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Commencement de la guerre civile en France |
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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion. La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598. |
Commencement de la guerre civile en France.
La guerre dont nous voulons parler commença à s'éclore l'an 1584, et fut appelée au commencement, la sainte Ligue des catholiques, qui cependant n'était guère religieuse. Et afin de mieux entendre ceci, nous reprendrons les choses de plus haut.
Le
roi Henri de Valois, troisième du nom et dernier du surnom, se voyant sans enfants, hors d'espérance d'en pouvoir avoir,
ayant
été neuf ou dix ans en la compagnie de la reine Louise de Lorraine,
fille du prince de Vaudémont, soeur du seigneur duc de Mercoeur, et se
sentant peut-être d'ailleurs impuissant à la génération,
ou pour autres empêchements naturels ou accidents, commença
à penser à un successeur au royaume, prévoyant bien les
grands troubles qu'il y eût eu s'il n'y avait pourvu. Henri de Bourbon,
roi de Navarre, était le plus proche, étant de la branche de Valois. Le roi
le désirait ainsi, mais les empêchements
qui seront dits ci-après lui faisant de la peine, il savait
bien que ledit roi de Navarre ne serait aisément reçu du peuple à
cause de sa religion car il faisait profession de calvinisme
et y avait été nourri de son enfance par sa mère Jeanne d'Albret, reine de Navarre, laquelle pendant qu'elle vécut
En attendant la venue de cette grande armée d'Allemagne, qui s'acheminait déjà, les seigneurs de Rohan, de Laval, de Rieux, et plusieurs autres, se tenaient le plus communément à la Rochelle, retraite ordinaire des calvinistes. Ayant appris que les troupes du duc de Mercoeur tenaient les champs vers Fontenay (Note : Malgré la précision du récit de l'auteur sur ce combat, qu'il place aux environs de Fontenay, il y a ici une erreur grave de sa part. Aucun historien ne rapporte ces faits. Ils ne peuvent avoir de rapport qu'au combat qui eut lieu au commencement d'avril 1586, près de Saintes, entre les troupes commandées par le prince de Condé et celles du capitaine Tiercelin, qui, après une vive défense, furent entièrement défaites. Le comte de Laval, à qui l'ont dut une grande partie de la victoire, n'y périt pas, mais ses deux frères, Rieux et Sailly, moururent deux jours après des blessures qu'ils y avaient reçues. La douleur que lui causa leur perte, et celle qu'il avait faite peu de temps avant d'un autre de ses frères, fut si vive qu'il décéda le huitième jour après leur mort. Quant à René II, vicomte de Rohan, qui était aussi seigneur de Soubise du chef de sa femme, la célèbre Catherine Larchevêque, il mourut peu de temps après, à la Rochelle, à l'âge de 35 ans. On sait si sa veuve et ses enfants maintinrent dans sa famille l'influence qu'il exerçait sur les protestants), sous la conduite du capitaine Blanchard, il n'y avait cependant qu'un régiment de gens de pied de six à sept cents hommes, ils firent un gros de plus de huit cents chevaux et à grandes journées s'acheminèrent de ce côté, en intention de surprendre les gens de pied à leur avantage et les défaire sans perte du leur ; ce qui sembla succéder selon leurs souhaits, car ils les découvrirent au milieu d'une plaine fort spacieuse, où il n'y avait moyen, selon leur jugement, de se sauver de leurs mains, n'ayant haie ni buisson pour se garantir contre cette grosse troupe de gens de cheval bien armée. Blanchard voyant le gros nuage qui venait fondre sur lui et sur ses gens, ne perd point courage et exhorte ses soldats à se montrer tels qu'il les avait toujours estimés, comme gens de courage, de vaincre ou de mourir avec honneur, puisqu'il n'y avait autre espérance de se sauver, et que tout ainsi qu'il avait été toujours participant de tous les dangers et hasards des guerres passées, ainsi serait-il à présent. Et sur ce que quelques-uns lui dirent qu'il avait un cheval pour se sauver quand il eût eu besoin, et que peut-être il les laisserait à la boucherie, il mit pied à terre et coupa les jambes à son cheval, ne voulant courir meilleure fortune que ses gens, lesquels se résolurent tous ensemble à si bien faire que, s'ils ne pouvaient en combattant sauver leur vie, pour le moins de vendre bien chèrement leur mort. Ils trouvent de bonne fortune au milieu de cette plaine un fossé, en forme de perrière bien large, où ils se flanquent, et en le bordant tout à l'entour de piquiers et de mousquetaires, attendant de pied ferme leurs ennemis qui les tenaient déjà pour défaits ; et aussi bien ils furent attaqués de glande furie ; mais on leur fit pleuvoir une grêle si dure de mousquetade, et les piquiers firent tel devoir qu'il ne fut pas possible à l'ennemi d'entrer sur eux, quelques efforts qu'ils pût faire ; si bien que ne pouvant rien avancer, il fut obligé de faire retraite, y ayant perdu la plupart de ses chefs, savoir le seigneur de Rohan, de Laval, de Soubise et de Rieux, et plusieurs autres personnages signalés de Bretagne, avec grand nombre d'autre noblesse, tant du Poitou que d'ailleurs, sans perte des gens de Blanchard.
