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LA FONDATION DE LORIENT (1666-1690)

LE 31 AOUT 1666

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L'histoire de Lorient commence avec la fondation de la ville en 1666 avec l'objectif de fournir une base à la Compagnie française des Indes orientales. Le 31 août 1666, Denis Langlois, directeur de la Compagnie des Indes orientales, fait procéder par le sénéchal d’Hennebont, « au milieu d’un grand concours de notables et d’habitants du pays », au mesurage et à l’estimation du terrain choisi par ses pairs dans la paroisse de Ploemeur, sur la lande du Faouédic. Le chantier de la Compagnie des Indes-Orientales fut établi sur un terrain de douze cent sept cordes de surface, à l'embouchure du Scorff, dans une petite baie dont le bassin de radoub n° 1 forme assez exactement le centre.

Plan de Lorient (Bretagne).

I.

Après avoir recherché, par ailleurs, les causes qui amenèrent la Compagnie des Indes-Orientales de France à se fixer au Port-Louis, et exploré le pays où devait naître l'une des merveilles du dix-huitième siècle, pénétrons enfin dans le cœur du sujet de cette natice : La Fondation de Lorient.

Nous sommes au mois de juin 1666.

Louis XIV, heureusement inspiré par son ministre Colbert, vient de signer la célébre ordonnance qui désigne à la Compagnie des Indes-Orientales Port-Louis pour siége de ses armements et lui concède gratuitement certaines places et terres vaines et vagues et inutiles, à Port-Louis et ailleurs, notamment au Faouëdic, à l'embouchure du Scorff, pour y construire des ports, quais, chantiers, magasins et autres édifices nécessaires à la construction de ses vaisseaux.

Dès que cette ordonnance fut rendue, la Compagnie s'empressa d'expédier à Port-Louis, l'un de ses directeurs généraux, pour y organiser les établissements que nécessitaient les récentes dispositions du pouvoir, prendre possession des places vaines et vagues concédées, créer des chantiers et des ateliers de construction de navires, etc. C'était d'ailleurs obéir à l'impulsion de Colbert qui, prévoyant dès cette époque tout ce que la politique ambitieuse de son maître allait bientôt demander d’efforts et de sacrifices à la marine, s'ingéniait à augmenter les réssources particulières d'une Société dont il était le président, et à développer les opérations commerciales, sachant que la puissance maritime d'une nation est en raison directe de la prospérité de sa marine marchande. L'Espagne, l'Angleterre, la Hollande surtout, étaient alors autant de preuves éclatantes de cette vérité. Colbert hâtait donc de toute son influence, de toute son autorité, l'organisation et le développement de cette Compagnie qui était son œuvre. Malgré cet illustre patronage, elle s'était trouvée en détresse dès ses débuts, et jusque alors elle avait été un embarras et une charge pour les arsenaux du roi, à l'occasion de ses armements pour l'Inde et Madagascar. Dans l'intention du ministre, il fallait désormais que la Compagnie vécût au moyen de ses propres ressources, et que son organisation se fortifiât au point de lui permettre, dans un temps prochain, non-seulement de débarrasser de la présence de ses vaisseaux les arsenaux militaires, mais encore de prêter à son tour asile et assistance aux escadres du roi. De là l'urgence de créer des magasins, des chantiers de construction, et de concentrer, autant que possible sur un seul point appartenant privativement à la Compagnie, les divers établissements qui jusque alors s'étaient forcément trouvés disséminés dans tous les ports du royaume.

Ce fut à Denis Langlois, marchand et bourgeois de Paris, l’un des directeurs généraux de la Compagnie des Indes-Orientales, qu'échut l'importante mission de remplir les vues du ministre. Ce délégué étant arrivé à Port-Louis au mois de juillet 1666, s'occupa sur-le-champ du principal objet de son voyage, de la création d'ateliers et de chantiers pour la construction des vaisseaux.

Que le lieu destiné à recevoir cet établissement ait été désigné d'avance, et même antérieurement à la promulgation de l'ordonnance royale, c'est ce que nous ignorons, mais il importe peu ; toujours est-il que Langlois s'étant transporté à l'embouchure du Scorff, là sur la rive droite de cette rivière, dans une petite anse disposée en forme de croissant, ouverte à l'Est et dont les deux pointes étaient placées, l'une vers l'emplacement actuel de la machine à mâter les vaisseaux, l'autre à l'endroit où existe la porte grillée dite de l'Amiral [Note :  La machine à mâter et la porte de l'Amiral se trouvent situées dans l'arsenal de Lorient] ; dans cette partie du rivage du Scorff qui échancrait la presqu'île du Faouëdic et s'étendait au pied de deux petites collines qui l'abritaient à l'ouest et au midi, le directeur général traça sur le terrain l'enceinte de l'établissement de la Compagnie, auquel il donna une surface de douze cent sept cordes ; soit quinze journaux, ou sept hectares vingt-cinq ares environ.

Mais pendant qu'il se livrait à cette opération, surgirent tout-à-coup, devant Denis Langlois, des difficultés telles, qu'un peu plus c'en était fait des projets de la Compagnie, du moins sur cette partie de la paroisse de Plœmeur. Voici ce qui se présenta.

Dans la rivière du Scorff et ses affluents, le roi ne possédait réellement aucun territoire quelconque. Au Faouëdic on ne connaissait pas, de terres vaines et vagues, toute cette petite presqu'île appartenant, sans contestation, à différents propriétaires parfaitement connus. En outre, et en vertu du droit féodal breton, toutes les terres vaines et vagues et inutiles qui existaient dans l'enclave des fiefs composant la principauté de Guémené, appartenaient au prince de cette maison, qui seul avait le droit de les afféager, les vendre ou les donner, selon son bon plaisir. Ce n'était pas tout encore. Par exception, et en vertu d'un privilège très ancien, qui tirait peut-être son origine des transactions intervenues durant le cours du treizième siècle entre les ducs de Bretagne et les sires de Léon, les princes de Guémené, héritiers de ces derniers, avaient la pleine possession des rives du Scorff et de ses affluents, des lais de mer qui pouvaient y exister, ainsi que des parties que le flux et le reflux de la mer couvraient et découvraient à l'époque des plus hautes marées. Il est vrai que fréquemment ces priviléges exceptionnels puisqu'ils étaient une dérogation aux droits de la Couronne, ces priviléges des princes de Guémené avaient été l'objet de contestations de la part des gens du roi ; mais dans toutes les circonstances, le Parlement et le Conseil d'État du roi appelés à y statuer confirmèrent la principauté de Guémené dans sa prétention à cet égard ; et s'il était nécessaire de produire une preuve authentique de cet état de choses, on pourrait avoir recours à l'arrêt du Conseil du mois de mai 1766, qui a ratifié une donation datée du 24 août précédent, par laquelle le prince de Guémené gratifia la communauté de ville de Lorient de la propriété des terrains vases sur lesquels cette ville a pu établir les quais de son port de commerce.

