Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

ATTAQUE DE LORIENT PAR LES ANGLAIS EN 1746

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Lorient"      Retour page "Famille Bouëtiez"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Le trente septembre 1746, l'escadre anglaise commandée par l'amiral Lestock parut à la pointe occidentale de l'Ile de Groix ; elle louvoya tout le jour avec les vents du N.-O. pour s'approcher de la côte, entre la pointe du Talut et l'embouchure de la rivière de Quimperlé ; elle était composée alors de 44 voiles ; elle jeta l'ancre à l'entrée de la nuit à une portée de canon du rivage.

Comme les troupes destinées à garder la côte en avaient été congédiées le 15 septembre, les premiers soins des capitaines et des officiers fut de les y rassembler ; on leur envoya des magasins de Lorient les munitions nécessaires avec deux pièces de canon de fonte de six livres de balles ; malheureusement cette précaution fut inutile, les garde-côtes de cette province n'étant pas assujettis à se munir des fusils du calibre des autres troupes, les cartouches ne purent servir ; de sorte que la plupart se virent hors d'état de tirer.

On travailla en même temps à Lorient à tout ce qui pouvait contribuer à la défense de la ville ; sa situation sur une péninsule ou langue de terre environnée de la mer du côté du septentrion, de l’Orient et du midi, rend ces différentes parties d'un difficile accès à l'exception de deux endroits que l’on peut passer de mer base.

La partie occidentale est fermée d'une simple muraille de pierres nonvellement élevée et encore imparfaite ; elle est flanquée de deux tourelles et terminée par deux demi-bastions, et le rempart n'est point encore achevé. On y fit établir avec toute la diligence possible, plusieurs plates-formes pour les batteries, et le canon y fut conduit de l'arsenal de la Compagnie de même que les munitions ; MM. Saint-Pierre, ingénieur, Guillois et Vignon, architectes des travaux de la Compagnie, furent chargés de la disposition générale de cet ouvrage, et les capitaines des vaisseaux préposés pour commander les batteries les firent exécuter.

Le samedi, 1er octobre, dès le matin, on vit les ennemis faire les préparatifs du débarquement, et il leur arriva encore sept bâtiments de transport ; les vents soufllaient de la partie du Nord, la mer n'était point agitée, de sorte qu'ils pouvaient aisément aborder la côte.

Le principal détachement de la garde-côte, composé d'environ 900 hommes était posté au Lock, où l'on prévoyait que les ennemis auraient mis pied à terre. On avait placé sur la gauche environ 300 hommes, ventre à terre, attendu qu'il n'y avait aucun retranchement pour les couvrir.

A 4 heures après-midi, heure de la pleine mer, les ras et les chaloupes des Anglais remorqués par les canots des vaisseaux s'avancèrent vers le rivage, soutenus de l'artillerie de 4 frégates qui s'étaient approchées à demi-portée de canon du bord.

Les ennemis qui s’étaient aperçus de notre disposition, au lieu de débarquer au Lock voguèrent vers la gauche vis-à-vis des 300 hommes. Ceux-ci prirent aussitôt la fuite, et leur exemple fut suivi par le principal détachement, malgré les soins que se donnèrent leurs officiers pour les arrêter et les rallier. Les Anglais, au nombre de 4.500 hommes mirent pied à terre sans rencontrer aucun obstacle ; ils marchèrent vers la plaine et y formèrent un bataillon carré.

Quatre compagnies des dragons du régiment de l'Hôpital, commandés par leur colonel, et trois compagnies de cavalerie du régiment Deudicourt qui devaient soutenir la garde-côte, se contentèrent d'être spectateurs de leur déroute, et se réfugièrent à Lorient avec eux, suivis d'un grand nombre de paysans des villages circonvoisins ; la précipitation de leur retraite ne leur permit pas vraisemblablement de remarquer que le terrain leur offrait en plusieurs endroits des défilés bien retranchés, où ils auraient facilement pu arrêter l'ennemi.

Le comte de l'Hôpital prit ce jour le commandement de la place, en l'absence du comte de Volvire, commandant de la Haute-Bretagne.