Cette
défaite fut
une grande plaie pour les huguenots de Bretagne et
du Poitou, et un grand avantage pour les catholiques, car étant grands et signalés, ils eussent bien donné
des
affaires au duc de Mercoeur. Cette guerre s'allumait de plus en plus en France à mesure que l'on
apprenait que l'armée des reitres
s'avançait et s'approchait des frontières du royaume, si bien que l'année 1687, ils y entrèrent par le pays de Lorraine,
contre le gré du duc de Guise,
qui n'avait des forces assez suffisantes
pour les empêcher, étant au nombre de 50,000 hommes
de combat, d'autres disent de 40,000 hommes, menant avec eux un grand attirail de
bagage, de femmes, d'enfants, de goujats,
de chariots, se montant en tout à plus de cent vingt mille bouches. Le roi, feignant être du
parti des catholiques, et se disant
le chef de la Ligue, encore que l'on sût bien le contraire, commanda au duc de Guise, Henri
de Lorraine, son lieutenant-général,
de s'opposer à eux et leur empêcher l'entrée du royaume, s'il était possible,
sans lui bailler néanmoins les forces ni
les fonds nécessaires pour faire des levées de troupes. Aussi son intention n'était autre que
celle de Saül quand il fut commandé
d'apporter cent prépuces des Philistins, qui était comme
l'envoyer à la boucherie et comme à une ruine évidente selon le jugement humain. Mais le
même Dieu qui assista David fut
le protecteur du duc de Guise, et tourna la chose tout au rebours qu'il ne
pensait devoir advenir ; car encore qu'il n'eût qu'environ
cinq à six mille hommes tant de pied que de cheval, après avoir plusieurs jours côtoyé
l'ennemi et lui avoir fait retrancher
ses vivres, épia si bien sa commodité qu'ayant appris que l'armée ennemie pour la
plupart était en une ville champêtre nommée
Anneau, entre Chartres et Paris, il prit quatre mille hommes de pied et huit cents
chevaux, et les assaillit au point du jour
par le château où le capitaine du lieu étant de son intelligence, il les força,
nonobstant leur forte résistance, car ils étaient
grand nombre bien armés et très bien barricadés. Il y en mourut plus de cinq mille hommes,
et le reste se sauva sous la faveur
de la nuit, et encore difficilement, d'autant que la cavalerie avait environné la
ville, située en une belle plaine, et les
tuait facilement à la fuite. Le butin fut grand de chevaux et des équipages, les principaux
chefs y laissant la vie, et leur général
même, qui était un grand baron d'Allemagne. Cette défaite
advint l'an 1586, à Anneau, comme on l'a dit, à quatorze lieues de Paris, où j'étais
alors, et je vis le même jour y rendre grand
nombre d'enseignes et de guidons au Louvre au roi, qui y était, n'attendant rien moins
que de telles nouvelles, et fit défense au
duc de Guise de plus les poursuivre, sous prétexte qu'il voulait avoir l'honneur de les défaire
lui-même, mais en effet c'était
pour les sauver, ce qu'il fit, car s'étant mis en campagne, commande ses troupes de toutes
parts de le venir trouver à Chartres.
