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Siège du fort de Crozon par le maréchal d'Aumont

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La Ligue ou Sainte Ligue ou Sainte Union est un mouvement religieux et politique qui regroupe les catholiques français de 1576 à 1594, lors des guerres de Religion.

La population entière de Bretagne va combattre pour sa foi et pour le Duc de Mercoeur contre le Roi. Des brigands tels le sieur de La Fontenelle, vont ravager le pays. En province les derniers chefs de la Ligue se soumettent en 1598.

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Bretagne : Histoire des guerres de la Ligue

Siège du fort de Crozon par le maréchal d'Aumont.

Ayant pris le serment de tous et mis l'ordre qu'il voulut en la ville, y laissant une forte garnison, contre sa promesse, il s'achemina (le maréchal) au siège du fort de Roscanvel, autrement Camaret, qu'il avait fait bloquer avant de venir à Quimper, situé sur le bras de mer qui mène à Brest et à Landerneau, La Faou, Daoulas et Châteaulin. A son arrivée, il le fit ceindre de bonnes tranchées par-dessus la terre, en forme de croissant, qui donnait d'une corne au-dessus de l'autre au-dessous dudit fort dedans la mer, ledit fort demeurant enfermé au milieu, situé sur le coupeau d'une haute pointe qui s'avançait plus d'une moitié dedans la mer, de difficile accès de tous côtés, même sans les fortifications de mains qu'avaient faites les Espagnols en le peu de temps qu'ils s'y étaient logés, qui était de cinq à six mois, pendant lesquels ils n'avaient pas perdu une heure de temps, car il y avait de grandes et fortes levées de terre et bastions bien flanqués. Par la mer, ils étaient assiégés de plusieurs grands vaisseaux de guerre français, anglais, flamands, pour empêcher qu'aucun rafraîchissement ne leur vînt, lesquels tiraient incessamment pour les incommoder, car ils ne pouvaient autrement leur nuire, la place étant imprenable par mer, à cause des inaccessibles rochers. Par-devers la terre, le canon fut pointé en plusieurs batteries car les Français avaient la leur et les Anglais aussi. Ces terrasses furent canonnées quelques jours. Ceux de dedans, au nombre de trois à quatre cents hommes, braves et aguerris, choisis de toute l'armée de Don Juan d'Acquilla, commandés par le vaillant capitaine Praxède, se défendaient brusquement, tant par fréquentes sorties jour et nuit qu'autrement. 

Les assiégeants eurent de grandes incommodités depuis le commencement du siège jusque à la fin, car les pluies ne cessaient depuis six semaines qu'il dura, et n'y avait moyen d'être à couvert, étant ledit fort en un lieu qui ne produit ni haie ni buisson, et n'y avait aucune maison proche dudit fort qui leur pût servir d'abri. Il leur fallait être hors de la portée du canon, ou loger dedans les tranchées, où ils avaient l'eau et la fange jusque aux genoux en hiver, car c'était au mois de novembre, saison pluvieuse et froide en Bretagne, qui fatigua tellement les soldats, principalement les gens de pied, qu'il en mourut une bonne partie des malaises que leur causèrent des maladies contagieuses qui les étouffaient en trois jours, comme il sera dit plus amplement ci-après. 

Si l'armée de terre était assiégée de l'injure du temps, la flotte ne l'était pas moins, exposée qu'elle était à l'impétuosité d'un furieux vent d'ouest qui la battait à découvert et la jetait vers la terre sans qu'elle eût aucun abri plus près que Brest, distant de quatre à cinq lieues, ou deux ou trois lieues au plus, où il lui convînt de se retirer pendant le mauvais temps, et par ce moyen ne servit guère à la prise du fort, sinon que d'empêcher le rafraîchissement par la mer, si aucun se fût présenté. 