Le premier soin des ennemis fut de s'emparer du bourg de Guidel, éloigné de trois quarts de lieue de l'endroit du débarquement ; ils se contentèrent d'y placer un détachement de 150 hommes. Sous cette simple garde, M, de Saint-Clair, le colonel major, deux autres colonels, et environ 25 à 30 officiers, y prirent leur logement. Tandis qu'ils soupaient fort tranquillement dans le presbytère, 5 à 600 paysans armés de fusils et de fourches, et conduits par un sergent de milice, s'approchèrent du bourg et obligèrent la garde avec les officiers de se retirer dans le cimetière ; ils s'y virent bientôt forcés, et contraints de se réfugier dans l'église avec le recteur ou curé qu'ils avaient gardé avec eux ; sur-le-champ, le sergent conseilla aux paysans de les y brûler, et d'y employer un tas de fagots du curé qui étaient tout proche. Cet avis fut goûté des plus déterminés, mais les autres s'imaginant que ce serait un crime des plus énormes les en détournèrent, et toute réflexion faite, contents de leur victoire, ils se retirèrent vers Quéven. Pendant la nuit, le reste des troupes et l'artillerie débarquèrent.

Le dimanche, 2, les ennemis s'avancèrent au bourg de Ploemeur, éloigné d'une lieue de Lorient ; ils y firent quelques dégâts pour se venger de la résistance de quelques paysans qui s'étaient retranchés dans le cimetière ; l'église ne fut pas exceptée, ils y brisèrent plusieurs images.

A 8 heures et demie du matin, on amena à Lorient un soldat irlandais qui disait avoir déserté pour s'y réfugier ; il déclara que l'escadre anglaise était composée de 9 vaisseaux de ligne, 6 frégates, 2 galiotes à bombes, et d'environ 36 bâtiments de transport ; que les troupes consistaient en 6 régiments d'infanterie de 1.000 hommes chacun, sous les ordres de M. de Saint-Clair.

A 3 heures de l'après-midi, l'armée parut sur une hauteur, nommée la lande de Laneveur, distante de deux tiers de lieue à l'occident de la ville ; elle marchait sur trois colonnes et se rangea en bataille dans un vallon au pied.

La lenteur de leur marche nous fut favorable pour achever les travaux pour la défense, et remédier au mauvais état des fortifications. Il arrivait des milices de toutes parts, auxquelles on distribuait des armes et des munitions, dont heureusement les magasins de la Compagnie se trouvaient fournis.

Plusieurs paysans ayant paru de bonne volonté pour aller au-devant de l'ennemi, on en fit sortir 400 avec quelques dragons à leur tête ; mais sitôt qu'ils virent le nombre des Anglais et leur contenance, ils ne voulurent plus donner et rentrèrent de même qu'un détachement de 200 hommes qu'on avait fait sortir quelque temps après pour les soutenir.

Le mauvais succès de cette première démarche qu'on aurait dû prévoir, découragea entièrement M. de l'Hôpital et tous les officiers qui composaient le conseil de guerre, et la plupart furent d'avis d'offrir dès lors une capitulation ; les remontrances de MM. du Velaer et Godheu suspendirent l'effet de cette délibération précipitée.

Le lundi, 3, à 9 heures du matin, il arriva un tambour de la part du général anglais pour sommer la ville d'envoyer des députés ; cet officier fut reçu avec politesse, et renvoyé avec promesse de satisfaire à sa demande.

En effet, peu de temps après, on envoya le major du régiment de l'Hôpital en qualité de député pour le roi ; M. Le Godheu, pour la Compagnie, et M. de Montigni, procureur du roi, et subdélégué pour les habitants.

Le colonel-major, qui commandait au camp des Anglais, les reçut poliment ; mais on ne put rien arrêter, vu l'absence de M. de Saint-Clair ; on convint seulement d'une suspension d'armes jusqu'au lendemain 7 heures.