Il n'en fit pas mourir un seul, mais leur donna à tous sauf-conduit pour se retirer en
Allemagne, défendant à toutes personnes
de leur faire aucun empêchement; ce qui leur servit beaucoup, car à peine un seul eût
porté les nouvelles en leur pays,
et néanmoins la plupart mourut de faim et de pauvreté, et ceux qui s'écartaient du gros de
la troupe étaient aussitôt assommés
par les paysans, si bien que l'on trouvait les chemins par où ils passaient tous parsemés
de morts. Cette victoire tant signalée
et quasi miraculeuse, ainsi obtenue par le duc de Guise, le mit en grande réputation
d'avoir délivré le royaume d'un si grand
ennemi, mais lui causa aussi une envie mortelle, comme cela est ordinaire que la vertu
est toujours enviée ; car le roi même
le premier fut si jaloux de cette bonne fortune, qu'il ne cessa jamais qu'il n'en fit éclater
les effets tragiques. Que dirons-nous
après cela ? car voyant que son dessein, qui était, par le moyen de cette grande puissance
des étrangers, d'ôter tout obstacle à l'établissement du
roi de Navarre huguenot, que le peuple
et les princes catholiques n'eussent jamais reconnu ; voyant, dis-je, que ce grand préparatif
était tourné en fumée, ayant, donné sauf-conduit à ce qui restait de
reitres pour s'en retourner en Allemagne, il commença à
penser aux moyens dont il pourrait se servir pour se défaire
du duc de Guise qui avait rendu
de si bons services à l'état et au royaume.
Or,
l'an 1588, au mois de mai, le jour de Saint-Nicolas, lorsque
l'on y pensait le moins, le duc de Guise neuvième arriva à
Paris. Ce que le roi voyant, et qu'il était arrivé sans force, jugea
l'occasion très belle pour exécuter ses volontés pernicieuses
contre le prince. Il mande à cet effet ses troupes aux environs
de Paris et double ses fardes; et s'étant fait rendre les clefs
de quelques portes de la ville, entre autres de la porte Saint-Honoré,
Montmartre et Saint-Denis, fit entrer le douze de mai de grandes troupes à Paris, tant françaises que suisses, qui se
saisirent
de toutes les places publiques et avenues de la ville ; les Suisses
s'étant emparé du cimetière des Saints-Innocents, le Marché-Neuf
et la Grève ; les Français, les deux châteaux et le cimetière
Saint-Jean, et plusieurs places commodes contre tous accidents. Ce jour fixé étant arrivé, les habitants tendirent des
chaînes
et se barricadèrent partout si bien que lesdits soldats n'eussent pu bouger,
et n'y avait aucun moyen de leur porter aucun
morceau de pain ni un verre d'eau, et demeurant en cet état
sans attenter aucune chose, jusques sur les quatre à cinq heures du soir, que les Suisses du Marché-Neuf, s'ennuyant de tant jeûner,
voulurent ouvrir les chemins pour s'en aller, furent chargés
si rudement par ceux qui gardaient les barricades, et aussi
des fenêtres des maisons, d'où l'on faisait pleuvoir sur leurs têtes une grêle de pierres, ce qui les obligea à demander
bientôt
miséricorde et mettre les armes bas, et lors le peuple cessa.