Comment donc expliquer, en présence de ce qui vient d'être dit, la concession royale du mois de juin 1666? Ou trouver désormais l'une des parties principales de cette concession, les terres vaines et vagues du Faouëdic ? Le véritable état des choses de cette partie de la principauté de Guémené pouvait-il être à ce point ignoré des gens du roi et surtout des administrateurs de la Compagnie qui, depuis plus d'une année, avaient fait minutieusement explorer toutes les parties des côtes de l'Océan et des rivières qui y portent leurs eaux ?

Quoi qu'il en soit, Denis Langlois se trouva, on le répète, en présence de difficultés très sérieuses. Non-seulement l'emplacement par lui délimité n'avait aucun caractère de terre vaine et vague comme le supposait l'ordonnance royale, mais au contraire la superficie de douze cent sept cordes, choisie par le directeur général, se trouvait divisée en une vingtaine de parcelles entre douze ou quinze personnes différentes, comme si tous les propriétaires voisins avaient tenu à posséder une parcelle de terres si minime qu'elle fut, précisément sur les bords de cette petite baie, nommée baie du Roshellec, du nom de l'une des deux collines dont il a été parlé, situation dont les avantages paraissaient avoir été appréciés dès longtemps.

Dans le nombre den ces propriétaires, l'on remarquait Guillaume du Bahuno, seigneur de la Demiville, Kermadehoy, etc ; Guillaume Eudo, sieur de Keroman ; Pierre Poullain, seigneur du Tertre-Pontlo et du Faouëdic-Lisivy, héritier bénéficiaire de son oncle maternel Pierre de Jégado, seigneur de Kerhollain. Tous ces possesseurs des douze cent sept cordes de terrain de la baie du Roshellec, et à leur tête le procureur fiscal de la Rochemoisan et Tréfaven agissant au nom du prince de Guémené, s'opposèrent énergiquement aux prétentions de la Compagnie. Il faut excepter cependant Pierre Poullain : le Faouëdic-Lisivy venait d'être saisi entre ses mains par les créanciers de la succession de Pierre de Jégado, et ce fief attendait alors un acquéreur. Les opposants exigent la communication de la fameuse ordonnance royale en vertu de laquelle on prétend les déposséder : communication impossible en présence d'erreurs aussi flagrantes.

Cependant le temps pressait; il fallait à tout prix s’installer dans cette baie de Roshellec dont la situation convenait sous tous les rapports à la Compagnie. Aussi, Langlois, soit qu'il fût livré à ses propres inspirations, soit qu'il eût reçu de nouvelles instructions des administrateurs de la Compagnie, Denis Langlois cessa tout-à-coup de se pretender investi de la propriété des terres litigieuses comme cessionnaire des droits du roi, pour ne les revendiquer désormais, en vertu du même titre, que moyennant indemnité à régler entre la Compagnie et les différents propriétaires, à dire d'experts.

L'affaire se présentant sous cette nouvelle face, on n'examina pas si les droits de la Compagnie en étaient plus réguliers, mieux fondés ; toutes les oppositions tombèrent l'une après l'autre, à l'exception toutefois de celle présentée au nom du prince de Guémené. Cette résistance aurait dû cependant suffire seule, pour faire échouer les projets de la Compagnie, ou du moins pour l'obliger à fonder ailleurs que sur les domaines de la principauté de Guémené, à l'embouchure du Scorff, au Faouëdic, son chantier de construction de vaisseaux ; mais le directeur général délégué, fort de l'appui de toutes les autorités du pays et particulièrement des magistrats de la sénéchaussée d'Hennebont, et ayant pour lui tous les notables, propriétaires et commerçants de la contrée, individus à qui il tardait surtout de voir se fixer dans leur voisinage une Société dont ils attendaient les plus grands avantages pour eux comme pour le pays et la province ; le directeur Langlois écarta l'opposition du prince de Guémené, et, le 31 août 1666, après six semaines de contestations et de formalités, il entra solennellement en possession de la baie du Roshellec, en vertu de procès-verbal du sénéchal d'Hennebont, Paul du Vergier, seigneur de Ménéguen, qui fixa l'indemnité due par la Compagnie aux propriétaires dépossédés à douze cent sept livres tournois.

II.

Il n'est peut-être pas sans intérêt d'entrer dans le détail des formalités auxquelles Denis Langlois recourut pour donner à sa prise de possession une apparence de légalité. N'oublions pas, en effet, que si, jusqu'à présent, il ne s'agit encore que d'un chantier de construction de vaisseaux, de cet établissement aux proportions modestes naîtront l'arsenal et la ville de Lorient. Les moindres détails acquièrent donc ici une véritable, importance.

Dans les premiers jours du mois d'août 1666, Me. Marquer, procureur postulant près la sénéchaussée royale d'Hennebont, présenta requête à messieurs les juges de cette juridiction, au nom de la Compagnie royale des Indes-Orientales de France représentée par noble homme Denis Langlois, l'un des directeurs généraux de cette Compagnie, « à ce qu'il plût vouloir descendre sur les terres adjacentes en la baye proche le manoir du Faouëdic en Plemeur, donnant sur la rivière du Scorff, pour, en présence de M. le procureur du roy, faire estat et procès6verbal des terres qu'il a plu à Sa Majesté faire don à la Compagnie, mettre des bornes à la haute marée, assigner tous prétendants droit auxdits lieux, mesure le seigneur prince de Guémené, aux terres que ledit sieur Langlois a marquées propres pour ladite Compagnie..... ».