Le mardi, 4, nos députés retournèrent au camp ; le général qui y était alors leur déclara avec fierté qu'il ne connaissait ni la Compagnie ni les habitants ; que la ville et le port étaient au roi de France ; qu'il avait ordre du roi, son maître, de les demander à discrétion ; que c'était la seule capitulation qu'il voulait accorder ; il ajouta : « Le roi de France a obligé les villes de Gand et de Bruges de se rendre sur le même pied ; le roi d'Angleterre est en droit d'exiger les mêmes conditions ».

Telle fut la réponse de M. de Saint-Clair avec sommation de lui faire savoir dans trois heures notre dernière résolution ; comme on reçut alors la nouvelle de l'arrivée prochaine du comte de Volvire, le conseil de guerre ne délibéra point ; on dépêcha seulement un officier de cavalerie au général anglais pour lui déclarer que la ville ne voulait point accepter des conditions aussi dures, il répliqua qu'il attaquerait dès le lendemain.

A 9 heures du matin, le marquis d'Eudicourt, colonel de cavalerie, et M. de La Berais, commandant de la milice, arrivèrent à Lorient suivis successivement de plusieurs gentilshommes et détachements de milice qui s'y rendaient de toutes parts ; de façon que ce jour à midi on pouvait compter dans la place 8.000 hommes de milice avec leurs officiers, 6 compagnies de dragons, 5 compagnies de cavalerie, 300 hommes de la compagnie de Besson, 380 hommes du bataillon du port, 50 canonniers, 200 matelots de l'équipage de le frégate la Valeur qui servaient de canonniers sur les batteries, et 200 volontaires.

M. le marquis de Tintiniac, qui était venu à Lorient dès le lendemain du débarquement des Anglais et qui se portait avec zèle à tout ce qui pouvait contribuer à la défense de la place, proposa et fit placer une batterie de 12 pièces de canons du côté du moulin à eau pour défendre l'endroit des vases par où les ennemis pouvaient aisèment passer à mer basse et venir dans la ville ; cette précaution était d'autant plus utile que le demi-bastion qui terminait la muraille de ce côté là n'étant point rempli ; on ne pouvait y monter du canon.

Plusieurs officiers, portés pour le bien du service, proposèrent au conseil de guerre une sortie générale. Le succès paraissant d’autant plus assuré que l'ennemi n’était point retranché, et qu'on pouvait en même temps l'attaquer de différents côtés et lui couper la communication du bord de la mer. M. le comte de Kersalu, qui était aux environs de Quéven à la tête de 4.000 hommes de milice avait envoyé offrir de donner sur l'arrière–garde ; il y avait aussi 2.500 hommes du côté du Port-Louis qui n'attendaient que le signal pour les attaquer d'un autre côté ; ce sentiment était celui de M. Deschamps, lieutenant de roi du Port-Louis. Malgré cela, et quelqu’avantageuses que fussent ces offres, le conseil de guerre ne les accepta point, et on renvoya la décision au comte de Volvire qui arriva enfin à 3 heures de l'après-midi. On s'était flatté que ce commandant rétablirait le bon ordre, qu'il prendrait des mesures convenables à la situation et à la conservation d'une place d'où dépendait celle de la province ; mais en vain, le même esprit qui avait régné jusques là subsistait encore, et prévalut toujours sur les conseils les plus salutaires ; alors le murmure devint général, et chacun se persuada qu’il y avait un dessein formé de livrer la province aux Anglais.

A 9 heures du soir, 40 gentilshommes et autant de volontaires vinrent offrir leurs services ; le comte de Volvire les renvoya à Vannes pour y joindre l'arrière-ban.

Le mercredi, 5, trois ou quatre frégates anglaises ayant été aperçues vers Locmariaker, y causèrent une alarme ; on crut qu'elles tentaient une descente à l'entrée de la rivière d'Auray, et cette nouvelle engagea le comte de Volvire à passer au Port-Louis pour y donner des ordres en conséquence ; mais peu de temps après on reçut des avis contraires, et le lendemain, ce commandant revint à Lorient.

Toute la journée fut employée aux ouvrages pour la défense de la place ; on comptait 86 pièces de canons de 8, de 12, de 18, et de 24 ; et la garnison, augmentée de plusieurs détachements de milice, montait alors à 15.000 hommes.

