Région Bretagne : Web Internet de Voyage, Vacances, Location, Séjour, Immobilier, Hôtel, Camping, Boutique en Bretagne

Bienvenue ! 

Lutte contre les fils d'Ida et victoires d'Urien

  Retour page d'accueil      Retour page Histoire des Bretons insulaires     Retour page Histoire de Bretagne  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Lutte des Bretons du Nord contre les Anglo-Saxons. — Lutte contre les fils d'Ida (Clappa, Adda, Adelric, Théoderic, Fridwald, Hussa, ...). Victoire d'Urien.

Vous possédez des informations historiques sur les bretons insulaires, vous souhaitez les mettre sur le site infobretagne, contactez-moi par mail (voir page d'accueil)

 

Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

L'an 560, qui suivit la mort d'Ida, vit le royaume de Northumbrie se rompre en deux fragments : Bernicie et Deira. En Deira une dynastie nouvelle s'éleva, dont un certain prince Ella fut le chef. En Bernicie, au contraire, la postérité d'Ida  continua de régner, et six de ses fils ou petits-fils portèrent successivement la couronne de 559 à 592. Voici le nom et la succession chronologique de ces princes, d'après la note finale d'un manuscrit de l'Histoire de Bède, écrit en 737 (M. H. B., pp. 104 et 290). 

- Ida, régna 12 ans, de 547 à 559. 

- Clappa,  régna 1 an, de 559 à 560. 

- Adda, régna 8 ans, de 560 à 568. 

- Adelric, régna 4 ans, de 568 à 572. 

- Théoderic, régna 7 ans, de 572 à 579. 

- Fridwald, régna 6 ans, de 579 à 585. 

- Hussa, régna 7 ans, de 585 à 592. 

Sur le nombre des successeurs d'Ida ici indiqués il y a trois fils de ce roi, — Clappa, Adda, Théoderic, — et trois petits-fils, savoir, Adelric fils d'Adda, Fridwald et Hussa fils de Théoderic. Un autre fils d'Ida, appelé Ethelric, régna en Deira après la mort d'Ella en 588, et fut père d'Ethelfrid dont nous parlerons plus tard.

On comprend quel avantage cette dislocation donna aux Bretons. Urien en profita pour accabler les Anglo-Saxons et surtout les successeurs d'Ida, au point que quand il mourut, vers 579, il était arrivé à leur reprendre presque toute la Bernicie. Au nombre des principaux auxiliaires qui le secondèrent dans cette lutte, un vieux chroniqueur latin nomme trois rois bretons appelés Riderc'h-Hen, Gwallauc et Morcant. Les bardes y en ajoutent bien d'autres, notamment Dunod, fils de Pabo, Bran, fils de Mellern, Elgno-Hen, Liwarch et ses fils, et enfin, au premier rang, Owen, Pasken, Elfin, fils d'Urien, et le prince Leu, son frère.

Ce sont les bardes, en effet, qui sont les vrais historiens, et presque les seuls d'ailleurs, de cette lutte épique. J'emploie ce dernier mot à dessein ; car les vingt années qui suivent la mort d'Ida, et que remplissent les exploits d'Urien, d'Owen et de tant d'autres, sont certainement — après le règne d'Arthur si mal connu — la période la plus brillante de la résistance bretonne. On ne s'étonnera donc pas ni on ne se plaindra, je l'espère, de me voir faire ici encore de larges emprunts aux bardes. Eux seuls en effet nous rendent le mouvement, le feu, l'incroyable acharnement de cette lutte, l'énergique rudesse de ce siècle, la forte et vivante figure de nos vieux héros bretons. — Voici d'abord le portrait d'Urien, de la main de Taliésin : « Urien, chef de la plaine cultivée, ô le plus généreux des humains en tes dons ! Combien tu as donné de cuivre à tes hommes ! Ils en ont recueilli comme on recueille du blé répandu. Les bardes sont comblés de faveurs. Ta vaillance surpasse tout ! …  Tu commandes au loin ! Les Logriens sont tombés d'abord sous tes coups. Sur les citadelles lointaines tu commandes en souverain ! Les Logriens sont tombés, qu'ils parlementaient encore : ils ont trouvé la mort et mille anxiétés. Leurs villes ont été brûlées, et leurs armes enlevées, et leurs richesses détruites, en grand nombre, à la fois, sans qu'ils aient trouvé protection contre Urien de Réghed ! O défenseur de Réghed ! chef glorieux, ancre de salut pour le pays, ma muse bardique te célèbre, toi dont chacun entend le nom retentir au loin. Elle célèbre ta lance, qui ne cesse de frapper quand elle a entendu le bruit du combat ;  quand tu prends part au combat, faisant des prodiges de valeur !  Les Angles sont sans hommage de la part de mon brave souverain et de sa brave postérité. La terreur qu'il leur inspire est grande. Cette nuit, il donne un festin à ceux qui l'entourent, mon souverain, selon sa coutume. Autour de lui quelle fête ! et quelle immense multitude environne le roi magnifique du Nord, le chef des chefs ! » (Bardes bretons, pp. 424-429).

