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Fin de la lutte entre Bretons et Anglo-Saxons

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Fin de la lutte des Bretons contre les Anglo-Saxons dans l'île de Bretagne. Résumé et Conclusion.

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Bretagne : lutte des bretons insulaires contre les anglo-saxons

On sait le jour précis de cette grande bataille : 15 novembre 655. Ce jour fut le dernier de la lutte commencée à Aylesford, en 455, et si vaillamment soutenue pendant deux siècles par les Bretons insulaires contre les Anglo-Saxons. Non pas qu'il n'y ait encore eu depuis lors entre ces deux races bien du sang versé. Ce sang ne sera point perdu pour l'honneur des indigènes ; mais il ne pourra plus rien contre l'établissement définitif, ni contre la domination bientôt presque universelle des envahisseurs. 

L'alliance de Cadwallon et de Penda contre la Northumbrie fut la dernière tentative — et non la moins vigoureuse — accomplie par les Bretons, avec chance de réussite, contre la conquête anglo-saxonne. J'ai déjà dit le caractère spécial de cette entreprise qui consistait à se servir des envahisseurs contre les envahisseurs eux-mêmes, en profitant de leurs discordes et en les aidant à s'entre-détruire. Cette politique survécut à Cadwallon et dura autant que Penda. Peu s'en fallut qu'elle n'en vînt, non-seulement à renverser le royaume des Northumbres, mais à détruire complètement cette grande et puissante tribu de la nation envahissante. Si elle y eût réussi, on peut dire que l'invasion tout entière se trouvait remise en question. 

Les Bretons le sentirent si bien que de toutes parts ils s'associèrent avec énergie à l'oeuvre de Cadwallon, non-seulement ceux de la Cambrie et des royaumes du Nord, mais même les Bretons de la Domnonée ou du sud de la Saverne, malgré le large bras de mer qui les séparait du reste de leur nation. Refoulés depuis 614 derrière la rivière d'Ex, ils franchirent cette barrière et se jetèrent impétueusement sur les Saxons de Wessex, non moins odieux, d'ailleurs, à Penda que les Angles du Northumbre. La mort de ce roi et la grande défaite du Winvaed fut leur perte. Réduits à leurs propres forces, isolés de tout secours, ils s'obstinèrent cependant à résister et soutinrent encore la lutte, sans trop de désavantage, pendant trois ans. Mais, en 658, quand Oswi, après avoir réparé un peu les ruines de son royaume, descendit vers la Saverne pour compléter l'oeuvre du Winvaed par la dévastation de la Cambrie (« Osguid venit et praedans duxit » Annal. Cambriœ A 658, dans M. H. B. page 838), ce nouveau coup donna aux Saxons de Wessex, alliés naturels d'Oswi, une supériorité décisive. Les Bretons furent vaincus à Peonne, aujourd'hui Pen, sur la limite du Wiltshire et du comté de Somerset, poussés l'épée dans les reins jusqu'à Pedridan (Chron. Sax. A 658 et Henri de Huntingdon, L. II, dans M. H. B. p. 717) (aujourd'hui Petherthon, Somersetshire), et bientôt enfin rejetés derrière l'Ex. 

Vingt-six ans plus tard (en 681), Kintwine, roi de Wessex, les chassa plus loin encore, jusqu'à la mer, nous dit-on (A 681. « Centwinus fugavit Britannos usque ad mare ». Chron. Sax. trad. Gibson), c'est-à-dire jusqu'à cette étroite langue de terre, bornée de trois côtés par la mer et fermée du quatrième par le fleuve l'amer, qui forme le comté de Cornwall actuel. Telle fut la dernière retraite des Bretons du Sud qui de là, jusqu'au IXème siècle, disputèrent encore à leurs vainqueurs le comté de Devon, du Tamer à l'Ex. Egbert (vers 813) le leur enleva définitivement et les rendit tributaires des West-Saxons. Toutefois, la langue bretonne se conserva dans le Cornwall, sous le nom de dialecte cornique, jusqu'au milieu du siècle dernier. 

Dans le Nord, les événements suivirent, à peu de chose près, la même marche. Tous les royaumes bretons situés au nord de la Dee, sur les territoires actuels des comtés de Chester, de Lancastre et Westmoreland, furent balayés définitivement après la bataillé du Winvaed et pour toujours occupés par les Northumbres. Mais il en fut autrement des tribus bretonnes situées entre les deux murs d'Antonin et de Sévère, et même, au sud de ce dernier, dans un canton assez vaste, compris entre la rivière d'Eiden (l'Ituna des Romains) et le golfe de Solway, qui garde encore aujourd'hui le nom de terre des Kymris ou des Cumbriens, — comté de Cumber-land

C'est que, de ce côté, les Bretons s'appuyaient à deux nations, jadis ennemies, maintenant unies avec eux dans une même haine contre les Anglo-Saxons, — je veux dire les Scots et les Pictes. Egfrid, fils d'Oswi, son successeur sur le trône de Northumbrie, après quinze années d'un règne heureux (670-685), eut même l'imprudence de s'engager, malgré les conseils de ses amis, dans une grande guerre contre les Pictes, la folie de se lancer à leur poursuite parmi leurs montagnes, et le tort de s'y laisser prendre en d'étroits passages, où il fut massacré par eux ainsi que toute son armée, le 20 mai 685 (Bède, Hist. IV, 26 ; Chron. Sax. II, 685 ; Généalogie saxonne, dans M. H. B. page 74). 

