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Quimper durant les guerres de la Ligue

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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion.

La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598.

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Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

De diverses choses concernant Quimper.

Depuis le commencement de la guerre, Quimper s'était toujours maintenu sans aucune garnison, que de quinze à vingt hommes que messire Jean du Quellennec, seigneur de Saint-Quérec, gouverneur d'icelle, avait à sa suite, encore y avait-il partie d'eux habitants de la ville. Il était issu de la maison de Pratanraz, gentilhomme avisé, prudent et capable même de plus grandes charges, lequel, par sa prudence, a maintenu pendant cette guerre qu'il y a commandé, les habitants naturellement revêches en bonne concorde, quoiqu'il y eût beaucoup de partialité entre eux pour les partis, joint qu'il y en avait qui étaient suspects d'hérésie, et autres libertins, tous lesquels étaient de coeur royalistes. 

Le seigneur duc de Mercoeur avait avis de tout, et s'imaginant que le seigneur de Saint-Quérec opinait avec ceux qui lui étaient suspects, il pourvut le seigneur de Goulaine du gouvernement de Quimper, qui y vint et y présente lesdites lettres, lesquelles vues et lues à l'assemblée de la ville, il y eut une grande contrariété, car tous les suspects de la religion prétendue réformée, dont il y avait bon nombre des principaux, se rendirent forts et fermes pour s'opposer que ledit sieur de Goulaine ne fût reçu, suivant ses lettres au gouvernement de la ville, et tous d'une voix dirent qu'il ne fallait pas changer, que les habitants étaient assez capables pour se garder ; et quand bien il eût été nécessaire d'en pourvoir un autre, il le fallait prendre du diocèse ou du langage du pays, et non pas un étranger, ainsi appelaient-ils le sieur de Goulaine, qui peut-être ôterait la liberté aux habitants et les rendrait de libres esclaves, et plusieurs autres raisons tendant toutes à la rejection du sieur de Goulaine, ce qui fut le commencement de la ruine du pays et de la ville ; car si le sieur de Goulaine eût été reçu gouverneur, le sieur de Lézonnet, capitaine de Concarneau, le maréchal d'Aumont n'eût osé les attaquer, ni assiéger la ville comme il fit tôt après ; et c'était ce que considéraient lesdits partisans et les traîtres de la ville qui avaient bien de la peine à trouver ledit maréchal disposé à descendre si bas, et d'engager son armée dans ce coin du monde. 

Le seigneur de Goulaine voyant les obstacles qui se présentaient à le recevoir et ne voulant cette charge sans la bienveillance des habitants, joint qu'il connaissait le dessein de plusieurs qui était d'appuyer le parti des royalistes, se retira sans faire aucune instance et la ville demeura sans garnison comme auparavant. 

Il est à remarquer que le sieur de Lézonnet, lors capitaine de la forteresse de Concarneau, distante de quatre lieues de Quimper, avait nouvellement changé de parti, après avoir bien fait ses affaires au service du duc de Mercoeur, duquel il avait tant reçu d'honneurs et de profits qu'il en était envié par les autres seigneurs, et pratiqué par certains charlatans qui promettaient des montagnes d'or à un avare, tourne casaque et se déclare du parti des royalistes. C'est le naturel des gens du monde qui n'ont d'autre dieu ni religion que leur bourse ; il se promettait un grand avancement et reconnaissance du roi en le faisant, et une plus grande liberté de ravager ; mais, par un juste jugement de Dieu, le tout alla au rebours, comme nous verrons. 

Il y avait en la place de Concarneau une belle garnison d'une compagnie de chevau-légers et un régiment de gens de pied, et avec cela il tenait tout le pays en subjection ; de quel côté qu'il eût tourné il ne fallait le contredire ; et de fait, pendant qu'il fut du parti du duc de Mercoeur, il commandait à Quimper comme à Concarneau ; le tout se faisait par son avis, parce qu'étant un de ses favoris, on était assuré que tout se fût trouvé bon par ledit seigneur, si Lézonnet y eût parlé. Il connaissait les humeurs de tous les habitants, si bien que tous ceux qui lui étaient suspects, étant du premier parti, lui furent grands amis. 