Taliésin exprime ailleurs sous des images saisissantes la terreur que ce grand Urien inspirait aux ennemis des Bretons : — « Quel bruit ! s'écrie notre barde. Est-ce la terre qui tremble? Est-ce la mer qui monte, débordant son cercle habituel jusqu'à mes pieds? ». Et une voix lui répond aussitôt : —  « S'il s'élève un gémissement dans la vallée, n'est-ce pas Urien qui frappe? S'il s'élève un gémissement sur la montagne, n'est-ce pas Urien qui triomphe? S'il s'élève un gémissement sur le coteau, n'est-ce pas Urien qui broie ? S'il s'élève un gémissement dans l'enceinte fortifiée, n'est-ce pas Urien qui le fait pousser? — Gémissement dans le chemin, gémissement dans la plaine, gémissement dans tous les défilés ! — Personne ne peut apaiser les gémissements qu'il excite ; il n'est point de refuge contre lui ! Il n'est point de famine pour ceux qui pillent avec lui ! — Quand il combat, vêtu de son armure émaillée d'azur éblouissant, sa lance est le lieutenant de la Mort dans le carnage de ses ennemis » (Bardes bretons, pp. 418-421).

Les deux principales victoires d'Urien sur les fils d'Ida sont les deux batailles de Gwenn-Estrad et de Menao.

On ignore absolument la situation de Menao. Quant à Gwenn-Estrad, ce devait être une place d'armes des Anglo-Saxons à une distance assez faible du mur d'Antonin ; car la garnison bretonne de Caltraez, l'une des forteresses placées sur ce retranchement du côté de la Clyde, prit une part importante à cette bataille. M. de la Villemarqué voudrait la placer à Stradqueen's Ferry, petit bourg du Linlithquo, sur le golfe du Forth, à peu de distance d'Edimbourg ; mais il y aurait à cette idée plus d'une objection.

Quoi qu'il en soit, Taliésiu raconte ainsi cette journée : « Ils s'étaient levés avec le jour, les guerriers de Caltraez, pour la bataille du prince, ce victorieux pasteur d'hommes, ce vieillard tant chanté, ce soutien d'un royaume qui sollicite sa puissance belliqueuse, cet indomptable roi baptisé ! Les guerriers de Bretagne étaient venus en armes à Gwenn-Estrad, et avaient offert le combat au camp des ennemis. Ni la plaine ni les bois ne purent sauver ceux-ci, quand les hommes libres accoururent comme des vagues furieuses qui s'élancent par-dessus le rivage. J'ai vu en armes des guerriers vaillants, et, après le combat du matin, des chairs en lambeaux. Je les ai vus dans la mêlée tomber, accablés de fatigue ; j'ai vu le sang ruisselant inonder la plaine au loin. J'ai vu le rempart qui défendait Gwenn-Estrad abattu sur l'herbe jaunie. J'ai vu, au passage du gué, des guerriers avec des taches rouges, livrer leurs armes à la vague grise en fureur. Au moment où leurs solides remparts s'en allaient emportés d'assaut, les mains en croix, tremblants sur la grève, le visage pâle, leurs chefs s'en allaient de concert rouler sous les flots débordés, et les vagues lavaient les crins sanglants des envahisseurs. J'ai vu nos brillants guerriers presque hors d'eux-mêmes, dont le sang souillait les vêtements, porter des coups furieux et continuels dans le combat. Le combat, ils le soutinrent bien. La fuite ne fut pas possible, grâce à leurs efforts. Le chef de Réghed est terrible quand on l'a bravé ! J'ai vu la joue d'Urien enflammée par la colère, quand il attaquait les étrangers près de la pierre blanche de Calesten ("Lec'h gwenn Kalesten", Bardes Bretons, p. 410). Sa lance en fureur s'enfonçait dans les boucliers des guerriers : elle était portée par la Mort ! » (Bardes bretons, pp. 406-411).