Aussitôt après ce désastre, les Pictes, les Scots, les Bretons, s'élançant de concert sur les Angles, les chassèrent immédiatement de tout le territoire compris entre le golfe du Forth et le bas cours de la Tweed, en sorte que, depuis lors, la limite nord de la Northumbrie demeura irrévocablement fixée sur une ligne allant de l'embouchure de cette dernière rivière au golfe de Solway. C'est encore là aujourd'hui la limite séparative de l'Angleterre et de l'Ecosse. 

Les débris de tribus bretonnes situées au nord de cette ligne se groupèrent en un royaume ayant pour capitale Arcluyd ou Dunbritton (aujourd'hui Dumbarton), qui retint le nom déjà célèbre de Strat-Cluyd, c'est-à-dire Vallée de la Clyde. Quant aux Bretons qui se maintenaient encore au sud du mur de Sévère, entre le golfe de Solway et les vastes lacs qui l'avoisinent, ils gardèrent exclusivement le nom de Cumbriens et formèrent le petit royaume de Cumbrie, — d'où, comme je l'ai dit tout à l'heure, le nom de Cumbraland, aujourd'hui Cumberland. Les Bretons du Strat-Cluyd et de la Cumbrie réussirent à préserver leur indépendance jusque vers la fin du Xème siècle. Dans ce siècle leurs princes devinrent tributaires, et dans le suivant vassaux, ceux-ci des rois d'Angleterre, ceux-là des rois d'Ecosse ; et à partir de ce moment, ces deux malheureux débris de l'antique race bretonne se fondirent peu à peu, mais de plus en plus, les Cumbriens avec la nation anglaise, les hommes d'Arcluyd avec le peuple écossais, sans même avoir, comme les Bretons du Cornwall, la consolation de garder leur langue nationale, dont on ne trouve plus, je crois, guère de traces en ces parages passé le XIIème siècle. 

Mais la portion la plus résistante de la race bretonne, c'est ce groupe intermédiaire de tribus et de petits royaumes, que j'ai désigné sous le nom de Cambrie et que représente encore maintenant, dans la monarchie anglaise, la principauté de Galles. Formés en masse compacte, protégés de trois côtés par la mer, retranchés à l'ouest de la Saverne comme derrière un rempart infranchissable, ces Bretons défendirent intrépidement leur indépendance pendant plus de six cents ans après la bataille de Winvaed. Cette fière indépendance vit tomber l'orgueil, la puissance et jusqu'à l'existence nationale des Anglo-Saxons, et ne succomba elle-même qu'au XIIIème siècle, sous les coups irrésistibles de la monarchie anglo-normande. Même en entrant sous la loi de cette monarchie puissante, ces Bretons gardèrent encore le principe de leur nationalité particulière, le vestige de leur unité politique, dans le titre toujours existant de principauté de Galles, exclusivement réservé à l'héritier présomptif du trône d'Angleterre. Toutefois la principauté, comme elle fut constituée au XIIIème siècle et comme elle subsiste encore, ne représente pas tout à fait l'antique Cambrie : les Anglo-Saxons et les Normands en avaient déjà alors détaché les territoires qui forment maintenant les comtés de Monmouth, d'Hereford et de Shropshire. Mais la langue s'est conservée dans l'étendue presque entière des anciennes limites. Elle vit, elle fleurit encore, cette langue sacrée des aïeux, aux lieux où Teudric vainquit les Saxons de Wessex (dans le pays de Gwent ou Monmouthshire) comme en ceux où Cadwallon brava l'assaut impuissant des Angles du Nortbumbre. 

A la fin du VIIème siècle, au moment où nous fermons le récit général de cette grande lutte entre les Bretons insulaires et les Anglo-Saxons, voici donc quel en était le résultat, que l'on doit considérer comme définitif. Les Bretons indépendants, refoulés sur la côte occidentale, se trouvaient réduits à trois groupes, entièrement isolés les uns des autres, incapables par conséquent de combiner désormais, contre leurs ennemis communs de plus en plus puissants, aucune entreprise commune, savoir : 1° les Bretons du Cornwall, — 2° les Bretons de la Cambrie, —3° les Bretons de la Cumbrie et du Strat-Cluyd (Cumberland, Galloway, Clydesdale et cantons environnants). Les Anglo-Saxons régnaient en maîtres sur le reste de l'ancienne Bretagne romaine jusqu'à la rivière de Tweed. 