Il commença donc, par le moyen de ceux-là, qui étaient plus de trente à quarante des principaux de la ville, sans y comprendre les moindres, à entreprendre sur la ville ; mais avant d'en venir à l'exécution, et pour en passer si faire se pouvait à l'amiable, parce que les traîtres ne voulaient pas qu'il y eût du sang répandu, il tâcha par tous les moyens de pratiquer que d'un commun consentement de la ville, les portes lui fussent ouvertes. Il fait donc sonder la volonté d'un chacun par ceux de son intelligence, et ayant reconnu que le nombre des catholiques était beaucoup plus grand que les autres et qu'il était impossible de rien faire par beau, il manda les principaux de le venir trouver à la sourdine à Concarneau, pour conférer avec lui des moyens de l'introduire dedans la ville, leur promettant des grandes récompenses du roi, comme s'il l'eût eu à sa dévotion, et de même en gagna plusieurs qui furent tous néanmoins trompés. Les plus signalés de l'entreprise étaient maître Yves Allanou, avocat au présidial, homme libertin et factieux, propre pour entreprendre, que je mets le premier, non pour aucune qualité qu'il eût, car il était fils d'un pauvre maréchal de la paroisse de Plonéis : c'était le plus méchant et audacieux qu'il y eût en cette ville ; Guillaume Le Baud, sieur de Créac'hmarc'h, à la Terre-au-Duc, lors sénéchal du siège, laquelle charge le duc de Mercoeur lui avait donnée gratuitement pour se le rendre serviteur assuré ; mais il lui fut des premiers perfide. Il tenait cette charge par l'absence de maître Jacques Laurent, qui s'était enfui de la ville lorsqu'elle se déclara pour la sainte union contre les hérétiques. Le nouveau sénéchal, Guillaume Le Baud, fut aisé à gagner par la promesse que lui faisait Lézonnet qu'il serait maintenu par le roi en son état, et maître Jacques Laurent aurait un état de conseiller au parlement en récompense. Cette ambition de se conserver, le fit conspirer contre son bienfaiteur le duc de Mercoeur, lequel, outre les autres bienfaits, avait encore payé sa rançon en 1592, qu'il fut prisonnier à Blain, et contre sa religion et pays natal. La cupidité fut la plus forte : bref, Le Baud, avec l'autorité de sénéchal, pouvait beaucoup, joint qu'il était en plus grande réputation d'habile homme qu'il n'était en effet. Il m'en parla quelque jour en la chambre du conseil, et entre autre, pour m'attirer, me dit que le sieur de Lézonnet promettait de nous faire continuer en nos offices, car la charge que je possédais était aussi par l'absence d'un conseiller huguenot qui s'était aussi enfui. Je lui répondis qu'il n'était pas en la puissance de Lézonnet de tenir sa promesse, et qu'il n'y avait que le roi seul qui le pût, lequel n'eût jamais consenti que ceux qui lui avaient été toujours fidèles serviteurs, et qui avaient quitté femmes, enfants et les émoluments de leurs états, et épousé tant de fatigues et de pertes pour suivre son parti, en demeurassent honteusement frustrés pour y maintenir des rebelles ; que je m'étonnais beaucoup que lui, qui était homme sur l'âge et expérimenté, se laissait ainsi mener par le bec, et que de ma part je ne m'y joindrais jamais, et que la considération de mon office ne me ferait jamais rien faire contre ma religion ni la foi promise. Après lui avoir dit ces raisons, ledit Le Baud me quitta assez brusquement sans répliquer, et qui rapporta le tout fidèlement au sieur de Lézonnet qui fut cause, après la reddition de la ville au sieur maréchal d'Aumont, qu'il m'accusa audit maréchal comme ayant voulu empêcher la reddition de la place au roi. Toutefois ledit maréchal ne fit pas état de ses paroles ; maître Mathieu Lohéac, procureur du roi au présidial, originaire de Quimperlé ; maître François Kerguelen, sieur de Kernallec, juge criminel, homme de bien et bon citoyen, sans lequel les factieux eussent fait de la sédition, mais sa prudence modéra beaucoup la conduite de la trahison du siège ; il y en avait beaucoup, et presque tous, savoir : maître Jacques Le Borigné, lieutenant particulier ; Ollivier Berthault, doyen des conseillers ; Barnabé le Gallays, sieur de Mascosquer ; Jacques Lézandevez, sieur du Rubien ; Thomas L'Honnoré, conseillers, et plusieurs autres avocats et marchands bourgeois ; Corentin Le Baron, beau-frère dudit Allanou, étant marié à Marie Le Baron, soeur dudit Corentin, le plus séditieux mutin de tous les habitants ; Michel Le Marec, sieur de Kerbasquen ; Ollivier Endroit, messager et député ordinaire de ceux de l'intelligence vers le maréchal d'Aumont ; Corentin Calvez, Corentin Saulles, Jean Le Marec, Le Soyer, Philippe Le Fur, et nombre d'autres pratiqués ; maître Robert Beaudoin, apothicaire, nommé Castille, et plusieurs autres gagnés par argent et le vin. 

