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Un des plus beaux chefs-d'œuvre de la lingerie bretonne : la coiffe

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« Toute civilisation comporte un ensemble de coutumes, de pratiques, de croyances, qui constituent un tout, et répondent aux besoins de la Société et de l'Individu. Ce tout est plus cohérent qu'on ne croit, et dans les migrations, les oppressions, les conquêtes, il ne disparaît pas autant qu'on l'imagine », — ainsi qu'a pu le dire Théodore Culty, après la récente exposition d'Extrême-Orient, — « en sorte qu'un esprit curieux et averti, peut retrouver dans telle ou telle région donnée, les traces des divers cycles d'art et de culture qui l'ont pénétrée ».

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

C'est cas en Bretagne, où nous allons suivre rapidement l'évolution de la Coiffe, inventée jadis par les Dames de haut parage, et dont les modèles, que nous retrouvons encore dans nos pittoresques provinces, font planer celles qui les portent au-dessus de la vulgarité et de l'uniformité modernes.

L'étude du costume en général, celle du costume régional en particulier, a tenté beaucoup d'érudits et d'écrivains ; la documentation sur la coiffe seule est beaucoup plus rare.

Je renverrai ceux qui s'y intéressent, et qui désirent être plus spécialement renseignés, au livre si complet du Prince Bianchi de Medicis : « Anthologie de Coiffes et Types actuels du peuple breton, appliquée à ses origines ethniques »..., livre où l'auteur traite de la « Coiffe » avec toute la science et l'autorité qu'on lui connait.

Etant, depuis de longues années, collaboratrice modeste du Prince, dans ses recherches en Bretagne, en contact fréquent avec sa pensée, celle-ci transparaîtra souvent au cours de ces pages, où il sera surtout question de la « Coiffe Bretonne », du moins en tant que « Coiffe actuelle ».

La Coiffe semble tirer son origine du turban et du voile ; dès le Vème siècle, sous la forme latine « Cufea » le mot coiffe était employé pour désigner la coiffure féminine. Darmesteter nous dit que le mot « Cofea », devenu « Coife ». « Coiffe », paraît se rattacher au même sens radical que l'allemand « Kopf » (tête).

Fortunat raconte à son tour que sainte Radegonde, qui vivait à la même époque, déposa comme offrande, sur l'autel d'une église, les objets les plus précieux de sa garderobe, entre autres ses Coiffes.

L'expression Coiffe était alors employée dans un sens beaucoup plus étendu qu'aujour'hui, nous n'en exigerons donc pas une interprétation trop rigoureuse.

Elle désignait, probablement, pour sainte Radegonde, un ajustement adapté à des bandes de lingerie roulées autour de la tête, et rehaussées de bijoux précieux.

A ce moment, les classes élevées, seules, créaient la mode : les cours, les républiques antiques eurent à leur tête des monarques dont les femmes firent loi en matière d'élégance. Les impératrices de Byzance du VIème siècle, dont on peut voir les bustes aux Musées du Louvre, du Capitole, du Château de Milan, portaient un bourrelet contournant le front et la nuque, et une coiffe resserrée avec des liens, qui, sauf une mèche temporale, cache totalement les cheveux.

L'influence de la mode orientale sur l'Occident dura jusqu'à l'époque romane, comme nous pouvons le constater d'après les miniatures françaises de l'époque (VIIIème, IXème et Xème).

Les femmes franques se paraient du « Mavort », voile qui leur enleveloppait la tête et descendait sur les épaules (fig. 1). D'autres portaient un manteau qu'elles, jetaient sur leur tête en entrant à l'église. Elles devaient communier la tête couverte. Cette coutume se retrouve encore parmi les veuves de l'île d'Houat (Morbihan), qui placent sur leur coiffe une sorte de tablier en laine, noir, quand elles vont aux offices. Au Xème siècle, les femmes se coiffèrent d'un morceau de toile dont les bouts tombaient par devant et par derrière, Comme en Lithuanie à l'heure actuelle. Ce voile s'appelait « Guimpel », d'où le mot « Guimpe », ornement qui s'harmonise encore avec la coiffe dans nos régions bretonnes, sous le même nom ou sous celui, plus délicat encore, de « Modestie ».

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Durant le Moyen-Age, avec les voiles, nous voyons par une statue du porche de la cathédrale de Chartres (fig. 2) une femme coiffée déjà d'un bonnet de linge doublé d'une bande empesée, ondulée ou plissée, et ayant la forme d'une toque, appelé « Touret ». Celui-ci s'épinglait sur un couvre-chef en linon fin, qui cachait le dessus du crâne et contournait le menton.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Notons, en passant, — et ceci n'est pas négligeable, car il nous montre la haute ancienneté de nos coiffes et de leur armature, — que déjà les Dames de qualité (les jeunes filles le firent par la suite), enfermaient leurs cheveux dans une Coiffe coulissée, en soie, recouverte d'une résille, brodée, perlée, très élégante. Cette même disposition se rencontre encore dans nos campagnes : en Loire-Inférieure, au pays rennais, en Vendée surtout, où l'analogie est frappante (fig. 3).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

L'idée de cacher les cheveux nous est venue d'Orient. Elle a passé de la religion juive dans la morale chrétienne, dès les premiers siècles. En 1371, le chevalier de la Tour Landry conseille à ses filles d'être très réservées dans le déploiement de leurs cheveux : « Il est malséant, leur dit-il dans ses écrits, de se pignier devant les gens ». A ce moment, une belle chevelure était considérée comme rehaussant l'éclat de la jeune fille.

