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LA DEMEURE SEIGNEURIALE DE COETCANDEC.

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Non pas simple gentilhommière, mais reste imposant d'une résidence seigneuriale, Coëtcandec est situé dans la partie la plus écartée de l'ancienne paroisse de Grandchamp, au pays vannetais. Malgré l'aspect abandonné, l'ampleur de ses constructions et ses tours médiévales maintiennent encore son prestige. Deux des quatre tours d'angle que devait avoir le château subsistent à des extrémités opposées.

Nous n'en savons pas grand chose sur Coëtcandec. A-t-il gardé sa fidélité aux souverains bretons, s'est-il laissé séduire par les intrigues des factieux ? Nous l'ignorons. Au pied des collines de Lanvaux, vigilant au sein de l'épaisse frondaison qui l'enveloppe, Coëtcandec semble figé dans le passé, sentinelle attardée sur la grande voie qui relie la lande à la côte.

Locmaria-Grand-Champ (Bretagne) : château de Coëtcandec.

On peut supposer que le château a souffert lors des luttes qui ont marqué le règne de Jean IV (1364-1399), ou qu'il est tombé de vétusté avant le mariage de notre Province avec le royaume de France. Alors, la paix intérieure assurée et les progrès de l'artillerie à feu, enlevèrent aux vieilles forteresses leur utilité. A l'exemple de la bonne duchesse, on désarma, uniquement soucieux désormais des joies du foyer et des agréments champêtres.

La seigneurie dont nous parlons est venue aux mains des Chohan, vers 1375, par l'alliance de Marie Leziou, héritière de Coëtcandec, avec Pierre Chohan.

La lignée des Chohan se poursuit à Coëtcandec, durant le XVème siècle, jusqu'à Pierre qui figure, comme mineur, à la réformation de 1513. En 1530, il est marié à Jeanne Grillon, héritière de Rosnarho en Crach.

Pierre Chohan et Jeanne Grillon décidèrent de construire un manoir dans le goût de leur temps, sur les ruines de l'ancien château féodal. De dimensions réduites, il avait quatre larges et hautes fenêtres rectilignes sur rez-de-chaussée et étage, et une porte en anse de panier. Fenêtres et porte, ornées d'accolades à choux frisés, taillées dans le granit et couronnées de fleurons, éclairent la façade du logis. Dans la suite, deux lucarnes à fronton circulaire en pierre blanche, de l'époque de Henri IV, vinrent percer les combles. Elles élèvent la façade, mais rompent fâcheusement l'unité du style. Non moins regrettable est le crépi qui masque un appareil peu digne, il est vrai, des jolies baies sculptées.

A l'est, l'autre face n'a de saillant qu'une très haute tourelle à pans coupés qui sert de cage à un escalier en vis. Son caractère un peu monumental n'enlève rien à sa grâce.

Une nouvelle campagne de travaux s'ouvrit à Coëtcandec, au XVIIème siècle. Elle eut pour objet de prolonger le corps principal, datant du XVIème siècle, jusqu'aux tours d'angle de l'ancien château. De là, les deux bâtiments qui encadrent, à droite et à gauche, le manoir de Pierre Chohan et de Jeanne Grillon. Les linteaux des fenêtres sont légèrement cintrés, les lucarnes sont en visière, les toitures ne se joignent même pas. Aucune esthétique n'a présidé à cette restauration.

Plus décoratif et non dépourvu de majesté est le gros pavillon à deux étages, flanqué d'une tourelle d'escalier, qui est venu, au XVIIème siècle, parfaire l'habitation. Ce pavillon offrit un complément de logement appréciable aux La Bourdonnaye, devenus maîtres de céans. Il a été érigé sur l'emplacement d'une tour d'angle. Pour maintenir une certaine symétrie et reconstituer le plan primitif, une tourelle d'escalier de fort diamètre fut accolée à l'angle saillant du pavillon, mais l'effet n'en est pas heureux : on garde l'impression d'un mauvais pastiche. A mi-hauteur, la tourelle porte, en verrue sur ses parois, une petite bretèche sans beauté.