Le 13 août, le sénéchal d'Hennebont, Paul du Vergier, seigneur de Ménéguen, répondit à cette requête ; et en vertu de son ordonnance, les sergents et les huissiers de la sénéchaussée se transportèrent le dimanche 15 août à Larmor, en la paroisse de Plœmeur ; à la chapelle N.-D. de Pitié, en la paroisse de Quéven ; à la porte des églises paroissiales de Port-Louis, Saint-Caradec-Hennehont, et Hennebont, « aux issues des grandes messes parochialles, le peuple sortant d'entendre le service divin, et y firent lecture de ladicte resqueste et conclusions d'icelles, et assignèrent tous seigneurs, recteurs, marguilliers et prétendants droits aux terres proche ledit lieu du Faouëdic et baye de Scorff à comparoir en l'audience et par devant messieurs les juges royaux d'Hennebont le jeudi vingt-sixième jour d'aoust prochain venant, auquel jour seroit prins assignation pour voir faire ledit procès-verbal, voir arpenter et estimer lesdites terres à dire de priseurs... pour, passé de leur rapport et estimation estre par ledit sieur Langlois payé à chacun des propriétaires ce qui lui compettera….. leur déclarant que sur leur défaut il seroit néanmoins passé oultre ».

Placardée ensuite aux principales portes des mêmes églises et chapelles, en affiches décorées d'une énorme fleur-de-lys de papier doré découpé, cette assignation fut réitérée à ban et à cry public en la ville d'Hennebont le jeudi suivant, 19 août, au milieu de la place N.-D. du Paradis, « au plus fort du marché se tenant environ les unze heures du matin, par Berthelot, Le Roy et J. Charpentier, sergents ; de la Grée et Pereault, huissiers audienciers et copie affixée à la porte de Brouërec, entrée principale de la ville d'Hennebont ».

A l'audience dû 26 août, fixée pour entendre les réclamations et recevoir les oppositions le procureur fiscal de la Rochemoisan et Tréfaven, Le Puillon de Kerloret, se présenta au nom du prince de Guémené, qui avait été assigné par exploit d'huissier du 17 août précédent. Ce magistrat demanda communication des lettres-patentes du roi qui autorisaient la Compagnie des Indes-Orientales à s'établir dans le fief du prince de Guémené ; il demanda aussi qu'on lui justifiât de l'enregistrement de ces lettres au Parlement de Bretagne et à la Chambre des Comptes de cette province, formalités sans lesquelles on ne pouvait en poursuivre ni en autoriser l'exécution, en vertu des priviléges réservés à la Bretagne par les traités d'union. La demande de Le Puillon fut vaine : ni l'ordonnance du mois de juin, ni les justifications d'enregistrement ne lui furent communiquées ; et malgré l'opposition qu'il fit signifier à l'instant même à Denis Langlois, les juges, d'Hennebont passèrent outre, et donnèrent commission au sénéchal de se transporter sur les lieux désignés, pour procéder aux opérations requises au nom de la Compagnie.

C'étaient tout à la fois un déni de justice et une violation des priviléges de la province, que commettaient des magistrats bretons. Il serait possible de trouver dans ce fait l'origine de la profonde irritation de la maison de Guémené contre le gouvernement de Louis XIV, irritation qui bientôt aboutit de la part de l'un des fils du prince de Guémené, le chevalier de Rohan, à un crime envers l'État, crime qu'il expia sur l'échafaud le 27 novembre 1674.

Le 31 août 1666, le sénéchal du Vergier de Ménéguen, exécutant cette sentence du 26 du même mois, descendit en embarcation la rivière du Blavet, pénétra à l'embouchure du Scorff et attérit à l'extrémité de sa rive droite. Là, en présence du procureur du roi, écuyer Jean Le Govello, sieur de Kersivien ; du commandant de la Citadelle du Port-Louis, messire Charles Rabeau de Beauregard-Chabris, et au milieu d'un grand concours de notables et d'habitants du pays, attirés par cette solennité judiciaire, ce magistrat procéda à la description des lieux, au mesurage et à l'estimation du terrain déjà choisi au nom de la Compagnie des Indes-Orientales par son délégué Denis Langlois qui assista à toutes ses opérations.

Voici d'ailleurs la reproduction textuelle des procès-verbaux authentiques dressés à l'occasion de ces formalités par le sénéchal d'Hennebont ; documents précieux à plus d'un titre, demeurés longtemps enfouis parmi les papiers privés d'une ancienne famille d'Hennebont, chez laquelle nous avons eu la bonne fortune d'en faire la découverte.

PROCÈS-VERBAL
d'état de lieux, de débornement et de prise de possession de l'établissement de la Compagnie des Indes-Orientales, au Faouëdic-Lizivy
.

« Paul du Vergier, seigneur de Ménéguen, conseiller du roy, sénéchal de la cour et seigneurie royale de Hennebond, sçavoir faisons que ce jour trente uniesme d'Aoust mil six cent soixante et six, a comparu à nostre logix, maistre Gilles Marquer, se portant procureur de Messieurs de la Compaignie des Indes Orientalles de France représantez par messire Louis (sic) Langlois l'un des directeurs général d'icelle.

Lequel nous a requis aux fins de l'ordonnance rendue en l'audience du jeudy XXVIème de ce mois portant qu'il seroit dessendu dans la baye sittuée sur la rivière de Scorff, du costé de la paroisse de Plemeur pour faire estat et procès-verbal, pozer des bornes aux lieux choisis par les députtez et commissaires de ladite compaignie pour l'establissement des chantiers nécessaires pour faire et construire les bastiments et vaisseaux de la grandeur nécessaire pour faire le commerce auxdites Indes Orientalles et autres lieux désignez par Sa Majesté. Et pour parvenir audit establissement auroit esté ordonné que estimation auroit esté faite des terres adjaçantes ladite baye nécessaires tant pour pozer les chantiers, que pour faire des bastiments qu'il conviendra pour les magasins et logements qui seront requis, par priseurs qui ont estez convenus et donnés d'office, requérant qu'il soit dessandu présentement audit lieu, en presence du sieur procureur du roy de cette Cour.

