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Guy Eder de La Fontenelle en la ville de Quimper

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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion.

La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598.

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Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

Comme La Fontenelle entreprend sur Quimper et s'efforce d'exécuter son entreprise.

Retournons à La Fontenelle. De ce que l'ennemi avait été contraint de lever le siège de devant l'île Tristan, et voyant la place si bonne qu'il n'y pouvait être forcé que par la famine ou la trahison, qui entrent aussi bien aux fortes places qu'aux moindres, si la diligence et pourvoyance du capitaine n'y mettent ordre, lesquels deux points il avait déjà ressenti, les effets de la famine au premier siège, de la trahison depuis par un capitaine des siens que l'on nommait La Boulle, il fait bonnes provisions pour longtemps de toutes choses nécessaires, et de plus commence à pratiquer une intelligence sur Quimper par le moyen des gens de guerre de la garnison, qui étaient tous gens ramassés, Normands, Poitevins, Gascons et Bretons. Ce qui lui fut bien aisé à faire, sur la crainte qu'ils avaient que la paix survenant, comme elle fit quelques temps après, ils se trouvassent dénués de moyens de vivre. 

Picorée leur manquait, et croyant comme ils pourraient se rendre maîtres de la ville, ils y eussent trouvé, à leur avis, butin battant pour s'enrichir tous. Leur dessein, en ce cas, était de tuer les hommes et épouser les femmes et filles qui eussent eu quelques moyens. 

De cette intelligence était fort soupçonné le capitaine Clou, gentilhomme poitevin qui depuis épousa demoiselle Julienne de Coatanezre, dame des Salles, près de Quimper, douairière de Kercourtois (Note : Il paraît, d'après ceci, que Julienne de Coatanezre, veuve de René du Dresnay, sieur de Kercourtois, était aussi veuve du sieur Du Clou quand elle épousa M. de Bragelonne et devint belle-soeur de sa fille). Le seigneur de Saint-Luc était lors lieutenant en l'année du roi en Bretagne, lequel vint à Quimper pour connaître comme on s'y gouvernait ; il fut imbu de ce soupçon d'intelligence d'entre Le Clou et La Fontenelle, comme en effet il y avait lieu de soupçon, d'autant que Le Clou se disait gentilhomme de bonne et ancienne noblesse, était nécessiteux et remuant ; et puis il s'était retiré au manoir de Kerguelenen (Note : C'est à Kerguelenen qu'est né le grand du Couëdic), cinq lieues de Quimper et une lieue de Douarnenez, avec son régiment, sous prétexte de tenir La Fontenelle en sujétion, avec lequel on disait qu'il conférait de nuit secrètement. 

Le seigneur de Saint-Luc (Note : François d'Epinay de Saint-Luc, lieutenant-général du roi en Bretagne, en même temps que le maréchal d'Aumont, dont il était le rival près de la comtesse de Laval. Si le maréchal conquerrait la Bretagne à Henri IV, Saint-Luc avait d'autres avantages à faire valoir. Il était, dit Brantôme, très gentil et accompli cavalier en tout, s'il en fut un à la cour, et qui et mort au siège d'Amiens, très regretté et en réputation d'un brave, vaillant et bon capitaine. Il fut grand maître de l'artillerie de France, en 1596) ayant eu avis de tout cela, en fit des réprimandes très sévères audit Clou, même jusque à le vouloir retenir prisonnier et le transférer pour être puni ; mais il sut si bien jouer du plat de la langue, comme en effet c'était un beau discoureur, qu'il se sauva de cet inconvénient par la promesse qu'il fit audit seigneur de se saisir de La Fontenelle et le lui rendre prisonnier en cette ville ; disant que personne ne devait avoir autre opinion de lui que de bon et loyal serviteur du roi, étant issu de famille assez connue au Poitou et ailleurs, de laquelle jamais traître ne serait sorti ; et que bien qu'il aurait eu quelques conférences avec La Fontenelle, que c'était à autre fin qu'on ne pensait, et de ce en verrait-on en bref les effets ; que les bons services qu'il avait rendus au roi de tout son temps le devaient rendre exempt de toute recherche et soupçon. Il supplia le seigneur de Saint-Luc de lui permettre la liberté et le temps de conduire son entreprise à bout, l'assurant par de grands serments qu'il ne ferait rien qu'à l'avantage du parti. Le seigneur de Saint-Luc lui ayant octroyé sa requête, il s'en retourne à sa garnison de Kerguelenen, bien disposé de satisfaire à ce qu'il avait promis à son supérieur, comme il fit ; et minutant en soi-même les moyens d'y pouvoir parvenir, en feignant de continuer la trahison commencée sur Quimper, lui écrit (à La Fontenelle) qu'il avait été en ville où il avait parlé à ceux de l'intelligence, qu'il avait trouvés bien disposés et en bon nombre ; qu'il restait seulement de conférer tous deux de quelques petits points, le priant de se trouver au lieu accoutumé à telle heure le lendemain, à petit bruit, sans suite, où il ne manquerait de s'y trouver aussi avec un seul laquais. 

