord des navires.

Enfin, on aperçut trois petites îles vers lesquelles les navires se dirigèrent, dans l'espoir de renouveler leur provision de viande fraîche et de fruits. Malheureusement, les indigènes ne vinrent à bord que pour voler tout ce qui s'y trouvait ; ils enlevèrent même un petit bateau attaché à l'arrière de l'un des navires. Pour les punir, une descente à terre fut ordonnée : on brûla une cinquantaine de huttes ainsi que plusieurs canots et l'on reprit le bateau dérobé. La flottille dut repartir sans avoir pu se procurer les vivres frais si nécessaires à ses scorbutiques.

Ce petit groupe reçut le nom trop justifié d'îles des Larrons. Pendant tout le XVIème siècle, elles furent aussi appelées îles des Voiles, à cause du grand nombre d'embarcations qui y passaient. Le roi d'Espagne Philippe IV leur donna le nom d'îles Mariannes, en l'honneur de sa femme, Marie d'Autriche. L'île accostée par les navires et où ils reçurent un si triste accueil, est l'île de Guaham.

Après une nouvelle traversée de 1.200 kilomètres, Magellan arriva à l'île de Samard qui fait partie du grand archipel des Philippines. C'est là, enfin, que les Espagnols purent se ravitailler et jouir du repos rendu, nécessaire par une si longue et si pénible navigation. Dès leur première station, ils furent pourvus des vivres frais qui leur faisaient défaut depuis tant de mois. On leur apporta en abondance du poisson, du vin de palmier, des bananes ; des noix de coco, du riz et d'autres provisions.

Les indigènes, polis et honnêtes, s’étaient promptement familiarisés avec leurs visiteurs. Ils conduisirent Magellan au magasin qui renfermait leurs marchandises : clous de girofle, cannelle, poivre, noix muscades, or, etc., et lui firent comprendre, par leurs gestes, que les pays vers lesquels il se dirigeait, fournissaient abondamment toutes ces denrées. Presque tous portaient des boucles d'oreilles et des bracelets d'or.

Le capitaine général resta douze jours dans l'île de Samar, ce qui donna le temps à ses malades de se rétablir. « Ayant, dit Pigafetta, aperçu autour de nous une quantité d'îles le cinquième dimanche de carême qu’on appelle de Lazare, nous leur donnâmes le nom d'archipel de Saint-Lazare ».

Plus tard, elles furent baptisées Philippines, du nom de Philippe d'Autriche, fils de Charles-Quint, qui régna en Espagne sous le nom de Philippe II.

La croix de Magellan

En quelques jours, les vaisseaux arrivèrent à l'île de Massana, l'une des plus petites de l'archipel. Les Espagnols y furent accueillis avec une grande bienveillance, et Magellan échangea des présents avec le roi du pays. Voulant donner au monarque indigène une impression durable de la richesse des Européens et de leur puissance, il commença par étaler sous ses yeux toutes les marchandises apportées pour le trafic ; puis il ordonna de tirer à poudre quelques coups de canon, ce qui effraya fort les naturels ; enfin, il fit armer un de ses officiers de toutes pièces, c'est-à-dire avec l'armure complète de fer de l'époque, et chargea trois hommes de l'équipage de le frapper à coups d'épée et de stylet, pour prouver que rien ne pouvait le blesser. Dans le but de compléter la leçon, Magellan dit au roi qu'un seul homme ainsi armé pouvait combattre contre cent de ses sujets, ajoutant que chacun des vaisseaux contenait deux cents hommes possédant une armure semblable.

Pendant cette relâche, Magellan donna une preuve de son bon sens et de sa fermeté : L'or abondait dans tout le pays, à ce point qu'un indigène offrit un jour un gros lingot d'or massif en échange de quelques rangs de verroterie. Magellan défendit de faire cet échange, ainsi que les autres de même nature que l'on proposait constamment, afin de ne pas laisser croire aux naturels que les Espagnols préféraient l'or à toute chose, et pour ne pas déprécier les pauvres objets de quincaillerie et de verroterie donnés en retour de tant de richesses. C'était le moyen d'obtenir beaucoup plus encore des indigènes.

Sous la direction du roi de Massana, qui avait insisté pour servir de pilote, Magellan atteignit Zébu. Il n'avait plus alors que deux navires, la Trinité et la Victoire, les autres ayant déserté l'expédition.

