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Lorient et son passé.

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Malgré son origine assez récente et son développement modeste, la ville de Lorient présente de quoi intéresser l'historien et le géographe.

Rien ne semblait désigner l'emplacement qu'elle occupe, soit comme entrepôt commercial, soit comme port militaire, à ceux qui en ont jeté les fondements, il y a plusieurs siècles. Elle est pourtant devenue, avec la Compagnie des Indes, le principal centre du commerce monopolisé, et souvent son port a joué dans nos guerres maritimes un rôle digne de fixer l'attention. Comment donc expliquer le choix des fondateurs et par suite de quelles circonstances le port de Lorient a-t-il reçu cette double destination, commerciale et militaire ?

Au moment où fut constituée par Colbert la Compagnie des Indes Orientales, on avait établi au Hâvre l'entrepôt et les armements. Il était impossible, à ce qu'il semble, de faire un meilleur choix. Mais au nombre des actionnaires les plus puissants se trouvait le duc de Mazarin, qui avait cédé à la nouvelle Compagnie le privilège de l'ancienne, fondée par Richelieu en 1635. A ce personnage appartenaient le gouvernement et certaines taxes des villes de Port-Louis, Hennebont et Quimperlé. Le voisinage d'un grand marché commercial pouvait en accroitre l'importance et du même coup augmenter ses propres revenus. Il sut défendre son intérêt, et quelques mois après l'acte de fondation, en juin 1665, la Compagnie se faisait autoriser à établir des chantiers à l'embouchure du Scorff et du Blavet. Tel est le hasard auquel Lorient doit son origine.

Du reste, on n'eut pas à regretter cette décision. Pendant la guerre de Hollande, il fallut abandonner le port du Hâvre, que n'offrait plus aux vaisseaux de commerce aucune sécurité. Colbert fit acheter par l'Etat constructions et matériel. Tous les efforts de la Compagnie durent par la suite se porter vers les travaux qu'elle avait entrepris dans une situation géographique moins avantageuse, mais en somme beaucoup plus sûre pour ses opérations commerciales.

Est-il besoin de signaler les inconvénients que présentait le choix du nouvel établissement ? Eloigné de tout centre important de production ou de consommation, cet endroit n'était même pas placé à portée d'une grande voie de pénétration vers l'intérieur, comme la Loire ou la Gironde. Aussi les commissaires de la Compagnie auraient-ils voulu remplacer Le Hâvre par Paimboeuf, et sans doute ce dessein aurait reçu son execution si l'on n'avait pas dû se préoccuper des travaux d'aménagement et de défense, questions d'autant plus graves que la Compagnie n'avait pas trop de son capital pour construire ses vaisseaux et préparer ses expéditions.

Or les avantages qui manquaient à l'embouchure de la Loire, à savoir un port naturel et parfaitement sûr, on les trouvait à l'estuaire du Scorff et du Blavet.

Sur une étendue de 4 kilomètres carrés environ, ce bassin n'a pas moins de 8 mètres de profondeur. A cette époque, il était plus vaste encore et plus profond qu'aujourd'hui, puisque les alluvions des deux rivières atteignent annuellement une épaisseur de 1 à 2 centimètres. La disposition de la côte, légèrement inclinée sur les bords du Scorff permettait, sans travaux coûteux, d'établir plusieurs cales de construction. Du côté de la haute mer, la rade est à l'abri des tempêtes et des entreprises d'une escadre ennemie. L'ouverture n'a que 500 mètres de largeur, en sorte que les grandes vagues ne peuvent s'y propager. De légères hauteurs la dominent à droite et à gauche; il était facile de les mettre à peu de frais, en état de défense. Sur l'emplacement le plus favorable s'élevait déjà la citadelle de Port-Louis.

Dans cet abri, la Compagnie put préparer quelques expeditions assez lucratives et construisit plusieurs vaisseaux. Au moment où s'ouvrait la guerre de 1689, on en comptait douze sortis de ses établissements. Mais de tels efforts avaient épuisé ses ressources, et malheureusement il ne lui fut pas permis d'en recueillir les fruits.