La Fontenelle, fort aise de cet avis et se tenant déjà comme assuré de Quimper, renvoie sur l'heure le porteur avec promesse de s'y trouver, comme il fit. Le Clou ayant eu la réponse de ce qu'il souhaitait, envoie la nuit vingt ou trente arquebusiers à pied au lieu où ils se devaient trouver, qui se cachèrent derrière les haies, à côté du chemin où se devait faire le pourparler, et Le Clou se trouva à l'heure assignée, ou un peu avant, pour être le premier audit lieu, crainte que ses gens ne fussent découverts en leur embuscade, et tôt après arriva La Fontenelle, accompagné du sieur de La Boulle, son lieutenant qui incontinent mirent pied à terre de chaque part, laissant leurs chevaux aux laquais, entrent en conférence en l'endroit et vis-à-vis des embûcheurs. Après s'être embrassés à la coutume, commencent à conférer de leurs affaires touchant la livraison de Quimper ; mais Le Clou ayant donné le signal à ses gens cachés, firent pleuvoir leur escopetterie [Note : Une escopetterie était une décharge simultanée d'escopettes (petites arquebuses) et de carabines] et au même instant se saisit de La Fontenelle et le retint par le collet. La Boulle et quelques laquais épouvantés se sauvèrent, La Boulle à course de cheval qu'il eut le loisir de monter, et les autres comme ils purent. 

Le Clou ayant eu ce qu'il demandait, n'en fit aucune poursuite, et sans tarder fait marcher son prisonnier qu'il rendit de ce pas à Quimper, au seigneur de Saint-Luc qui fut prié par ceux de la ville de le rendre prisonnier en justice, attendu les maux et ruines qu'il avait faits ; mais l'avarice d'avoir sa rançon ! en le rendant à Rennes, la cour l'eût bientôt jugé conformément à la clameur du peuple qui le voulait voir pendre. Mais Saint-Luc le retint prisonnier de guerre et en tira grande rançon. 

Par ce moyen sortit libre, ce qui le rendit plus insolent que jamais, continuant de plus en plus en ses cruautés qu'il exerça pour se faire rembourser de sa rançon. Dieu ne permit pas qu'il fût sitôt châtié de ses méfaits mais qu'il fait réservé pour de rechef affliger son pauvre peuple, pour puis après faire de lui un exemplaire spectacle, sur une roue, comme il sera dit ci-après.

Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

Autre pratique sur Quimper par La Fontenelle.

Ayant donc La Fontenelle payé sa rançon au seigneur de Saint-Luc à qui Le Clou l'avait livré pour se purger du crime qu'on lui imputait, de retour qu'il fut en son île Tristan, tourne tous ses desseins et artifices sur Quimper. 

Prévoyant que la guerre ne pouvait toujours durer, et même qu'il courait déjà quelques bruits de paix entre les deux partis, il désirait par un dernier coup de main faire curée et butin de ladite ville, se persuadant que toutes les commodités et richesses du plat pays y étaient resserrées. Ses capitaines l'invitaient fort à cette entreprise, se proposant de se faire à jamais riches du sac de cette ville s'ils y pouvaient entrer ; que ce n'était chose si difficile, n'étant forte ni curieusement gardée ; que la garnison était des gens de guerre ramassés, bien aisés à pratiquer sous l'espérance de bien faire leurs affaires ; que le capitaine de la ville qui était le sieur de Kermoguer, nommé Julien du Pou, n'était pas homme de guerre et n'avait pas de créance ni envers l'habitant, ni soldat. 