L'artillerie ne cessa de tirer pendant plusieurs jours contre les monceaux de terre et plates-formes, sans beaucoup avancer, d'autant qu'elles étaient bien doubles ; et puis ceux de dedans réparaient la nuit ce qui avait été endommagé le jour et, comme vaillants hommes, sortaient souvint sur l'ennemi avec grands dommages d'icelui, donnant jusques aux tranchées, d'où les assiégeants étaient chassés et suivis jusque à ce que la cavalerie vînt à leur secours. Et entre autres, un certain jour, huit jours avant la prise du fort, par une pluie qui avait duré depuis le matin, ils firent une brusque sortie de cent hommes, et donnant tête baissée, sans aucun empêchement, jusques auxdites tranchées, où ils savaient que plusieurs soldats travaillaient, en tuèrent un grand nombre, entre autre le sieur du Liscoët, de Tréguier, maréchal de camp, qui les avait auparavant bloqués. Il était à voir les soldats et pionniers travailler, se tenant sous une espèce de cahute couverte de branchages et de terre pour se garantir de la pluie. Entendant l'alarme de la sentinelle et de ceux qui étaient dans le quartier, qui criaient à l'ennemi, si bien qu'il fut aussitôt à la tranchée ; le sieur du Liscoët qui ne songeait à rien moins, sort de la cahute et saute sur le bord du fossé, n'ayant que son épée au côté, où il fut aussitôt enfoncé de coups de piques et tué sur la place (Note : Nous avons trouvé quelque part l'anecdote suivante : Au moment ou M. du Liscoët fut tué. son cheval, sellé et bridé, se précipita dans la rade de Brest, la traversa à la nage de l'ouest à l'est, reprit terre dans la paroisse de Plougastel, et arriva au grand galop et tout fumant dans la cour du château de Kergoat, en Daoulas, où était pour lors madame du Liscoët. Ce cheval expira peu de moments après son arrivée). Il fut fort regretté des siens, comme à la vérité il le méritait, étant un des braves et vaillants cavaliers de l'armée. Il était marié à une fille de la maison de Vaux en Anjou, calviniste de son jeune âge ; elle était belle par excellence. Le sieur du Liscoët en la recherchant en fut passionnément épris. Ayant eu bonne réponse que sa maîtresse ne l'épouserait autrement que calviniste, lui qui était catholique, changea de religion et le lui promit par serment solennel, qu'il garda fidèlement jusque à sa mort, et aima mieux, le misérable, faire banqueroute à Dieu et à son salut qu'au beau nez d'une femme. Il était gentilhomme de la bonne et ancienne maison du Liscoët, de laquelle il portait le nom comme en étant seigneur. De cette maison est sorti le seigneur évêque de Cornouaille d'à-présent, Charles du Liscoët. Il avait fait de grands et signalés services à son parti, aussi était-il déjà parvenu, avait rang honorable, en pouvait espérer de plus grands, s'il eût vécu quelques années. Avant sa mort, il fit un acte qui obscurcit la candeur de sa belle réputation ; comme n'y ayant rien qui déroge plus à une générosité de coeur que la perfidie, cette idole d'avarice change les plus grands courages et efface la gloire des plus relevés. Voici comment le sieur du Liscoët fit cette brèche à son honneur. 

L'an 1594, étant en Léon avec ses troupes, en pays qui était lors tout de son parti qu'ils appelaient royaliste, il fut prié, et la plupart de sa compagnie, par le sieur de Mézarnou, riche seigneur du pays, de le venir voir en sa maison et d'y prendre un dîner, ce qu'il accorda. Et y étant, y fut accueilli avec les plus belles démonstrations d'amitié et de bienveillance ; il ne manqua rien qui pût servir au contentement, au plaisir et à la bonne chère de l'hôte ; il fut servi tout en vaisselle d'argent, comme étant ladite maison des mieux ameublées de Bretagne, sans aucun excepter qui que ce soit de son calibre. Il y eut toutes sortes de réjouissances, et après le dîner le sieur du Liscoët et les siens s'en allèrent fort contents et honorés, avec des remerciements et protestations d'amitié et de services, et beaucoup d'embrassades suivant la coutume. Mais il arriva au sieur de Mézarnou comme jadis au roi Ezéchias qui, par ostentation, montra ses trésors aux ambassadeurs babyloniens, qui les ravirent peu après ; ainsi en arriva-t-il, car le sieur du Liscoët, ayant tant vu de vaisselle d'argent doré, si richement ellabourée, et tant d'autres précieux meubles, retourna le lendemain, non comme ami, parent, mais comme ennemi, et ravage la riche maison de Mézarnou, pillant et emportant toute cette belle argenterie et autres meubles de prix, n'y laissant que ce qui était trop chaud ou trop pesant (Note : Le sieur de Mézarnou était Vincent de Parcevaux. Il parait que, dans cette expédition, on laissa à Mézarnou, comme trop pesant, le buffet qui était recouvert de la riche vaisselle citée dans ces mémoires, car l'auteur de ces notes ayant été depuis peu visiter ce qui reste de ce beau  manoir, qui était une des plus belles habitations non fortifiées de l'évêché de Léon, a acquis ce vieux meuble, antérieur de quelques années à l'époque de la Ligue). Ainsi paya-t-il son écot du jour précédent et remercia son hôte de tous les honneurs et bonne chère qu'il avait reçus dans sa maison. Le sieur de Mézarnou faisait sa perte de quarante mille écus, d'où l'on peut penser combien cette maison était aisée (Note : D'après certains historiens, ce fut La Fontenelle, et non le sieur du Liscoët, qui pilla Mézarnou (ou Mézamou). Outre le mobilier, il enleva la fille de la dame de Mézarnou, dont le premier mari était de la province de Champagne). Ce même Liscoët fit un autre trait à un riche habitant de Landerneau, nommé Alain Henry. Il lui avait, au commencement de la guerre, environ l'an 1590, vendu une belle terre en sa commodité près de Landerneau, douze ou quatorze mille écus. Quelques années après du Liscoët feignit d'aller à Brest saluer le gouverneur du château, qui s'appelait messire René de Rieux, sieur de Sourdéac ; mais l'issue montra qu'il avait d'autres desseins, car il prit ledit Henry, son acquéreur, qui était là réfugié pour la sûreté de sa personne, comme étant d'un même parti, et lui fit, par menace et intimidation de la vie, passer un racquit de ladite terre et le remboursement rapporté réel de ladite somme, sans toutefois rien débourser, et encore eut-il de l'argent dudit Henry ; si bien que, par ce moyen, il recouvrit sa terre et en jouit pendant sa vie qui ne fut pas longue, et les siens après lui, jusque à la paix, que la veuve dudit Henry, déjà décédé, plaida fort et ferme contre la veuve dudit du Liscoët, au siège de cette ville de Quimper, par renvoi de la cour, où elle fut condamnée à délaisser ladite terre à la demanderesse et restitution de levées et aux dépens. La dame du Liscoët étant de la religion calviniste, se pourvut à la chambre de l'édit, autrement mi-partie, où il fut dit qu'il avait été bien jugé au siège de Quimper, et elle condamnée aux dépens de la cause d'appel et à l'amende. 

