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L'ARSENAL ROYAL DE LORIENT

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Quand la Marine royale s'installa à Lorient, en 1689, ce n'était pas la première fois qu'elle en utilisait les chantiers. Déjà pendant la guerre de Hollande elle y avait réparé ses navires, notamment le Superbe, l'Invincible, le Foudroyant et la Légère (1678) (Archives Min. Colonies, C2 4, f° 254).

Après la paix de Nimègue, la Compagnie des Indes-Orientales se trouva dans une situation très critique et fut, comme je l'ai dit, réorganisée sur de nouvelles bases. Seignelay, qui en confia la gestion à douze capitalistes, la mit tout entière dans ses mains et chargea l'intendant de Brest, Desclouzeaux, de surveiller très étroitement les armements de Lorient.

Desclouzeaux passa sa première inspection en décembre 1684, il proposa d'établir dans le « petit arcenal » un écrivain des plus habiles pour l'ordre du magasin et les ouvrages des vaisseaux, d'y entretenir un bon maître d'équipage et un bon maître charpentier et d'obliger Boisseau, commis des classes à Vannes, faire sa résidence au Port-Louis. En juillet 1685, l'intendant de Brest, au cours d'une visite de Lorient en compagnie du directeur Céberet, insistait encore sur « la nécessité qu'il y avoist, que la Compagnie eut des commis capables de mestre l'ordre tant dans leurs magasins, radoub armement, désarmement qu'avictuaillement de leurs vaisseaux ». Desclouzeaux devint peu à peu le véritable agent de Seignelay, parlant en maître, dictant des ordres au commis-principal Des Jonchères, parlant d'accaparer le Florissant, en construction, pour la Marine royale (1687). La Compagnie montrant des résistances, il demanda d'être fait directeur, disant que le directeur Gouault n'avait jamais vu de vaisseaux, ni de manœuvre. Il fit déposer Des Jonchères, auquel il reprochait d'avoir trop de confusion, en lui annonçant bien franchement que le roi avait, résolu « d'establir au Port-Louis des gens eslevéz de tout temps dans la marine et qui possèdent à fond tout ce qui regarde la construction et l'armement » (23 octobre 1687) (Archives Arsenal Brest, 1E, 12, f° 2, 7, 58, 105, 172 ; 1 E, 13, f° 111, 222, 289 ; 1 E, 16, p. 38 ; 1 E, 19, p. 106, 138, 231).

La Guerre de la Ligue d'Augsbourg éclata sur ces entrefaites. Il fallait des navires de guerre au plus vite. Seignelay, sans plus attendre, réquisitionna les chantiers de la Compagnie des Indes-Orientales où il venait de mettre un personnel à lui. Le directeur Céberet du Boullay, revenu d'une mission au Siam, était actif et apte au rôle d'ordonnateur. Il le chargea donc, dès le 26 juin 1689, de diriger la construction de deux vaisseaux de guerre, avec pouvoir de passer « les marchez nécessaires, tant pour l'achapt des bois, fer, chanvre, toilles et autres marchandises …. que pour les façons d'ouvrages tant de charpente, menuiserie, sculpture et ferrure que pour les cordages, voiles et autres » (Archives Nationales. Marine, B2 68, f° 126).

En novembre, le roi décida en outre de caréner à Lorient dix bâtiments de l'escadre de d'Amfreville. L'intendant des armées navales, François d'Usson de Bonrepaus, examina les lieux. A la suite de quoi, Antoine de Mauclerc, commissaire général de la marine fut nommé ordonnateur au Port-Louis. Il trouva tant de mauvaise grâce chez le directeur Céberet, jaloux de son autorité, qu'il dut être rappelé en mai 1690 (Archives Nationales. Marine, B3 58, f° 353, 362, et B3 60, f° 419). Céberet le remplaça. Un nouveau département maritime fut établi au Port-Louis, ayant Lorient pour arsenal, et la première liste des officiers du port fut publiée le 31 juillet. On y trouvait un capitaine de port, un garde-magasin et son aide, deux journaliers aux magasins, deux gardiens pour chaque navire au port et sept pour chaque navire en rade, deux archers, un maître-charpentier et son aide, trois écrivains et un chirurgien.