A quoy obtempérant, ayant avecq nous pour adjoinct Mre Claude Le Milloch, greffier civil et criminel de cette Cour et prins en aide de justice Mre Jan de La Grée huissier, nous serons transportez au quay de cette ville et prins un batteau dans lequel nous serions embarquez de compaignie et dessandus jusqu'à ladite baye joignant l'entrée de ladite rivière de Scorff distante de nostre demeurance de deux lieux, du costé de la paroisse de Plemeur, appellée Rohellec-bec-er-Roheu, où estant par pied à terre avons trouvé ledit sieur Langlois, lequel assisté dudit Marquer nous a répété les fins de sa requeste du XIIIème du present mois requis après convoquation estre faict de tout pretendantz droitz et interressés dans l'estandüe des terres joignant ladite baye et qui se trouveront enclos souhz les bornes qu'il nous a requis estre présentement pozées, passé de quoy estimation et prisage estre faicte desdites terres par Mres Jacques Marquer, Jullien Cadic et Vincent Perrier, priseurs et arpanteurs, convenus et donnés d'office. Passé de ladite estimation payement qu'il offre faire aux propriétaires desdites terres suivant icelle, qu'il soit permis de jouir et disposer desdites terres au profit de ladite Compaignie, avecq deffanse à touttes personnes de l'y troubler sur les peines qui escherra. Lequel apel ayant esté fait par nostredit adjoint et particullièrement de hault et puissant Mre Louis de Rohan, seigneur prince de Guémené, de la Rochemoyzan et Treizfaven, seigneur supérieur desdites terres adjaçantes ladite baye.

A comparu Mre Claude Le Puillon, sieur de Kerlozrec, procureur fiscal de la jurisdiction de la Rochemoyzan Treizfaven et Querrien et faisant pour ledit seigneur prince de Guémené, assisté de Mre Allain Laigneau son procureur. Lequel a remonstré qu'en l'audience de jeudy dernier la cause dudit sieur Langlois ayant esté évocquée et ledit seigneur prince, suivant l'assignation luy donnée par exploit estant au pied d'une requeste signifiée le 17ème du présent mois, il aurait requis coignoissance de lettres-patentes de Sa Majesté touchant ledit établissement de ladite Compaignie dans le fief dudit seigneur prince de Guémené et la vérification d'icelles au parlement de ce païs et un dellay compétant pour en donner advis audit seigneur prince de Guémené, et pour pouvoir répondre. Ce que n'ayant esté ordonné, il requiert a présent la mesme chose, faulte de ce faire, proteste de nullité de tout ce qui s'est fait et se fera à son préjudice. Signé : Le Puillon procureur fiscal ; Laigneau procureur.

A aussy comparu Messire Guillaume du Bahuno, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, seigneur de la Demiville, assisté de Messire Gilles Rondel, son procureur. Lequel a desclaré qu'ayant eu advis de la présente assignation, il s'est présenté pour s'oposer du préjudice qu'il ne luy soit faict raison d'ung canton de terre soubs landes, joignant la baye dont est question, et n'empescher l'exécution du dessein de Messieurs de la Compagnie des Indes. Et a signé. Signé : Guillaume, du Bahuno ; G. Rondel, procureur.

Ledit Rondel se portant procureur de N. H. Guillaume Eudo, sieur de Kerornan, a desclaré s'oposer en préjudice qu'il ne soit payé de la valeur de douze seillons de terre luy appartenantz, joignantz la terre de Messire Jullien Bihel, estantz dans ledit lieu. Et a signé. Signé : Rondel, procureur.

Ledit Rondel se portant aussy procureur de Claude Le Venedi, Marye Le Fichant, veuve feu Mathurin Le Creff, faisant tant pour elle que pour ses enfants présents. Lequel a déclaré qu'ils sont hommes domainiers de Messire Pierre Poullain, seigneur de Kerhollein et le Faouëdic, à cause de sa terre de Faouëdic, et s'opposent aussi que fin rien.

Ledit Laigneau se portant procureur de Claude Le Venedy a dict qu'il possède à convenant soubz la seigneurie du Faouëdic, une parcelle de terre, et requiert qu'il luy soit faict raison suivant l'estimation des priseurs.

Ledit Rondel se portant aussi procureur de Jan Le Honsec, dict qu'il possède trois parcelles de terre audict endroit, et demande aussy estre récompensé, suivant ladite estimation lesquelles il possède à domaine congeable soubz ladite seigneurie du Faouëdic.

Ledit Rondel, procureur de Jan Ezvan du Rouczau en Plemeur, dict qu'il appartient audit Ezvan deux parcelles de terre par herittage audit endroit, et requiert en estre payé suivant l'estimation qui en sera faicte par lesdits priseurs.

Ledit Rondel, procureur de Gabriel Le Hervé, a requis aussy estre recompansé suivant ladite estimation d'une parcelle de lande luy appartenante par herittage audit endroit.

Ledit Rondel, procureur de Yvon Hervé, a requis en estre recompensé d'une parcelle de terre lui apartenante par herittage audit droit.

Ledit Rondel, procureur de Guillaume Hervé, a aussy requis estre payé de la valeur d'une parcelle de terre luy appartenante par herittage audit endroit.

Ledit Rondel, procureur de Guillaume Le Venedy, a requis aussy estre recompansé de ce qu'il luy peult apartenir pour une parcelle de terre qu'il possède audit lieu à convenant soubz le sieur de Kermadio, et pour ledit Claude Le Venedy pour une parcelle de terre qu'il tient soubz ledit sieur de Kermadio aussi à convenant, et un autre en fondz d'herittage, et deux autres parcelles de lande que ledit Venedy possède soubz la seigneurie dudit Faouedic.

Ledit Rondel, procureur de la veuve de Jacques Sallo, desclare posséder une parcelle de terre audit endroit soubz damoiselle Jaquette Juzel, dame du Pou.

Ledit Rondel, procureur du noble homme Jan Couttin, sieur de Botmen, a requis estre aussy recompansé et payé de la valeur d'une grande parcelle de pré estant sittuée audit endroit et possédé à titre de convenant par Guillaume Hervé.

Ledit Rondel, procureur d'Estienne Millio, desclare aussy posséder une parcelle de terre audit endroit par herittage, et requiert en estre payé suivant l'estimation qui en sera faicte.

Ledit Rondel, procureur de Marc Guillonic, desclare aussy qu'il luy apartient une parcelle de terre par herittage audit endroict, et requiert en estre payé suivant l'estimation qui en sera faicte.

Ledit Rondel, procureur de Jullien Bihel et Yves Hervé, desclare aussy qu'il leur appartient une parcelle de pré audit endroit et requiert en estre recompansé de la valeur d'icelle.