La bataille de Mynaw ou Menao fut plus acharnée encore. Urien faillit y être tué ; mais ce fut an contraire le chef des Anglo-Saxons qui périt dans la mêlée. « Cette année, dit Taliésin, un chef prodigue de vin, de pièces d'or, d'hydromel et de courage sans barbarie, a franchi les frontières. Et suivi d'un essaim de lances, et de ses chefs unis, et de ses brillants nobles, tous bien disposés, il est allé au combat. Et monté sur son cheval, il a soutenu le combat de Menao, enflammant la muse bardique ! Quel butin abondant peur l'armée ! Huit vingt bêtes d'une seule couleur, veaux et vaches ! Vaches de lait et boeufs, et des richesses de toute espèce ! Ah ! j'aurais cessé d'être gai si Urien eût péri ! Mais il a été haché, le chef au langage étranger ! (Note : Proprement "le chef aux langages divers", selon la traduction de M. de la Villemarqué). Tremblant, frissonnant, le Saxon a eu ses cheveux blancs lavés dans le sang ; on l'a emporté sur un brancard, le front ensanglanté, mal défendu par le sang des siens. Ce brave et insolent guerrier laisse son épouse veuve… J'ai du vin de mon chef ! J'ai souvent du vin, grâce à lui ! C'est lui qui m'inspire, lui qui me soutient, lui qui me guide ! Aucun ne l'égale en grandeur! » (Bardes bretons, pp. 414-417).

Selon M. de la Villemarqué, le chef anglo-saxon tué à Menao serait Ida lui-même. Mais on ne peut admettre cette conjecture. Car, dans ce cas, le barde n'eût pas manqué de le désigner, suivant sa coutume, par son fameux surnom de Flamzouen ; et d'autre part, il n'aurait pu se dispenser de prononcer au moins le nom d'Owen, fils d'Urien, qui eut, comme on sait, la gloire de renverser ce terrible ennemi des Bretons. Ce n'est donc point Ida qui périt à Menao, mais un de ses fils et successeurs, probablement Adelric, et c'est pourquoi je place cette bataille en l'an 572.

Sous le règne de Théoderic (572-579), les Bretons poursuivirent vivement leurs avantages. Animés par le succès, dirigés par le génie vraiment supérieur d'Urien [« In ipso (Urbgen) prœ omnibus regibus virtus maxima erat in instauratione belli. »  Geneal. Saxon., dans Nennius, Hist., Brit., $ 63. édit. St., et dans M. H. B., pp. 75-76], ils firent des prodiges. Au bout de quelques années, ils avaient reconquis toute la Bernicie. La place même de Bebbanburh, la forte citadelle d'Ida, était tombée entre leurs mains, et le roi Théoderic, avec un débris d'armée, se voyait contraint de prendre pour dernier refuge une île située sur cette côte, un peu plus au nord, en face de l'embouchure d'une petite rivière que les Bretons nommaient Len, et les Angles Lind par corruption.

Cette île était appelée Medcaud, par les Bretons et Farne par les Angles, qui, pour la distinguer d'une autre île Farne placée un peu plus au sud, joignaient à son nom celui de la rivière de Lind, ce qui, suivant les formes de leur déclinaison, faisait le mot de Lindis-Farne. Plus tard, après la conversion des Anglo-Saxons, elle servit de retraite à plusieurs saints personnages, d'où le peuple lui donna le surnom d'Holy-Island, c'est-à-dire Ile-Sainte, qu'elle garde encore aujourd'hui. Le bras de mer qui la sépare de la terre assèche à mer basse. Aussi l'armée d'Urien, lancée à la poursuite de Théoderic, s'établit-elle sur la grève en face de l'île, déterminée à forcer le roi des Angles dans sou dernier refuge, ou à l'y prendre par famine en coupant ses communications avec le continent.