Peu à peu le personnel se multiplia, et îles officiers civils devinrent aussi variés qu'ailleurs. A leur tête, fut mis, comme nous l'avons vu, un commissaire ordonnateur qui exerça dans l'arsenal des fonctions toutes semblables à celles des intendants de Brest et de Rochefort. Il ne lui manquait que le titre pour devenir leur égal et encore, de temps en temps, se l'attribuait-il frauduleusement. Il le méritait d'ailleurs. Son travail était immense. Il avait dans ses attributions la prévoyance des fournitures et des approvisionnements, la surveillance et la direction des travaux du port, des constructions et des armements, le recrutement des équipages et des soldats, l'organisation de la défense des côtes, la comptabilité générale et particulière, le service de santé, l'aumônerie, la police de l'arsenal et, par empiètement, la police du bourg de Lorient.

Il était l'agent du pouvoir central auquel il écrivait plusieurs fois par semaine, auquel il soumettait toute question. Son obéissance totale ne supprimait d'ailleurs pas en lui la personnalité. Il proposait des réformes. Il expliquait sa manière de voir. Dans les cas d'extrême urgence, il prenait lui-même des initiatives. Toujours harcelé par le ministre, il déploya, quel qu'il fut, une activité débordante, courant du Port-Louis à Lorient, de Lorient au Port-Louis, donnant à cet arsenal mal outillé, mal disposé, un rendement extraordinaire. Rien ne lui échappait. Tous les ouvriers, tout le personnel administratif, étaient dans sa main et, chaque soir, les officiers civils venaient lui rendre leurs comptes et recevoir ses ordres.

Son poste était dans l'arsenal, où il occupait en majeure partie la maison des directeurs, mais il avait aussi, du moins temporairement, une demeure au Port-Louis où il venait pour inspecter les vivres, les soldats, l'hôpital, pour finir les armements et aussi « pour estre plus tost adverty si la flotte y arrivoit ».

Durant le règne de Louis XIV, il y eut officiellement quatre ordonnateurs qui se succédèrent au Port-Louis. Ce furent Céberet, Mauclerc, Duguay et Clairambault, mais Duguay ne vint pas dans son département. Par contre, les commissaires Richebourg (étés 1693 et 1694), Chamillart (avril-décembre 1695), Hocquart (juillet-octobre 1701) et l'inspecteur-général de Lusançay (juin 1703-janvier 1704) exercèrent lia charge par intérim.

Claude Céberet du Boullay quitta Lorient le 1er janvier 1696, pour devenir intendant de Dunkerque. Il fut remplacé par Antoine de Mauclerc, qui avait déjà, du 13 décembre 1689 au mois de mars 1690, occupé le poste d'ordonnateur, et qui mourut au Port-Louis, le 10 juillet 1703. Charles de Clairambault, qui avait été successivement commissaire à Dunkerque, à Toulon et à Brest, fut nommé à Lorient en 1704 et mourut dans sa charge, le 8 juin 1720, après le transfert de la Marine royale au Port-Louis.

Sous les ordres de l'ordonnateur, le capitaine de port commandait, dans l'arsenal « une garde pour la sûreté de toutes choses ». Lors des désarmements les commandants lui remettaient leurs navires. Cette fonction fut exercée successivement par le commis de la Compagnie des Indes-Orientales, Jean Le Mayer (1er juillet 1690), par Herpin des Marais (1er janvier 1692), par Paix de Beauregard (avril 1692) qui demeura vingt-trois ans à Lorient, et par Bigot (11 décembre 1714).

Les lieutenants de port furent Coriton (1690), Alain Le Quintrec, qui donna son nom à une bouée de la rade (1692), La Vérune (1701-1712) qui ne fut remplacé qu'en 1716.