Pour expliquer, dans les constructions castrales, la persistance, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, des tours médiévales, il faut compter avec la fierté des possesseurs. Les titulaires de hauts fiefs restaient attachés aux marques de leur grandeur passée. Au XVIème siècle, les privilèges seigneuriaux devinrent honorifiques, hormis l'exercice de la justice, bien amoindri toutefois. Or les Chohan s'attachaient passionnément aux honneurs anciens de leur famille.

On pourrait croire que les tours de Coëtcandec, défigurées, ne sont qu'un accessoire des travaux du XVIIème siècle. Des observations concordantes plaident en faveur d'une opinion contraire : l'épaisseur des murs (1 mètre), les dimensions intérieures (5 m. 20), l'isolement des constructions attenantes, le grand appareil de granit qui se fait jour sous le crépi, les ouvertures percées au XVIIème siècle, en vue de l'aménagement intérieur, enfin le caractère d'ensemble qui diffère des tours édifiées en ce siècle sur la première enceinte. Coiffées d'une poivrière et affublées d'horribles cheminées, elles ont perdu de leur élévation et sont presque méconnaissables.

Les douves du château ont dû être comblées en ce même XVIIème siècle. Une porte pratiquée jadis dans le logis du XVIème siècle, au niveau inférieur des fossés, est maintenant aveuglée par les terres rapportées et ne laisse subsister aucun doute sur l'existence de ce complément indispensable de la défense.

Deux familles ont marqué à Coëtcandec. Les Chohan et les La Bourdonnaye. Nous n'entreprendrons pas d'énumérer la série fastidieuse de ces seigneurs. Les Chohan acquirent, par alliance, des terres importantes dans le Vannetais : Rosnarho en Crach, Kerambartz en Landaul, Le Rest en Grand-champ, Kerléau en Elven. Ils furent maintenus d'ancienne extraction noble à la réformation de 1669. Leur blason était : d'argent au cerf passant de gueules. Armes parlantes, qui évoquent les randonnées cynégétiques à la poursuite des animaux dans les fourrés de Lanvaux et de Camors. Les « bêtes fauves » foisonnaient alors. Des familles se plurent à emprunter à la chasse, objet d'un goût ardent, certains meubles de leur écu. Sur le pennon de Coëtcandec figurent loups et sangliers qui sont de Bino et de Kerboutier. Les Chohan prirent pour emblème héraldique le plus noble animal des forêts de Bretagne, le cerf aux allures fières et royales, « passant », c'est-à-dire en action.

Les écus meublés de la sorte ne sont pas le signe d'une origine extrêmement ancienne. Les Chohan, en 1669, ne prouvèrent leur noblesse que sur induction depuis 1412, date du décès du huitième ascendant. Leur filiation ne se distingue pas par des alliances avec des familles particulièrement notables de la Province. Marguerite Chohan, dame de Kerléau, épousa, le 26 septembre 1624, Pierre Descartes, conseiller au Parlement de Bretagne, dont, la postérité se continua sur la seigneurie d'Elven.

La branche aînée, titulaire de Coëtcandec, ne se prolongea pas au delà de Jérôme Chohan, petit-fils des constructeurs, conseiller et garde-scel au Parlement, qui fut victime d'une mort dramatique. Lors d'un séjour à Rennes, en janvier 1624, il tomba sous les coups d'un meurtrier. Le motif en est resté secret (SAULNIER : Le Parlement de Bretagne).

L'héritage patrimonial passe à la branche cadette, dite de Kérambartz. Louis et François sont tour à tour qualifiés seigneurs de Coëtcandec. Ce dernier, en 1668, se voit mis en possession, par le présidial de Vannes, de la succession d'un voisin de campagne, Jean Le Bro. De ce fait, il recueille la terre noble de Pontanloc, arrosée par un cours d'eau auquel la seigneurie a donné son nom. C'est aujourd'hui le ruisseau du Pont-du-Loc (Archives du Morbihan, B 945).