Lézonnet ayant tous ceux-ci à sa dévotion, trouva que son affaire s'acheminait assez heureusement et ne semblait plus que prendre jour et l'heure pour l'exécution de l'entreprise. A cette fin, il manda ledit Allanou, Baud, Berthault, Kerguelen et Endroit à Concarneau, qui étaient les principaux marchands, pour prendre les moyens de livrer la marchandise, qui était la ville, et l'acheteur Lézonnet. Il n'y eut pas grande difficulté, car aussi bien les vendeurs que l'acheteur y étaient tous portés. Ils firent leur voyage en un jour, et tenant la chose fort secrète entre eux du jour arrêté pour la livraison de la ville sans que l'on pût s'en apercevoir, ce qui fut cause que l'on pensa être surpris, car on vit plutôt l'ennemi que l'on en sut la venue. Nos entrepreneurs donc, étant de retour de Concarneau, riches en promesses, que le roi, par l'entremise de Lézonnet, leur faisait, tous grands repas de ces fumets de cour, disposaient toutes leurs affaires pour ce jour-là, qui n'était connu que d'eux ; et afin d'y parvenir plus doucement et sans effusion de sang, s'il était possible, ils travaillaient à gagner les coeurs tant des habitants que de la noblesse réfugiée, dont il y avait grand nombre. 

Un certain jour de lundi, tous les juges présidiaux étant en la chambre du conseil, dont j'étais du nombre, ledit Le Baud nous tint un discours des malheurs que la guerre apporte, et combien les divisions civiles étaient ruineuses en ce pays et ailleurs : des grands biens que la paix cause : et quoique notre prétexte ait été spécieux de prendre les armes pour la défense de notre religion, que par succession de temps l'expérience nous avait fait connaître qu'il n'y avait que de l'ambition parmi les chefs ; qu'il fallait une fois revenir au principe de reconnaître un roi ; que c'était le vrai moyen de nous délibérer de tous nos maux ; que la plupart de toutes les autres villes de la province s'étaient déclarées pour le roi, comme Saint-Malo, Dinan, Hennebond, Guingamp, Morlaix, Redon et autres, même messieurs les ducs de Guise, de Mayenne, qui étaient les principaux chefs du parti en France qui avaient reconnu le roi ; et notre voisin le sieur de Lézonnet, disait-il, voyant bien que le duc de Mercoeur n'avait les moyens de résister à la puissance du roi, s'était retiré et s'était rendu avec la place de Concarneau sous l'obéissance du roi, et nous conseillait-il aussi d'en faire le semblable sans attendre d'être forcés, ce que nous ne pouvions éviter, si nous ne nous rendions à ses conseils ; qu'il ne respirait que notre bien, qu'il avait toujours bien affectionné, et en ce cas s'assurait de moyenner envers le roi que chacun demeurerait en ses charges sans aucune finance, outre que la ville pourrait obtenir quelques privilèges par rapport à sa prompte obéissance, et avec d'autres belles raisons qu'il nous allégua. Tous les juges approuvèrent ces belles raisons. Ollivier Berthault et Barnabé le Gallays dirent qu'il était plus que temps de se rendre. Il y eut seulement maître Tanguy de Botmeur et moi qui nous moquâmes de toutes les belles promesses de Lézonnet, qu'il n'eût jamais pu effectuer, alléguant des raisons au soutien de ce que nous avancions ; mais la pluralité nous obligea à nous taire. Oyant leur opiniâtreté, nous sortîmes de la chambre. 

Le même jour lundi arriva le sieur de Kergournadec'h, à Quimper, venant de Concarneau, qui nous fit pareille sommation de la part de Lézonnet, mêlant des menaces dans ses discours, que nous eussions présentement à nous résoudre, faute de quoi il nous ferait la guerre ouverte comme l'ennemi du roi. Mais il ne remporta aucune réponse, sinon des traîtres, qui était de persévérer toujours aux promesses qu'ils avaient faites audit de Lézonnet, et qu'il n'en doutât aucunement. 