Pour l'administration des différents services, l'ordonnateur était secondé par des commissaires ordinaires, au nombre de quatre ou cinq. L'un d'eux, établi au Port-Louis eut à s'occuper des vivres, de l'hôpital et des compagnies de soldats. Il passait en outre, quatre fois par mois, la revue des officiers. Un autre commissaire reçut à Lorient le bureau des classes. Un troisième eut soin du détail du port construction, radoub, mâture, forges, corderie, voilerie, menuiserie, sculpture, peinture, tonnellerie, poulierie, gardiennage et main-d'œuvre.

Les commissaires avaient à diriger une vingtaine d'écrivains, ordinaires ou extraordinaires, dont les bureaux correspondaient à chaque branche d'activité.

A côté de l'ordonnateur, le contrôleur avait l' « inspection générale sur toutes les recettes et dépenses, sur l'emploi de toutes les marchandises, sur le travail de tous les ouvriers ». La liquidation des prises faites par les vaisseaux du roi semble avoir été la plus occupante de ses attributions. Les contrôleurs de Lorient furent, sous Louis XIV, Collet, casse en 1693, Barilly, qui mourut en 1707, et Renault.

Le prévôt de le marine et le trésorier complètent la liste des officiers de plume, qui tous, ou presque tous, finirent par habiter Lorient.

Le Port-Louis reçut au contraire la foule, toujours renouvelée, des officiers militaires qui arrivaient et repartaient au hasard des armements et des désarmements. A leur tête était le commandant dont les attributions étaient mal définies. Il eut de longs démêlés avec le lieutenant-de-roi et l'armée de terre, au sujet de la défense des côtes et de la visite des vaisseaux à leur arrivée en rade. Il entra surtout en conflit avec l’ordonnateur du port, à propos de tout et de rien. Le commandant de Beaujeu, entre autres, fut très querelleur. Il fit dans les rues du Port-Louis des scènes de colère inouïes. Le 6 Juillet 1691, il quitta violemment les chantiers de Lorient, écrivant Louis de Pontchartrain « Quand, Monseigneur, vous me confirés la conduitte de la construction d'un vaisseau, je répondray sur nia teste qu'il sera comme il faut, mais lorsque chaquun ordonnera, mesme des gens qui ne sont pas du mestier et qui n'ont que du babil et un peu de théorie, se sera le hazard lorsqu'un vaisseau réussira » (Archives Nationales. Marine, B3 65, f° 29). Je ne sais ce que le ministre répondit à Beaujeu, mais il se garde bien de lui rendre un rôle qu'il abandonnait de lui-même. Après lui, tous les commandants se renfermèrent au Port-Louis où ils n'eurent guère d'autorité, si l'on en croit le témoignage (il est vrai suspect) de l'ordonnateur Clairambault. Le commandement en effet était attribué au plus ancien officier et, pour cette raison, subissait de perpétuels changements (jusqu'à trois par mois), faisant l'objet de discussions souvent vives. Ce ne fut bientôt plus qu'un titre, un titre si éphémère que ceux qui le portaient ne crurent plus à propos de se brouiller avec leurs camarades pour les obliger à bien faire leur service. Ce titre en un mot ne fut qu'un honneur. Il donna la préséance. Il fut pour cela très disputé.

De même que leur commandant, les officiers militaires habitaient au Port-Louis. Ils ne se rendaient à Lorient que pour les armements et les désarmements, prenant leur nourriture, d'abord sur les vaisseaux, ensuite dans une auberge ouverte en septembre 1690. Dès 1692, les capitaines prirent même la fâcheuse habitude de ne plus surveiller l'équipement de leurs navires, disant qu'ils ne savaient où se retirer après le travail. Le commissaire chargé de les passer en revue dut se transporter chaque dimanche au Port-Louis pour y faire l’inspection. En 1698, les officiers militaires refusèrent énergiquement d'aller, trois fois la semaine aux écoles de construction qui se tenaient à Lorient (Archives Nationales. Marine, B3 58, f° 362 ; B3 60, f° 365 et 465 ; B3 72, f° 181).