L’an passé, avec assez de succès, Schiaparelli a ramené les élégantes au port pratique de la résille (fig. 4).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Tourets et voiles disparaissent dès le XIIème siècle. A la fin du XIIIème on ornait les cheveux d'un cercle d'orfèvrerie ou d'une couronne de fleurs. Cette charmante idée, si féminine, se retrouvera plusieurs siècles plus tard, en Vendée, du côté de Fontenay, dans un gracieux mélange de fleurs et de dentelles formant la coiffe.

Probablement tentés par la propriété et le côté pratique de la coiffure en linge, qui se blanchissait facilement, les hommes de tout âge et de toute condition adoptèrent à la même époque la « Kalle » ou « Calette ». C'était un bonnet en forme de béguin, s'attachant par des pattes sous le menton. Des miniatures établissent qu'il était porté par des seigneurs au temps de Philippe le Bel (fig. 5).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

On confectionnait en toile blanche la Calette, dont les personnes âgées de nos campagnes et les petits enfants font encore usage (fig. 6). Toutefois, les riches et les élégants la remplaçait par du linon ou même par une étoffe en gaze, extrêmement fine et transparente, ainsi qu'en témoigne le portrait de Charles V dont le bon goût égalait la sagesse légendaire (portrait conservé au musée de La Haye).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

La « Coiffe » adoptée par la suite était une « Kalle » sans brides, que les hommes portaient sous le chapeau ; ces deux appellations ont été souvent confondues.

Disons un mot de « l'Aumusse », souvent synonyme de « Chaperon », avec laquelle certaines coiffes courantes de nos régions, à la fin du siècle dernier, avaient une ressemblance frappante.

A la mode durant la première moitié du XIVème siècle, elle se composait d'un capuchon doublé de fourrure et prolongé en mantelet jusqu'au bas des reins. Cette coiffure était accompagnée d'une guimpe de lin, fine et blanche.

C'est elle que nous trouvons dans l'effigie funéraire de Guerrande de Montdidier (fig.7).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Et que perpétuait encore le couvre-chef des paysannes de Châteaubriant vers 1840 (fig. 8).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Dès la fin du XIVème et le début du XVème, apparaissent : « l'Escoffion »... les premiers voiles à bords plissés à la paille, et aussi les voiles posés sur la coiffe gaufrée, disposition fixée par l'artiste sur le buste sculpté d'Isabeau de Bavière, conservé dans la cathédrale Saint-Denis (fig. 9).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Les pièces en linge, plus ou moins amples, plus ou moins rigides, emboîtant la tête et les épaules, s'appelaient « Huves », du gaëlique irlandais « Hufa » (fig. 10). La « Huve » ou cornette des Dames de qualité, était en soie, celle des femmes de modeste condition se bâtissait dans un morceau de toile.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Un compte d'Isabeau de Bavière nous apprend que les pièces des atours s'empesaient avec un empois de farine et avec de la gomme.

Le voile, mué en coiffe, devient l'apanage exclusif de la femme, rehaussant chez elle une qualité de séduction qui lui appartient en propre.

La Vierge Marie, dans un tableau célèbre, par le Maître de Moulins (fig. 11) est représentée en coiffe rigide.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Le même principe d'ajustement de tête se retrouve dans des sujets empruntés à des manuscrits du XVème siècle : style droit français.

On peut dire que ces coiffes ont inspiré, tant l'analogie est frappante, certaines coiffes simples du pays breton : Brignogan et Plonnéour-Trez (fig. 12), l’île d'Houat (fig. 13). Sous Charles VI, Charles VII et Louis XI, ce sont des coiffures hautes, à lobes latéraux, à cornes ou à bourrelets et les mortiers qui dominent.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Nous laisserons de côté toutes ces coiffures, avec lesquelles les nôtres n'ont qu'un rapport lointain, pour nous arrêter à l'étude du « Hennin » d'abord, du « Chaperon » ensuite qui, eux, peuvent être considérés comme types primitifs de beaucoup de nos coiffes bretonnes.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Le premier, imaginé, dit-on, par une dame de Hénin, dans la seconde moitié du XVème, semble d'inspiration orientale : Syrie, Circassie, Géorgie ? Il consistait en un cornet très élevé, qu'on portait plus ou moins incliné en arrière.