Voilà les deux méchants actes du sieur du Liscoët, qu'il fit l'année qu'il mourut à Crozon. Ce fut le même Liscoët qui fit brûler une rue, la plus belle qu'il y eut à Carhaix, l'an 1590, de rage qu'en cette grande tuerie de paysans il eut un bras coupé d'un coup de hache, dit-on, par le prêtre Linloët, comme nous l'avons dit ci-devant. 

Mais retournons au siège de Camaret, qui se poursuivait à toute outrance, car le maréchal, sachant que le sieur Don Juan, chef des Espagnols, se préparait, étant à Blavet, de donner secours aux assiégés, ne voulant perdre ni la place, ni si bon nombre de ses meilleurs gens de guerre, les tranchées étant finies, il renforce la batterie la plus furieuse que faire se peut, tant par mer que par terre, par un temps assez beau, et ayant fait brèche ce lui semble assez raisonnable, il publie l'assaut au lendemain matin, ne pouvant plus différer, parce que l'armée espagnole était déjà arrivée à Locrenan, passant par Briec, et pour faire plus grande diligence avaient laissé leurs canons à Coray, cachés en une rivière, pour les reprendre au retour, comme ils firent. 

Le canon joua toute la nuit, et le jour venu, toutes les compagnies se disposèrent à un assaut général, car ce jour-là il fallait vaincre ou mourir ; et s'ils eussent pu soutenir le quatrième assaut, le maréchal et son armée étaient défaits, et le fort serait encore en main étrangère. Mais Dieu assista le pays ; il permit que le vaillant capitaine Praxède qui commandait au fort, fut au troisième assaut emporté d'un coup de canon, la pique en main sur la brèche, ce qui abaissa bien le courage des Espagnols. 

Quatre assauts furent donnés ce jour-là, qui durèrent depuis le matin jusque à la nuit, où les Français et Anglais firent grand devoir d'attaquer et les autres de défendre, et n'y eut assaut qui ne dura plus de deux heures ; mais enfin les assiégeants furent toujours repoussés. 

Il y avait encore quelques compagnies que le sieur maréchal gardait pour la bonne bouche contre leur gré, car il n'était pas fils de bonne mère qui ne sautillât de marcher des premiers et qui ne réputât à un grand affront d'être retardé ; entre ces derniers était le capitaine Romégou, gascon de nation, avec son régiment, qui étaient gens de main et qui avaient toujours bien fait dans les occurrences. Ledit Romégou estimait que ledit maréchal lui faisait un extrême déshonneur de le réserver ; or, ayant eu congé de combattre, il déclare à ses soldats qu'il entrerait mort ou vif dedans, que l'on eût à le suivre et que si d'aventure il était tué avant que d'y arriver, qu'ils eussent à jeter son corps dedans, ne leur demandant pour les derniers devoirs d'obéissance autre chose ni plus honorable sépulture. Cela dit, il s'achemine avec ses Gascons, et avec une telle résolution que, malgré la grande résistance, il monte jusque au haut de la brèche et se précipite dedans à corps perdu ; mais n'étant suivi de nombre des siens, il fut tué à l'instant. Les autres cependant se jettent à la foule dedans et se battent furieusement de chaque part. L'armée voyant les Français entrés, se débande de toutes parts et se jette furieusement sur la brèche où les Espagnols, ne pouvant soutenir dehors et dedans, furent emportés sur le commencement de la nuit, le dix-septième novembre 1594. 