Les officiers civils au contraire furent, comme je l'ai dit, établis presque tous dans les logements de la Compagnie des Indes-Orientales qui furent bien vite trop étroits. En janvier 1692, le rez-de-chaussée de l'hôtel des directeurs étaient occupé par la salle à manger, le cabinet et les chambres de Céberet et de sa famille.

Lorient en 1692

Dans les six mansardes du premier étage étaient hébergés l'aumônier, le bureau des classes, le contrôleur, le capitaine du port et le directeur-député Gouault avait deux pièces (Archives Nationales Marine, B3 69, f° 121, etc.).

Les commissaires ordinaires étaient logés à la diable dans un bout de caserne inachevée, lambrissée à leur intention et destinée d'abord aux ouvriers. Les écrivains étaient logés dans une petite auberge en bois. L'installation ainsi comprise ne pouvait être que précaire. 

Quand on augmenta le nombre des commissaires, on dut en forcer un à demeurer au Port-Louis, où d'ailleurs sa présence était nécessaire, mais lorsqu'on eut mis le maître-constructeur, qui se plaignait, dans la mansarde du capitaine de port, on ne sut plus où mettre ce dernier (Archives Nationales. Marine, B3 77, f° 241).

La Compagnie des Indes-Orientales se considéra bientôt comme « maltraitée ». Elle tenta d'obtenir les bonnes grâces de Céberet, en lui donnant le double du droit de présence à Lorient. Rien n'y fit. Il continua en toutes occasions « d'insulter » la société dont il aurait dû sauvegarder les intérêts.

La querelle redoubla sous son successeur, après la paix de Ryswick et la reprise du commerce avec les Indes (1698). Il n'y avait véritablement pas de place pour deux dans l'arsenal. Les Directeurs, las de se plaindre, envisagèrent un moment de s'installer à Indret puis à Loc-Mariaquer, mais la Loire, comme le Morbihan, leur parurent difficiles d'accès (Archives Nationales. Marine, B3 102, f° 164, 168, 180, etc.). Aussi bien étaient-ils chez eux à Lorient et la Marine n'était qu'une locataire, pas même une locataire : une intruse qui ne payait pas de loyer. Ils resteraient !

Devant cette décision soudaine, Antoine de Mauclerc proposa au ministre de partager l'enclos en deux parties égales, une pour la Marine, une pour la Compagnie. Il chargea l'ingénieur du Port-Louis, Traverse, de dresser le plan d'un arsenal royal à construire au sud du Parc, avec un quai sur le ruisseau du Faouédic, une seconde corderie et des magasins. L'établissement des Indes-Orientales pourrait, disait-il, s'agrandir du côté de Saint-Christophe. Ce projet paraissait souriant. Le roi y mit son véto (Archives Nationales. Marine, B3 102, f° 217, etc., et Dépôt du Comité technique du Génie. carton de Lorient).

En 1699, les directeurs députèrent à Lorient l'un des plus actifs d'entre eux, Toussaint Bazin qui sut faire comprendre à Mauclerc que la Marine n'était point la maîtresse. Le temps n'était plus où l'ordonnateur Céberet se servait des meubles de la Compagnie et toute la « spacieuse maison, tandis que le directeur Gouault avait « à peine un grenier » pour se loger. En mai 1699, quand le directeur de Champigny annonça son arrivée avec « Madame son épouse » et quinze bouches à nourrir, Mauclerc se resserra jusqu'à mettre trois lits dans une même chambre ce qui paraissait plutôt un hôpital qu'une demeure (Archives Nationales. Marine, B 3 105, f° 388 v° et 401, etc.).

En juin 1700, la Compagnie devint de plus en plus envahissante, la Marine déménagea au Port-Louis et l'ordonnateur proposa de nouveau de construire un arsenal au sud du Parc de Lorient, avec un bon mur « qui séparast le roy d'avec cette Compagnie afin qu'elle ne fusse plus en droit de dire :Tout ce lieu m'appartient ! ».

En 1702, la situation changea le commerce des Indes, après quelques années de demi-succès, se ralentit de nouveau, écrasé par la concurrence des toiles métropolitaines. Les directeurs, cherchant à faire argent de tout, proposèrent au ministre de lui vendre leur chantier. Le roi ne voulut pas l'acheter, mais, à partir de 1703, il le loua au prix de 5.000 livres par an.