Ils commencèrent donc, chacun de son côté, à faire leurs pratiques et eurent sans grandes difficultés, intelligences avec quelques capitaines de la garnison, entre autres au capitaine Baulieu, un autre nommé Lavallez, gascon, et quelques autres, et même quelques-uns de la ville comme le lieutenant particulier du siège, nommé Jacques Le Borigné ; quelques-uns de l'église furent aussi suspects de savoir tout le complot ; l'on m'en donnait aucun avis. On sut incontinent en cette ville qu'on y pratiquait intelligence et que La Fontenelle y était du tout porté, mais ne sut-on sitôt ceux qui en étaient. 

Il y avait un sergent-major en l'île qu'on appelait la capitaine Marcille, italien napolitain, qui était marié à la soeur d'un chanoine de cette ville, qui se nommait maître Jacques Gavaing. Ce Marcille, en considération de cette alliance, par le moyen d'un prêtre réfugié en l'île, donnait avis au capitaine et au sénéchal de Quimper de tout ce qu'il pouvait découvrir de préjudiciable, et non sans grand danger de sa personne, s'il eût été découvert. Si bien que chacun jour on découvrait des nouvelles de ce que machinaient les ennemis, même tout le progrès de l'affaire, et avis de ne point trop se fier en la garnison et de regarder de près aux actions d'un chacun, sans nommer toutefois personne. Or tous les avertissements étaient par paroles et rien par écrit, d'autant même que Marcille ne savait écrire, et on se rapportait au dire du prêtre. 

Une fois entre autres, sur le soir, au mois d'avril 1597, le prêtre arriva en grande hâte, assurant le gouverneur que La Fontenelle avait fait, la même vêprée, monter presque toute la garnison à cheval, qui était de cinq à six cents hommes de main, avec appareil de trois à quatre charretées d'échelles, tant de bois que de cordes, qu'il amenait ici, et devait arriver sur la minuit ou environ, avec commandement d'y faire tous leurs efforts, leur abandonnant le pillage, et que leur résolution était de tuer tous les hommes et de se marier aux veuves et filles ; avertit aussi le gouverneur de la grande intelligence qu'ils disaient avoir dedans la ville. 

Comme il interrogeait de plus en plus le prêtre, voici arriver un autre prêtre, de la part dudit Marcille, qui assure que la compagnie et équipages qu'avons dit étaient partis avant lui dudit Douarnenez avec force échelles ; qu'ils s'étaient dérobés par des sentiers et chemins écartés pour n'être par eux découverts, et qu'ils devaient arriver par-devers le Stang-Bihan (Note : Le Stang-Bihan est situé à un demi-quart de lieue au nord-ouest de Quimper, au-dessus de la rive gauche du Steir) pour plus secrètement faire leurs approches à la muraille d'entre Saint-Antoine et la tour Bihan, et en même temps devaient donner l'alarme du côté de la Terre-au-Duc et rue Neuve, pour y faire courir les habitants, afin que, pendant ce temps, leur intelligence leur eût donné moyen par les échelles d'occuper une des portes de la ville. 

Le gouverneur, après tous ces avis, ne doutant plus de l'entreprise, et s'assurant qu'il serait visité cette nuit, jette une compagnie de gens de pied environ les neuf à dix heures du soir hors la ville, par la porte Médard, avec ordre s'aller embusquer vers le Stang-Bihan par où devaient venir les ennemis, et les charger s'ils en voyaient la commodité. Ceux qui sortirent, pour la plupart, étaient suspectés d'être de l'intelligence, et cela fut fait à dessein, le gouverneur aimant mieux les avoir dehors que dedans, avec lesquels néanmoins il y en avait d'autres qui devaient prendre garde à leurs actions et discours. 

Cette compagnie se va donc mettre en lieu où elle pouvait porter dommage à l'ennemi et se sauver au besoin en cas qu'ils eussent été faibles, comme ils l'étaient. Ils ne furent guère à la haie qu'ils ne sentirent la venue de La Fontenelle. La nuit était très obscure, si bien qu'il était impossible de se voir les uns les autres ; seulement entendait-on les bruits de quelques chevaux et laquais qui précédèrent le gros en forme d'avant-garde, lesquels étaient parvenus vis-à-vis l'embuscade. Elle se découvre, et derrière la haie lâche l'escopetterie tout d'un coup, qui étonna les autres, qui de ce pas retournèrent en diligence à leur gros, et tous ensemble se sentant découverts reprirent le même chemin par où ils étaient venus, et les nôtres, craignant d'être chargés, étant en si petit nombre, se retirèrent à travers les champs aux faubourgs de ladite ville. 