Plan général de l'enclos et parc de la Compagnie des Indes au port de l'Orient (1750).

A la coalition venait d'adhérer une puissance maritime nouvelle, l'Angleterre, qui avait gardé la neutralité dans les guerres précédentes. Les côtes de France furent serrées de plus près par les flottes ennemies. Si le port de commerce de la Compagnie n'eut à courir aucun danger, il n'en fut pas de même des comptoirs de l'Inde où elle s'approvisionnait. Les Hollandais prirent Pondichéry. Ses vaisseaux, mal protégés dans leur traversée, ne revinrent pas tous en France. Constructions et armements furent suspendus. Pendant la guerre de la succession d'Espagne, la Compagnie fut même réduite à offrir au roi ses établissements de Lorient comme elle avait fait de ceux du Hâvre. Mais le roi manquait d'argent pour les acheter et les entretenir. Du reste avait il besoin de s'imposer cette charge ? Depuis 1690 il y faisait construire et armer des vaisseaux de guerre : Lorient était devenu port militaire et devait le rester pendant vingt-cinq ans. Voici dans quelles circonstances.

La Compagnie avait, à diverses reprises, acheté des navires à l'Etat, et comme l'Etat, mieux pourvu de matériel et surtout d'ouvriers, pouvait construire plus rapidement et à meilleur compte, elle lui avait laissé vers 1689 la jouissance de ses cales et de son port d'armement. Elle n'avait conservé que les magasins qui lui servaient d'entrepôt et le droit de commander à la marine les navires dont elle aurait besoin. C'est ainsi que Lorient reçut une destination nouvelle.

Il fut transformé en un port de construction, de réparation et de refuge pour les vaisseaux royaux et servit à suppléer Brest et Rochefort. Des approvisionnements de toutes sortes, grains, bois, cordages, munitions de guerre, furent rassemblés sur ce point. On garnit la côte de batteries, et les villages voisins de compagnies de la milice. Des autres arsenaux on fit venir un grand nombre d'ouvriers, si bien que du chiffre de 2.000 habitants la population atteint en 25 ans celui de 10.000.

Arsenal de Lorient (Bretagne).

Mais le meilleur témoignage de l'importance qu'avaient déjà les chantiers de Lorient, c'est le tableau des travaux qu'on y exécutait. Entre 1690 et 1707, six frégates neuves et dix sept vaisseaux sont mis à la mer ; trois vont rejoindre l'escadre de Tourville et prennent part au combat de la Hougue. Plus tard, cinq autres sont envoyés à l'escadre du comte de Toulouse ou à celle de Château Renaud et assistent aux affaires de Malaga et de Vigo. Ils portaient tous de 80 à 100 canons et devaient être parmi les plus beaux vaisseaux de la flotte de guerre.

Ces constructions ne sont pas tout. Pendant la même période 96 armements ont été exécutés dans le port, soit pour le compte de la marine royale, soit pour celui des corsaires malouins. La sécurité de la rade, nettement démontrée par une ataque infructueuse des Anglais contre l'île de Groix en 1703, les avait attirés. Bientôt ils en firent leur quartier général, avec la permission, du roi, dont le trésor épuisé ne pouvait subvenir à de nouvelles, dépenses.

On vit une de leurs escadres ramener à Lorient plus de 30 millions de lingots d'or et d'argent enlevés aux Anglais. Duguay-Trouin y vint plusieurs fois et en reçut une partie des vaisseaux à l'aide desquels il put s'emparer de Rio de Janeiro en 1711.

Il semble qu'après les services rendus par l'arsenal au cours de ces vingt-cinq années de guerre, on aurait dû profiter de la paix pour en développer les ressources au grand avantage de la défense des côtes et de l'entretien de notre flotte. Mais déjà le gouvernement français suivait la politique d'abandon que devait entraîner la ruine de notre prépondérance maritime et coloniale. De peur de porter ombrage à l'Angleterre, il avait fermé nos arsenaux et réduit à rien le budget de la marine.

Arsenal de Lorient (Bretagne).