Ledit Rondel, procureur de Marie Le Fichant, veuve feu Mathurin Le Creff, a desclaré posséder deux parcelles de terre audit endroit, à domaine congéable soubz la seigneurie du Faouëdic, et requiert en estre récompansé du préjudicé qu'il peult souffrir par la séparation desdites parcelles de sa tenue. Signé : Rondel.

Desquelles déclarations et protestations avons décerné acte aux parties à valoir et servir comme appartiendra et sans y préjudicier, ouy le Procureur du Roy en ses conclusions a esté deffault jugé vers les non comparans aux fins de la sentence rendue en l'audience du jeudi 26e du présent mois portante la présente assignation aparue par ledit Marquer audit nom, pour record du présent par le profilt duquel faisant droit entre les parties comparantes a esté ordonné que, conformément à la sentence de l'exécution dont est cas, il sera présentement procédé au procès-verbal et desbornement tant de l'étendue de ce que peut couvrir la mer dans la baye sittuée entre deux pointes de rochers donnant sur le canal de la rivière qui conduit vers les terres du Faouëdic, chasteau de Treizfaven, pour aller à Ponstcorff, que des terres joignantes la baye, requises nécessaires pour l'establissement des magazins et chantiers pour construire des vaisseaux pour Compaignie des Indes Orientalles, suivant et conformément à la desclaration de Sa Majesté, obtenue par ladite Compaignie, donnée à Fontainebleau, le mois de juin dernier, aparue par ledit sieur Langlois, Directeur général et Commissaire député par la Compaignie pour l'establissement du commerce des Indes Orientales en la ville du Port-Louis et autres lieux le long de la rivière qui conduit vers la ville de Hennebont que celle de Pontscorff, pour passer de la désignation que ledit sieur de Langlois aura fait de la quantité de terre ferme nécessaire pour ledit establissement estre procédé en nostre présence et dudit Procureur du Roy au mesurage, prisage et estimation de ladite estendue de terre par lesdits Marquer, Cadic et Perrier priseurs convenus par les parties et doné d'office par ladite sentence dudit jour vingt-sixième du présent mois, auxquels présents fait lever la main et leurs serments prins de se bien et fidellement comporter audit mesurage et estimation, ce qu'ils ont promis et jurez faire.

Et procédant au desbornement de ladite baye et terres adjaçantes, nous a le sieur Langlois requis acte et lui avons donné pour apuré que ladite baye est sittuée entre deux pointes de rochers qui couvrent ladite baye et ance en forme de croissant dans la longueur de laquelle il s'est trouvé de mesurage entre les deux pointes de rochers le nombre de cent soixante-quatre toises, et de largeur lors des plus basses marées, depuis le canal de ladite rivière jusqu'à la terre ferme au plus large de ladite baye, trante et six toises lors des plus grandes marées. A vis de laquelle baye avons donné pour apuré y avoir de l'autre côté du canal comme il paroist presantement à la basse mer une grande estendue de vaze laquelle joint de l'autre costé les terres sittuées en la paroisse de Caudan, laquelle, lors de la plaine-mer peut contenir de largeur depuis le canal jusques aux terres de Caudan quatre cents toises. Et le requérant ledit sieur Langlois avons fait planter des picquets poux servir de bornes le long de l'estendue de ladite baye pour servir de séparation de ce que paroist le lict dans ladite baye et que les grandes marées couvrent suivant le rapport desdits priseurs et desclarations de plusieurs personnes trouvées sur les lieux et dudit lieu. Ledit sieur Langlois nous auroit conduict dans l'estendue de terre soubz lande raze et bruières qu’il nous a desclaré estre nécessaire pour ledit établissement et qu'il désire faire enfermer et clore soit de murailles ou fossés pour le bien et seureté dudit lieu. Pour cest effet il nous a fait voir un petit creu de fossé servant de séparations entre les terres et lande qui environne ladite baye et autre canton de lande plus grande laquelle est au-dessus dudit fossé servant de séparation entre les terres et landes qui environne ladite baye et autre canton de lande plus grande laquelle est au-dessus dudit fossé qui donne vers le couchant et conduict vers le moulin du Faouëdic et villages voisins. Depuis lequel fossé et le long d'icelluy en dessandant jusques au chemin qui est sur le bord de certaine vaze que la mer couvre au-delà la pointe de rocher et montagne du costé du Faouëdic avons faict apozer des picquetz de bois pour déborner, depuis lesquels, en remontant ledit fossé jusques à vis de la pointe de la montagne appellée la montagne du Faouëdic, en traversant et remontant vers ladite pointe à l'Orient avons en pareil fait planter d'autres picquetz jusqu'à un chemin qui est sittué environ le milieu de ladite montagne et qui conduit en dessandant jusques à la pointe du rocher qui est à l'entrée de la rivière qui conduict à Pontscorff et qui couvre la première pointe de la dite baye. Et après ladite désignation et picquetz cy-dessus faictz poser en présence desdits priseurs, ils auroient vacquez au mesurage de ce qui s'est trouvé de terre dans ladite estendue de lande. Lesquelz priseurs nous ont raportez qu'il se trouve de ferme dans ce qui nous a esté montré le nombre de quinze journaux sept cordes ou arpantz de terre, chaque journal compozé de quatre-vingt cordes à vingt-quatre piedz la corde suivant le mesurage de la province. Et ont lesdits priseurs estimé chaque journal à la somme de quatre-vingt livres sans comprendre les mottes, landes et bruières desquelles les particuliers pourront disposer ceste fois seullement.

Et sur ce que plusieurs paisantz se sont presentez et nous ont declarez que dans l'estendue dudit mesurage il leur appartient à chacun des parcelles de terre les uns en propre et les autres à domaine comme dépendantes de leurs tenues, ils auraient requis que mesurage et estimation séparée serait faict par les priseurs de leurs parts et portion pour passé de ce estre payez de chacun leurs portions. Sur quoy faisants droit, et ouy le Procureur du Roy en ses conclusions, avons ordonné aux priseurs de vacquer audit mesurage par canton de ce qui peut appartenir auxditz opposantz à servir comme apartiendra. A quoy ils ont vacquez par cahier séparé du présent jusqu'à l'heure de six heures à laquelle nous nous serions retirez, et ordonné auditz priseurs de parachever le mesurage et prisage pour la division des portions de parcelles et de nous raporter ledit cahier.

