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Massacre fait par les paysans à Roscanou |
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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion. La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598. |
Massacre
fait par les Paysans à Roscanou.
En
cette même année 1590, le sieur baron de Kerlec'h (Note : Le baron de Kerlec'h
était en son nom Claude du Chastel. La jeune héritière qu'il avait épousée
se nommait Jeanne de Coëtquen dame de Caver en Yvignac ; elle était enceinte lors de l'incendie de
Roscanou. Sa fille unique, Claude du Chastel, dame de Kerlec'h, épousa, François,
baron de Kergroades sgr du Bois. Hervé du Chastel de Kerlec'h, frère juveigneur de Claude,
avait épousé Louise de Hirgars, de la paroisse de Crozon, dont le frère périt
dans l'incendie de Roscanou, avec lui finit cette famille), de Léon, l'un des
braves et beaux galants de la Bretagne, s'étant tenu quelque temps à Rennes,
ville du parti du roi, pour la recherche d'une dame fort riche et famée, mais
bien jeune, n'ayant que douze à treize ans, et l'ayant épousée quelque temps
après, la voulut rendre au pays, au mois de septembre en ladite année, en
compagnie de soixante ou quatre-vingts chevaux, pour se défendre contre les
paysans qui étaient partout sous les armes et avaient, en plusieurs lieux,
retranché tous les chemins. Cette brave compagnie ayant déjà passé plusieurs
dangers, étant arrivée de même par chemins inconnus, crainte des paysans,
jusque à la paroisse de Gouëzec, distante de cinq lieues de Quimper, allèrent
pour coucher en une noblesse de ladite paroisse, nommée Roscanou, où était la
dame de la maison, veuve d'un conseiller du présidial de Quimper, qui était du
parti des royaux, parente et alliée à plusieurs de la compagnie, qui seule
savait leur venue et avait fait des préparatifs pour les recevoir. Et d'autant
qu'elle était seule en tout le quartier des environs du parti des royaux, et
qu'elle parlait trop librement et menaçait quelquefois de faire ruiner le pays,
elle était haïe et fort suspecte à la commune. Le bruit courut incontinent
qu'il y avait grande troupe de royaux à Roscanou, et croyant que c'était pour
les perdre, ils firent sonner le tocsin par toutes les paroisses, et les plus éloignés
entendant le tocsin par toutes les paroisses, faisaient le semblable, et jusque
en cette ville de Quimper, sans savoir ce que c'était ; si bien que tout le
pays fut en armes en attendant savoir en quel endroit était l'ennemi. Les
prochaines, comme Pleyben, Gouëzec, Lennon, Edern, bloquèrent incontinent la
maison où ils étaient. Eux, méprisant les paysans et se faisant fort de les
chasser quand bon leur eût semblé, ne se souciaient que de faire bonne chère.
Et cependant les autres paroisses se rendirent toutes là avec force noblesse, même
se trouva le sieur de Rosampoul avec plusieurs autres, et des habitants de cette
ville. Les paysans sachant que les ennemis étaient tous gens de cheval, pour
leur couper les chemins de se sauver, retranchèrent toutes les avenues autour
de la maison, de manière qu'il était impossible qu'aucun cavalier y pût
passer. Les assiégés voyant cela reconnurent leur faute de ne s'être pas
retirés pendant qu'ils en avaient encore le pouvoir. Ils firent pourtant,
partie d'eux, un essai de vouloir passer à cheval, ce qu'ils ne purent faire,
et leur convint de retourner plus vite que le pas d'où ils étaient sortis.
Quant au sieur de Kerlec'h et la plupart des chefs, voyant qu'il n'en pouvait
retirer la jeune dame son épouse, se résolut à mourir avec elle. Cependant
les communes mirent le feu en la maison qui s'alluma incontinent partout, et
n'ayant plus lieu de se retirer, les uns sortaient l'épée au poing pour éviter
les flammes, allaient se faire tuer par le fer plutôt que par le feu, et de
quelque côté qu'ils se tournassent, ils ne voyaient que l'image de la mort :
si est-ce que toute autre mort leur paraissait plus douce et pour le moins,
moins cruelle que le feu, et se jetaient les uns après les autres, à mesure
que le feu les pressait, parmi les fourches et hallebardes des paysans. La jeune
dame de Kerlec'h fut prise par quelques soldats pour la rendre au sieur de
Rosampoul là présent, qui désirait la sauver, et tous les autres, s'il l'eût
pu. Mais il y pensa perdre la vie. Et quant à la jeune dame, elle reçut un
coup de fourche en la gorge, dont elle pensa mourir. Le sieur de Rosampoul la
mit entre les mains de ses gens, pour la garder de la fureur rustique, puisqu'il
n'en pouvait sauver d'autre. Et cependant, entre le fer et le feu, cette pauvre
et infortunée troupe fut toute tuée, sans qu'aucun échappât, que cette jeune
dame qui n'était qu'un enfant ; et aussi la fille de la dame de la maison, qui
était héritière, âgée de neuf ans, qui fut jetée dans un fossé, d'où
elle fut retirée vive et préservée de ce massacre. Il y mourut en tout,
compris ceux de la maison, plus de quatre-vingt-dix personnes, dont il y avait
soixante gentilshommes et nombre de chefs de maisons, la plupart de Léon,
parents, alliés dudit sieur de Kerlec'h, les noms desquels je n'ai appris. De
Cornouaille, il fut tué le sieur du Hirgars, de Crozon ; le sieur abbé de
Saint-Morice (Note : L'abbé de Saint-Morice, de Carnoët, se nommait Pierre de
Vieux-Chastel. Il était du très petit nombre des ecclésiastiques qui
suivaient alors le parti du roi en Bretagne), en surnom de Vieux-Chastel, de la
maison de Kersal, près Carhaix ; le sieur de Kerlouët (Note : Le sieur de
Kerlouët était des environs de Carhaix son nom de famille était Canabert), du
même canton, et plusieurs autres, avec nombre de demoiselles et autres femmes
et filles, sans miséricorde de personne, pour la grande haine que la commune
portait à la dame du lieu, qui les menaçait de les faire brûler en leurs
maisons ; mais Dieu tourna le malheur sur elle et sa maison. L'année
d'auparavant, ceux de Pleyben avaient tué un sieur neveu de cette dame, appelé
de Kerguelen, en seigneurie de Châteaunoir, et depuis elle se vantait d'en
faire une sanglante vengeance, et l'on était persuadé que cette troupe était
arrivée à cet effet. Toutefois, la vérité est qu'ils ne faisaient que passer
pour aller à Brest. La maison de Roscanou (Note : L'héritière de Roscanou se
nommait Lesmaës. Nous verrons plus loin qu'elle épousa N. du Guermeur. sieur
du Corroarc'h) fut toute brûlée, et tout ce que l'on put sauver du feu fut
tout pillé par les communes, qui ne laissèrent rien que ce grand nombre de
corps morts tout nus d'un côté et d'autre. Il y avait aussi quantité de beaux
chevaux et de belles armes qui furent pour la plupart consumés par le feu.
(M. le chanoine Moreau)
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