Urien aurait sans doute réussi dans cette lutte suprême comme dans les autres, et par là consommé la délivrance de la Bretagne du nord. Mais un misérable traître, appelé Lovan, qui servait dans son armée sans être de race bretonne, gagné sans doute par l'or des Saxons, l'assassina le troisième jour du siège (Geneal. Saxon., au lieu ci-dessus indiqué). Un chroniqueur accuse même l'un des rois bretons, Morgan, d'avoir trempé dans ce meurtre par jalousie contre Urien ; mais le barde Liwarc'h-Hen, témoin oculaire, qui pleura la mort funeste du héros dans une belle élégie venue jusqu'à nous, infirme cette accusation par son silence non moins que par les éloges qu'il donne à Morgan.

Liwarc'h consacre en effet une partie de son poème à rappeler les principaux chefs bretons qui secondèrent Urien dans la conquête de la Bernicie. « Quels efforts (dit-il) faisait Dunod, le cavalier rapide, impatient de faire des cadavres en face du bouillant Owen ! (Note : Owen, je l'ai déjà dit, était fils d'Urien, ainsi que Pasken et Elfin, nommés ci-dessous). Quels efforts faisait Dunod le chef impétueux, impatient d'entraver l'ennemi en face de Pasken, impétueux comme lui ! Quels efforts faisait Gwalloc, le cavalier du tumulte, impatient d'élever un rempart en face d'Elfin, impétueux comme lui ! — Quels efforts faisait Bran, le fils de Mellern ! C'était un démon brûlant de l'enfer, un loup qui étouffait sous son fardeau. — Quels efforts faisait Morgan, lui et ses guerriers ! C'était, par tempérament, un démon brûlant, un levier attaquant des rocs. — Quels efforts je faisais moi-même, quand fut tué Elgno! quand tournoyait la lame rayonnante de Peil (Note : Rien ne prouve que le Peil ici nommé soit le fils de Liwarc'h, et il y a tout lieu de croire le contraire), la tente de son pays ! Je revis après l'action le bouclier d'or sur l'épaule d'Urien : il fut là un second Elgno-Hen [Note : Sans doute cet Elgno l'ancien (Hen, le vieux), que son surnom distingue clairement de l'autre Elgno, susnommé, était quelque ancien héros breton, mort depuis longtemps, et d'une bravoure proverbiale]. —  Les cheveux se hérissaient de frayeur à la vue du guerrier terrible : y aura-t-il jamais un second Urien ? — Quoique mon seigneur fût chauve depuis sa verte jeunesse, les guerriers n'aimaient point sa colère : maints souverains furent abattus par lui. Le malheur d'Urien est un malheur pour moi. Qu'on fasse des recherches en chaque canton pour découvrir Lovan à la main étrangère ! — Silence à toi, souffle inspirateur ! Ils seront rares désormais les chants d'éloges, hormis pour Urien qui n'est plus ! » (Bardes bretons, pp. 50-55).