De nombreux documents nous fixent sur la forme du hennin : peinture murale du XVème siècle (Musée du Trocadéro (fig. 14), miniature relatant la rencontre de Priam et d'Hélène, dans la Chronique de Jean de Courcy (fig. 15).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

 

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

La princesse Hélène y arbore un couvre-chef dont l'élégante coiffe de Pornic (fig. 16), portée pour les cérémonies jusqu'à la guerre, semble être un dérivé très proche, comme l'étaient les coiffes des mariées de Nantes et de Guérande jusqu'en 1830 (fig. 17) et comme le sont également encore celles de Carhaix (fig. 18), de Kerlouan. Celles d'une grande partie de la Loire-Inférieure, les « bergots nantais » sont, en somme, des hennins tronqués, comme le prouvent les fig. 19 et 20 : jeune femme de la région de Cordemais et personne âgée de Bouguenais.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Durant le XVème, à titre d'ornement, on ne délaissait pas complètement les voiles : en effet, de l'extrémité des hennins, pendaient de légères gazes ou mousselines..., d'autres étaient garnis de voiles échafaudés.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Quelquefois on posait par dessus un bourrelet apparenté à celui qui, aujourd'hui encore, dans certains régions, protège la tête des enfants.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Les dames de qualité, seules, adoptèrent le Hennin ; la bourgeoisie se couvrait d'un chaperon et la femme du peuple d'un voile, ou d'un chaperon en drap. Une miniature du temps représentant Pierre de Caillemesnil offrant son livre à Louise de Savoie (fig. 21) nous montre que le chaperon était toutefois porté aussi par la noblesse et la femme riche, mais il était alors confectionné en velours, de teintes variées. et orné de broderies, perles fines, fils d'or.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Anne de Bretagne préférait la coiffure basse à toutes les autres, et la fit adopter par la Cour (fig. 22). Le chaperon était posé sur des « Templettes », bandes d'étoffe de lin, très blanches, qui descendaient le long des joues (fig. 23 et 24). Et c'est là, sans aucun doute, l'origine de beaucoup de nos capots bretons.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

 

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Comme au temps de la Bonne Reine, beaucoup de capots actuels sont encore posés sur un bonnet en linge, et se font souvent, ainsi qu'à cette époque, en drap noir et velours. doublés d'étoffe rouge ou bleue, tel le capot actuel de Pontivy (fig. 25).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

La coiffe artisane de Baud est de même aspect que le chaperon de la Reine Anne, mais toute en broderie, à l'heure actuelle.

Les résilles revinrent à l'honneur sous Claude de France, première femme de François Ier. La cornette se sépara ensuite du chaperon et fut portée jusqu'au XVIIIème siècle. Ce nom est resté pour désigner quelques coiffures de religieuses, comme celles des Sœurs de Saint-Vincent de Paul, ainsi que certaines coiffes de cérémonie, portées dans les régions de Pontivy, Baud, Locminé (fig. 26).

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Vers la moitié du XVIème siècle, Marie Stuart mit à la mode une coiffure dont le souvenir nous reste avec nos coiffes régionales de Saintonge (Vendée). A la fin de ce même siècle, les femmes adoptèrent « l'attifet ». C'était la coiffure de Catherine de Médicis. après son veuvage, et elle se porta jusque sous le règne de Henri III. On en retrouve l'aspect dans la coiffe de Saint-Maurice en Savoie. En général, un long voile accompagnait l'attifet, tradition qui se conserve chez nous, dans le costume de grand deuil.

Il ne faut pas oublier qu'aux XVème et au XVIème siècles la mode féminine fut très influencée par l'Italie et par les Flandres, ces dernières ayant propagé les innovations à la faveur des beaux modèles, représentés par les tapisseries dont elles fournissaient toute l'Europe.

Sur l'une d'elles. — tapisserie de Saint-Martin-de-Quercy, — nous pouvons voir l'une des Dames d'honneur (fig. 27), coiffée d'une pièce de drap noir, absolument identique à celle que portent en hiver les bergères de la région d'Auray, et qui a nom la « bugulèse » (fig. 28).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

 

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Nous trouvons, à la fin du XVIème, un rappel de chaperon ; coiffure à bavolets larges et plats, que l'on relève sur la tête, ce repli l'abritant sous une sorte de plan carré (fig. 29).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Ce genre de coiffe est porté encore en Italie, par les « Ciociare », paysannes des Romagnes et de la Calabre. La coiffe ouessantine (fig. 30) conserve une parenté très étroite avec ces dernières.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Les formes de coiffes que nous verrons maintenant portées à la Cour, ou par les riches bourgeoises du temps perdent beaucoup de leur style, et deviennent pour nous, de ce fait, moins intéressantes.

A cette époque, on voit la « fontange », et la « cornette », cette dernière ayant déjà passes et brides et affectant des formes compliquées et différentes.

Pendant longtemps, on donna le nom de « bonnets » à ces coiffures ; ils étaient confectionnés en gaze ou en batiste, ou encore avec un fond de linon garni de dentelles.