De tout quoy avons décerné acte à valloir et servir comme apartiendra.

Faict et rédigé le présent procès-verbal en présence du seigneur de Beauregard-Chabris, lieutenant pour le Roy au gouvernement du Port-Louis ; de N. G. Varz, syndic de la communauté de Hennebont ; Thomas Dondel, sieur de Brangollo soubz notre signe, dudit sieur Procureur du Roy, dudit seigneur de Beauregard, dudit sieur Langlois, desdits Marquer, Cadic, Perrier, Varz, Dondel et de-nostre adjoint ».
(Ont signé à l'original :) « Paul du Vergier ; Charles de Rabeau ; Beauregard Chabris ; Jan Le Govello ; Langlois ; Dondel ; Laigneau ; Rondel ; Bréart ; Marquer ; Le Milloch, greffier ; Perrier ».

PROCÈS-VERBAL
De mesurage par parcelles, du Chantier de la Compagnie des Indes.

« Mesurage arpentage et estimation du fonds d'une portion de lande au lieu nommé Roshellec-Bec-er-Roheau en la paroisse de Pleumeur au fieff de Monsieur le prince de Guémené, pour cause de sa terre et seigneurye de la Rochemoysan faict à requeste de Messieurs les Directeurs généraux de la Compagnie des Indes Orientalles de France, représentée par le sieur Denis Langlois l'un desditz Directeurs, suivant l'ordonnance rendue, en la cour royalle de Hennebont le vingt et sixiesme aoust mil six centz soixante et six entre ledit sieur Langlois et.... et convention faicte de nous soubz signantz priseurs et arpenteurs royaux et ordinaires audit Hennehond, et y avons procédé audit mesurage comme ensuilt, en présence dudit sieur Langlois.

Une portion de lande au lieu nommé Roshellec-Bec-er-Roheau, à prandre à la ballisse planté, proche l'anse ou baye que la mer couvre et qui vat au Faouedic-Lisivy et en allant à droite ligne à une autre ballisse planté vers le hault de ladite lande et continuant de ladicte ballisse jusques au hault et éminanse de ladite portion de lande ainsi que l'on l'a trassé, et dudit lieu continuant le long d'un chemin vert jusqu'à la pointe de ladite lande quy faict l'entrée de la rivière de Pontscorff, et continuant de ladite pointe à aller le long du rivage de ladite rivière jusques à la pointe et entré de ladite baye de Faouedic-Lisivy. Après plusieurs et divers mesuraiges avons trouvé par les ballisses, picquetz, trasses et chemin le tout de ladite portion contenir en fonds, le nombre de douze cents sept cordes, faisant quinze journaux sept cordes en fonds, cy 15 journaux 7 cordes.

Lacquelle dicte portion de lande est profillé par plusieurs et divers propriétaires particuliers, tant par heritaige que à tiltre de convenant par les cy après nommez, en chaque article et qui nous ont requis mesurer chaque portion séparée.

Et premier.

Une portion de lande à prendre près la ballisse proche la baye du Faouedic-Lisivy profilté à convenant par Claude Le Venedy soubz ladite seigneurye, ladite portion contenant en fondz soixante et quatre cordes, cy 64 cordes ..... 64.
Autre portion de lande au levant de la précédente, profilté épar Jan Le Honsec à convenant, icelle contenant cinquante et six cordes, cy 56 cordes ..... 56.
Aultre parcelle de lande au midi de la précédante profilté audit titre de convenant par ledit Le Honsec laquelle contient en fonds quarante et une cordes, cy 41 cordes .... 41.
Une autre parcelle de lande au levant de la précédente profilté par heritage par Jean Evan du Roneau en Plemeur ainsi qu'elle est bornée contenant en fonds vingt et huit cordes, cy 28 cordes ..... 28.
Plus une autre parcelle profilté par ledit Evan au nort de la précédante aussy par herittage contenant en fonds par les endroits nous montrés quarante et huict cordes, cy 48 cordes .... 48.
Autre parcelle de lande proffiltée par hèritaige par Gabriel Hervé, contenant en fonds traize cordes, cy 13 cordes .... 13.
Une autre parcelle de lande au levant de la précédente, terre héritaige proffilté par Yvon Hervé, contenant en fonds dix sept cordes, cy 17 cordes ..... 17.
Autre parcelle de lande au midy de la précédante, terre d'heritage proffilté par Guillaume Hervé contenant en fonds dix neuff cordes et demy, cy 19 cordes et demy .... 19 1/2.
Plus une autre parcelle de lande au midy de la précédante proffilté à convenant par Guillaume Le Venedy soubz le sieur de Quermadio [Note : Vincent Beaujouan, écuyer, sieur de Kermadio (en Kervignac), demeurait à Hennebont. Il acheta vers 1615 une charge de maître ordinaire en la chambre des comptes de Nantes et peu de temps après il embrassa l'état ecclésiastique] contenant en fonds cent quinze cordes, cy 115 cordes. ..... 115.
Autre parcelle de lande proffilté par ledit Le Venedy à, pareil tiltre soubz ledit sieur de Quermadio, contenant en fonds vingt et six cordes, cy 26 cordes .... 26.
Une parcelle de lande profilté par la veufue de Jacques Salo soubz mademoiselle du Pou Eudo [Note : Demoiselle Jacquette Juzel, veuve de N. H. Louis Eudo, sieur du Pou, demeurait à Hennebont. Son mari et elle ont été inhumés des la chapelle des Carmes à Hennebont, où la famile Eudo avait un enfeu], à convenant, au midy de la précédante, contenant en fonds cinquante cordes, cy 50 cordes. ..... 50.
Plus une autre parcelle de lande à presant proffilté à convenant par Morice Le Tiec soubz la seigneurye de Quermadehouay, contenant en fonds vingt cordes, cy 20 cordes.... 20.
Autre parcelle de lande proffilté à convenant par Guillaume Hervé soubz le sieur de Botmen [Note : N. H. Jean Couttin sieur de Bot-er–men ou Bot–men (en Plœmeur), marchand à Hennebont Son frère Jacques et lui étaient les correspondants de l'intendant de la marine à Brest, pour des fournitures de bois, fers, chanvres et autres approvisionnements que l’arsenal de Brest tirait d'Hennebont. L'église neuve de Kerentrech a été bâtie sui un terrain dépendant de Bot-er-men], donnant du midi à terre du Faouedic, et du nort à terre de Marc Guelluic, contenant en fonds cent trente cinq cordes, cy 135 cordes. ..... 135.