Les ennemis, de leur côté, étaient occupés à faire traîner du bord de la mer à leur camp 4 pièces de canons et un mortier ; la difficulté des chemins en retarda seule le transport, car on se garda bien de les troubler dans cette opération ; on se contenta seulement de faire sortir en différents temps quelques petits détachements qui, ne pouvant pas former aucune entreprise, revenaient toujours sans succès.

Le chevalier de Kermain qui sollicitait depuis deux jours de sortir avec les grenadiers de la compagnie de Besson, en obtint enfin 45 ; il fut accompagné de 18 dragons, commandés par un lieutenant ; ils marchèrent par un défilé vers un détachement des ennemis ; à peine étaient-ils au village de Calvin, éloigné d'une demi-portée de canon de la ville, que le lieutenant des dragons refusa de passer outre, et fut se poster derrière le village ; le chevalier de Kermain continua d'avancer, et un quart-d'heure après se trouva à portée des ennemis sur lesquels il fit deux décharges de pied ferme ; ceux-ci, qui étaient au nombre de 1.500, ne lui répondirent que par quelques coups de fusil pour l'amuser et l'engager plus avant ; sitôt que le chevalier de Kermain s'aperçut qu'ils défilaient le long des haies pour l'entourer, il fit sa retraite en bon ordre, et rejoignit le lieutenant de dragons avec lequel il pensa en venir aux mains pour le pas ; ils rentrèrent tous deux le soir dans la ville.

Pendant la nuit, les ennemis établirent une batterie de 4 canons de 12, et d'un mortier de 10 pouces à la droite du village de Kergrois, situé au S.-O. de la ville sur une éminence qui commandait cette partie, et qui n'en est éloigné que d'une portée de boucanier ; ils battaient précisément la ville de revers, et il n'y avait que 3 canons des murs qui pussent les incommoder. M. de Saint-Pierre, ingénieur de la Compagnie, avait proposé, dès la veille, d'y placer une batterie retranchée, mais le commandant n'ayant pas voulu lui donner le détachement qu'il demandait pour défendre ce poste, cet ouvrage quelqu'important qu'il fût ne fut point exécuté.

Le jeudi, 6, dès la pointe du jour, les ennemis commencèrent à tirer ; ils jetèrent quelques carcasses et bombes qui firent très-peu de dommages ; la précaution qu'on eut d'éteindre le feu à deux petites maisons sur lesquelles les deux premières avaient tombé, empêchèrent le progrès de l'incendie, et les autres ne firent d'autre effet que de blesser 5 ou 6 personnes. Le canon de la place ne cessa pas de tirer sur le retranchement des ennemis, et deux couleuvrines de fonte qui étaient placées sur la terrasse du jardin de M. de Saint-Pierre leur firent beaucoup de dommage ; ils cessèrent de tirer le soir, et la nuit se passa fort tranquillement de part et d'autres.

Vendredi, 7, le feu a recommencé le matin à 7 heures, et notre artillerie n'a discontinué de tirer ; celle des ennemis servie à boulets rouges ne nous a pas beaucoup incommodés, il n'y a eu en tout que 5 hommes et une femme tués et autant de blessés ; la bombe a percé deux maisons, la porte de l'église, et à fait tomber une cheminée près de l'hôpital de la ville où on avait établi, dès le commencement, le quartier général ; cet accident, qui ne méritait pas que l’on y fit attention, y causa l'alarme, et à 4 heures de l'après-midi, quoiqu'il n'y eût pas une pierre de la muraille de dérangée, on a assemblé le conseil de guerre et la capitulation a été signée, malgré les vives représentations de MM. Le marquis de Tintiniac et de La Berrais qui protestèrent hautement contre cette honteuse délibération. M. de Vinelle, ingénieur, qui se chargea d'y faire souscrire M. Deschamps, lieutenant de roi du Port-Louis en fut mal reçu, et ce commandant refusa d'y donner son consentement.