L'époque Louis XVI en a imaginé un nombre considérable... Puis il y eut les bonnets révolutionnaires..., les bonnets Charlotte Corday.... des capotes de percale et enfin, vers 1840-1850, une nouvelle floraison de bonnets ornés de dentelles et de rubans, et dont beaucoup s'agrémentaient de brides. Ceux que nous reproduisons en bandeau, au début de cette étude, proviennent de la collection offerte aimablement par Monsieur et Madame Panneton, du Musée des Arts Décoratifs de Nantes où se retrouve dans chaque salle, le goût intelligent et éclairé de son distingué Conservateur, Monsieur Gauthier.

Nous arrivons ainsi Là la coiffe actuelle. Nous la définirons d'après le Prince de Médicis « une parure, un ornement de tête, en lingerie légère, tulle, mousseline ou gaze, bijou d'art architecturé, orné de petits plis, gaufrages ou dentelles ».

C'est, en effet, tellement un ornement, qu'une brave femme, à qui, l'an passé, nous en faisions la remarque, nous répondit avec beaucoup de bon sens : « C'est bien vrai, puisqu'il ne sert à rien ».

Rapprochons cette réflexion de celle, toute récente, d'André Breton, le grand défenseur du surréalisme : « L'œuvre d'art, sous peine de cesser d'être elle-même, doit demeurer déliée de toute espèce de but pratique ».

Il est curieux que la conclusion d'un moderne surréaliste trouve son application la plus complète dans la coiffe.

La femme, être de charme ou de beauté, possède cet instinct profond de tout changer en parure, depuis le voile jaloux que le maître du harem lui impose, jusqu'aux ingénieuses coiffures régionales de notre temps.

La « Coiffe » est au plus haut degré artistique ; elle seule a gardé le grand style des coiffures de nos belles époques : c'est une parure, une orfèvrerie de dentelles que sertit le visage féminin comme une gemme précieuse.

Pourquoi faut-il que la tradition esthétique soit rompue, et qu'après s'être réfugiée pendant si longtemps dans nos campagnes, la, coiffe soit ainsi à la veille de disparaître ?

Il est regrettable surtout que ces joyaux de lingerie, qui nimbent si gracieusement nos paysannes (fig. 31) cèdent à la laideur et à la vulgarisation en série des modes présentes...

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

L'afflux des gravures et catalogues de grands magasins de confections, mine petit à petit la tradition locale ; le goût des femmes. désorienté, ne distingue plus le laid du beau, dans ce qu'à tout instant la ville et ses perpétuels changements lui apportent.

La question de la Coiffe est de grande envergure. Elle intéresse notre âme nationale. Nos Coiffes semblent être un fruit exclusif de la vraie chrétienté européenne et du prestige spécial dont elle a entouré la femme dès le XIIème siècle, l'idéalisant au suprême degré, comme aucune autre civilisation n'avait pu le faire jusqu'alors....

Elles ont connu leur plein épanouissement — voyez les livres d'heures et les missels — au moment où l'art de nos cathédrales atteignait son apogée.

Jadis on trouvait des paysannes en coiffe dans toutes les parties de l'Europe : Suède, Norvège, Hollande, Angleterre, Allemagne. Suisse, etc..., ainsi que dans toutes les régions de la France : dans les environs proches de Paris, aussi bien qu'à Lyon, Rouen, Orléans. etc...

Les fillettes s'en paraient dès l'âge de 6 ou 7 ans. Elles portaient auparavant le bonnet à trois côtés. (fig. 32) en linge ou en étoffe, bordé de la ruche traditionnelle. Nous gardons un souvenir ému pour la petite tresse de cheveux, réunis et serrés, s'échappant, mutine, de cette coiffure, et terminée le plus souvent par un simple brin de laine de vive couleur...

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Dans nos villes, méconnaissant les valeurs profondes de la tradition, nous avons fait beaucoup pour hâter l'abandon de la coiffe et du costume : Dans nos écoles (des deux côtés de la barricade d'ailleurs), où les diplômes sont refusés aux personnes en coiffe..., aussi bien que dans certaines publications pour enfants, où nous voyons la jeune Bretonne, toute remplie — pour qui la connaît, — de dignité et de gentillesse, ridiculisée sous les traits d'une Bécassine béate et grotesque...

Nous souhaiterions, et je serais heureuse si ces quelques idées émises près de vous, contribuent à ce résultat, nous souhaiterions, dis-je, voir artistes et écrivains bretons s'unir dans un même désir de décentralisation et de défense artistique de leur province.

Nous voudrions leur demander de se montrer fiers d'être Bretons et d'avoir le souci constant de se servir des richesses artistiques considérables de leur province, pour en exalter constamment le prestige et l'éclat.

La femme de la campagne est malheureusement persuadée qu'elle se rehausse en ressemblant à la citadine...