Nous allons étudier maintenant cet arsenal rudimentaire que la Compagnie cédait pour un loyer si modique et que Louis XIV dédaignait.

Céberet, au mois d'août 1689, trouva le moyen d'émerveiller Mme de Sévigné par les richesses du « lieu d'Orient », mais il resta fort perplexe quand il lui fallut construire deux vaisseaux et en désarmer dix autres. On lui envoya Antoine de Mauclerc pour le seconder « comme un frère », mais nous avons vu qu'il le reçut mal, et voulut demeurer tout seul pour vaincre les difficultés. Il y réussit fort bien. Pourtant tout lui manquait. Il n'avait ni matériel, ni magasin, ni personnel, ni logement pour ce personnel. Il était dans un lieu « désert », bien différent des « arcenaux du roy establis de longue main et où il y a touttes sortes de commodités ». Il était en butte à la jalousie de Brest et de Rochefort, où les commissaires tardaient à lui envoyer les fournitures nécessaires, « n'ayant pas beaucoup à coeur que le travail dont il était chargé réussit ». Louis XIV exigeait de lui des miracles. Il en obtint, mais ce ne fut pas sans peine. Après Céberet, Mauclerc et Clairambault continuèrent avec la même, patience et la même ingéniosité, à vaincre leur dénûment et à donner à ce pauvre arsenal, à ce « si petit objet » qu'était Lorient, un rendement comparable à celui des autres ports. Quand, en 1719, le dernier de ces trois grands ordonnateurs laissa l'établissement qu'il avait entièrement mis au point, on put dire qu'il n'y en avait pas de plus sûr et de plus facile pour les constructions, les radoubs, les armements et les désarmements. 

Dès 1689, le magasin général de la Compagnie des Indes-Orientales fut livré au roi. En 1690, Céberet fit faire des cloisons dans la partie est de ce grand hangar, ce qui lui donna dix entrepôts particuliers correspondant aux dix désarmements prévus pour l'hivernage suivant. Le travail atteignit 753 livres et fut payé par les directeurs qui entendaient rester entièrement maîtres à Lorient. Pendant les dissentiments qu'ils eurent avec la Marine, en 1699 et 1700, ils obligèrent Mauclerc à transporter son matériel au Port-Louis d'abord, ensuite dans une cabane en bois située dans l'enclos. C'était l'époque où Jérôme de Pontchartrain refusait de bâtir un arsenal solide « Sa Majesté ayant trop d'autres arconaux commencez à achever, pour songer à en entreprendre de nouveaux ». En 1702, enfin la Compagnie rendit au roi son magasin général, lui proposant même de le vendre pour 21.822 livres, mais les murs de mortier et de bois s'effondraient, et d'autre part la Marine était pauvre.

La Marine fut trop pauvre aussi pour construire une halle aux mâts. Elle dut se contenter de la fosse primitive qui était excellente, car des mâts s'y étaient conservés pendant dix-huit ans, mais qui était trop petite, si bien qu'en 1694, des troncs de sapins, faute d'abri, se décomposaient dans la vase.

Les ateliers furent construits hâtivement par Céberet on empruntés, bon gré, mal gré, à la Compagnie. Elle céda sa voilerie, édifice couvert d'ardoises, situé au sud du parc ; et où l'on amenait de Rennes de la toile à dos de mulets.

La corderie, cédée en même temps, était mal située, trop étroite et ouverte à tout venant. On renferma d'une palissade en 1695. On la flanqua d'un magasin aux cordages, d'un appentis « pour mettre le poids à couvert » et d'un bureau pour l'écrivain. On agita pendant sept ans la question d'y mettre un plancher. Il fut posé en mai 1701. Le chanvre, utilisé pour la fabrication des filins vint d'abord d'Auvergne, par la Loire. Ensuite Lorient s'approvisionna dans le Léon pendant que Brest vidait les marchés du Vannetais. Cela faisait l'affaire des voituriers.