Cependant les manants sollicitaient un chacun, et surtout ceux qui y pouvaient quelque chose, comme la noblesse réfugiée, les artisans qu'ils savaient être faciles à remuer, et tous ceux qui voulaient bien prêter attention à leurs discours. 

Quelques temps auparavant tout ceci, il se fit une menée par un certain nombre de la noblesse réfugiée, assistée secrètement de quelques habitants qui savaient bien déjà la volonté de Lézonnet de se saisir de la tour Bihan, qui est la plus forte place de la ville, et qui a au pied d'icelle une des principales portes ; l'exécution se devait faire sur la brune. Les principaux de cette entreprise étaient les sieurs de Kerservant, de Beaucours, qui était marié à l'héritière de Kerbullic, du Granec et de Pratmaria, fort jeune mais courageux ; de Brinavec, de Lestrediagat (Note : Les sieurs de Lestrediagat étaient du Haffond en leur nom ; il ne faut pas les confondre avec les sieurs de Lestialla, dont le nom était Le Heuc), de Kerdégace, et son gendre le sieur de la Fontaine Bouché (Note : Le nom de famille des sieurs de la Fontaine Bouché était Henry. Le fils de celui dont il est ici question épousa, dans Crozon, Marie, dame de Kerhoentenant), natif de Tréguier, et plusieurs autres ; et de la ville, ledit Allanou, qui était toujours le premier en tête contre les catholiques ; Michel Le Marec, les deux Soyer, et Baudouin Castille, soldat marié à Quimper, tous pleins d'audace. Ils se trouvent à la place publique une heure avant soleil couché, se promenant deux à deux en grande conférence, et ne s'accostaient que de ceux de leurs coteries que nous connaissions tous être tels. Cette nouvelle façon de faire étant remarquée, sembla suspecte. Le sieur de Saint-Quérec, gouverneur de la ville en est averti, qui ne négligea pas cet avis, étant homme de guerre et vieux capitaine ; et se doutant de ce qu'ils pourraient faire, fit mettre soudainement douze ou quinze habitants, auxquels il se fiait, avec quatre ou cinq de ses gens ordinaires, qui secrètement vont se jeter dans ladite tour Bihan, où il n'y avait eu jusque alors aucune garnison. Cela vint bien à propos, et pour le repos de la ville et pour l'assurance du sieur de Saint-Quérec, qui pouvait être chassé du jour au lendemain de ladite ville par le moyen de ladite tour. Sitôt que ceux du capitaine Saint-Quérec furent dedans, les conspirateurs n'en sachant rien, arrivant par divers chemins à la porte de la tour, pensent s'y loger ; mais ils furent étonnés quand on commença à crier : Qui va-là ? qui êtes-vous ? retirez-vous ! et feignant de ne les point connaître, tirent un coup ou deux en l'air, ce qui les fit se retirer plus vite que le pas, désirant bien n'être reconnus, ayant manqué leur coup. Ceci arriva environ la volée de la bécasse, et ne se trouvèrent plus pour ce soir à la conférence de la place publique. Craignant quelque affront de la ville à la campagne du sieur de Kerservant (Note : Le sieur de Kerservant avait épousé l'héritière de la Coudraye, en Tréméoc. C'est à la Coudraye que se retirèrent d'abord ceux que le chanoine Moreau appelle les réfugiés), le lendemain toute cette noblesse et les réfugiés sortirent et s'en allèrent au Pont-l'Abbé, où il n'y avait personne, d'autant que le château avait été tout ruiné depuis le siège qui y fut mis, en 1590, contre Trogoff. Ils se mirent dedans le château et le réparèrent en diligence, et y firent leur logement jusque à la fin de la guerre, favorisés de ceux de la ville qui étaient de ce même parti, à cause de leur seigneur baron du Pont qui en avait toujours été. Cette entreprise sur la tour Bihan fut sur la fin de juillet 1594. 