Ailleurs Liwarc'h peint la désolation causée par la mort du roi de Réghed, et nous montre Leu, frère d'Urien donnant la chasse à sou meurtrier : « Ordre en a été donné : le frère s'est mis à poursuivre, au son de la corne de buffle, de la corne du festin, la bête sauvage qui a dévasté Réghed la sombre. — Ordre en a été donné : le frère s'est mis à poursuivre, au son de la corne de buffle retentissante, la bête sauvage qui a dépouillé les hommes de Réghed. Pour Eurzel (soeur d'Urien), elle est dans la douleur, cette nuit, privée qu'elle est du chef d'armée : au havre de Len [Note : M. de la Villemarqué écrit "Enn aber Leu", traduit "au hâvre de Leu", et ajoute, en note, que ce hâvre de Leu est "l'embouchure du Forth qui portait, dans cet endroit, le nom du frère d'Urien, dont les domaines bordaient le fleuve" (Bardes bretons, p. 49). Je ne crois pas qu'on sache d'une façon fort authentique la situation des domaines du frère d'Urien. Mais ce qui est sûr, c'est qu'Urien ayant été tué en assiégeant Lindis-Farne, n'est certainement pas mort à l'embouchure du Forth, très-éloignée de là, mais à l'embouchure de la petite rivière de Lind qui se jette précisément dans la mer en face de l'île en question. Voilà pourquoi je propose de corriger Leu en Len (d'autant que les manuscrits, tout le monde le sait, confondent perpétuellement u et n), et de voir dans Len le nom breton de cette rivière, à peine altéré en Lind par les Anglo-Saxons] a été tué Urien ! — Elle est triste, cette nuit, Eurzel, par suite de la tribulation et de la chute qui m'étaient réservées ; au hâvre de Len a été tué son frère ! Vendredi, j'ai vu une grande anxiété parmi les armées baptisées, semblables à un essaim sans ruche » (Bardes bretons, pp. 46-49).

Cette anxiété et cette confusion étaient la suite nécessaire de la mort d'Urien. Ce coup terrible brisait, au moins pour un temps, la confédération des Bretons du Nord, et désorganisait son armée. Les divers petits rois qui la composaient, se séparant les uns des autres, se hâtèrent immédiatement de rentrer chacun dans son pays avec ses guerriers ; et le roi des Angles, ainsi délivré, reprit possession sans résistance de son royaume évacué par les vainqueurs de la veille.

Pendant que s'opérait cette débandade, le vieux Liwarc'h-Hen, la mort au cœur, rapportait respectueusement dans le pays de Réghed, pour lui faire des funérailles solennelles, la tête du grand Urien, et tout en chevauchant il exhalait ce gémissement lugubre : « Je porte à mon côté la tête de celui qui commandait l'attaque, la tête d'Urien, fils de Kenwarc'h, qui vécut magnanime. Je porte sur mon côté la tête d'Urien, qui doucement commandait l'armée : sur sa poitrine blanche un corbeau noir ! Je porte dans ma tunique la tête d'Urien, qui doucement commandait la cour ; sur sa poitrine blanche un corbeau se gorge. Je porte à la main une tête qui n'était jamais en repos : la pourriture ronge la poitrine du chef. Je porte sur ma cuisse une tête, qui était un bouclier pour son pays, une colonne dans le combat, une épée de bataille pour ses libres compatriotes. Je porte à ma gauche une tête meilleure, de son vivant, que n'était son hydromel ; c'était une citadelle pour les vieillards. Je porte, depuis le promontoire de Pennoc, une tête dont les armées sont célèbres au loin, la tête d'Urien l'éloquent, dont la renommée vole. Je porte sur mon épaule une tête qui ne me faisait point honte. Malheur à ma main ! mon maître est tué. La tête que je porte sur mon bras n'a-t-elle pas conquis le pays de Bernicie ? Après le cri de guerre les chars funèbres ! Je porte dans le creux de ma main une tête qui commandait doucement son pays, la tête d'un puissant pilier de la Bretagne. La tête que je porte au bout d'une pique noire est la tête d'Urien, le sublime dragon. Ah ! jusqu'au jour du jugement je ne me tairai point ! La tête que je porte me porta : je ne la retrouverai plus, elle ne viendra plus à mon secours. Malheur à ma main ! mon bonheur m'est ravi. La tête que j'emporte du sommet de la montagne a la bouche écumante de sang : malheur à Réghed, de ce jour ! Mou bras n'est point affaibli, mais mon repos est perdu. Mon coeur, ne te brises-tu pas ? La tête que je porte m'a porté ! » (Bardes bretons, pp. 38 à 43).

Le siège de Medcaud et l'assassinat d'Urien sont mis formellement par les chroniques [Geneal. Saxon., dans Nennius, Hist. Brit., $ 63, edit. Stev., et dans M. H. B. (édit. P.) p. 76] sous le règne du roi bernicien Théoderic, qui s'étend, comme on l'a dit de 572 à 579. Il y a donc lieu de placer ces événements vers 578 ou 579. 

(M. Arthur de La Borderie - 1881)  

 © Copyright - Tous droits réservés.