L'entreprise de La Fontenelle, pour le coup rompue, ne laissa pas de continuer, se promettant que quand bien il ne se pourrait emparer de la ville par ruses, qu'il l'aurait de vive force, au moyen des traîtres qu'il entretenait toujours fort soigneusement à sa dévotion, les repaissant de nouvelles espérances. Le gouverneur de la ville connaissait bien les traîtres, tous les jours averti d'y mettre ordre et de pourvoir à sa sûreté propre et à celle de la ville ; mais soit qu'il craignît quelque sédition, s'il eût rien remué, ou qu'il le fit par négligence et pusillanimité, comme il est plus vraisemblable, n'en faisait aucun compte, non pas seulement de leur en parler, et néanmoins leur dessein était de le poignarder le premier si l'entreprise eût réussi. 

La bonne garde que faisaient les habitants toutes les nuits, se défiant de la garnison, suppléait à la paresse du gouverneur, peu né pour la guerre. La Fontenelle voyant toutes ses entreprises, même les plus secrètes, tourner en fumée, sans savoir d'où venait son mal, propose en soi-même d'user d'autres voies, n'ayant rien plus à coeur qu'une fois se voir maître de Quimper, pour se venger de quelques particuliers, desquels il se sentait offensé, et entre autres du capitaine Clou, qui l'avait par trahison, et sous le nom d'ami, pris prisonnier, que pour aussi le riche butin et prisonniers de marque qu'il espérait y faire. Il entreprend d'être assez fort pour l'emporter d'abordage, voire en plein jour et enseignes déployées, étant secondé de son intelligence. 

Pour y parvenir, il mande secrètement toutes les garnisons des places de son parti, comme Hennebond, Vannes, Pontivy, Comper, et de la tour de Cesson près St.-Brieuc, lesquelles, rendues à Douarnenez à jour certain, on en eut aussitôt avis à Quimper, par le moyen dudit Marcille, sans autrement être informé de leur dessein que par présomption, que cette belle visite s'adressait pour la prochaine nuit. 

A Quimper, cela étant passé, le lendemain, personne ne présumait qu'ils eussent eu l'audace de se présenter à découvert en plein jour. La nuit, on fit bonne garde aux murailles et aux places publiques de la ville, prévoyant aux périls de dehors et dedans. Le lendemain, qui fut le trentième de mai 1597, au matin, il fit (La Fontenelle) monter toutes ses troupes à cheval, tant argoulets que chevau-légers (Note : Les argoulets étaient, ou des arquebusiers ou des carabins. Ces derniers noms emportent avec eux leurs significations. Un chevau-léger était alors un cavalier légèrement armé. Ce mot était pris par opposition à homme d'arme, qui devait être armé de toutes pièces), avec ses gens de pied qui suivaient, le tout montant à mille ou douze cents hommes, et s'acheminent en désordre à Quimper, drapeaux au vent et tambours battant, avec une merveilleuse résolution de l'emporter ; et de fait, sous cette folle assurance, ils firent partir par mer nombre de bateaux et par terre force chariots pour en transporter le pillage à Douarnenez. 

On n'attendait rien moins à Quimper que ces hôtes nouveaux, croyant, comme dit est, qu'ils ne fussent jamais venus de jour, et toute cette matinée le fort avait été fermé, si bien que Marcille n'avait pu avertir comme il avait accoutumé, et n'en sut-on rien jusque à les voir aux rabines de Pratanras de dessus les murailles de la ville, qui se trouva un peu troublée au commencement, croyant le mal plus grand, c'est-à-dire les forces de l'ennemi qu'elles n'étaient. Chacun court aux armes, la muraille est bordée, les portes fermées ; chacun faisait son devoir, mais il y avait lieu de prendre garde aussi bien à ceux du dedans qu'à ceux de l'ennemi que nous voyions approcher les enseignes arborées, car c'était chose assurée qu'il n'eût jamais entrepris d'y venir de jour sans qu'il se tenait fort de quelques capitaines de la garnison dudit Quimper, Normands, Poitevins, Gascons, et entre autres du capitaine Beaulieu de Grenade et autres de même farine comme Lavallez, gascon, lesquels et ceux de leur intelligence avaient avis du jour et l'heure que La Fontenelle et ses troupes devaient arriver à la vue de Quimper ; c'est pourquoi on connaissait assez, à leur façon de faire, qu'il y  avait quelques anguilles sous roche ; car la plupart de la nuit et la matinée, ils se promenaient ensemble, allant, venant, faisant les empressés, mais tristes et comme éperdus, n'ayant en aucune façon résolution ni contenance, ce qui fut de bonne heure remarqué en eux. Cela faisait penser que tels étonnements ne leur venaient pas sans causes. 