D'un autre côté, la Compagnie, incapable de reprendre son ancien trafic, s'était décidée à vendre ses privilèges à des armateurs privés, et ces armateurs avaient justement choisi Nantes pour entrepôt, de préférence à Lorient. Sacrifié par l'Etat et la Compagnie, Lorient devait disparaître à bref délai. Mais, contre toute prévision, cet abandon même fut son salut. Le port recouvre à ce moment sa destination primitive et redevient pour cinquante ans le siège d'une nouvelle Compagnie, infiniment plus puissante que la première, qui vient s'y fixer en 1719, après la retraite de celle-ci et le départ des commissaires royaux.

Avec son capital de 90 millions, garanti par la ferme du tabac, qui donnait déjà un revenu de 9 millions et par le monopole du commerce colonial, qui lui permit de porter jusqu'à 30 % les dividendes de ses actions, la Compagnie des Indes avait tous les moyens posibles d'améliorer la condition du port et de la ville de Lorient.

Elle s'en est occupée avec le plus grand succès. Dès les premières années qui suivent son installation, elle construit des quais, élève d'immenses magasins pour le dépôt et la vente de ses marchandises, édifie la Tour des signaux, organise un parc d'artillerie, répare les anciennes cales, en crée deux nouvelles, fonde deux ateliers et quatre forges dans lesquels travaillaient en 1759 cinq mille ouvriers. Voilà pour l'arsenal.

Arsenal de Lorient (Bretagne).

De son côté, la ville recevait une organisation municipal qu'avait rendue nécessaire le rapide accroissement de la population montée vers 1738 au chiffre de 16.000 habitants. A grands frais, la Compagnie avait approvisionné d'eau de source les divers quartiers, et, bientôt après, elle contribuait à munir Lorient de remparts. Autour de ses chantiers, s'étaient élevés de nombreuses fabriques et ateliers privés, qui vivaient de ses commandes. Autour de ses magasins étaient venues s'établir d'importantes maisons de commerce qui contribuaient à écouler ses marchandises, les unes à l'intérieur, les autres à l'étranger.

Pour réduire les dépenses et rendre le contrôle plus facile, la vente de ses cargaisons qui se faisait d'abord à Nantes et au Hâvre, fut définitivement fixée à Lorient par un édit royal de 1735. Cette année-là, treize vaisseaux vinrent y décharger pour plus de dix huit millions de marchandises. Bien que depuis un demi siècle le prix des denrées coloniales eût diminué de moitié, il s'en est vendu à Lorient pour 372 millions au cours des dix années qui ont précédé la guerre de Sept Ans. Cet immense trafic, on le croira sans peine, avait fait de ce port la première place de commerce du royaume.

Par une destinée singulière, il en devenait, à la même époque, le principal port militaire. Car, tandis qu'une politique trop timide envers les Anglais empêchait la réorganisation de notre flotte de guerre, la Compagnie multipliait ses armements et formait sur ses navires les officiers et les équipages qui manquaient à la marine royale. En cinquante ans, elle a fait construire 130 vaisseaux, 80 frégates et une centaine de bâtiments de moindre importance, dont plus de la moitié sont sortis de ses chantiers de Lorient.

Arsenal de Lorient (Bretagne).

De cet arsenal part en 1744 une flotte de 9 vaisseaux de ligne, la seule force sérieuse que l'Angleterre ait rencontrée sur mer pendant ces quatre années d'hostilités. Sous le commandement de La Bourdonnais, elle disperse deux escadres que menaçaient Pondichéry et s'empare de Madras, le comptoir le plus important des Anglais dans l'Inde. De leur côté, les Anglais entreprennent de détruire les arsenaux de la Compagnie. En 1746 ils lancent à l'improviste contre Lorient une flotte de 50 voiles et un corps d'armée de 5.000 hommes ; mais ce coup de main ne réussit pas et l'ennemi dut se rembarquer sans avoir rien fait.