Cette capitulation qui portait en substance que la ville, le port, les magasins de la Compagnie et les vaisseaux seraient livrés à discrétion, et que les troupes du roi auraient la liberté de se retirer, révolta tous les esprits et tout ce qu'il y avait d'honnêtes gens furent d'avis de se sacrifier plutôt que de laisser entrer l'Anglais en ville ; ce sentiment devint le sentiment général, et le plus chétif paysan était déterminé à se faire mettre plutôt en pièces que de se voir livré aux ennemis. Suivant toute apparence, il y eût eu le lendemain une cruelle boucherie, sans un événement imprévu qui fit succéder dès le même jour la joie à la tristesse.

Après la capitulation signée, la difficulté fut de trouver quelqu'un qui voulût se charger de la porter aux ennemis. M. de l'Hôpital crut devoir donner dans cette nouvelle occasion des marques de son zèle, et accepta volontiers la commission ; et en conséquence, à 8 heures du soir, on donna ordre à chaque commandant des batteries et des milices de ne point tirer sur l'ennemi sous peine de la vie, quand bien même on les verrait au pied des murs. Une demi-heure après, on fit battre la chamade, et à 9 heures, M. de l'Hopital sortit précédé de deux flambeaux et d'un trompette pour aller à la batterie des ennemis.

Il est bon d'observer que la chamade ne fut battue que par les dragons et la cavalerie qui étaient postés, dans le quartier le plus éloigné des ennemis. Les milices qui montaient à près de 12.000 hommes, composées la plupart de paysans bas-bretons, occupaient le reste de la ville, et se trouvaient les plus proches ; les tambours des milices, dont la plus grande partie n'entendaient pas un mot de français, comprirent mal l'ordre, et au lieu de battre la chamade ils battirent la charge [Note : Plusieurs personnes assurent que les milices suivirent en cela les ordres de MM. de Tintiniac et de la Berrais]. Ce bruit confus fut pris par les Anglais pour une sortie générale, et ils le crurent d'autant plus volontiers qu'ils avaient été informés que c'était le sentiment général [Note : Quelques filles de joie qui s'étaient échappées de la ville, s’étant rendues au camp des Anglais, ils ne manquèrent pas de les interroger de l’état où nous étions ; elles les assurèrent qu'il y avait au moins 12.000 hommes armés, et qui ne demandaient qu'à sortir et à les combattre] ; remplis de cette idée et du peu de succès de leur feu, ils prirent subitement le parti de décamper, et firent sauter leur magasin à poudre qui était à un quart de lieue de leur batterie ; ceux qui étaient restés pour enclouer leur canon prirent la fuite dès qu'ils entendirent la trompette qui précédait M. de l'Hôpital ; de sorte que ce colonel n'y trouva personne. Il n'y restait que deux hommes tués dont l'un fut reconnu pour un des principaux officiers d'artillerie, et l'autre un simple, soldat, et un veau, écorché pendu à un arbre ; M. de l'Hôpital revint dans la ville très-honteux de sa démarche.

La joie, au contraire fut générale dans la ville dès qu'on y apprit cette heureuse nouvelle, et chacun s'empressa de courir à la batterie abandonnée ; on y trouva 10 à 12 fusils, deux barils de poudre, une grille carrée dans laquelle il y avait 10 boulets rouges, 4 pièces de canons de fer du calibre de 12 avec un mortier de fonte de 10 pouces ; le tout était en bon état bien monté, et fut en peu de temps transporté en ville.

La précipitation de la retraite des Anglais se fit remarquer par le peu de soin qu'ils avaient eu de bien enclouer leurs canons ; au moindre effort le clou sauta, et les pièces furent en très peu de temps en état de pouvoir servi.

Le samedi, 8, le matin, on chanta le Te Deum en action de grâces de la levée du siége ; plusieurs petits détachements qui sortirent pour observer les ennemis rapportèrent qu'ils marchaient en bon ordre vers la côte avec quatre chariots de blessés. Quoi qu'il fut facile de les poursuivre et de les couper dans les défilés et d'en tirer un bon parti, le conseil de guerre ne jugea pas à propos de les faire inquiéter. Les vents qui régnaient de la partie du Sud rendaient la mer agitée, et les empêchèrent de se rembarquer le même jour.