Cependant Lézonnet faisant de son côté toute diligence de se trouver au jour entre eux arrêté à Quimper, bien accompagné, afin d'arrêter les plus hardis s'ils faisaient contenance de se défendre quand ils verraient si grand nombre de gens de guerre dehors et des conspirateurs au dedans, il manda donc des garnisons des places de son parti, comme Guingamp, Quintin, Corlay, Dinan, Comper, qui est un château en la forêt de Montfort, appartenant à la seigneurie de Laval, et plusieurs autres lieux, si bien qu'ils se trouvèrent en un même jour à Concarneau plus de huit cents hommes de combat, tous cavaliers, joints avec ceux que l'on tira de la garnison de Concarneau, faisant en tout mille bons hommes qui le lendemain marchèrent sous la conduite de Lézonnet à Quimper. 

On ne se douta de rien ce jour-là, non plus que les autres, et il n'y avait que quatre à cinq hommes à la porte de la rue Neuve au corps-de-garde, qui était un jour de lundi. Un des habitants, nommé Jean L'honnoré, sieur de Kerambiguette, payait à déjeûner ce jour-là au manoir de l'évêché, près ladite porte, à tous les principaux presque de la ville, où étaient tous messieurs les juges du présidial et bonne troupe de marchands. Etant assis à table à faire bonne chère, voici un de la garde de ladite porte qui accourut à nous, disant qu'Annibal était à la porte, voulant dire l'ennemi ; un autre arrive, disant qu'ils avaient tous mis pied à terre au Dourguen, et s'étant mis en ordre, s'acheminaient par divers endroits vers la ville, les gens de pied, partie par la montagne, partie par le chemin avec la cavalerie, desquels il y avait neuf à dix à pieds, armés de pied en cap avec la rondache et le coutelas. Incontinent le sieur de Saint-Quérec, gouverneur de la ville, qui était de la fête, nous fit aller, partie à la porte, partie sur la muraille, et autre partie leur bailla la liberté de sortir avec un habitant, qui s'appelait Alain Chevillart, homme de courage, au-devant d'eux. La barrière de la rue Neuve à la Magdelaine fut incontinent fermée, ce qui eût arrêté l'ennemi pour un temps, sinon que ceux qui venaient par-dessus la montagne se laissaient couler à bas, tâchant de couper chemin aux nôtres qui se reculèrent, joint aussi que bon nombre des assaillants s'avançaient par les prairies entre la ville et le faubourg de la rue Neuve, pour devancer les habitants que conduisait ledit Chevillart et, sans leur retraite, ils étaient enclos. L'ennemi n'ayant plus d'empêchement à la barrière de la Magdelaine, il marche, en entrant en tête avec les huit rondaches, tous armés, jusque à une barricade qu'on avait faite en diligence, au croissant de ladite rue, comme on détourne pour venir à la porte, où il y eut un habitant nommé Jean Richard qui, seul, eut l'assurance de les attendre et de se battre main à main contre lesdits rondachiers, et ne se a encore retiré jusques à ce qu'il vit déjà plusieurs soldats qui, entrés par derrière, étaient entre la porte et lui, et encore ne perdit-il point courage, ainsi tête baissée, n'ayant que son épée à la main, se jeta à corps perdu et passa par le milieu d'eux, nonobstant les arquebusades, et se sauva loin derrière une autre barricade qui venait d'être dressée au bout du pont, devant l'hôpital de Sainte-Catherine, où il y avait nombre d'autres habitants qui avaient suivi Chevillart et quelques-uns de la garde, entre lesquels était Tanguy de Botmeur, sieur de Kerynaire, conseiller au siège, celui qui, dans la chambre du conseil, avait ensemble avec moi contredit au sénéchal Le Baud sur la remontrance qu'il nous fit de rendre la ville à Lézonnet. L'ennemi tenant les faubourgs se saisit des maisons et, par les chambres hautes, des coups d'arquebuses contraignaient les nôtres de quitter ladite barricade ; et ledit sieur de Botmeur ayant le mousquet couché en joue, pour tirer à coups perdus parmi plusieurs qui étaient dans la rue, il fut frappé au bras droit, près l'épaule où la balle demeura si bien que son mousquet lui tomba des mains et, le retenant de la main saine, le donna à celui qui était auprès de lui, en lui disant : Décharge mon mousquet sur ces gens-là et tiens bon ; je m'en va me faire panser. Et, sans montrer aucun signe de douleur, tenait son bras rompu avec l'autre, encourageant ceux qu'il trouvait à bien faire, et que ce n'était rien que sa blessure. Néanmoins il en mourut cinq à six jours après, la gangrène s'étant mise dans la plaie. 