Le hangar des poulieurs fut l'œuvre de la Marine, ainsi que la tonnellerie. Celle-ci, d'abord installée au Port-Louis, dans des caves de la rue de la Pointe, fut transportée dans l'arsenal, en 1692, et adossé à la voilerie. Elle se composait d'une halle, d'un magasin plus petit et du logement de l'écrivain, qui eut souvent maille à partir avec les voleurs.

Les forges de la Compagnie servaient au Roi. Elles étaient situées sur la berge. Céberet les jugeait insuffisantes. Il aurait voulu pour les gros ouvrages une forge à deux feux, qu'il n'obtint jamais. Il en construisit pourtant plusieurs petites, dont l'une servit aux serruriers et taillandiers, l'autre aux cloutiers, la troisième pour les radoubs. Ces forges étaient placées à l'écart, derrière le magasin général. Le métal était apporté par les marchands du Port-Louis qui allaient le chercher en Espagne. Le charbon venait des environs de Nevers. Du Nivernais, Lorient recevait aussi ses grandes ancres, tandis que Rochefort lui envoyait ses canons.

L'atelier des menuisiers et des tourneurs fut bâti aux frais du Roi, mais celui des peintres et sculpteurs, situé près de la chapelle, fut emprunté à la Compagnie. Les maîtres sculpteurs furent Antoine Amourette (1691-1698) et Buirette. En 1716, Joseph Amourette, fils d'Antoine, reprit la place qu'avait occupée son père.

La goudronnerie fut installée au château de Tréfaven qu'on louait 150 livres par an et qu'on trouvait trop éloigné. En vain Mauclerc réclama-t-il qu'on la transportât dans l'arsenal. On lui refusa l'appentis nécessaire. On lui refusa aussi des pégolières. Lorient n'eut jamais qu'une chaloupe pour chauffer le brai lors des carénages. Les marchands du Port-Louis vendaient à la Marine du goudron du Nord qui coûtait le double de celui d'Arcachon, mais était meilleur pour les cordages qu'il imbibait complètement.

Sous Louis XIV, les carénages à Lorient se firent toujours à l'ancienne mode. Le Roi ne consentit jamais à y creuser un bassin de radoub et la Compagnie attendit trente-huit ans avant d'entreprendre une forme rudimentaire qu'elle n'acheva jamais. On continua jusqu'à la fin du règne à mettre les navires à la bande. De 1690 à 1693, la Marine équipa à Lorient une huitaine de navires par an, puis ce chiffre se réduisit à presque rien, sauf au cours des trois hivers 1697-1698, 1701-1702 et 1706-1707, où l'activité du port sembla se réveiller. Après 1708, il n'y eut plus d'armements.

Par exception, les radoubs de bâtiments de guerre pouvaient se faire au Port-Louis ; mais la règle était de caréner les vaisseaux sur le Scorff et les frégates au Kernevel.

Pour les constructions navales, on utilisa les cales de la Compagnie. Pour dresser les mâtures on eut d'abord recours à des bigues, puis Céberet fit aménager une machine à mâter sur le Duc que Mauclerc remplaça par le Fendant. Enfin, l'ingénieur Langlade dressa « le plan et profil d'un quay à faire à Lorient pour mater vaisseaux ». Ce quai fut commencé en avril 1710 et coûta 4.743 livres 10 sols (Archives Nationales. Marine. B3 183, f° 203, 291 ; B3 184, f° 117, etc.).

Les chantiers de construction furent d'abord confiés à Laurent Coulomb, qui appartenait à une grande famille de constructeurs toulonnais. Il fut remplacé, le 1er juillet 1692, par son neveu, Pierre Coulomb, qui avait d'abord travaillé sous ses ordres et qui demeura fort longtemps à Lorient puisqu'en 1720, il passa au service de la grande Compagnie des Indes.

Voici la liste des dix-huit navires qui furent construits sur le Scorff pour la Marine au temps de Louis XIV. Ce chiffre est fort appréciable et même comparable à celui des autres ports (tandis que celui des armements reste très inférieur). On voit que quatre vaisseaux furent l'œuvre de Lebrun, Desjumeaux et Hélie.