Nous apprîmes par quelques prisonniers et déserteurs que l'amiral Lestock avait contribué à faire lever le siége ; voyant que cette opération, qu'on n'avait regardée que comme un coup de main, traînait en longueur, et que les vaisseaux étaient exposés aux vents du Sud et du S.-O. , il notifia à M. de Saint-Clair de terminer ou de se rembarquer ; M. le chevalier de Kermain sortit avec son détachement de 45 hommes pour harceler l'ennemi.

Le dimanche, 9, au matin, un corps de 1.500 paysans s'avança vers les ennemis ; mais après avoir reconnu qu'ils étaient rangés en bataille sur une hauteur voisine de la mer, ce détachement se trouvant trop faible se retira.

L'on reçut pendant le jour différents avis de leurs mouvements ; les uns assuraient qu'ils se rembarquaient, d'autres, au contraire, qu'ils marchaient vers le Port-Louis ; l'on ne sut positivement leur embarquement qu'à 6 heures du soir par deux ouvriers du port et un officier de la garde-côte qu'ils avaient faits prisonniers, et qu'ils n'avaient relâchés qu'après le départ des derniers qui fut à 3 heures après-midi ; l'un de ces ouvriers, déclara que M. de Saint-Clair l'avait interrogé sur la situation et l'état où se trouvait Lorient ; qu'il lui en avait avec fermeté de même que son camarade exagéré les forces ; il lui demanda en outre, si un vaisseau de 50 canons pouvait entrer armé dans le port de Lorient ; à quoi il avait répondu que cela était impossible puisque les moindres vaisseaux de la Compagnie étalent obligés de charger et de décharger en rade.

Lorsqu'on fut certain de l'embarquement des Anglais, l'on envoya environ 6.000 hommes de milice sur la côte avec des dragons et de la cavalerie pour s'opposer à une seconde descente.

Pendant la nuit du dimanche au lundi, les vents qui soufflaient de la partie du Sud empêchèrent l'escadre d'appareiller, et comme il surventa, ils devaient avoir beaucoup d'inquiétude ; on proposa au conseil de guerre d'établir une batterie de 18 et de 24 sur la côte dans un endroit que celle des ennemis ne pouvait pas la démonter, d'autant mieux que la mer étant grosse et les vaisseaux dans un continuel mouvement, leur feu ne pouvait faire que très-peu d'effet, une partie de leurs vaisseaux n'étaient qu'à demi portée et les vents qui les chargeaient en côte ne leur permettant pas de s'en écarter, l'on en aurait indubitablement coulé et dégréé plusieurs.

Cet avis fut goûté, et un instant après les canons attelés et prêts à partir, lorsqu'il survint des ordres contraires. M. de Volvire craignait, dit-on, qu'il n'eût pris envie aux Anglais de descendre une seconde fois et d'enlever la batterie. On eut beau lui représenter que les vents qui régnaient rendaient la mer si grosse sur la côte, que de 1.000 hommes qui auraient tenté une descente il n'en serait pas réchappé un seul, il ne voulut pas se rétracter ; les mêmes vents continuèrent le lundi et le mardi jusqu'au soir.

Le mercredi, 12, au matin, les vents soufflant du O.-N.-O., les ennemis appareillèrent à l'exception d'une frégate de 36 canons qui y resta jusqu'à midi, et passa dans le canal entre l'île de Groix et la terre ferme hors de la portée du canon de l'un et de l'autre côté ; les autres vaisseaux cinglèrent au large de Groix et Belle-Ile, et on les vit entrer dans la baie de Quiberon par la passe des Cardinaux.

Quoique la situation avantageuse de la presqu’île de Quiberon, qui n'est séparée de la terre ferme que par une langue de sable d'environ 50 toises de largeur fut assez connue pour devenir alors le principal objet de défense, elle fut négligée et imprudemment abandonnée à la garde de 3 à 400 paysans et d'un capitaine de la garde-côte.