Si maintenant l'on se retourne pour essayer d'embrasser d'un seul coup d'oeil l'ensemble de cette longue lutte, on y reconnaît aisément quatre époques distinctes : 1° l'époque antérieure au roi Arthur, de 455 à 520 ou 525 ; 2° l'époque d'Arthur, de 520-525 à 550 ; 3° l'époque immédiatement postérieure au roi Arthur, comprenant la seconde moitié du VIème siècle jusqu'aux grandes batailles de Caltraez et de Wodnesburg, de 550 à 591 ; 4° enfin, la dernière époque ou époque de Cadwallon, comprenant toutes les guerres du VIIème siècle jusqu'à la fatale journée du Winvaed. 

Durant la première époque, il semble que le sud de l'île fut le principal théâtre de la lutte ; le nord toutefois se vit dès lors cruellement foulé par de nombreuses bandes saxonnes, entre autres par celles d'Octha et d'Ebissa, mais les envahisseurs n'y purent fonder aucune domination stable. 

Durant la seconde époque, Arthur, à force de génie étant parvenu à former une ligue compacte de toutes les tribus bretonnes, fit reculer les barbares tout à la fois dans le nord et dans le sud. Au sud, il refoula la conquête derrière la limite actuelle du Hampshire. Au nord, il vainquit, il écrasa en dix grandes batailles les masses toujours grossissantes de l'invasion ; il empêcha l'invasion de prendre pied, de ce côté, sur le sol breton. 

Après sa mort la division survenue dans la ligue bretonne ne permit pas de poursuivre ni même de soutenir longtemps ces succès. Au sud, les Angles de Mercie et les Saxons de Wessex reprirent l'offensive, s'avançant de plus en plus vers l'ouest. Dans le nord, Ida se crut assez fort pour fonder le royaume de Northumbrie. Dans le nord comme dans le sud, les Bretons résistèrent vigoureusement, mais avec des fortunes assez diverses. Plus souvent battus que battant dans cette nouvelle lutte, ceux du sud (Cambrie et Domnonée) eurent la chance d'y mettre fin par une grande victoire (Wodnesburg) qui réduisit pour longtemps leurs cruels ennemis à l'impuissance. Mais ceux du nord, au contraire, après une longue période de brillants succès sous Urien et Owen, finirent par la vaste catastrophe de Caltraez. 

Bientôt se développent les conséquences de ce désastre. Les Bretons du nord, foulés, exténués, et cherchant à s'appuyer sur la Cambrie, attirent de ce côté l'effort des Northumbriens. Les Cambriens à leur tour sont battus et saccagés (bataille de Chester eu 607, premières guerres d'Edwin), et le contre-coup de leur défaite se fait sentir jusqu'au sud de la Saverne, où les Bretons de Domnonée se voient rejetés derrière l'Ex. Heureusement un héros se lève pour ramener une fois encore la Bretagne au combat ; et ce héros — Cadwallon — se trouve être à la fois un politique, dont les plans sont si bien pris que sa mort même n'en arrête pas le succès. Pendant vingt ans, à leur tour, les Anglo-Saxons tremblent sous la menace d'une ruine complète. Mais enfin un désastre irréparable (Winvaed, 655), provoqué par un excès de présomption, engloutit ce dernier retour de fortune, et met le sceau à la domination anglo-saxonne, contre laquelle protestent seuls, avec une obstination égale à leur impuissance, les trois petits groupes de Bretons dont nous avons parlé. 

Ce n'est pas sans un sentiment de douleur que, même après doute cents ans, un Breton peut retracer les péripéties d'une lutte si cruelle et si funeste à sa race. Ce n'est pas non plus sans un légitime orgueil. 

De tous les peuples compris dans l'empire romain, seuls les Bretons ont lutté contre la conquête barbare. Tous les autres sont tombés au premier choc, si même ils ne sont lâchement venus prêter la tête au joug. Les Anglo-Saxons aussi, grâce à leur férocité et à leur nombre vainqueurs des Bretons, quand ils se virent à leur tour sous le coup d'un péril de même nature, mais certes moins formidable, savez-vous combien de temps ils résistèrent ? On les a beaucoup vantés, on a fait de nos jours en leur honneur un livre fort éloquent. Ces braves résistèrent dix ans ! Dix ans après la bataille d'Hastings, Guillaume de Normandie était maître, et pour jamais, de toute l'Angleterre. Elle avait coûté plus cher aux Saxons. Elle avait coûté deux cents ans de lutte, — lutte tenace, continuelle, infatigable. Ce rapprochement est bien fait pour consoler les Bretons. 

Lutte où la gloire des vaincus l'emporte sur celle des vainqueurs. Quel héros saxon est comparable, je ne dis point au grand Arthur, mais à ces autres Bretons moins connus, quoiqu'ils méritent si bien de l'être, Ambroise-Aurélien, Natan-Léod, Ghérent, Teudric, Kendelann, Urien, Owen, Kénon, Cadwallon ? 

A remettre en lumière les noms, les titres trop oubliés de ces vieilles gloires de notre race, on se sent au coeur cette fière joie qui nous prendrait si un jour, au milieu du choeur ruiné de quelque abbaye antique, sous l'épais tissu des ronces, des lierres et des mousses, nous venions à découvrir les tombes sacrées et les vaillantes effigies de nos premiers ancêtres. 

(M. Arthur de La Borderie - 1881)  

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