Moins de vingt ans plus tard, Marie du Breil, épouse de Jean de La Bourdonnaye, chevalier, seigneur de Bratz, est mise en possession de toutes les terres et seigneuries de l'héritage patrimonial des Chohan.

Pour des raisons qu'il n'est pas aisé de discerner, toute la succession de Jérôme Chohan, décédé en 1624, et que détenaient ses neveux, est saisie et mise en vente. Aussitôt, Marie du Breil fait valoir ses droits de retrait lignager. Qualifiée, à cause de ses auteurs, d'héritière bénéficiaire de Jérôme Chohan de Coëtcandec en l'estoc maternel, elle affronte les enchères et reste, devant le Parlement de Paris, adjudicataire, pour 180.000 livres, de nombreux biens, parmi lesquels : Coëtcandec, La Chesnaye, Trégonleau, Le Sonnant, Rosnarho, Kermadio, Beaumer et autres lieux (arrêt du 16 juillet 1685) (Arch. Morb., B 1858).

Les La Bourdonnaye transmirent cette terre à leur descendance jusqu'à la fin du XIXème siècle. Ils semblent y avoir régulièrement résidé. Ce sont eux qui conçurent le grand pavillon, dernière grande oeuvre du château. Le 1er août 1758, dans la chapelle castrale qui existe toujours, était ondoyé un fils, nommé Julien-René, issu de Marie de Bidé et de Julien de La Bourdonnaye, conseiller au Parlement. En avril 1769, décédait au château Jean-Baptiste de La Bourdonnaye, chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine au régiment de Champagne, frère du conseiller au Parlement (Arch. Morb., Série E. Registres de Locmaria-Grandchamp). On lui édifia dans le transept de l'église tréviale de Locmaria-Grandchamp (Locmaria-Grand-Champ) une tombe sur laquelle repose, sous armure, un chevalier, l'épée et le casque à ses côtés. Des écus armoriés figurent aux pieds et à la tête. Une longue inscription court autour de la table de pierre. Quand fut reconstruite l'église, en 1885, la tombe levée prit place dans le cimetière. Ce gisant, sculpté dans la pierre blanche, ne résistera pas longtemps aux intempéries. Pour le conserver, il faut l'abriter. Sa place semble tout indiquée dans la chapelle du château.

Le dernier des La Bourdonnaye de Coëtcandec, fidèle au fief familial, y est décédé en 1917 et dort son dernier sommeil, près de ses ancêtres, dans le petit cimetière de Locmaria-Grandchamp (Locmaria-Grand-Champ). Le domaine comptait alors plusieurs centaines d'hectares.

Comme nous venons de le voir, Coëtcandec est fait de pièces et de morceaux... fortement usagés. Le délabrement des fenêtres et des cheminées extérieures, le manque d'entretien des toitures, l'enduit misérable des murs contribuent à la déchéance physique de la noble demeure. Le lierre a fait son apparition et commence à déployer son linceul. C'est l'abandon, la ruine à brève échéance.

Une vie momentanée lui a été rendue par la guerre. Le monastère Sainte-Anne de Kergonan est venu ici chercher un abri, l'isolement et le calme qui disposent à la contemplation et rapprochent l'âme de l'Infini. De saintes femmes, venues, semble-t-il, d'un lointain passé, mettent une note blanche et mystique dans ce cadre médiéval.

Locmaria-Grand-Champ (Bretagne) : château de Coëtcandec.

Hormis l'entourage des ravissantes baies s'ouvrant sur le logis du XVème siècle, rien à l'extérieur ne retient particulièrement l'attention. Mais le visiteur qui franchit le seuil de l'entrée principale est saisi, dès le vestibule, par la floraison d'une magnifique accolade, peinte de chatoyantes couleurs et encadrant la porte qui donne sur l'escalier de pierre. Entre l'anse de panier et la pointe de l'accolade, apparaît une croix ancrée d'or, sceau de Jeanne Grillon, dame de Rosnarho.
Locmaria-Grand-Champ (Bretagne) : château de Coëtcandec. Locmaria-Grand-Champ (Bretagne) : château de Coëtcandec.
     