Du premier jour de septambre mil six centz soixante et six.

Une parcelle de lande proffilté par heritage par Estienne Messio, contenant en fonds trante et trois cordes, cy 33 cordes .... 33.
Autre portion de lande d'héritaige proffilté par Marc Guilleouic contenant en fonds vingt et six cordes, cy 26 cordes … 26.
Autre parcelle de lande despendant de la metherye du Faouedic- Lisivy, contenant en fonds trante cordes cy 30 cordes .... 30.
Autre parcelle de lande joignant la précédante appartenante en fondz d'héritaige au sieur de Queroman Eudo, contenant en fondz vingt cordes, cy 20 cordes… 20.
Une autre parcelle de lande terre d'heritaige proffilté par Claude Le Venedy, contenant en fondz vingt et quatre cordes, cy 24 cordes... 24.
Autre parcelle de lande, terre d'heritaige proffilté par moittyé par maistre Julien Bihel, et Yves Hervé, contenant en fondz par les endroits nous montrés quarante trois cordes, cy 43 cordes ..... 43.
Plus autre parcelle de lande proffilté à convenant soubz ladite seigneurye du Faouedic-Lisivy par Marye Le Fichant veufue de Mathurin Le Creff, contenant en fonds cent trente huit cordes, cy 138 cordes.
Autre parcelle de lande proffilté à convenant par Jan le Honsec soubz la seigneurye du Faouedic-Lisivy, contenant en fonds cinquante et cinq cordes et demy, cy 55 cordes et demy ....... 55 1/2.
Une autre parcelle de terre soubz lande proffilté à titre de convenant par Claude Le Venedy soubs ladite seigneurye du Faouedic-Lisivy contenant en fonds quatre-vingt dix-huict cordes et demy, cy 98 cordes etdemy .... 98 1/2.
Autre parcelle de lande en triangle proffilté par ladite Marye Le Fichant à tiltre de convenant soubz ladite seigneurye de Lisivy, contenant en fonds vingt et quatre cordes, cy 24 cordes ..... 24.
Autre parcelle de lande proffilté à tiltre de convenant soubz ladite seigneurye de Lisivy, par ledit Claude Le Venedy, contenant en fondz soixante et dix-huict cordes et demy, cy 78 cordes et demy… 78 1/2.
Toutes lesqueles portions de landes cy devant mesuré sur la montré qui nous a esté faict par les propriétaires et dommaniers desditz portions que voisins des environs et le tout meurement considéré, avons trouvé le journal de terre sous lande audit lieu valoir une fois payé somme de quatre vingtz livres tournois qui est à raison de vingt soulz la corde sans en comprendre les landes, litières et mottes qui sont à présent en essance dont les particuliers en disposeront chacun en droit soy.
Auquel mesuriage, prisage et estimation cy-dessus avons esté occupé, tant sur les lieux que sur le tapy les dernier d'aoust, premier et second de septambre mil six centz soixante et six soubz nos signes »
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(Ont signé à l'original : ) « Perrier ; A. Marquer ; Cadic ».

III.

Les documents précieux qui précédent ne contiennent pas, malheureusement, quoique fort longs, suffisamment de détails pour permettre au lecteur de se rendre compte des opérations décrites par le sénéchal d'Hennebont ; et, d'un autre côté, le plan des lieux au moment de cet événement nous est inconnu, à supposer qu'il ait existé. Nous allons donc essayer de suppléer à cette regrettable insuffisance des textes et à cette lacune, en reconstruisant, autant qu'une longue et laborieuse étude des lieux a pu le permettre, la configuration du berceau primitif de Lorient.

A l'extrémité méridionale de la presqu'ile du Faouëdic, le flot de la mer venait se briser sur des rochers qui faisaient donner à ce petit promontoire le nom de Bec-er-Roshellec-er-Roheau, expression bretonne qui signifie : Bec de Roshellec des Rochers, ou mieux : Pointe des Rochers de Roshellec. Ce fut l'endroit où le sénéchal d'Hennebont descendit de bateau, le mardi 31 août 1666. De cette pointe partait un chemin conduisant dans l’intérieur des terres en gravissant à peu près par le sommet une colline qui dominait l'entrée de la rivière, et sur laquelle ont voit aujourd'hui la haute tour du port. Cette colline se nommait Rohellec, ou Ros-hellec, nom breton dont la signification n'est pas exactement connue, mais que nous croyons, sans vouloir entrer ici en discussion à ce sujet, signifier : Tertre, ou Colline du Guetteur, du Surveillant ; c'est-à-dire, lieu élevé d'où l'on pouvait surveiller la rade, les deux rivières du Scorff et du Blavet et la haute mer. D’où il suit que cette colline n'aurait jamais cessé de mériter de porter le nom significatif de Roshellec qu'elle a cependant perdu depuis très longtemps.

Le chemin en question est nommé le Chemin vert par le sénéchal d'Hennebont ; c'était donc une voie couverte de gazon, c'est-à-dire habituellement peu fréquentée.

Ceci étant reconnu, retournons aux rochers de la pointe de Roshellec.

Partant de cette extrémité et remontant le Scorff le long d'une plage légèrement échancrée, on parvenait à une petite baie affectant la forme d'un croissant, dont l'ouverture mesurait 164 toises, soit environ 320 mètres de longueur : elle se nommait la baie de Roshellec, du nom de la colline que l'on connaît. Les deux pointes de ce croissant se trouvaient placées, l'une où existe actuellement la porte grillée de l'arsenal, dite de l'amiral ; et l'autre à l'emplacement de la machine à mâter les vaisseaux.

Plan de Lorient (Bretagne).

Remontant encore le Scorff, on entrait, au détour de cette dernière pointe, dans une seconde baie beaucoup plus vaste que celle de Roshellec et pénétrant davantage dans les terres ; c'était la baie du Faouëdic, du nom du vieux manoir que l'on connaît, situé sur ses bords, dans la partie septentrionale. Mais la baie du Faouëdic n'était à marée base qu'une vaste étendue de vases, et même elle laissait à découvert un certain nombre de petits îlots qui n'étaient complètement immergés qu'à l'époque des hautes marées de l'équinoxe ; cependant deux ou trois profondes découpures permettaient aux barques d'accoster au rivage, même à marée basse, dans cette partie de la rivière.