« Pourtant, dès que la vie urbaine l'emporte dans un pays, sur la vie paysanne », constate Dawson, le grand historien anglais, « l'équilibre est rompu, et tout s'achemine vers une plate décomposition... car la vie urbaine est essentiellement propice aux déréglements de l'esprit et du caractère... » et il ajoute : « quand on songe à tout ce que représente en Europe le monde paysan, comme art vrai, — dont la coiffe — on est stupéfait de sa lâcheté devant la mode des villes... ».

Rendons hommage aux Bretonnes des régions du Morbihan et du Finistère... Là les femmes ont conscience que leurs costumes demeurent dans la grande tradition artistique et historique de France : elles les gardent et les embellissent... Les voir évoluer à pied, en auto, voire en avion, dans leurs splendides atours, est pour nous une joie toujours nouvelle, de l'esprit et des yeux...

Les coiffes ont régné pendant des siècles dans un cadre de splendeur souveraine : elles étaient portées par les pauvres et par les riches, à la ville comme à la campagne, et n'ont nullement été un attribut particulier des populations rurales.

Pour vous faire mieux saisir combien les artisanes de nos provinces ont un sens artistique inné tout autant que subtil, nous allons voir l'évolution de l'une d'elles, nommée vulgairement « coiffe à Barbes », qui, en même temps, est la coiffe type descendant directement de la « cuculle » et du voile.

Cette coiffe, portée actuellement encore dans les régions de Gouëzec, Saint-Thois, semble bien être une coiffe en miniature, puisqu'elle mesure environ 0.15 à 0,20 cent. de longueur (fig. 33).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

L'ingéniosité de la Bretonne, en lui faisant subir les modifications successives indiquées sur ce croquis : pinces, plis, volutes, arrive à en faire un petit bijou d'art (fig. 34).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Pour se coiffer (fig. 35) et suivant une mode très en vogue à la Cour du XVème, elle relève ses cheveux sur un lacet de laine et pose dessus un béguin en filet ou en tulle brodé, recouvert, dans sa partie haute, d'un ruban de moire noire.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

C'est seulement sur cette armature préparée avec soin pour la recevoir que la coiffe est définitivement posée.

Toutes ces coiffes se fixent avec des épingles... celle de Plounéour-Trez n'en comporte pas moins d'une trentaine. Jadis on se servait d'arrêtes de poissons ou d'épines.

Le « paliür » porté au Cap Sizun doit son nom à ce fameux paliurus, dit « Epine du Christ » ou arbre épineux, près duquel les femmes venaient s'approvisionner en épines pour servir au maintien de leurs coiffures.

Dans chaque paroisse se trouvait une « atourneuse » (fig. 36), spécialisée dans la pose de la coiffe pour les cérémonies : première communion ou mariage.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

On conservait l'une ou l'autre de ces coiffes comme une relique ; dans beaucoup de régions, telles le Morbihan et le Finistère, cette touchante coutume est encore en usage : la coiffe portée par la femme le jour de son mariage est conservée précieusement pour lui servir encore de parure lors de sa dernière toilette et être déposée avec elle, dans la tombe...

La coiffe, avec ses appellations si poétiques, si différentes, — que ce soit la Câline, la Dorlotte, la Colinette, la Dormeuse, la Catiole, la Pomponne, etc., se modèle sur les nécessités climatiques du pays. Elle détermine un certain visage, et suivant la nature des occupations, elle prend une forme simple, compliquée ou riche... Sur le rivage de la mer, dans les pays de vent, du côté d'Audierne, Brignogan, les îles aux Moines et d'Arz, pour ne nommer que celles-là, les coiffes épousent la forme de la tête.

Notre câline nantaise, simple, mais de grand caractère, orne celle qui la porte sans être un obstacle pour son travail journalier. Autrefois, quand la maraîchère partait de bon matin pour conduire ses produits au marché, elle mettait une sorte de couronne d'étoffe sur sa coiffe. afin de pouvoir impunément poser sur ce coussinet, les lourds paniers allongés remplis de légumes.

Dans le port de la Coiffe, il n'y a pas seulement une question esthétique, mais aussi une question d'orientation spirituelle et morale. « Qui change de costume, peut changer d'âme », dit le proverbe tchécoslovaque : or, l'atmosphère des villes a toujours passé pour délétère, et néfaste pour les destinées psychologiques d'un pays.

La coiffe n'est pas seulement l'enveloppe extérieure d'une civilisation : c'est un indice plus pénétrant... une manifestation précise et caractéristique des sentiments intimes de la personne qui la port e; c'est pourquoi tous les cortèges de jeunes filles en coiffes, que l'on organise facticement, pour l'œil du touriste ou pour une fête officielle, ne peuvent nous émouvoir... il y a là un maniérisme artificiel, une afféterie de commande, qui sentent le déguisement et le défilé théâtral...