Il en fut bien tué soixante ou environ, et davantage de blessés
; les Parisiens, déjà échauffés, voulurent courir pour tuer les
autres, tant français qu'étrangers, comme ils étaient. Le duc de
Guise les empêcha et les fit rendre sans péril aux faubourgs, crainte que le peuple ne courût pour les assommer. Il se passa
cette
journée plusieurs particularités desquelles je fus témoin oculaire
en ladite ville, qui seraient trop longues à réciter ; et c'est de cette célèbre journée de barricades que nos historiens
chantent
tous les jours si haut, non sans déguiser la vérité, que chacun
raconte suivant sa passion et bien souvent tout au contraire de ce qui s'est passé. Il est certain que ces barricades
furent
faites d'une telle diligence que, dans moins de deux heures,
il s'en trouva plus de dix à douze mille de faites, de quinze à vingt pas les unes des autres, jusques à celle de la
grande
cour du Louvre, du côté de Saint-Germain-l'Auxerrois, près
la chapelle de Bourbon, et si fort que le canon eût été nécessaire
pour les bouleverser ; ce que voyant, le seigneur de Biron,
père de celui qui fut depuis exécuté, dit au roi qu'il n'avait jamais
cru Paris imprenable jusqu'alors. Le roi entendant que tout le peuple
était sous les armes, quoique ce ne fut que pour sa défense,
et qu'il n'y avait pas moyen de se saisir du duc de Guise ; craignant
enfin que cette populace n'entreprît davantage, il sortit de la ville par la
porte neuve joignant la rivière, avec une belle cavalerie qu'il avait toute
prête, marchant devant lui ses gardes à pied, et s'en alla à Vernon, de là
à Rouen et puis à Chartres, pensant qu'il n'y avait plus aucun moyen de
s'aider que par une tenue des états généraux sous prétexte d'une réformation
générale. Ils furent donc assignés au mois de décembre en ladite année,
en la ville de Blois ; et cependant le roi envoya une forte armée
en Poitou, sous la conduite du duc de Nevers, en apparence pour faire la guerre aux huguenots, mais pour être
toute
prête sur pieds pour assister le roi si, après l'exécution de son dessein,
qui était le massacre des princes de Lorraine, il en fût besoin, et en cas
qu'il y eût quelques troubles.
Cette année fut tranquille ; la plupart de l'été et de l'automne se passe sans aucune action de part ni d'autre, à la réserve d'une mauvaise place qui était la Grenache, qui fut assiégée et où il y fut beaucoup tué de soldats à l'assaut ; puis fit-on sonner la retraite lorsqu'elle était presque gagnée, de sorte qu'il n'y avait personne de bon sens qui ne jugeât bien que cette armée n'était pas dressée contre les huguenots, mais qu'il y avait quelqu'autre dessein qui n'était pas connu de tout le monde. D'autres devinèrent ce qui arriva dans la suite, et l'effet en fit loi, car, le vendredi 23 décembre audit an 1588, l'apostume d'une jalousie enragée que le roi portait à la vertu de la maison de Lorraine creva, et entre autre au seigneur de Guise, par l'effusion du sang de ce généreux et vaillant chef de guerre. Car le roi l'ayant mandé au matin de le venir trouver au château de Blois, où il était, le fit poignarder en sa propre chambre royale par quatre coupe-jarrets qui s'étaient cachés à cette fin derrière la tapisserie ; et le lendemain, qui fut la vigile de Noël, jour de samedi, il fit aussi massacrer monseigneur le cardinal de Guise, frère du duc, archevêque de Rheims, pair de France et abbé de Saint‑Denis. Grandes cruautés à un roi très chrétien, et aggravées par des circonstances qui surpassent en énormité, non-seulement plus inhumains, mais les plus barbares tyrans de toute l'antiquité ; car ceux-ci se sont contentés d'ôter la vie à leurs ennemis, laissant là leurs cadavres ; mais l'autre, ne trouvant pas encore sa rage assez assouvie, la voulut exagérer par un nouveau genre de cruauté sur les corps morts de ces princes, qu'il commanda être publiquement brûlés (Note : Les corps du duc et du cardinal de Guise furent consumés dans la chaux vive et leurs os brûlés par un chirurgien, dans un lieu particulier, pour empêcher les ligueurs d'en vénérer les restes comme ceux des martyrs) en la cour du château, pour en être le spectateur.