Ce même jour, le vaisseau du roi l'Ardent, qui s'était séparé de l'escadre du duc d'Auville, fut chassé par 4 vaisseaux anglais et se réfugia sous Belle-Ile d'où on lui envoya environ 80 hommes pour suppléer à son équipage, dont le plus grand nombre était sur les cadres. Ce vaisseau, n'ayant pu se mettre sous le canon de cette place, fut attaqué le lendemain au matin par 4 ou 5 vaisseaux, et après un combat qui dura jusqu'au soir, il fut obligé de s'échouer sur un banc de sable, situé vers la pointe de Quiberon.

La flotte anglaise employa le jeudi et le vendredi à louvoyer pour atteindre le mouillage de Quiberon, et elle y jeta l'ancre le vendredi au soir.

Le samedi, 15, au matin, M. de Saint-Clair envoya sommer le capitaine des garde-côtes qui commandait à Quiberon de lui livrer cette presqu'île à discrétion et sur le refus que lui en fit cet officier, il déclara qu'il ferait passer au fil de l'épée tous les habitants si on tirait sur ses troupes ; cette menace épouvanta les paysans, et malgré les représentations de leur capitaine ils prirent la fuite ; de sorte que les ennemis mirent pied à terre et s'emparèrent du village de Locmaria sans y trouver le moindre obstacle ; à 4 heures du soir, on fit partir les dragons et la cavalerie avec plusieurs détachements des milices pour secourir Quiberon, mais il était trop tard, et cette précaution devenait inutile.

On ne devait pas ignorer que les Anglais en étaient en possession depuis 9 à 10 heures du matin ; du leur côté, toute l'importance de poste où ils auraient pu mettre tous leurs vaisseaux en sûreté et y passer l'hiver, ils travaillèrent à y faire des retranchements sur la montagne du côté de la langue de sable qui joint Quiberon à la terre ferme, et ils y établirent plusieurs batteries ; de cet endroit ils pouvaient nous faire beaucoup de mal et ruiner entièrement le commerce de Lorient, de Nantes, de Bordeaux et de La Rochelle.

Le 22, nous, fûmes agréablement surpris d'apprendre qu'ils avaient abandonné Quiberon, et qu'ils s'étaient rembarqués après avoir brûlé deux ou trois hameaux et encloué le canon ; nous sûmes en même temps que la maladie faisait beaucoup de progrès chez eux ; leurs vaisseaux appareillèrent le 23 de Quiberon et allèrent meuiller vis-à-vis du Croisic ; ils s'emparèrent chemin faisant de deux petites îles, d'Houat et Hoedic, sur chacune desquelles il y avait un petit détachement de la garnison de Belle-Ile.

Le 26, le général anglais envoya sommer cette île de se rendre à discrétion, accordant seulement sept heures au gouverneur pour se décider ; M le comte de Saint-Cernin lui fit réponse qu'il pouvait venir dans sept minutes s'il le voulait, qu'il était tout prêt à le recevoir ; M. de Saint-Clair ne crut pas devoir soutenir sa fanfaronnade. Rebutés enfin du mauvais succès de leur entreprise, les ennemis firent voile pour s'écarter de nos côtes le 29 octobre, et depuis ce temps-là on ne vit plus aucun des vaisseaux de cette flotte y reparaître.

Le 30 octobre, M. le duc de Penthièvre arriva à Lorient ; ce prince visita les murailles de la Ville et ordonna les nouvelles fortifications ; le lendemain, il visita la côte et se rendit à l'endroit du débarquement des Anglais. Après avoir examiné cette partie, il continua de parcourir la côte jusques vis-à-vis le Port-Louis où il avait dessein de passer, mais les vents qui soufflèrent de la partie du Sud et du S.-O. avec violence, accompagnés de pluie, l'en empêchèrent. Malgré la tempête, ce prince s'embarqua dans un canot au Kernevel et revint coucher à Lorient. Le 3, le vent étant plus modéré, il a passé au Port-Louis d'où il doit aller à Quiberon et de là à Rennes (M. Durand). 

 © Copyright - Tous droits réservés.