Ce qui nous touche, c'est de sentir à tout instant en Bretagne, ce magnifique capital spirituel, si bien implanté chez nous, et c'est cette harmonie, cette santé morale qui ont principalement leur emblème dans la Coiffe.

C'est presque un drapeau régional : voyez durant la grande guerre, lorsqu'une femme en coiffe, ayant traversé toute la France pour voir un père, un fils ou un mari, arrivait aux tranchées, c'était un peu du pays, un peu de la Bretagne, qui, pour tous ces braves soldats, venait avec elle...

Ils la revoyaient avec toute sa poésie et son charme inégalable... avec ses basiliques et ses modestes chapelles où, les jours de Pardon, dans beaucoup d'entre elles : Sainte-Anne-la Palud. La Clarté. Notre-Dame-de-Châteaulin. Gouëzec. etc., les antiques statues des Saints Patrons, pour mieux assimiler leurs fidèles, portaient la coiffe particulière à leur région...

Ainsi sont parées : Sainte Anne et la Vierge (Notre-Dame de Châteaulin) (fig. 33).

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

Mais l'hommage des Bretons allait en ces temps-là, aussi bien aux saints qu'aux saintes, et leur geste pieux s'adressait à un saint Eloi, comme à saint Cornély ou à saint Yves, ce que, avouons-le, ne devait pas manquer de pittoresque.

A la suite de ses longues visites à l'exposition d'art italien, Jean-Gabriel Lemoine nous faisait remarquer que l'art italien, ainsi que l'art Extrême-Orient — à notre époque encore, d'ailleurs. — fut symbolique et c'est ce qui fit pour lui ce grand attrait, s'adressant autant au cœur et à l'esprit qu'aux yeux...

Seules, les œuvres d'art empreintes de ce caractère résistent.

Nos coiffes, symbole de la haute valeur morale de nos Bretonnes, nous enchantent pour la même raison et pour la même raison, elles ne doivent pas périr...

En terminant cette notice sur la coiffe, nous trouvons de la plus opportune actualité de citer des observations touchant l'usage du costume en Bretagne. Elles émanent d'un artiste écrivain lié avec les principaux centres européens de défense du costume national. Partout en Europe nous le voyons respecté et mis à l'honneur comme un pavillon vivant de la petite patrie régionale dont les éléments réunis constituent un patrimoine national. En France, la carence des pouvoirs publics le laisse trop souvent victime de l'indifférence et du ridicule. Il faut réagir, car l'étranger a les yeux sur nous, et suit avec attention les moindres défaillances de notre vie publique.

On sait combien la Bretagne est célèbre dans le monde par son esthétique paysanne. si attachante, si émouvante, pour qui est sensible à la grande voix de la tradition historique. D'éminentes personnalités la connaissant à fond, s'intéressent vivement au maintien de ses costumes et de ses usages, et l'une d'elles nous a autorisée à reproduire textuellement son opinion sur quelques points essentiels. Nous ne nommerons personne, car les faits seuls comptent et chacun s'y reconnaîtra aisément. Nous ne sommes animés d'aucun esprit critique préconçu, mais nous voulons prendre courageusement position, trouvant les griefs exprimés fort justes. (Nous citons textuellement).

« A l'époque où nous vivons, les affirmations les plus hasardées et sans base sérieuse se donnent carrière avec une surprenante facilité. On répète des aphorismes mis à la mode, sans s’inquiéter de la légitimité de leur origine. En ce qui concerne le port des costumes nationaux et régionaux (car l'ensemble des régions forme la nation), le dénigrement a, la plupart du temps, un but mercantile plus ou moins déguisé.

Il s'agit d'évincer le costume national par le ridicule ou d'autres mauvais arguments, pour écouler à sa place de la confection internationale en série, que l'on voit indifféremment vêtir des peuples noirs, jaunes ou blancs.

Certains auteurs nous affirment carrément que tout costume régional qui n'évolue pas est un costume mort !

Rien de moins exact. Si le costume et la coiffe évoluent dans leur ambiance propre, conforme à leur origine historique, en dehors de toute influence hétérogène, les modifications peuvent quelquefois être très fortes, mais l'esprit qui dicte ces variantes s'inspire du même souffle créateur. On s'en aperçoit facilement en feuilletant les anciennes estampes de costumes et coiffes de Bretagne, de Lalaisse et Benoit ou d'autres. Les coiffes sont plus ou moins volumineuse, les jupes plus ou moins amples, des détails vestimentaires plus ou moins transposés ou changés. Mais l'esprit du costume reste le même, son principe constructif demeure intact. Alors l'évolution ne tue pas le costume.

Autre chose est l'influence de la mode essentiellement internationale et cosmopolite de Paris, sorte « d’esperanto » polymorphe du vêlement où le visage national disparait complètement.

Dans tous les pays du monde vous pouvez voir ces mêmes séries de confections, indiféremment portées par Anglais. Japonais. Nègres, Chinois, etc..., laide formule internationale qui a cours partout.