Mais
d'autant que ce n'est point mon intérêt de m'occuper de ce qui
s'est passé hors de cette province, l'entreprise s'étendrait plus loin, car le seigneur de Mercoeur, frère de la reine, gouverneur
de
Bretagne, qui était alors à Nantes, et le duc de Mayenne, frère des
deux princes occis, étant pour lors à Lyon, étaient destinés à la même boucherie. Le duc de Mercoeur, frère de la reine,
gouverneur
de Bretagne qui était lors à Nantes, avait été mandé aux
états généraux et était parti de Nantes quand il reçut une lettre de la reine sa soeur qu'il eût à s'en retourner, et lui donnait
avis
de ce qui s'était passé. On envoya à Lyon pour faire tuer le duc
de Mayenne ; mais le seigneur de Mendoze, ambassadeur pour le roi d'Espagne près du roi, s'en doutant bien, et peut-être
en
savait-il quelques secrets, le fit promptement avertir, et le messager
qu'il y envoya fit telle diligence qu'il devança ceux que le
roi y envoyait. Par ce moyen le duc de Mayenne eut le moyen de
sortir de ladite ville avant que l'on sût aucune nouvelle du massacre. On fit
aussi avertir le duc de Mercoeur qui était en Poitou,
qui, faisant battre aux champs, se rendit aux environs de Blois
pour empêcher que le roi ne branlât ; mais cette mort du duc
de Guise fut tant regrettée que la plupart des soldats et capitaines se débandèrent et s'allèrent rendre, partie à Orléans,
d'autres
à Paris et dans les autres places qui tenaient pour les catholiques,
car depuis le jour du massacre des princes, le roi fut regardé
par le peuple avec horreur, non comme catholique, mais comme huguenot et
protecteur des hérétiques. Ainsi par le sang des princes de Lorraine
indignement répandu, et à la face des états qui devaient être un asile
assuré, même aux scélérats, le masque d'hypocrisie étant découvert, le
peuple ne douta plus de l'intention du roi, qu'il disait être à la
destruction de l'église catholique en ce royaume et l'établissement de l'hérésie
par l'introduction du roi de Navarre, professeur et protecteur de la nouvelle
religion, que l'on savait bien être de la partie.
Comme en effet il se joignit au roi incontinent après, il s'ensuit après cela une révolte générale du peuple des communautés ; il n'y eût ville, bourgade, forteresse, qui ne secouât le joug de l'obéissance au roi, à la réserve de quelques-unes qui furent retenues par force, par le moyen des garnisons qu'il y avait ou des citadelles qui les tenaient en bride, sans lesquelles le roi n'eût pas trouvé de logement en son royaume, tant le peuple avait en horreur un acte si cruel. Ce fut donc alors que chacun se déclara tout à fait, et où auparavant le parti de l'union était commandé par le roi et sous son autorité, duquel il feignait être le chef, quoiqu'il n'abhorrât rien plus, dorénavant le parti de l'union se réduisit sous l'autorité des princes catholiques contre les politiques, royalistes, hérétiques, huguenots, car ils avaient tous ces noms. Et de fait, au commencement, il n'y avait du parti de l'union que les catholiques ; mais de l'autre, toutes sortes de gens y étaient reçus, pourvu qu'ils n'eussent jamais parlé de Dieu ni du pape qu'avec blasphêmes. Que si quelques-uns plus scrupuleux en paroles en eussent parlé avec respect, on leur aurait aussitôt dit : Par la mort, par la chair, vous êtes un espagnol, un ligueur, un traître au roi. Les partis étant donc formés, la guerre s'alluma par tout le royaume avec une grande confusion et désolation. Il n'y avait province qui n'eût deux armées sur les bras, l'une de catholiques, qu'ils appelaient de la Ligue, et l'autre de royaux, autrement politiques. En Bretagne était le duc de Mercoeur, beau-frère du roi Henri III, lors régnant, qui avait épousé la soeur dudit duc de Mercoeur, chef dudit parti catholique, gouverneur de ladite province de Bretagne, et pour le parti du roi tantôt l'un et tantôt l'autre.
Le
roi Henri III s'étant retiré de Blois après le massacre des princes de
Lorraine, faisait sa résidence à Tours, pour être en plus
grande sûreté et commodité d'un secours, plus des hérétiques du
Poitou et de Gascogne que des catholiques, desquels il savait bien être haï.
Il fut attaqué par l'armée du seigneur duc de Mayenne, frère des princes
massacrés et lieutenant-général de la
couronne de France pour les catholiques,
qui, du premier abord, ayant pris les faubourgs du côté de la France,
qui étaient merveilleusement fortifiés, et ne pouvant passer outre par
rapport à la rivière qui était entre la ville et eux, et aussi ayant appris
que le roi de Navarre, qui depuis fut roi de France, s'avançait à grandes
journées pour joindre son armée des
huguenots, desquels il était chef après le roi
de France, le duc de Mayenne retira son armée du faubourg, et en même temps il reçut lettre que le seigneur duc d'Aumale,
gouverneur
de Picardie et de Paris pour les catholiques, ayant assiégé Senlis avec de belles forces, avait été défait par les
sieurs de Longueville, de Guipry, de
La Noue, vieux capitaine breton, tout
l'équipage de guerre perdu et le siège levé, et que, poursuivant
leur victoire, après s'être présentés un jour entier devant
Paris, près de Montfaucon, par forme de bravade, étaient allés
assiéger Meaux. Le sieur de Mayenne s'y achemina à grandes journées,
de quoi les soldats se trouvant fatigués, s'allèrent rendre à l'ennemi, qui
diminua beaucoup l'armée du duc de Mayenne.