Pendant la guerre de Sept Ans, la Compagnie supplée encore à l'insuffisance de la marine royale. Elle entretient dans les mers de l'Inde une escadre de seize vaisseaux. En rade de Lorient, elle a 36 frégates, armées de 1200 pièces de canon et montées par 5.000 matelots. Le ministre de la marine, Berryer, met en réquisition ses chantiers, ses magasins et son personnel d'officiers. Il s'adresse à Lorient, pour y faire réparer les vaisseaux de guerre, pour se procurer l'artillerie nécessaire aux armements, pour compléter les cadres de la flotte. A l'inverse de l'ancienne Compagnie, la nouvelle construisait plus rapidement et à moins de frais que l'Etat. En quatre ans, de 1757 à 1761, elle put lancer pour le compte de la marine 10 frégates et plusieurs corvettes et brigantins et céder six vaisseaux de ligne dont le ministère avait besoin dès le début des hostilités. Son parc d'artillerie contenait 500 pièces de canon, 160.000 boulets et 2000 quintaux de poudre. Les vaisseaux de l'Etat en prirent à peu près le tiers. Quant au personnel des officiers, il comprenait alors des hommes célèbres à divers titres ; les explorateurs Bouvet, Crozet, Guyot-Duclos, Surville et Marion ; le géographe d'Après de Mannevillette ; le géomètre Thévenard, l'inventeur des canonnières, ministre de la marine pendant la Révolution : deux marins dont la famille était déjà illustre ou allait le devenir, Danican et Beaulieu-Tréhouart ; enfin nombre d'officiers que devaient faire avec succès le métier de corsaires, dans l'escadre du comte d'Aché, au cours de la guerre de Sept Ans, tels que Dordelin, de Joannis, Kerlero de Rosbo, Christy de la Pallière, Lobry, de Quérangal, de Sanguinet, Winslow, etc.

Mais, si la Compagnie avait raison d'étre fière de ses services et de sa puissance militaire, elle payait cher cette satisfaction. Ses nombreux armements l'avaient endettée et la perte de nos colonies avait compromis son commerce. Ses créanciers lui réclamaient 240 millions. Ses actions ne rapportaient plus 30 du cent, mais seulement 4. Aussi, quand le privilège dont elle jouissait fut arrivé à son terme en 1769, elle ne trouva pas à propos de le renouveler. Sa dette fut portée au compte de l'Etat, en échange de ses 32 vaisseaux et des énormes constructions et propriétés qu'elle possédait en France et aux colonies. C'est ainsi que Lorient revint à la condition de port militaire qu'il a jusqu'à présent conservée.

Mais l'activité commerciale ne se ralentit pas immédiatement. Sur la demande des grandes maisons de commerce établies à Lorient, la Compagnie fit imposer une singulière obligation à ceux qui devaient profiter de la suppression de son privilège. Les armateurs disposés à se livrer au commerce colonial désormais libre, étaient forcés de lui demander des passe-ports et de décharger à Lorient leurs cargaisons. Il n'y eut plus de ventes générales, mais une multitude de ventes particulières, si lucratives qu'en 1784 se fonde une troisième et dernière Compagnie.

Cette fois la destination du port n'est pas changée. Mais le roi, intéressé dans les bénéfices de la nouvelle Société, met à sa disposition les magasins de l'Etat à Lorient, pour lui servir d'entrepôt. Dix à douze vaisseaux viennent désarmer là chaque année et jusqu'à la Révolution les bénéfices dépassent six millions.

Ces avantages ne durent pas longtemps et disparaissent avec l'ancien régime. L'Assemblée Constituante supprime le privilège de la Compagnie. Elle décide encore que les vaisseaux de l'Inde viendront faire vérifier à Lorient et à Toulon leurs chargements à l'arrivée. Mais la Convention annule cette disposition, si bien que les grandes maisons de commerce, françaises ou étrangères, que les désarmements et les ventes avaient multipliées à Lorient, n'eurent plus d'intérêt à s'y maintenir et quittèrent la place.

La Compagnie des Indes avait organisé un arsenal trop puissant pour qu'il fut menacé d'une disparition semblable. Au contraire, on put mettre en chantier douze bâtiments de diverses grandeurs sous le règne de Louis XVI, dix sous la première République.