Le costume féminin moderne, élaboré par les couturiers, très souvent étrangers, ne se préoccupant nullement d'aucune inspiration française, et mélangeant les styles au petit bonheur comme un cocktail américain, a surtout comme objectif, la dissymétrie. De préférence à la beauté et à la grâce, on recherche l'étrange, le bizarre, l'inattendu, la sécheresse des lignes géométriques. Tout ce qui donnait autrefois à la femme tant de suavité et de charme est périmé. On pousse la simplification à l'outrance, jusqu'à la gloriole choquante du maillot de bain, triomphe des exhibitions américaines. Si le costume breton évolue sous pareille influence de la mode dite de Paris, c'est sa disparition à brève échéance. En effet, les principes conducteurs de la mode actuelle de Paris sont en radicale opposition avec ceux qui régissent le costume historique d'où sort le costume breton féminin, bijou de grâce et de symétrie.

On a beaucoup épilogué sur la pauvreté, la laideur, de nos costumes modernes. Ils sont un reflet de notre mentalité et de nos mœurs actuelles.

Quel est l'homme de goût, doué de tant soit peu de culture artistique, qui prétendrait faire évoluer du style Louis XIV, Louis XV ou tout autre bien défini, à la mode d'aujourd'hui ! ? L'effet en serait lamentable, tout contraire à la pureté du style, si exigée du moindre artiste intelligent. Or, les éléments historiques du costume breton exigent la même pureté de style, nés, qu'on ne peut en modifier la moindre partie sans nuire à la beauté de l'ensemble.

Nous nous trouvons devant des chefs-d'œuvre d'art populaire aussi respectables que tout autre chef-d'œuvre auquel on ne touche pas.

Ceux qui prétendent faire évoluer le costume breton, s'inspirant de la mode de Paris pour le parisianiser, commettent ainsi une hérésie aussi forte que de vouloir imposer le style de la Tour Eiffel à un monument d'art de la Renaissance ou du XVIIIème siècle. Et la plupart des costumes féminins bretons sont justement ou Renaissance ou XVIIIème siècle.

Nous l'avons constaté bien des fois, l'influence des modes de Paris pousse à la suppression, à l'amenuisement exagéré, aussi nuisible à la beauté du vêtement qu'à la bonne santé du corps.

La coiffe de Quimper par exemple, subissant l'effet de cette manie, s'est presque réduite au volume microscopique d'un dé à coudre planté sur un embryon de chignon, en complet désaccord avec le principe de son origine.

Sur ce chemin on aboutit à l'abolition du costume breton.

Les Bretonnes que nous interrogions reconnaissaient nettement que la tendance parisienne était à l'opposé absolu du sens artistique de leurs ajustements locaux. Elles affirmaient que, dans les circonstances présentes, la stabilité de leur costume était sa seule sauvegarde et que l'adoption du parisianisme, en éliminant ou diminuant certaines parties. avait causé sa mort en maint endroit.

Quand la source d'évolution est néfaste ou par trop hétérogène, on voit que le résultat est tout à l'opposé de ce qu'on a prétendu.

Il nous faut bien parler de la déplorable invention de Bécassine.

La Bretagne à Paris et d'autres journaux ont protesté à diverses reprises. Mais en France, pays frondeur, l'auteur met son point d'orgueil à braver ces bien légitimes susceptibilités. Dessinateur plein de verve et de talent, il a représenté une petit Bretonne, typiquement habillée à la mode de Pontivy (c'est frappant), mais fagotée dans de lourdes frusques, les bas en tire-bouchon, l'expression complètement niaise et ahurie, et par surcroît de disgrâce, affligée du nom humiliant de Bécassine ! !

Il était si facile (comme l'a fait l'admirable Hansi pour l'Alsace) de donner à sa création un aspect plus conforme à la réalité, qui n'aurait nui en rien au succès de ses albums.

Nous avons pénétré dans les moindres coins de la région de Pontivy. Jamais nulle part nous n'avons rencontré ce prototype ridicule. La jeune fille en costume de ce pays est au contraire très bien ajustée, tirée à quatre épingles, d'esprit éveillé et compréhensif.

Parmi les petites ouvrières de Paris on en voit d'infiniment moins bien tenues. Le tort qu'a fait au costume breton cette funeste Bécassine est navrant.

Jamais nous n'oublierons les propos indignés d'une jeune fille de Locminé (pas loin de Pontivy). fort intelligente, pourvue de diplômes au sujet de cette Bécassine. C'est sous ce nom qu'elle se vit persifler à Paris par des imbéciles, dans un quartier ouvrier, quand elle portait son ravissant costume. Elle le quitta pour échapper à ces quolibets outrageants pour son pays comme pour elle-même. L'auteur doit bien savoir qu'errer est humain. mais que persévérer dans son erreur n'est pas glorieux, surtout quand on s'attaque à un modeste type féminin qui ne peut se défendre.