Sur le parement des murs de cette même pièce, plusieurs blasons écartelés et, surtout, sujet rare : un écu chargé d'alliances, inscrit dans une couronne de fleurs et de fruits, se détache en fort relief au-dessus d'une sorte de crédence portant sur ses parois une inscription gravée de trois mots, le premier en capitales romaines : TIMENTIBUS ; celui du milieu, en hébreu, dans un soleil d'or, signifie Jehovah ; le dernier, en caractères grecs : AOTAPKYA. Traduction : l'immortalité appartient à ceux qui craignent Dieu. Sentence que les Chohan semblent avoir adoptée comme devise, car on la retrouvait, il y a quelques années encore, accompagnant leurs armes, à Rosnarho en Crach et dans l'église paroissiale d'Elven, sur l'enfeu de Kerléau. La niche, ou crédence, portant cette devise est ornée d'une accolade gothique à feuillage et de cornes d'abondance, représentatives de la Renaissance. Ces cornes d'abondance, symboles de la fortune, s'étirent depuis le pied de la niche, jusque sur les côtés où elles s'épanouissent. Ce motif est ciselé au trait et en creux dans une pierre dure, d'un grain très fin. L'ouvrier s'y est montré expert en son art. Cette crédence évoque l'idée d'un autel symbolique dédié aux mânes de la famille Chohan. Juste en face s'ouvre la grande salle qui occupe la majorité du rez-de-chaussée. La surprise dépasse ici celle éprouvée dans le vestibule ; les yeux sont frappés par un monument héraldique étonnant. Sur une cheminée, haute de 4 m. 30, — dont le manteau, y compris le linteau et les faces latérales, occupe près de 14 mètres carrés de surface, — se développe une véritable tapisserie de pierre, brodée en relief d'écussons tirés de la filiation des seigneurs de Coëtcandec.

Locmaria-Grand-Champ (Bretagne) : château de Coëtcandec.

A la place la plus évidente, réservée généralement aux constructeurs, sur le linteau, au centre d'une ravissante guirlande de fleurs, le blason écartelé de Pierre Chohan et de Jeanne Grillon ; autour de cette pièce majeure figurent, encadrés de la cordelière d'Anne de Bretagne, le blason des auteurs (Jean Chohan et Guillemette Bino) et celui des enfants des constructeurs (Guillaume marié à Nicole du Breil et Perrot marié à Jeanne de Kerambartz). En éminence de la cheminée, le cerf des Chohan, plein de ramures et de majesté, dans un encadrement composé de cornes d'abondance, de la devise Timentibus et d'instruments musicaux. Minerve, déesse de la sagesse et des arts, et Bellone, déesse de la guerre, sont les tenants de ce tableau.

Par ailleurs, la trame est chargée d'écus appartenant à l'ascendance de Pierre Chohan, depuis le début du XVème siècle. Des attributs y évoquent un prélat, un abbé mitré ; une devise se lit : V. Pour guide. Enfin, sur la corniche de la hotte et à la partie inférieure, courent, en grands caractères dorés, les versets suivants de l'Ecriture : Quemadmodum desiderat servus [sic] fontes aquarum sicut desiderat anima mea ad te Deus, Comme le cerf désire les sources d'eau, ainsi mon âme te désire, mon Dieu. — Beatus vir cuius est nomen Domini spes eius, Bienheureux est l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance.

Linteau et hotte, ainsi historiés, sont supportés par des piédroits, qui paraissent bas et comme écrasés par cette charge. Ils sont moulurés dans le style du XVème plutôt que du XVIème siècle. Peut-être proviennent-ils d'une construction précédente.