Non seulement le roi de Zébu dispensa les étrangers de tout tribut, mais encore il déclara qu'il voulait se reconnaître le vassal de l'Espagne. Magellan profita de ces bonnes dispositions pour convertir le pays au catholicisme. Son éloquence lui fut moins utile peut-être que les cadeaux qui devaient être le prix de la conversion. Il parvint ainsi à baptiser le roi de Zébu, sa femme, ses sujets et tous les habitants des îles voisines. Par un singulier mélange de foi religieuse et de prudence humaine, il ne forçait personne à se convertir, et recommandait surtout de ne pas souhaiter le baptême en vue d'avantages matériels ; mais, en même temps, il promettait ses faveurs et sa protection à tous ceux qui se convertiraient. Ce qui ne l'empêcha pas, dans une certaine circonstance, de brûler un village dont les habitants avaient refusé de se faire chrétiens et de massacrer tous les récalcitrants. Il est juste de dire que sur les débris fumants de ce village il fit planter une croix.

Les rois convertis de Massana et de Zébu avaient des ennemis. Magellan crut devoir les protéger ; il l'avait promis d'abord, et puis c'était de bonne politique. Un des petits rois de l'île voisine de Matam refusant de reconnaître le roi d'Espagne, le capitaine général résolut de l'y contraindre et fit armer trois chaloupes, dont il prit le commandement, malgré les instances de ses officiers, qui le suppliaient de ne pas exposer sa personne. Sa destinée le poussait.

Fernand de Magellan

Les chaloupes, portant 60 hommes avec casques et cuirasses, partirent à minuit et arrivèrent à Matara trois heures avant le jour. Dès l'aube, les embarcations ne pouvant approcher du rivage, à cause des rochers et des bas-fonds, on les laissa sous la garde de onze hommes, et le reste de la troupe, Magellan en tête, sauta dans l'eau, qui leur montait jusqu'à mi-cuisse.

La catastrophe finale est ainsi racontée par Pigafetta :

« Nous trouvâmes les insulaires au nombre de quinze cents, formés en trois bataillons, qui se jetèrent sur nous, en poussant des cris horribles, et nous attaquèrent en flanc et de front… Se fiant à la supériorité de leur nombre, ils nous jetaient des nuées de lances de roseau, de pieux durcis au feu, des pierres et même de la terre ; il nous était fort difficile de nous défendre. Par ordre du capitaine, on mit le feu à leurs cases. La vue des flammes redoubla leur acharnement, ainsi que l'impétuosité avec laquelle ils nous attaquaient. Une flèche empoisonnée perça la jambe du capitaine qui nous ordonna de nous retirer lentement et en bon ordre ; mais la plus grande partie de nos gens prirent précipitamment la fuite, de sorte que nous restâmes à peine sept ou huit avec le capitaine.

Les Indiens, s'étant aperçus que leurs armes s'émoussaient sur nos casques et nos cuirasses, ne les dirigèrent plus que sur les parties inférieures du corps. Privés du secours des bombardes de nos chaloupes, qui ne pouvaient s'approcher à cause des bas-fonds, nous reculâmes en combattant toujours et nous nous trouvâmes bientôt dans l'eau jusqu'aux genoux. Comme les insulaires connaissaient notre capitaine, c'était surtout sur lui qu'ils dirigeaient leurs coups ; deux fois ils lui firent sauter le casque de la tête. Ce combat inégal dura près d'une heure.

Enfin, un insulaire réussit à pousser sa lance dans le front du capitaine, qui, irrité, le perça de la sienne et la lui laissa dans le corps. Il voulut alors mettre l'épée à la main ; il ne le put faire, étant grièvement blessé au bras. Les Indiens, qui s'en aperçurent, se portèrent tous vers lui et l'un d'entre eux lui assena un si grand coup de sabre sur la jambe gauche qu'il alla tomber sur le rivage. Au même instant, les ennemis se jetèrent sur lui.

C'est ainsi que périt notre guide, notre lumière et notre soutien. Lorsqu'il tomba et qu'il se vit accablé par les ennemis, il se tourna plusieurs fois vers nous, pour voir si nous avions pu nous sauver. Comme il n'y avait aucun de nous qui ne fût blessé, comme nous étions hors d'état de le secourir ou de le venger, nous regagnâmes sur-le-champ nos chaloupes, qui étaient sur le point de partir. C'est donc à notre capitaine que nous dûmes notre salut, parce qu'au moment où il périt tous les insulaires se portèrent vers l'endroit où il était tombé.

Mais la gloire de Magellan lui survivra. Il était orné de toutes les vertus et montra toujours une constance inébranlable au milieu de ses plus grands revers. En mer, il se condamnait lui-même à de plus grandes privations que le reste de l'équipage. Versé plus qu'aucun autre dans la connaissance des cartes nautiques, il possédait parfaitement l'art de la navigation, ainsi qu'il l'a prouvé ».

Mort de Fernand de Magellan

Cette touchante oraison funèbre de Pigafetta a été consacrée par la postérité.