Au début de l'Empire, son importance s'accrut encore quand il fut question de préparer l'expédition de Saint-Domingue et celle du camp de Boulogne. Onze vaisseaux de ligne et plus de vingt bateaux de transport sortent des chantiers de 1803 à 1807. Mais ce redoublement d'activité s'arrête alors. Le port est bloqué par les croisières anglaises qui s'appuient aux Glénans, et aux îles d'Houat et d'Hoedic. Il est impossible d'y faire pénétrer les pièces de construction dont on avait besoin et d'armer de nouveaux vaisseaux. L'expédition du camp de Boulogne venait d'épuiser les ressources de l'arsenal ; plus de quatre-vingt mille inscrits maritimes étaient prisonniers sur les pontons anglais ; il n'y avait plus moyen de recruter, les équipages, de sorte qu'en 1807 la défense des côtes, y compris les centres d'armement, fut même enlevée à la marine et remise à la guerre. Dans ces conditions, le port de Lorient, comme tous nos ports militaires, fut réduit à l'inaction jusqu'à la fin des hostilités.

Depuis cette époque, deux gouvernements, la Restauration et le second Empire, se sont préoccupés des progrès de l'arsenal. Il était encore privé de quelques services indispensables à la construction et à l'armement. Cette insuffisance avait même, en diverses circonstances, causé des retards regrettables pour l'organisation de nos escadres. La Restauration sacrifia quelques millions aux créations les plus urgentes. On construisit alors une cale couverte, un premier bassin de radoub, une boulangerie, une fonderie et deux ateliers de chaudronnerie et d'ajustage. Le régiment et le dépôt de l'artillerie de marine étant définitivement fixés à Lorient, il fallut réorganiser le parc d'artillerie.

On ouvrit dans le voisinage un champ de tir, à Gâvres, en 1830, pour déterminer par des expériences l'effet du canon sur les nouveaux vaisseaux. Mais la plupart des batteries et des magasins datent du second Empire. Le second Empire comprit encore la nécessité de construire un autre bassin de radoub et de fonder une scierie mécanique. Ainsi l'arsenal n'a cessé de se développer depuis la Compagnie des Indes ; de son côté le commerce n'a cessé de décroître et le mouvement maritime ne dépasse pas vers la fin du XIXème siècle 150.000 tonnes. Des deux puissances qui ont contribué à faire de Lorient ce qu'il est, le commerce et la guerre, on dirait que l'une doit aujourd'hui exclure l'autre.

Arsenal de Lorient (Bretagne).

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Cependant la marine marchande et la marine militaire ont eu à Lorient des périodes, de prospérité quelquefois communes. Ces circonstances se renouvelleront-elles ? Personne ne pourrait l'affirmer. Toutefois s'il est interdit de compter à l'avenir sur un mouvement commercial pareil à celui qu'avait fait naître la Compagnie des Indes, mouvement essentiellement factice, puisqu'il reposait sur un monopole et non sur des conditions naturelles, il reste autour de Lorient, à ce qu'il semble, assez de ressources, pour rendre de l'activité à l'industrie et aux échanges.

La fabrication des conserves alimentaires, légumes et poisson, à laquelle on ne pensait guère au temps de la Compagnie des Indes, a déjà fait la fortune de plusieurs usines. Le développement de la pêche, favorisé par la création de cours pratiques, pourrait peut-être relever celle de la ville, si favorablement placée au milieu des nombreux ports de pêche de la côte méridionale de Bretagne. L'industrie métallurgique, alimentée par le minerai des Provinces Basques et la houille de Cardiff, points également rapprochés de cette côte, ne peut-elle pas, avec des circonstances favorables, se développer dans un centre où l'arsenal forme d'excellents ouvriers ? A deux lieues de là, les pêcheurs de Groix ont une flotte de 160 bateaux qui vaut 4 millions. Elle a été construite toute entière à Royan ou aux Sables d'Olonne. Pourquoi pas à Lorient ? C'est que l'arsenal attire précisément, par les avantages d'un travail et d'une pension de retraite assurés, toutes les forces libres : c'est qu'il empêche, jusqu'à un certain point leur activité de se reporter vers le commerce et l'industrie privée ; on affirme qu'il pourrait même, par un accroissement auquel on songe déjà, achever la ruine de ce qui reste à Lorient de prospérité commerciale, et ce qui est plus dangereux, lui faire perdre sa destination de port d'armement.