Ce pennon héraldique, de dimension inusitée, suppose une science consommée du blason. En outre, les armoiries dont les figures et les signes sont aussi variés que réduits, — un écu porte jusqu'à dix partitions, ont été traitées avec une habileté qui révèle le talent d'un maître. L'artiste a su modeler la pierre et la soumettre à son gré. La représentation que nous donnons de cette oeuvre, unique en Bretagne, ne la rend pas intégralement, celle-ci se trouvant sectionnée, dans la hauteur, par une poutre du plafond. L'épreuve laisse deviner les peintures anciennes, légèrement patinées, qui maintiennent au tableau sa vie et ses reliefs.

Faut-il révéler qu'un malheur irréparable menace avant peu ? Des infiltrations de pluie ont pénétré jusqu'à ce rez-de-chaussée et ont déjà gravement endommagé les sculptures.

Dans une pièce contiguë à la grande salle, existe une autre cheminée dont le linteau est paré de trois grands blasons écartelés. Au-dessus de la table de la cheminée, un médaillon de feuilles de chêne est supporté par deux lions en demi-bosse, d'une très belle exécution. Les La Bourdonnaye sont venus substituer, dans le médaillon, leurs armes (trois bourdons) au cerf passant de leurs prédécesseurs. Egalement, ils ont tenu à apposer leur blason, dans un collier de Saint-Michel, sous l'accolade flamboyante de la porte du manoir. Jean de La Bourdonnaye, premier seigneur de Coëtcandec, avait été reçu chevalier de Saint-Michel.

Si la cheminée monumentale du rez-de-chaussée est une oeuvre curieuse et originale, l'escalier, enfermé dans la tourelle polygonale, est un travail d'architecture d'une réussite parfaite. Il est spacieux — l'emmarchement fait 2 mètres sur 0 m. 65 de large — ajouré de grandes baies et d'une révolution extrêmement douce. Nous n'en connaissons guère de plus harmonieux par les proportions et la légèreté. Ici encore, les Chohan ont tiré de leur armorial des sujets d'ornementation. A chaque palier, dans l'ébrasement des fenêtres et dans les angles libres apparaît un blason, plus ou moins meublé, d'une forme originale, parfois agrémenté d'un accessoire héraldique tiré de l'imagination féconde du maître d'oeuvre ou des seigneurs du lieu.

Pure ostentation, vanité de hobereau, pensera-t-on. Ces travers sont inhérents à la nature humaine. La manie des Chohan vaut au moins à la postérité le témoignage que ces gentilshommes campagnards recherchaient le beau et goûtaient le vrai talent.

De tout temps la noblesse eut le souci de ses prérogatives. Certaines verrières d'église semblent avoir été imaginées pour placer les armoiries qui s'y disputaient la prééminence. Les chartriers seigneuriaux sont encombrés des pièces des procès que ces rivalités suscitaient entre gentilshommes voisins. Des seigneurs s'opposèrent à la restauration d'églises ou de chapelles, par crainte qu'on touchât à leurs armoiries ou à leurs tombes privatives. Le général des paroisses et les recteurs, beaucoup plus indépendants qu'on ne l'imagine, ne se privaient pas d'aller à l'encontre de ces oppositions seigneuriales (Arch. Morb., E 911). 

Louis XIV battit monnaie avec les honneurs que la Noblesse avait tant à coeur. Mais à l'époque des Chohan de Coëtcandec, les dignités nouvelles n'avaient pas paru et les armoiries gardaient leur antique prestige.