Au seul bruit que l'armée catholique s'approchait de Paris, les royaux
lèvent le siège de Meaux et se retirèrent
vers la Picardie. Le roi ayant renforcé son armée des troupes
et de la personne du roi de Navarre, se mit aux champs à
la suite du duc de Mayenne, et en peu de jours vint jusques à Poissy,
six lieues au-dessous de Paris, où il passa la rivière et alla
assiéger la ville de Pontoise, où il fut occupé dix-sept jours, ce fut environ la mi-juillet, et enfin
se rendirent
par composition, après
avoir vaillamment soutenu contre une armée de trente mille
hommes commandée par deux rois. Dedans la ville commandait
le sieur Villeroy le jeune, avec quelques compagnies
lorraines, qui était fils de Villeroy, premier secrétaire d'état,
qui acquit beaucoup d'honneur en ce siège. La belle église de Notre-Dame,
qui était aux faubourgs, fut ruinée pour lors par une mine. La ville étant
rendue et les garnisons y étant mises, le roi repasse la rivière de rechef
à Poissy, et vint se présenter avec cette
effroyable année devant Paris, sur les derniers
jours de juillet 1589. Le duc de Mayenne était dans Paris avec peu de
forces, d'autant qu'il avait envoyé le duc de Nemours avec la plupart de sa
cavalerie et partie de l'infanterie au-devant
de quatre mille reitres et quelques lansquenets, qui était le plus beau de
son armée. Le roi sachant bien tout cela, joint la grande intelligence
qu'il avait dans la ville, s'avança d'autant
plus hardiment et se vint loger à Saint-Cloud, et ses gens ordonnaient
les tranchées devant Paris depuis la rivière jusqu'au
chemin du Bourg-la-Reine et Villejuif. Le duc de Mayenne voyant l'ennemi si près se vint loger aux Chartreux,
tout
vis-à-vis, pour pouvoir commodément subvenir aux besoins. Les
avant-coureurs de l'une et de l'autre part s'escarmouchaient incessamment
devant les tranchées. Nous y vîmes tous
une chose assez remarquable. Le premier jour d'août, environ les neuf
à dix heures du matin, deux seigneurs cavaliers s'entrerencontrant à
l'escarmouche, l'un au duc de Mayenne, nommé le sieur de Marolles, et l'autre
du parti du roi, nommé le sieur de Marivault, tous les deux seigneurs de
marque, et s'étant reconnus, se donnèrent
le défi pour le lendemain pour se battre à la lance à même heure et
en même endroit, à la vue des deux armées,
pourvu que les chefs le voulussent bien. Les chefs de l'un
et l'autre parti, avertis respectivement par un trompette envoyé de
l'un à l'autre, savoir du duc de Mayenne au roi de Navarre,
qui était avec le gros de la cavalerie, commandant comme lieutenant du
roi, qui était déjà blessé, comme nous le dirons ci-après. Le roi de
Navarre et le duc de Mayenne ayant eu
le combat pour agréable, si bien que le lendemain le sieur de Marolles
se trouva le premier en la lice, tout armé d'armures blanches, monté sur sa
monture ordinaire, qui était un cheval bai,
et se promenant l'espace d'une heure attendant son ennemi, vit
enfin arriver le sieur de Marivault, monté à l'avantage, couvert
d'armes noires, ayant en tête un casque qui avait la visière à bandes (Note
: D'autres historiens disent que ce
fut Marivault qui se trouva sur le champ de bataille longtemps avant Marolles. Le roi avait été
frappé une heure après le défi, et était mort avant la rencontre. Aussi
Marivault, renversé par terre, s'écria-t-il, avant d'expirer
: J'eusse
été heureux de vaincre, mais j'eusse été
trop malheureux de survivre au roi mon maître).