Ils voyaient les habitants si bien sur leurs gardes qu'ils craignaient que ne pouvant effectuer leur chef-d'oeuvre, on en vint ensuite à les découvrir, qui eût été leur ruine. Et de fait si, dans la suite, on eût voulu à Quimper en faire recherche, il y en eût eu bien en peine. 

Environ les dix heures de ce dit jour, on aperçoit de dessus les murailles de ladite ville, les troupes de La Fontenelle aux rabines de Pratanras (Note : Pratanras est un château sur la route de Quimper à Douarnenez, situé à trois quarts de lieues de cette première ville. Il a longtemps appartenu à la maison de Lesongar. Le comte De la Mark, descendant immédiat du sanglier des Ardennes, dont la mère était bretonne, le vendit à M. De Madec), qui venaient en assez bel ordre tenant leurs rangs, chacune compagnie sous son enseigne, comme s'ils eussent eu l'ennemi en tête, les tambours battants, ce qui étonna au commencement un peu, les croyant un peu plus forts qu'ils n'étaient, vu que son intelligence du dedans le rassurât. 

Et de fait on avait reçu le jour précédent un avis de la part de la dame de Kerharo (Note : La dame de Kerharo était la belle-mère de Jean de Ploeuc, du Brignou en Léon, à qui sa fille, Arme de Tyvarlen, avait apporté les terres de Kerharo et du Guilguiffin), assez confus toutefois. C'est que La Fontenelle étant avec nombre des siens au Guilguiffin, demeure ordinaire de ladite dame, on commença à parler de Quimper et de quelques menées que l'on disait y avoir. Et sur ce que ladite dame n'ajoutait pas beaucoup de foi à ce qu'il disait, il lui dit : Madame, Quimper est aussi bien à moi que la robe que vous portez est à vous ; et ne me tenez jamais pour honnête homme si je ne vous en fais voir les effets plus tôt que vous ne pensez. Cet avis ne limitait temps, ni jour, ni heure, tellement que l'on ne s'y pouvait préparer qu'à l'aventure ; néanmoins cela servit beaucoup, car un chacun s'en rendit plus vigilant, le gouverneur de Quimper ayant assuré les habitants qu'il avait eu avis qu'il y avait une entreprise sur la ville. 

Or, ce qui faisait à l'ennemi tant présumer d'emporter cette ville, était qu'il savait bien que la garnison était lors petite, dont il y avait une partie et des capitaines même de sa dévotion ; que le secours était loin ; qu'il n'y avait aucune cavalerie dans la ville, mais seulement quelques gens de pied ; que les habitants n'étaient aguerris et perdraient coeur sitôt qu'ils verraient l'ennemi dehors et dedans ; que la ville est de grand circuit, mal peuplée et de grande garde ; et puis ceux de son intelligence devaient conseiller le gouverneur de faire faire une sortie sitôt que l'ennemi serait entré en la Terre-au-Duc, car il devait donner là premièrement, comme il fit, en laquelle sortie devait être part des traîtres qui feindraient être repoussés et en leur retraite donnaient entrée, tenant la porte ouverte à l'ennemi pour y entrer pêle-mêle, chose souvent arrivée ailleurs, même sans aucune intelligence. 

La ville, émue de voir les troupes des ennemis s'approcher si brusquement, les uns couraient aux murailles, les autres aux portes, entre autre à la porte Médard, où semblait être le plus grand danger, ayant toujours l'oeil sur ceux que l'on connaissait être soupçonnés de trahison, un chacun bien délibéré de faire bon devoir. 