Lorient : navires construits sur le Scorff

Une estacade pour les bois de construction fut créée en 1704, « dans l'anse de Kerblou ». Les bois provenaient, généralement de la Basse-Loire, quoiqu'au dépôt d'Indret le département du Port-Louis se heurtât fréquemment à celui de Rochefort. Bayonne fournissait des bordages « très mauvais » et des mâts moins appréciés que ceux du Massif Central. Les belles réserves des forêts bretonnes avaient été anéanties par les massacres irréfléchis qu'on y avait faits. C'est sans grand résultat qu'en 1690 Pierre Coulomb parcourut le Vannetais pour y trouver « le bois de brin et le bois d'équarissage » qui servaient à construire les « baux, courbes, varangues, genoux et allonges de porques, vaigres, etc. ». Les fournisseurs du pays firent cependant de leur mieux, craignant que la Marine Royale ne se « dégoûtât » de Lorient, mais les paysans se révoltèrent quand on leur demanda de voiturer les bois jusqu'au Blavet et jusqu'au Scorff. En juillet 1892, le grand maître des Eaux et Forêts vint en personne inspecter les forêts de Bretagne et réserver au département du Port-Louis les bois compris entre la Vilaine et l'Ellé.

A côté des chantiers de constructions, la Compagnie des Indes-Orientales avait un quai. Il avait 22 toises de face, 15 pieds de haut et 7 pieds d'épaisseur. Il résistait mal à la mer, n'étant composé que de moellons posés à sec sans mortier. Les réparations que la Marine dut y faire, montèrent à 1.476 livres (Archives Nationales. Marine, B3 60, f° 459 et 587 ; B3 148, f° 327, et Archives Min. colonies, dossier de Lorient).

A l'exception de la corderie, de la poudrière et des hangars pour affûts, tous les magasins et les ateliers de l'arsenal étaient groupés sur le terrain primitif de la Compagnie. Ce terrain fut clos par l'ingénieur des fortifications en 1692, pour éviter les vols multipliés et les allées et venues des ouvriers. On établit deux portiers pour garder les issues de ce nouvel enclos plus petit que l'autre et qui fut appelé le Parc dès cette époque (Archives Nationales. Marine, B3 69, f° 345, 361, 374, 496, 521, etc.).

Tout était groupé dans le Parc, tout était à portée de la main, tout était si bien agencé qu'on pouvait faire à Lorient, malgré les plaintes intéressées des ordonnateurs, les armements et les désarmements avec une facilité suffisante ; mais ce n'était pas tout que d'armer les navires, il fallait encore les approvisionner en vivres et en munitions, leur trouver des soldats convenables, exercer des compagnies d'infanterie et des canonniers pour les batteries. Tous les services que ces questions intéressaient furent, établis au Port-Louis et pour cette raison je n'y insisterai pas davantage ici.

Je dirai simplement qu'après avoir occupé pendant deux ans le moulin et les boulangeries de Lorient, le munitionnaire les abandonna. La Marine louait au Port-Louis pour 4.000 livres par an des magasins dans la rue des Dames et dans la rue de la Pointe. Elle y faisait son biscuit et ses salaisons et y conservait ses vins. Le chargement des vivres n'avait lieu qu'à la dernière heure, quand les navires étaient « descendus » et avaient jeté l'ancre sous la citadelle, où ils prenaient leur eau amenée d'Hennebont par des chaloupes.