Lézonnet s'étant fait maître du faubourg de la rue Neuve, fait le même jour un détachement des siens par la rabine du Pinity, pour passer au pont de Locmaria lequel, en passant la rabine, reçut une salve d'arquebusade de dessus la muraille des Cordeliers. Ce fut à eux de hâter le pas, laissant deux de leurs gens sur la place et plusieurs blessés. Ils ne se hasardèrent plus ce jour-là. Un autre de leurs soldats avait été aussi tué au blocus de la ville en descendant avec plusieurs autres par les degrés de pierre de la montagne de Saint-Laurent en la Magdelaine. La nuit venue, la Terre-au-Duc fut prise sans résistance, d'autant que les habitants s'étaient retirés dans la ville avec leurs biens qu'ils purent transporter. La ville ne fut bloquée que par la rue Neuve, les Regaires, Terre-au-Duc ; du côté de St-Nicolas, St-Antoine, il n'y avait aucun ennemi. En cet endroit on descend deux messagers l'un après l'autre, et qui ne s'entresavaient pas au long de la muraille, entre la tour Bihan et St-Antoine, avec des lettres au sieur de Quinipily, gouverneur de Hennebond, qui était la plus proche garnison catholique que nous eussions, représentant par icelles la prise de nos faubourgs et le siège de la ville par Lézonnet, accompagné de mille hommes, et requerrions de lui un prompt secours, d'autant que nous craignions qu'il n'y eût quelque intelligence dans la ville, si soudainement on n'y pourvoyait. 

Les piétons firent la meilleure diligence qu'ils purent et, le lendemain au matin, le premier ayant passé Quimperlé, vers Pontscorf, rencontre la garnison de Hennebond, environ 30 ou 40 sallades et environ 150 arquebusiers à cheval qui battaient l'estrade, sous la conduite du sieur de Grandville, frère dudit sieur de Quinipily, jeune gentilhomme et presque encore écolier, n'ayant pas plus de 20 ans mais plein de belles qualités, doux, humble, vaillant et courageux. Ce jeune seigneur ayant rencontré notre messager et interrogé où il allait, d'où il venait, à quoi le messager ayant répondu et montré ses lettres, le sieur de Grandville met sur-le-champ en délibération s'il devait tout de ce pas s'acheminer au secours ; et afin d'y incliner plus tôt ses gens, lui-même dit tout le premier son opinion que, sans hésiter, il fallait aller aider leurs voisins, ce qu'ils firent sans débrider, craignant d'être tard. 

Nous avons dit aussi que la nuit étant venue, l'ennemi s'était saisi de la Terre-au-Duc, ce qu'il n'avait osé faire le jour, d'autant qu'on les escarmouchait de près, qu'aucun ne montrait le nez qu'il ne fût tué ou blessé de dessus la muraille qui était bordée de bons arquebusiers au nombre de mille ou douze cents. Les conspirateurs se trouvaient tout étonnés, ne sachant à quel saint se vouer, car d'un côté les ennemis, pensant qu'ils eussent changé de volonté, les appelaient traîtres et perfides à leurs promesses, les nommant par leurs noms : traître Allanou, traître sénéchal, et les menaçant de s'en venger ; ils craignaient que leur entreprise venant à faillir, et l'ennemi s'étant retiré, l'on ne fit recherche d'eux et qu'ils fussent punis comme ils le méritaient bien, ou qu'il ne se fît quelque émotion populaire contre eux, ce qui était assez à craindre. Tout cela leur faisait faire bonne mine et se montrèrent vigilants à la défense de la ville, se tenant néanmoins toujours par troupe, et principalement autour d'Allanou qui était leur capitaine. Ils faisaient la ronde comme les autres, et voulurent que l'on crut qu'ils étaient les plus gens de bien du monde ; mais ils étaient éclairés de bien près et ne pouvaient rien attenter sans être retenus. Mais l'on pourrait ici demander, puisqu'on les connaissait pour tel, pourquoi ne les chassait-on pas hors de la ville ? Pour réponse, l'on dira qu'ils étaient des mieux apparentés de la ville, lesquels dans le parti étaient aimés et respectés. Leurs parents et alliés n'eussent jamais souffert qu'ils eussent eu le moindre désagrément, s'ils n'eussent commencé les premiers la sédition, auquel cas ils n'eussent épargné personne. Les conspirateurs raisonnaient aussi de leur côté de la même sorte, et savaient bien que, en cas de violence, leurs parents, alliés et leurs amis, bref toute la patrie, eussent indifféremment couru la même fortune. C'est pourquoi chacun se tenait sur la défensive en cas d'attaque, et non autrement, se voyant les uns et les autres, buvant tous les jours ensemble sans querelles ni disputes, que rarement. Cette nuit se passa de la façon, en armes, les murailles bien bordées d'arquebusiers qui ne manquaient d'escarmoucher en toute occasion, et aussi tant de jour que de nuit, plusieurs des ennemis ; et pour empêcher qu'ils n'approchassent de la muraille sans être découverts, on jetait de la ville, force brandons de feu artificiel qui éclairait le long des douves. Le jour venu, on met en délibération si l'on ferait quelque sortie sur eux, d'autant que l'on voyait bien de dessus les murailles qu'ils n'étaient bien barricadés. Mais il fut arrêté que non, craignant que quand les meilleurs hommes seraient sortis, ceux de l'intelligence ne jouassent leur partie. 