A l'extrémité de la pointe de la mâture venait aboutir un chemin que longeait le rivage de la baie du Faouëdic ; c'était « le chemin sur le bord de certaine vase que la mer couvre », du procès-verbal du 31 août. Les anciens titres indiquent ce même chemin ; ce n'est pas chemin vert, c'est chemin rouge qu'on le nomme : hent-an-aot-ru, chemin de la côte rouge, à cause de la couleur de l'argile qui forme le sous-sol de cette partie de la ville et du port.

Ce fut sur le bord de ce deuxième chemin que le sénéchal d'Hennebont planta le premier jalon qui devait fixer les limites du chantier de la Compagnie des Indes ; à quelle distance de l'extrémité de la pointe de la mâture cette première ballisse, selon l'expression du procès-verbal, fut-elle plaçée ? C'est ce qu'il est impossible de déterminer. Toute cette partie de l'arsenal a été agrandie et transformée, et pas un édifice remontant à l'origine de cet établissement n'existe depuis très longtemps. Ce n'est donc qu'arbitrairement que l'on peut aujourd'hui tracer la ligne suivie par le sénéchal, et le petit creu de fossé pratiqué par Denis Langlois, pour indiquer l'enceinte de l'établissement de la Compagnie. Tout fait penser cependant que le point de départ, le premier jalon des limites parallèles à la rivière, dut être situé au carrefour actuel de la Direction de l'Artillerie, et que cette ligne se prolongea jusqu'au delà de la colline de Roshellec, à la hauteur de la préfecture maritime, pour se retourner à angle droit dans la direction du sommet de cette colline où elle rencontrait le Chemin vert, et d'où elle descendait jusqu'à l'entrée du Scorff en suivant ce même chemin. C'est du moins ainsi que nous interprétons ce passage du procès-verbal du 31. août : « Remontan ledit fossé jusques à vis de la pointe de la montagne appelée la montagne du Faouëdic, en traversant et remontant vers ladite pointe à l'orient, avons en pareil fait planter d'autres piquets jusqu'à un chemin qui est situé environ le milieu de ladite montagne et qui conduit en descendant jusqu'à la pointe du rocher qui est à l’entrée de la rivière qui conduit à Pontscorff et qui couvre la première pointe de ladite baye (de Roshellec) ».

Le sénéchal avait dirigé sa marche du nord au sud jusqu'à ce qu'il rencontrât sur sa gauche le sommet du Roshellec ; alors, se retournant de ce côté, il monta vers ladite pointe, à l'orient.

Il paraît à peu près certàin que les deux chemins qui se trouvaient aux deux extrémités nord et sud du chantier de la Compagnie furent laissés, pour permettre l'accès de la rivière et de la rade, en tout temps et à toute marée à la batellerie du pays. Mais cette liberté fut de courte durée, ainsi qu'on le verra prochainement.

En résumé, le chantier de la Compagnie des Indes-Orientales fut établi sur un terrain de douze cent sept cordes de surface, à l'embouchure du Scorff, dans une petite baie dont le bassin de radoub n° 1 forme assez exactement le centre ; il coûta douze cent sept livres tournois.

Cet événement auquel la ville de Lorient doit son origine, date du 31 août 1666, et s'il faut y ajouter le nom d'un fondateur, c'est un bourgeois de Paris qu'il faut nommer : Denis Langlois, bourgeois et marchand de Paris, l'un des directeurs généraux de la Compagnie des Indes-Orientales, pris dans le corps des principaux marchands.

Sur ces douze cent sept cordes de superficie, appartenant à une quinzaine de propriétaires, qui tous reçurent le prix de leur terrain ; sur cet obscur et étroit espace du vieux sol breton où allaient se manifester bientôt les merveilles de l'industrie et de l'activité humaine, l’œil ne distingue aucune habitation, nul édifice, nul vestige ; tout était nu, inculte, envahi par les rudes ajoncs et les rustiques bruyères.

Enfin, en présence des procès-verbaux officiels qui viennent d'être reproduits, toutes les erreurs accumulées autour du berceau de Lorient tombent d'elles-mêmes, plus de fables, plus de mensonges [Note : On fait ici allusion à l'existence apocryphe du château de Loc-Roch-yan et de la chapelle de Lorient, admise par la plupart des historiens, et que nous avons combattue avec raison, on peut en juger aujourd'hui, dans la notice du Faouëdic-Lizivy déjà citée. Il est une autre erreur non moins invétérée, c'est celle qui attribue à Thomas Dondel, sieur de Brangolo, ancien syndic et commerçant à Hennebont, la création de l'établissement de Lorient. Cette erreur a été récemment reproduite en ces termes, en séance du Conseil général du Morbihan. : .... « Alors que l'ancienne administration dotait la France de ses grands ports, sources de nos richesses, la Compagnie des Indes fut sur le point de prendre Conlo et la baie de Kerdelan pour y établir ses chantiers, ses magasins ; puis la baie de la Trinité. Et, si enfin, elle se décida pour l'embouchure du Blavet (sic), quelle fut la cause de cette préférence ? Pourquoi la ville de Lorient fut-elle bâtie sur ce point plutôt que sur tel autre ? Parce que M. Dondel du Faouëdic, à qui ce terrain appartenait, en fit gratuitement l'abandon pour la construction de ses chantiers et de ses magasins.... » — Procès-verbal de la session du Conseil général du Morbihan de 1865, p. 178. Dondel assiste aux opérations dit 31 août 1666, mais c'est au même titre que Vartz, syndic d'Hennebont, et que Bréart, de Port-Louis, beau-frère de Dondel, comme actionnaire peut-être de la Compagnie des Indes, et faisant partie d'une commission chargée d'assister Denis Langlois. Quoiqu'il en soit, Dondel ne possédait pas un pouce de terrain au Faouëdic en 1666 ; on verra bientôt qu'il ne devint acquéreur de ce petit fief, en société avec de La Pierre, son beau-frère, que le 15 juillet 1667], et cette jeune, et belle cité bretonne, plus heureuse sous ce rapport que la plupart des villes, aura désormais ce que l'on peut appeler un acte de naissance authentique, daté du 31 août 1666.
(M. Jégou).

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