Ils ne parlèrent pas beaucoup, et commencèrent
à exécuter leurs desseins, et courant l'un contre l'autre, la lance
en arrêt, s'entrechoquent de telle force qu'ils rompirent tous deux leurs
lances. Le sieur de Marivault donna dans la mamelle au sieur de Marolles, mais
le fer de la lance ne fit que glisser et ne l'offensa aucunement. Marolles
porta droit en la visière à Marivault, lui transperçant la tête, dans
laquelle se rompit le fer, et tomba raide mort à terre sans jeter un seul soupir. Ledit de Marolles prenant congé du duc de Mercoeur le
jour
précédent, et de toute la compagnie, dit ces paroles : Si le sieur de
Marivault, dit-il, aujourd'hui a le même caquet qu'il avait hier, je lui
donnerai de ma lance dans la visière. Ce décès s'exécuta à la vue des deux chefs et de cinquante mille
personnes,
car d'autant qu'il avait été assigné dès le jour précédent,
qui était le premier jour d'août, chacun le savait en la ville, qui
fut cause qu'il se trouva sur les tranchées et dans les champs voisins une
multitude infinie de monde. Le corps du vaincu
fut emporté par ceux de son parti ; le victorieux se saisit du cheval
et des armes de Marivault, qu'il fit porter par des pages. Une troupe de
cavalerie et cinq trompettes le vinrent recevoir et le conduisirent au duc de
Mayenne, qui était aux Chartreux. Ceci
arriva sur les onze heures dudit jour, et dans le même
temps arrivèrent deux religieux capucins qui se présentèrent au duc
et qui assurèrent que le roi Henri III était mort
dès les quatre heures du matin et qu'ils avaient assisté à ses derniers
soupirs. Il avait été blessé le jour précédent par un jeune religieux
jacobin du couvent de Paris, prêtre fort simple et dévot. Il
était sorti de son couvent dès le pénultième de juillet, pour aller
dire la messe au comte de Brienne, prisonnier de guerre au Louvre, duquel il
prit des lettres et de plusieurs autres de Paris, pour porter au roi à
Saint-Cloud et aux autres grands de l'armée. Il y arriva sans aucun danger le
dernier de juillet, sur la vêprée, et se
fit présenter le lendemain au roi, à son lever, pour lui donner les lettres qu'il portait, lesquelles le roi lut en sa présence.
Après
quoi il dit au roi : Sire, j'ai quelques paroles de créance à vous
dire de la part de vos bons serviteurs de Paris, que tout autre ne doit
entendre. En même temps, le roi commanda à ses gardes qui étaient à
l'entour de lui de se retirer un peu, ce qu'ils firent de quatre à cinq pas.
Après quoi ce religieux lui dit : J'ai une
lettre de la part de ….. et en disant ces mots mit sa main droite
dans sa main gauche, feignant tirer ladite prétendue lettre, mais ce
fut un couteau long de tranchant et court de manche, duquel bien soudainement
il donna un coup dans le petit ventre du
roi et assez avant, et y laissa le couteau. Le roi le retira aussitôt
et en bailla au visage du moine un grand coup près de l'oeil. Dans l'instant
les gardes l'assaillirent et l'accablèrent de coups de hallebardes, n'ayant
pas la patience de le réserver pour savoir
qui eussent pu être les complices de cet horrible assassinat.. Le roi
en mourut le lendemain, quatre heures du matin, le second d'août, ayant
seulement vécu dix-huit heures après sa
blessure. Le roi de Navarre, Henri de Bourbon, se trouva fort à propos
à l'armée pour se faire déclarer et proclamer roi
de France, comme étant le plus proche parent en ligne masculine à
succéder à la couronne, parce que le roi défunt était décédé sans hoirs
; mais d'autant qu'il était calviniste de religion et
de son enfance, le peuple ne l'avait pour agréable et en voulait un
autre.