Tout le lendemain se passa en escarmouches, et toujours on tuait quelques-uns du parti ennemi et pas un de la ville, jusque environ les six heures de l'après-midi, le sixième dudit mois de septembre, que ceux qui étaient sur les murs et la tour Bihan virent un gros de cavalerie qui venait par chemins détournés, du côté de Kerfeuntum, par Kerallan et Penruic, vers la porte Bihan. On crie l'alarme si chaude par toute la ville que l'on pensait qu'elle était déjà prise. C'était à l'heure du souper ; chacun se jette à la rue et aux murailles, entre autres vers la tour Bihan, où l'on entendait tirer les arquebusiers, et croyait-on qu'ils fussent aux mains. Les cavaliers approchaient toujours, faisant leurs signes accoutumés d'amitié ; mais les habitants non aguerris ne les entendant pas, croyant que c'était du secours à l'ennemi, de Brest ou de Morlaix, où était alors le maréchal d'Aumont, qui l'assiégeait avec de grandes forces, ceux qui étaient à la tour Bihan tiraient aussi de leurs arquebuses et avaient affûté nombre de pièces de fonte de fer pour décharger sur cette troupe qui venait au petit pas, lorsqu'un cavalier s'avança, au grand hasard de sa vie, portant un mouchoir au bout de son épée pour signe d'amitié, criant que c'était la garnison de Hennebond venue à leur secours, et en nomma plusieurs de la ville qui le connaissaient bien. Le tout bien reconnu, furent les très bien venus ; ils mirent tous pied à terre et font descendre leurs chevaux dedans les douves, si las et si harassés qu'ils ne pouvaient se soutenir, et non sans raison, ayant fait ce jour-là seize lieues sans repaître, et avaient fait de grands détours pour se rendre plus à couvert ici ; car si les ennemis les eussent aperçus, ils en eussent eu bon marché, ne pouvant soutenir combat tant ils étaient fatigués, et c'est étonnant que de tant de coups qui leur fut tirés il n'y en eut jamais un de blessé. Il est vrai que les cuirassiers qui étaient devant, reçurent force coups dedans leurs cuirasses, mais pas un en leurs corps. Ayant mis tous pied à terre, on parle de les faire entrer, ce qui ne se pouvait sitôt faire, d'autant que la porte Bihan et celle de Saint-Antoine étaient toutes deux condamnées. On délibéra de faire ouvrir celle de Saint-Antoine, ce que Allanou, qui était là avec une rondache, un coutelas et un morion, voulut empêcher, disant que c'étaient gens inconnus et qu'ils n'entreraient pas ; mais on lui répondit qu'il eût à se taire et qu'ils entreraient malgré tous ceux qui en seraient marris. Et pendant que l'on démaçonnait la porte Saint-Antoine, les nouveaux hôtes, voyant de dessus les douves de la tour Bihan que l'ennemi se remuait fort à la rue Neuve, se doutèrent qu'ils s'apprêtaient pour les venir charger, ce qui était vrai. Ils mirent leurs arquebusiers en haie le long de la douve et les cavaliers se promenaient sur la contrescarpe, sous la faveur de la courtine, leurs pistolets à la main. Incontinent voilà force arquebusiers de l'ennemi qui se répandirent depuis le moulin de Kerheusen (Note : Le manoir de Kerheusen est devenu ensuite le séminaire de Quimper, puis l'hôpital. On l'appelait plus ordinairement Crécheusen. Le sieur de Kerheusen, dont il est souvent question dans cette histoire, se nommait Alain de Kerloaguen) dans les champs d'environ Kerallan et au-dessous, voltigeant et s'écartant dans les haies, parce que nos habitants, de dessus les murailles, et ceux du dehors, qui étaient affûtés, tiraient incessamment sur ceux qui tâchaient d'attaquer notre secours ; mais ils n'osaient approcher