De l'escalier, en pente très atténuée, on franchit insensiblement les degrés qui conduisent à l'étage du manoir. Là, une vaste pièce correspond à la grande salle du rez-de-chaussée. Le soleil d'or de Jéhovah et la sentence Timentibus accompagnent le cintre de la porte d'accès. A l'intérieur, une cheminée, de la même dimension approximativement que celle du rez-de-chaussée, est l'attrait principal. Mais la hotte proprement dite de la cheminée reste vierge. Les ressources et les ouvriers ont-ils manqué à son achèvement ? Seul le linteau, de 5 mètres de long sur 0 m. 55 de large, est garni de blasons, les mêmes que nous avons déjà rencontrés. Le cerf passant a, comme supports, deux lions. Au-dessus de la frise armoriée du linteau, se lit en lettres d'or : Sancte, Sancte, Sancte, Domine Deus Sabaoth, Miserere Nostri. Saint, Saint, Saint, Seigneur Dieu des armées, ayez pitié de nous. 

Opposition de grandeur et de sacrifice : dans un retrait obscur de la cheminée, un citoyen, Bleu ou Blanc, sans doute incarcéré et qui aura médité cette sentence, a tracé, avec la pointe d'un canif, son seing : Le Long 1792. On sait que Coëtcandec et les La Bourdonnaye ont joué un rôle actif dans les luttes de la chouannerie. C'est peut-être à la chouannerie que nous devons d'avoir, dans la région, moins d'emblèmes nobiliaires brisés ou détériorés.

Les piédroits de la cheminée du premier étage ont les mêmes moulures que ceux du rez-de-chaussée.

Hors du château s'affirme encore la manie héraldique des Chohan ; les sculptures de ce genre ont débordé les limites du logis seigneurial. Nous avons observé plusieurs blasons écartelés, sur la façade d'une métairie qui conduit au château. D'autres métairies, nous a-t-on assuré, en sont pourvues.

La croix ancrée de Jeanne Grillon — simple ou unie au cerf de Pierre Chohan — qui figure aux places d'honneur dans la décoration intérieure, date la construction du logis principal, au plus tôt, de 1530. Les piédroits prismatiques des cheminées et le style de transition de la façade nous auraient d'abord porté à estimer l'oeuvre de la fin du XVème siècle, ou des premières années du XVIème, contemporaine de Josselin [Note : Il y aurait quelques rapprochements à faire avec Josselin (1490-1505). A Coëtcandec, dans la pièce contiguë à la grande salle du rez-de-chaussée, le linteau de la cheminée repose, de chaque côté, sur un encorbellement et des consoles prismatiques, exactement comme dans le grand salon de Josselin. — On trouve à Coëtcandec et à Josselin, comme ornement architectural, des tresses d'épais cordons, sans parler des motifs courants du style flamboyant].

La décoration intérieure n'est pas nécessairement de l'époque de la construction, elle a pu être conçue plus tard par Guillaume Chohan, fils de Pierre, et Nicole du Breil de Liré, sa femme, mariés en 1577 et dont les armes sont répétées, figurant également en bonne place. Guillaume a reçu le collier de Saint-Michel en 1584, or ce gracieux encadrement d'armoiries n'y figure pas.

La matière diffère. Tandis que la somptueuse cheminée du rez-de-chaussée et certains motifs du vestibule ont été ciselés dans la pierre blanche provenant du bassin de la Loire, le reste est en pierre dure.

La peinture des motifs héraldiques, en bas relief ou en haut relief, soulève un autre problème. Celle des trois cheminées paraît seule ancienne ; pour les émaux, les signes et les figures des blasons, l'artiste a fait preuve d'une véritable science. Les ors sont inaltérés. Il ne paraît pas vraisemblable que des sculpteurs locaux aient eu l'aptitude suffisante pour mener à bien cette décoration d'ailleurs très spéciale. Les écussons qu'on rencontre de nos jours sur les édifices religieux anciens donnent une idée moins excellente de la capacité des tailleurs de pierre du terroir. Les lions, les personnages employés comme supports, non moins que les élégantes couronnes, les fines cordelières, les cornes gonflées de fleurs et de fruits et la multitude des pièces des blasons sont sortis assurément des mains expertes d'artisans étrangers, peut-être du Poitou, pays d'origine des du Breil.