C'est en rade également que l'on mettait la dernière main à l'armement et au gréement des vaisseaux. A ce moment les ouvriers avaient terminé leur travail et celui des matelots commençait. Ces derniers ne se montraient pas très assidus à cette ingrate besogne, pour laquelle on ne leur donnait que cinq sols par jour, soit à peu près la moitié de leur solde ordinaire. Ils s'échappaient aussitôt qu'ils pouvaient et se dissimulaient dans les bois ou dans les tripots. Leur « libertinage » était extrême : « Ils aiment mieux, écrivaient Céberet, se tenir au Port-Louis où les cabaretiers leur donnent retraite et leur fournissent pour leurs débauches, que de rapiécer les voilures et laver les ponts » (Archives Nationales. Marine. B3 69, f° 210). Les mousquetaires chargés de les dépister, se donnaient beaucoup de mal, pour ne ramener souvent que des fainéants. Si le Sans-Pareil, en 1691, put être équipé par une quinzaine d'hommes intelligents et actifs, d'autres navires, avec beaucoup plus de recrues, ne parvenaient jamais à être prêts. Le chevalier de Beaujeu, par exemple, en 1692, accusait ses marins de ne servir à rien « qu'à faire de l'ordure capable de mettre la peste dans un équipage » (Archives Nationales. Marine, B3 69, f° 31).

En principe, les levées de matelots étaient faites par les « commissaires aux classes » de Nantes, de Vannes et du Port-Louis. Sur cette dénomination, il ne faudrait pas se tromper, le nom seul de « classes » était respecté. La réalité était toute autre. On fermait les ports à l'heure choisie et l'on enrôlait en Bretagne aussi bien des Gascons et des Normands que des Bretons. Le Bureau des classes, où les hommes étaient répartis, par tirage au sort, entre les différents bateaux, fut d'abord établi au Port-Louis, ensuite à Lorient où il était plus à sa place. Il est inutile d'ajouter que les commandants n'agissaient qu'à leur guise, se volaient mutuellement les matelots « de bonne mine » et entraient dans des discussions continuelles. Ils protégeaient ouvertement les déserteurs qui vendaient leurs services au plus offrant. Les désertions, pour cette raison et pour d'autres, (la crainte du mal des îles, notamment) étaient très nombreuses. Le Roi eut beau donner l'ordre d'appliquer le carcan aux hommes qui se cachaient ; un conseil de guerre, le 9 septembre 1692, eut beau en condamner trois aux galères perpétuelles ; rien ne pouvait empêcher les équipages de s'évader.

Aux retours des navires, les matelots demeuraient une vingtaine de jours au port, pour procéder aux désarmements. A leur libération, on leur versait un mois de la paye qu'ils buvaient généralement en route, ainsi que les deux sols par lieue qu'on leur comptait. Le reste de la somme était remis à leurs épouses ce qui était fort sage.

Les matelots qui revenaient malades, étaient soignés à l'hôpital maritime du Port-Louis ou hôpital Saint-Louis, qui eut successivement à sa tête les chirurgiens-majors Castaignault (mort en 1692), et La Roche (mort en1714). L'apothicaire fut Jacques Cordier, de 1690 à 1720. C'était un habile médecin et un armateur ; il devint syndic du Port-Louis et y fonda la chapelle Sainte-Anne dans l'église Saint-François.

Si le service sanitaire, essentiellement port-louisien, n'intéresse pas le développement de Lorient, il en est de même pour l'infanterie de marine. Le département entretint huit compagnies franches, à partir de décembre 1690. Elles furent réparties généralement entre Auray, Hennebont, Quimperlé et le Port-Louis. Au Port-Louis, comme nous l'avons vu, tout se gâta en 1694, quand les casernes de l'armée de terre vinrent à tomber en ruine. Il fallut loger la garnison dans la ville et aussitôt les habitants commencèrent à la quitter. A la même époque, au contraire, l'installation de la Marine à Lorient entraînait très rapidement la formation d'un gros bourg [Note : Pour tout ce chapitre mes références sont les Archives Nationales, Marine, B3 58, 60, 65, 69, 77, 83, 90, 94, 98, 99, 102, 105, 109, 113, 117, 120, 124, 128, 129, 136, 137, 146, 147, 148, 158, 159, 160, 170, 171, 182, 183, 184, 196, 197, 198, 207, 213, 222, 290, 258 : registres contenant la correspondance inédite au jour le jour des ordonnateurs du Port Louis et Lorient. Ils sont complétés par les Archives de l'Arsenal de Lorient, 1 E, 1 à 26 : registres contenant les réponses des ministres]. (H. F. Buffet).

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