La fermeté et les succès de Magellan avaient maintenu dans le devoir les rois alliés. A sa mort, ils reprirent leur férocité native. Le roi de Zébu fit égorger vingt-quatre des principaux officiers de l'escadre qu'il avait attirés à un festin.

Obligés de lever l'ancre, les navires reprirent leur voyage de retour. Pressés par une cruelle famine, les Espagnols atteignirent Bornéo, où ils virent pour la première fois des camphriers et des cannelliers. Ils entraient dans le vrai pays des épices. Au mois de novembre, ils arrivaient à Tidor, l'une des îles Moluques, où ils embarquèrent de riches cargaisons de girofles, de noix muscades et de gingembre.

Le roi de Portugal, craignant que Magellan n'annexât à l'Espagne les terres nouvelles, avait donné l'ordre de le poursuivre dans toutes les mers. Une escadre s'armait aux Indes pour chercher ses bâtiments dans les parages des Moluques et pour les détruire.

Navigateur Sebastien del Cano

Sébastien del Cano

A cette nouvelle, qui leur parvint à Tidor, les Espagnols crurent prudent de se séparer. La Trinité, commandée par Jean de Carvalho et Gomez de Espinosa, prit la route de l'Amérique en se dirigeant vers l'isthme de Panama. Elle tomba entre les mains des Portugais. La Victoire, sous le commandement de Sébastien del Cano, devait rentrer par la voie du cap de Bonne-Espérance. Elle seule eut le bonheur de regagner l'Espagne.

La Victoire quitta Tidor le 21 décembre, ayant à bord quarante-sept Européens, parmi lesquels l'historiographe Pigafetta, et treize Indiens. 28.000 kilomètres la séparaient de la patrie. Cette énorme distance,  elle devait la parcourir sans toucher terre, car elle allait se trouver constamment en vue des côtes occupées par les Portugais.

Dépassant, sans s'arrêter, Banda et Amboine, les plus petites et les plus riches des Moluques, ne s'arrêtant à Solor que le temps nécessaire pour réparer des avaries, passant au large de Sumatra, la Victoire parvint à quitter sans encombre la mer des Indes. Jusqu'au cap de Bonne-Espérance, la traversée fut des plus pénibles : le navire faisait eau, le froid était intense ; la viande, qu'on n'avait pas eu le temps de saler, était pourrie, et l'équipage ne vivait plus que de riz et d'eau.

Pendant cette traversée on perdit vingt et un hommes. La Victoire resta neuf semaines en vue du cap de Bonne-Espérance, « le plus grand et le plus périlleux cap connu de la terre », dit Pigafetta. Elle réussit enfin à le doubler et, deux mois après, grâce à un temps favorable, elle atteignit les îles du Cap-Vert, point important de relâche, situé à l'extrémité occidentale de l'Afrique, et jeta l'ancre en face de l'une d'elles, Santiago.

Ces îles appartenant au Portugal, Sébastien del Cano déguisa sa nationalité, fît croire qu'il arrivait d'Amérique, et la chaloupe qu'il envoya à terre revint chargée de vivres échangés contre des marchandises.

La chaloupe fit ainsi deux voyages ; au troisième, elle fut retenue, un des matelots ayant dévoilé le secret de l'expédition, annoncé la mort du capitaine général, et ajouté que le navire était le seul qui restât de l'escadre de Magellan.

Craignant de voir également saisir son vaisseau, Sébastien del Cano mit immédiatement à la voile pour l'Espagne. Le 6 septembre 1522, la Victoire entrait dans la baie de San-Lucar et, deux jours après, jetait l'ancre près du môle de Séville. Il ne restait plus que dix-huit hommes sur soixante qui étaient partis de Tidor. 

« Depuis notre départ de la baie de San-Lucar, dit Pigafetta, nous avions parcouru au delà de 14.460 lieues (57.840 kilomètres) et fait le tour du monde entier, en courant toujours de l'est à l'ouest ».

Pigafetta alla, en chemise, pieds nus et un cierge à la main, rendre grâces au ciel de son heureux retour ; mais, dans sa narration, il oublie de prononcer le nom de celui qui l'avait ramené à bon port, Sébastien del Cano, le hardi navigateur qui avait achevé luvre rêvée et commencée par Magellan.

Fernand de Magellan

Voyage de Fernand Magellan

L'empereur Charles-Quint s'en souvint, lui. Outre des largesses qui permirent au capitaine de récompenser libéralement son équipage, il accorda à Sébastien del Cano une riche pension et lui concéda des armoiries qui rappelaient sa glorieuse persévérance. Ce nouvel écusson portait un globe terrestre avec ces trois mots : Primus circumdedisti me, le premier tu m'as contourné. (H. Vattemare).

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