Mais, de bonne fortune, et comme d'une particulière permission divine, le seigneur de Kerollain, nommé Jean Jégado (Note : Suzanne le Prestre, soeur du sieur de Lézonnet, avait épousé Jean Jégado, sieur de Kerollain. Elle fut mère de Jean Jégado, sieur de Kerollain, qui sauva Quimper lors de cette entreprise), brave et vaillant cavalier autant qu'autre de son temps, époux de la dame héritière de Trémillec, faisant sa demeure, en temps de paix, en sa maison de Kerlot, près de cette ville, et à cause de la guerre en celle de Concarneau dont il est gouverneur, quelques-uns disent lieutenant du jeune Lézonnet, son neveu, pendant son bas âge. Ledit de Kerollain, déjà parti ce jour-là de bon matin de Concarneau, lui septième, compris son trompette, arriva à Quimper pour quelques siennes affaires, environ les neuf heures, sans songer en aucune rencontre, ni rien savoir de ce qui se passait à Douarnenez. Il ne faisait que descendre en son auberge, au Lion-d'Or, près la porte Médard, dedans la ville, quand on commença à crier alarme. Il fut fort aise de s'être trouvé, quoique par hasard, en si belle occasion de faire à la ville et au public un si signalé service. 

L'ennemi étant arrivé près de la chapelle de Saint-Sébastien, où sont à présent les capucins (puis les Dames du Sacré-Cœur), les argoulets ou carabiniers à cheval mirent pied à terre et donnèrent furieusement à une barrière qui est à l'entrée du faubourg, vis-à-vis de la rue par laquelle on va à St.-Jean (la rue Vis), et l'ayant gagnée, poursuivirent leur pointe jusque à la place St.-Mathieu, donnent au travers à corps perdu. Le trompette sonna la charge si bien qu'il (Kerollain) les étonna, croyant qu'il eût quelque gros de cavalerie, de laquelle ceux qu'ils voyaient fussent les avant-coureurs, et ne pouvant soutenir davantage, commencèrent la retraite. 

Cependant un nombre de la jeunesse de la ville, environ quarante ou cinquante, qui suivaient la cavalerie de Kerollain, se ruent à la faveur des gens de cheval et tous ensemble les chargent si furieusement qu'ils prennent tout à fait l'épouvante, de telle sorte qu'ils laissèrent nombre de leurs bidets et armes. Il se trouva un d'entre eux qui était boiteux qui, voyant le sieur de Kerollain venir à lui, au milieu de la place Saint-Mathieu, eut l'assurance de l'attendre de pied ferme, l'arquebuse en joue, et comme il lui allait fendre la tête de son épée, il le tira, comme l'on dit, à brûle-pourpoint, lui donnant dans la cuirasse et lui brûla toute son écharpe qu'il portait par-dessus son habit. Le sieur de Kersandry, qui venait après le sieur de Kerollain, tua ledit soldat. 

Un autre bonheur survint et arriva à ceux de la ville au même temps, c'est que le capitaine Magence, qui avait environ deux cents hommes de pied, était arrivé au faubourg de la rue Neuve, venant de devers Scaër ou le Faouët. Etant assez fatigué du chemin, se trouva à point pour avoir part au gâteau ; car oyant le bruit, et informé de ce que pouvait être, comme s'il fût venu tout exprès, et n'étant pas encore logé, ni la ville ne sachant pas sa venue, fit avancer ses gens en toute diligence, et partie par le pont de Locmaria, les autres par la rivière, commencent à charger et les fuyards et le gros même qui était à Saint-Sébastien, de manière qu'ils ne purent plus soutenir, et s'en retournèrent avec leur courte honte par le même chemin qu'ils étaient venus, ayant laissé de leurs gens plus de quarante morts et plus de deux fois autant de blessés, qu'ils emmenèrent dedans des charrettes qu'ils avaient fait rendre pour transporter les dépouilles de Quimper. 

Il fut aussi pris environ cinquante bidets et de belles armes. 

Pendant que cette sortie durait, il y avait à la porte Médard une grande confusion d'hommes de tout âge qui en un besoin eût été plus préjudiciable qu'aidant à la défense de la ville, en cas que l'ennemi eût repoussé les nôtres et qu'il se fût présenté à la porte, et aux conspirateurs de s'en emparer, car on était si pressé que l'on n'eût su tirer son épée, et en cette presse étaient les conspirateurs et suspects. Et y avait aussi le seigneur de Kermoguer, gouverneur lors de la ville, qui n'était pas grand guerrier, qui tenait toujours la grande porte à la poterne d'à côté toute ouverte, ce que le capitaine Lespine trouva mauvais, et dit au gouverneur : Monsieur, on craint qu'il n'y ait quelques intelligences céans ; si ainsi, et que l'ennemi repousse nos gens, voilà le vrai moyen qu'ils entrent avec les fuyards, pour ce quoi obvier il est besoin que l'on ferme cette grande porte et laisser la poterne seulement ouverte ; et cependant, s'ils repoussent les nôtres, ils se pourront retirer en sûreté dans cet éperon, sous la courtine. Ce qui fit que soudainement le pont fut levé et la grande porte fermée, qui donna une grande assurance à ceux de dedans, d'autant qu'il ne demeurait que la poterne ouverte par où il ne pouvait passer qu'un homme à la fois, encore à peine, et n'y eût su passer armé que bien difficilement. 