de plus près de deux cents pas, et firent retraite par le même chemin qu'ils étaient venus. Mais voici un autre gros d'environ deux cents arquebusiers à pied, conduits par un cavalier qui les encourage d'avance, venant par la rue au-dessus des Regaires, qui conduit de Kerheusen droit à la douve, vis-à-vis de Toul-a-Laër ; et d'autant que tous ceux qui étaient sur les murs de ce côté, les voyant venir, les arquebusiers et mousquetaires se rangeaient de ce côté-là pour empêcher leur approche, que ne manquèrent de les saluer si dru qu'ils voulurent tourner bride avant d'être sous la portée de l'arquebuse ; mais un cavalier qui était derrière, l'épée nue au poing, les contraignait d'avancer. Et incontinent nous vîmes à cheval ce cavalier se détourner tout court, et un bruit qui courut : le cheval grison est blessé, pensant que ce fut le cheval, et c'était le cavalier, qui était Lézonnet, qui avait reçu un coup de balle dans la gorge, duquel coup il fut longtemps malade, et enfin en mourut, fort peu regretté au pays. Ayant reçu le coup, il s'en retourne à la rue Neuve à son gros, et tous les arquebusiers, d'où il fit avertir ses gens qui étaient à la Terre-au-Duc, de se retirer et de lever le siège, ce qui fut fait à l'heure même et avec un tel désordre que si on eût sorti et donné sur la queue, on en eût bien escarmouché ; mais le nouveau secours était tant travaillé qu'on ne voulut leur permettre de faire sortie, joint que nous ne savions pas que le chef fût celui qui fut blessé, et nous étions si aises d'être délivrés de ce siège que cela nous contentait. Voilà l'issue de la boutade de Lézonnet contre Quimper qui lui coûta la vie de plus de cinquante de ses gens et de lui-même. Enfin il en fût mort davantage sans les traîtres qui étaient mêlés parmi les autres habitants, lesquels, lorsqu'ils voyaient un beau coup à tirer, ils s'avançaient devant tous les autres, disaient-ils, pour tirer, et cependant ils ne mettaient pas de plomb en leurs arquebuses, comme ils s'en vantèrent puis après, sans laquelle trahison leur perte eût été bien plus grande. Il y mourut un gentilhomme, oncle de M. de Laporte-Neuve, nommé le sieur des Onchères, qui fut fort regretté, et de la ville le sieur de Botmeur de Kerynaire (Note : Les Botmeur, dont la terre du nom est dans Braspartz, étaient voyers héréditaires de la ville de Quimper), qui y fut blessé et y mourut peu après. 

Cependant notre secours entra par la porte Saint-Antoine, qui fut démaçonnée à cette fin, et ils furent fort chéris, principalement le chef qui était le sieur de la Grandville Quinipily, et avec justice. La vérité est que s'il ne frit venu, l'ennemi se frit emparé de la ville par le moyen de ses intelligences, qui épiait les occasions de la lui livrer par beau, si faire se pouvait, si que non par toute autre voie. 

Lézonnet, demi-enragé d'avoir reçu cet affront à Quimper, et perte de ses gens, n'avait recours qu'aux menaces, disant : Ceux de Quimper m'ont égratigné, mais je les écorcherai. Et de fait, il y mit tous ses efforts comme il sera dit ci-après. 

Sitôt que notre secours fut entré, on condamne aussitôt la porte Saint-Antoine, car attendu le grand circuit de la ville, c'est-à-dire des murailles qui sont de grande garde, et que ladite ville n'est pas peuplée par le haut, les deux portes Bihan et Saint-Antoine ne s'ouvraient pas pendant la guerre, ni celle des Regaires, ni celle du Parc-ar-Cos-Ty, mais seulement celle de la rue Neuve et celle de Médard.

(M. le chanoine Moreau)  

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