Ceci nous amène à signaler la regrettable manie qu'ont certains artistes de voir les paysans en caricature au lieu de les représenter en toute loyauté esthétique. Nous avons observé ce travers bizarre même chez des maîtres réputés qui outrent exagérément quelques particularités, résultant nullement de la réalité, mais de leur imagination prévenue. Que n'ont-ils le respect affectueux de Greuze pour la classe paysanne !

Nous avons entendu dire avec surprise, que les costumes bretons ne s'accommodaient pas à la circulation moderne ! C'est aussi absurde que faux. Nos propres yeux ont vu maintes fois des Bretonnes en costume local, admirablement diriger leur auto, y monter surtout plus facilement qu'une femme en robe étriquée parisienne, et enjamber le plus aisément du monde des carlingues d'avion sur la plage de Sainte-Anne-la-Palue. Les chapeaux à la mode parisienne s'envolaient, mais les coiffes (même la mitre élevée bigouden) restaient en place.

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Protestons hautement contre la sotte tendance de voir systématiquement une « bonniche » dans toute paysanne portant un costume régional. Beaucoup de paysannes en coiffe sont infiniment plus riches souvent que les prétentieux qui les dénigrent. Nous en avons connu possédant vraiment de grosses fortunes, mais restant noblement fidèles à leur coiffe et costume et roulant dans une auto aérodynamique du dernier modèle qu'elles venaient d'acquérir. Il y a tant de bonniches en mode de Paris, que nous ne pouvons admettre pourquoi un journal comme le Figaro, dans sa rubrique d'annonces pour domestiques, fait dans un dessin d'affiche, pleurnicher une Bretonne quémandant une place au goguenard Figaro. Cette prévention saugrenue est absolument agaçante pour les paysans riches ou aisés attachés à leurs costumes nationaux.

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On argue aussi mal à propos de la cherté des costumes bretons. Il est vrai que la première dépense est plus forte, mais combien ce vêtement de belle qualité et pas de camelote courante, résiste plus longtemps et conserve Son cachet.

La mode de Paris n'est qu'un constant tourbillon de formes perpétuellement mouvantes, tout aussi médiocres les unes que les autres, et à la moindre fatigue elle perd toute tournure et façon. Vraiment la bretonne ne gagne pas au change. Voilà pourquoi tant d'artistes se pâment d'admiration devant une paysanne bretonne authentiquement bien vêtue dans son style, sans trace de fade afféterie parisienne. La moindre trace de cette altération fantaisiste se décèle immédiatement et donne une impression de déguisement très déplaisante. C'est le grand reproche qu'on fait à certains éléments de cortèges pour touristes. Ce n'et plus du costume national dans son noble caractère propre, mais du « carnaval ».

Le Français a le grand tort bien reconnu de raisonner dans l'abstrait. L'intellectuel, par défaut d'éducation (car l'instruction et l'éducation, ça fait deux) est trop souvent dénué du plus élémentaire sens d'art, de style et de goût. Voyons les réalités concrètes et leur enchaînement fatal. « Il est vain, dit le grand industriel, Louis Renault, de régner sur un monde idéologique de papier. L'expérience des hommes et des choses, voilà le réel ».

On répète assez facilement qu'il faut être de son temps. Il y a des époques troublées, désaxées, où toute personne de bon sens se réserve. Ce n'est pas le moment de tolérer de fâcheuses influences. Beaucoup de ceux qui prétendent faire évoluer les costumes régionaux, accepteraient de les enterrer bénévolement sous des fleurs tout en se donnant l'air de les vanter et mettre à l'honneur de temps à autre.

Lingerie bretonne : la coiffe bretonne.

On doit franchement leur conserver ou redonner vie et prestige, car ils reflètent dans leur style et leur particularisme stabilisé, le vrai visage de la France de toujours.

(Nantes, janvier 1937. Noëlie Couillaud).

Note : La Coiffe de Plougastel. En temps ordinaire, cette coiffe, qu'Abel Hugo admirait fort et qu'il comparaît au chapska polonais, est en percale et relevée et épinglée sur la tête ; un cintre en zinc, nommé bourleden, lui assure la rigidité nécessaire ; deux barbes en descendent sur l'épaule ; une mentionnière de couleur la fixe au cou. Il ne faut pas moins de deux mètres d'étoffe pour la confection de cette belle coiffe, dont on ne peut mesurer l'amplitude qu'une fois dépliée et qui est le grand luxe des Plougastéloises. D'autre part, la blancheur immaculée qu'elles s'efforcent de lui conserver ne peut être obtenue par les procédés ordinaires : la lessive ne se fait que deux ou trois fois l'an dans les fermes bretonnes. Il en découle que, pour subvenir aux nécessités journalières, une Plougastéloise qui se respecte, doit posséder au moins une grosse de coiffes, soit 144 ! [Charles LE GOFFIC. (L'Ame bretonne, vol. IV)].

Voir aussi Coiffe bretonne (Bretagne) "La coiffe bretonne (origine, évolution)

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