S'étant donc fait reconnaître pour roi de France, comme étant le plus proche en ligne, dans son armée, le troisième jour d'août, il lève le siège de devant Paris et s'en va passer au pont de l'Arche la rivière de Seine, et assiège Rouen du côté des Chartreux ; et ayant déjà fait brèche, ceux du dedans firent une sortie, en laquelle ils repoussèrent les assiégeants et gagnèrent les canons, mais faute de chevaux ne les purent rendre dans la ville, à la réserve des couleuvrines, qu'ils emportèrent et les moindres pièces.
Cependant le duc de Mayenne avait reçu son secours de reitres et lansquenets que le duc de Nemours, son frère utérin, lui avait amenés, et s'étant mis aux champs, s'en va à grandes journées vers Rouen. Le roi de Navarre, au bruit de sa venue, lève le siège devant Rouen et se retire à Dieppe, où le duc de Mayenne l'assiège jusqu'à plus de six semaines ; et ne pouvant rien avancer, et même ayant perdu plusieurs de ses gens en une sortie où le sieur de Bagonne, colonel de la cavalerie légère, avait été tué et ledit duc de Mayenne blessé d'une chute de cheval, joint quelques défiances qu'il avait de partie des siens, leva le siège et retira son armée, très fatiguée de l'hiver qui était déjà fâcheux, vers Amiens en Picardie, pour la rafraîchir.
Le roi de Navarre avait une grosse intelligence dans Paris, qui fut cause que sitôt que le duc de Mayenne s'était retiré, comme nous avons dit, de devant Dieppe, il s'achemina à grandes journées à Paris, où il se trouva trois jours après son départ du siège, la vigile de la Toussaint, et ayant fait reconnaître les tranchées du faubourg du côté de Saint-Germain, Saint-Jacques, Saint-Marceau et Saint-Victor, par quelque trente cavaliers, desquels il en fut tué un, le lendemain jour de la Toussaint, au point du jour, il fait assaillir tous les susdits faubourgs ensemble, et sans beaucoup de résistance, et ensuite fait mettre du canon sur les plates-formes desdits faubourgs, avec grande tuerie de ceux de la ville, qui ne purent gagner les portes, au nombre de plus de cinq cents, et cependant avec perte des siens. Si les soldats victorieux ne se fussent pas arrêtés au pillage des faubourgs et fussent allés tout droit aux portes, comme leurs capitaines les voulaient mener, sans doute ils fussent entrés dans la ville ; mais il ne fut pas moyen après cela de les y faire aller : Dieu le voulait ainsi. Le sieur du Rosne, que le duc de Mayenne avait fait gouverneur de Paris, se rendit fort suspect de cette intelligence, car étant à la porte de Saint-Germain, qu'il tenait ouverte comme attendant l'ennemi, ne la voulut fermer, quelque prière qu'on lui en fit, jusqu'à ce que nombre de Parisiens qui étaient présents sous les armes le taxèrent de trahison et comme tel le voulurent tuer, et d'eux-mêmes fermèrent les portes, voyant que l'ennemi s'approchait pour s'en saisir. Tout ce jour-là l'ennemi fit ses approches et planta quelques pièces de canon devant les portes de la ville, et fit battre l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, où il y avait garnison de ceux de la ville, qui se rendirent voyant le pont-levis abattu à coups de canon, et se retirèrent la vie sauve dedans la ville, et avaient dépêché en toute diligence le duc de Nemours, avec huit cents chevaux, qui arriva en Paris par la porte de Saint-Denis dès le soir de la Toussaint. Le duc de Mayenne marchait après avec le gros de l'armée, qui arriva le matin en suivant, qui était le jour des Trépassés. Incontinent leur arrivée, ils se disposèrent pour faire une sortie par trois portes, Saint-Jacques, Saint-Marceau, Saint-Victor, qu'on avait maçonnées le jour précédent. L'ennemi fut bientôt averti de la venue du secours, et se doutant de ce qui en adviendrait, avait levé le siège et fait avancer le bagage et autres équipages de guerre, si bien que les catholiques sortant trouvèrent les faubourgs vides. Ils voient la cavalerie de l'ennemi qui se retirait en bel ordre, sur laquelle ayant voulu entreprendre, ils n'eurent aucun avantage. Mais retournons en Bretagne, et remarquons les choses les plus remarquables qui s'y sont passées depuis le massacre des princes jusque à la paix, qui fut l'an 1598.
(M. le chanoine Moreau)
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