On s'est alarmé, et l'avenir prouvera, je l'espère, que c'est bien à, tort, on s'est alarmé d'un projet qui consisteraità faire de l'arsenal un simple chantier de constructions beaucoup plus important et plus actif, à éloigner de là tout le personnel maritime et à confier à d'autres ports le travail des réparations et des armements.

Si l'on en juge par le peu de vaisseaux actuellement sur les chantiers, cette transformation n'est pas en voie de se réaliser. Et du reste, comment la justifier ? Pourquoi Lorient deviendrait-il, de port militaire, simple chantier de construction ? On a parlé de la difficulté des passes, trop peu sûres et trop peu profondes pour ouvrir aux cuirassés l'accès de la rade ; on se plaint de la lenteur des travaux ; on invoque la nécessité de spécialiser nos ports militaires pour en obtenir, par une sage division du travail, le plus de ressources possibles en chaque genre.

Ces raisons ont une grande valeur sans doute ; cependant elles sont discutables. On doit reconnaître, par exemple, qu'il n'est pas plus facile à un cuirassé qu'on met à l'eau de sortir de la rade pour aller recevoir ailleurs son armement que d'y entrer pour subir des réparations. Si la question des passes était sérieuse, il ne faudrait pas transformer l'arsenal en un chantier de construction pour les cuirassés, on devrait simplement le supprimer et, ce serait peut-être tout profit pour le commerce et l'industrie de la région.

Quant à la lenteur des travaux, elle ne dépend pas de l'arsenal, qui peut suffire, tel qu'il est, à l'exécution des ordres les plus urgents. Tout récemment, des cuirassés de première grandeur n'ont-ils pas été exécutés dans les délais très courts, le Brennus en 20 mois, le Bouvet en 18, et le Saint-Louis n'aura occupé les chantiers que 15 mois. C'est l'importance des crédits, et pas autre chose, que règle l'activité et le ralentissement des travaux.

Si séduisante que soit la théorie de la spécialisation des ports, elle présente de graves dangers au point de vue militaire. En cas de blocus, comment pourrait-on faire sortir d'un port de construction des vaisseaux qui ne porteront aucun armement ? Ce port ne rendra même pas le service d'immobiliser une escadre ennemie, un seul garde côtes suffirait à le surveiller. Au sujet de Lorient, la question présente même plus de gravité que pour tout autre point du littoral. La défense de Belle-Isle et de Groix, excellents dépôts de charbon pour l'ennemi, la surveillance de la baie de Quiberon, lieu de débarquement tout désigné par ses avantages, seraient-elles bien assurées à l'aide de ports relativement éloignés comme Brest ou Rochefort ? Suffiraient-ils à geantir la sécurité de la côte ? D'autre part, la suppression du port militaire ne pourrait-elle pas porter un coup funeste au recrutement, déjà fort difficile, des officiers mariniers et des quartiers-maîtres de la flotte ? Lorient et les communes voisines en fournissent plus de 1300, c'est-à-dire la moitié de l'effectif total. De l'aveu des officiers de marine, ce sont, au point de vue de l'endurance, de la discipline et du savoir-faire, les meilleurs éléments de notre flotte. Ce qui les engage à prendre du service, c'est l'espoir d'être attachés à un bateau qui viendra quelquefois désarmer chez eux. Mais une fois le port militaire fermé, on sera bien forcé de les expédier dans un autre, au retour de leurs diverses campagnes, et alors quel est le marin qui n'hésitera pas à embrasser une carrière dont le principal avantage aura disparu ?

De telles considérations, à ce qu'il semble, doivent faire réfléchir les plus hardis et rassurer les plus craintifs. Comment sacrifier un centre dont l'existence intéresse la sécurité nationale ? On a dit que le passé était une garantie de l'avenir. Si cette parole est vraie, l'histoire de Lorient, port de commerce et surtout port de guerre, permet d'affirmer que ses destinées ne sauraient être compromises (M. Legrand, 1896).

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