J'ai dit ci-dessus que La Fontenelle s'assurait si infailliblement de Quimper qu'il avait fait amener charrettes par terre, gabares et bateaux par mer, pour emporter le butin de la ville ; j'ai dit aussi que les charrettes s'en retournèrent chargées de blessés, et quant aux bateaux, étant déjà arrivés à Benaudet (Note : Benaudet est un port à l'embouchure de la rivière d'Odet, à trois lieues de Quimper. La compagnie des Indes, au commencement du siècle dernier, balança longtemps pour y construire le port qu'elle fonda ensuite à Lorient), et oyant comme le jour s'était passé, frustrés de leurs espérances, s'en retournèrent à vides comme elles étaient venues. 

La cavalerie de l'ennemi, pendant que les gens de pied avançaient leur retour, s'en va en un parc près de Créac'hmarc'h, à vue de la ville, pour faire quelques bravades, sur lesquels on tira de dessus les murailles de Saint-Nicolas trois coups de canon qui ne firent aucun effet. Cela fait, ils se retirèrent, et pour soulager leurs blessés, logèrent pour cette nuit à Pratanras, non sans crainte d'être attaqués par les nôtres qui se contentèrent toutefois d'avoir repoussé, sans perte d'un seul homme, un si grand péril de vie et de bien, et avec une assez notable perte et honte de l'ennemi, qui furent un jour et une nuit morts tous nus en la place publique. Mais le lendemain on les fit enterrer dans le cimetière de Saint-Mathieu, ne leur refusant, les habitants, aucun devoir d'humanité. 

L'honneur de cette journée, au jugement de tous, est dû au sieur de Kerollain que Dieu suscita si à propos pour être le conservateur de la ville et des habitants, sans lequel sans doute elle eût été prise ; et Dieu sait quelles cruauté et tyrannie y eût commises cette troupe de voleurs qui ne respirait que le sac de cette pauvre communauté, en mettant, comme ils avaient entrepris, tous les hommes à mort, et des femmes et des filles mille insolences, ou du moins les prendre à femmes, et par ce moyen faire une nouvelle bourgeoisie de scélérats au lieu et place de tant de gens de bien, d'habitants et de réfugiés qui y eussent été égorgés. 

Ledit seigneur de Kerollain a, dès ses jeunes ans, toujours montré grand indice de sa future vertu, ne se plaisant à autre chose qu'à l'exercice des armes ; il fit son apprentissage avec son oncle le feu sieur de Lézonnet, gouverneur de Concarneau au commencement de cette guerre. Depuis l'an 1590, quand la garnison allait à la guerre, s'il y avait rencontre de l'ennemi, il se trouvait toujours des premiers aux coups, et en rapportait avantage et honneur. Au siège de Crozon, ci-dessus mentionné, qui fut le plus mortel de tous ceux qui aient été de notre temps en Bretagne, il se fit remarquer à l'assaut des plus hardis et résolus, fut par plusieurs fois renversé à coups de pique du haut de la brèche dans le fossé, dont se relevant et remontant, faisait plus que son âge ne portait, et pour témoignage de sa valeur y reçut un coup de pique dans la face, qui la lui défigura beaucoup, donnant le long de la joue jusques à l'oreille. 

Je sais que le capitaine gascon Magence a aussi part à l'honneur de cette journée, mais non à l'égal de l'autre ; car, avant qu'il fût aperçu par l'ennemi, il était déjà en épouvante à la Terre-au-Duc, et repoussé. Toutefois, il y a apparence qu'après s'être reconnu combien sottement il s'en était fui, il fût retourné avec plus de résolution ; mais quand il se vit chargé de ce côté, il crut qu'il ne gagnerait que des coups à réitérer le combat, et prit le parti de la retraite, comme nous avons dit.

(M. le chanoine Moreau)  

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