La basse-cour et les bâtiments de service du château occupent un vaste espace. Château, basse-cour, jardins, étaient contenus dans une première enceinte de murs appelée chemise, défendue par des douves très profondes et des tours d'angle. En forme de rectangle, ces murs sont conservés en majeure partie. Ils font de côtés : 153 mètres sur 128. De l'extérieur, on franchit l'enceinte par une large porte charretière ou par un guichet pour piéton. Deux tourelles simulent la défense de cette entrée. Au delà des douves, une forte levée de terre, aménagée en « boulevard », et qui dut servir, au besoin, de chemin de ronde, formait un premier obstacle aux assaillants.

Une tour d'angle, encore debout, témoigne de l'authenticité de la défense qui remonte au moins au XVIème siècle. Cette tour, garnie de meurtrières de flanquement, a 0 m. 75 d'épaisseur de mur et 6 mètres de diamètre intérieur.

Jusqu'à Louis XIII s'imposent aux demeures isolées certaines précautions contre les malandrins qui pillent les campagnes. Les défenses extérieures sont maintenues, les ouvertures sont réservées à la façade intérieure. Et même de ce côté on jugea prudent de les garnir de fortes ferrures. On en voit les tenons sur les montants des grandes fenêtres du manoir du XVIème siècle.

Au XVIIème, le haut remblai de terre dont nous venons de parler fut aménagé en terrasse et planté d'arbres pour l'agrément des châtelains. De larges gradins de pierre y donnèrent accès. De nos jours, la végétation, toujours avide des terres rapportées — nous y avons mesuré un fût de hêtre faisant plus de 4 m. 50 de tour — s'est rendue maîtresse du boulevard.

De ce temps date aussi l'aménagement de l'entrée des cours, telle qu'elle se présente aujourd'hui, accostée de deux tourelles qui n'ont plus le caractère de défense réelle.

Ainsi, les dépendances immédiates du château de Coëtcandec encadrent pittoresquement la vieille résidence seigneuriale des Chohan et des La Bourdonnaye. Le logis du XVIème siècle apparaît comme une pierre précieuse tombée sur le Sillon de Lanvaux. Il atteste le goût artistique de nos devanciers et nous emporte vers un passé de rêves. Que ces vestiges délicieux soient protégés avant qu'ils s'effondrent dans un désastre irréparable [Note : Voici la définition des principales armoiries qui se voient dans le château de Coëtcandec : ARGENTRÉ, d'argent à la croix pattée d'azur (les émaux n'étant pas figurés, ces armes pourraient convenir à différentes familles portant toutes une croix pattée, notamment Baudouin, Beaulac, Bonenfant, le Coz, Kerguz, Kerrouaud, Kervillau, Motte, Parthenay et Penguilly) ; ARS, d'argent à trois quintefeuilles de gueules ; BEAUMONT, de gueules à l'aigle d'or ; du BELLAY, d'argent à la bande fuselée de gueules accompagnée de six fleurs de lys d'azur ; BERNARD, d'azur à trois fasces ondées d'or ; BINO DU RESTO, d'or à trois têtes de chien de sable ; la BOURDONNAYE, de gueules à trois bourdons d'argent en pal ; du BREIL, de gueules à trois lions d'or, à la bordure d'argent chargée de huit merlettes de sable ; CHABOT, d'or à trois chabots de gueules en pal ; CHOHAN, d'argent au cerf passant de gueules ; la FONCHAYE, de vair à la croix de gueules ; GOULAINE, mi-partie de France et d'Angleterre ; GRILLON, d'azur à la croix ancrée d'or ; KERAMPARTZ, fasce d'or et de sable de six pièces ; PHILIPPOT, de gueules à cinq besants d'or, 3 et 2, au chef enclenché d'argent ; QUIRISEC, d'argent à six hermines de sable, 3, 2 et 1, au chef cousu d'argent chargé de deux coquilles de gueules (POTIER DE COURCY, Nobiliaire et armorial de Bretagne, 3° éd., 1890)] (Hervé du Halgouet).

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