Je laisse à penser à un chacun combien furieux furent les assauts de l'une et de l'autre part car le maréchal savait l'ennemi si près pour soutenir les siens qu'en trois ou quatre heures il pouvait se trouver engagé entre la rivière, la mer et l'ennemi ; et que s'il eût manqué à l'emporter, il y allait de sa réputation, de la perte de son armée et de son équipage de guerre. Et croyait-on qu'il n'avait moyen de se sauver que dans des bateaux pour passer en Léon. D'ailleurs c'eût été pour lui une grande honte, après six semaines de siège, avec une si puissante armée, se retirer devant une levée de terre tenue par si peu de gens. Il lui fallait donc nécessairement pour son honneur l'emporter ce jour-là. Les Espagnols aussi, qui voyaient leur secours presque à leur portée, car il était déjà en la paroisse de Plomodiem (Note : Nous croyons même que les Espagnols étaient à Argol. A Plomodiern, ils se fussent trouvés à six lieues du fort), à quatre petites lieues du fort, et prétendaient y arriver le lendemain au matin, s'imaginaient que prenant courage à ce seul jour qui était presque passé, ils étaient au surplus en repos, leurs ennemis étant contraints la même nuit de trousser bagage ; si bien qu'ils prenaient double courage, s'exhortant les uns et les autres, tant au service de leur prince contre les luthériens qu'ils appelaient les royaux, que pour venger la mort de leur tant renommé capitaine Praxède qui avait été tué à l'assaut précédent. Mais la force, la multitude des assiégeants l'emporta, comme il a été dit. 

Les assiégés, ayant perdu grand nombre des leurs durant le siège et surtout aux assauts de ce jour-là, tous les Espagnols qui se trouvèrent furent tués, de tout âge ou sexe qu'ils fussent, car il y avait presque autant de femmes que de soldats. Néanmoins la faveur de la nuit donna moyen à quelques-uns de se musser sous quelques rochers, qui furent trouvés partie le soir même. La furie étant en partie passée, ceux qui tombaient entre les mains des Français étaient humainement retenus prisonniers ; mais les Anglais, ennemis jurés des Espagnols, ne pardonnaient pas à un seul, et qui pis est, s'ils en voyaient quelques-uns prisonniers des Français, ils se ruaient dessus et les tuaient entre leurs bras, se ressouvenant de la défaite de Craon, qui leur avait coûté si cher deux ans auparavant, comme nous l'avons dit ailleurs. 

Le lendemain il en fut trouvé parmi les rochers, dans les précipices du côté de la mer, quatorze ou quinze, par les Français qui les rendirent au sieur maréchal qui, les ayant considérés, les renvoya humainement sans rançon, prenant compassion de leurs désastres, à leur chef Don Juan, avec lettres testimoniales de leur vertu et du grand devoir qu'ils avaient fait à la défense de la place. Don Juan les voyant, leur demanda : D'où venez-vous, misérables ? Ils répondirent par la bouche d'un : Nous venons de parmi les morts. Or, dit-il, vous ne devez pas survivre ; je ne vous y avais là mis que pour mourir, et peu s'en fallut qu'il ne les fit pendre. 

Voilà la fin du siège de Roscanvel que l'on appelle tantôt Crozon ou Camaret, qui fut le 15 novembre 1594, honorable au maréchal d'Aumont, et comme le chef-d'oeuvre de tous ses exploits de guerre, non-seulement en Bretagne, mais en toute la France, et depuis qu'il commentait à porter les armes, faute aux assiégés de pouvoir soutenir une demi-heure davantage, car la nuit s'obscurcissait fort lorsque Romégou se jeta dedans. 

A Quimper, où nous étions pour lors, nous savions la journée de l'assaut, parce que le temps était très beau et calme. Nous étions nombre qui nous promenions sur la montagne de Frugy, d'où nous entendions aussi à clair les canonnades que si c'eût été à deux lieues de nous, quoiqu'il y en avait onze. Environ la volée de la bécasse, les canonnades cessèrent tout-à-coup, dont je dis aux autres : le fort est pris par les nôtres, ou la retraite sonne. Chacun le jugea de même. Environ la minuit, la dame de Tyvarlen (Note : La dame de Tyvarlen était en son nom Marguerite de Beaumanoir. Elle était veuve de Tanguy de Rosmadec, baron de Mollac, banneret de Tyvarlen, et mère de Sébastien de Rosmadec, baron de Mollac, qui se distingua au siège du fort de Crozon Il mourut en 1629, au moment où il allait recevoir le bâton de maréchal de France), qui était à Rosmadec en Telgruc, nous envoya messager exprès portant nouvelle de la prise. 

L'avantage fut grand pour le pays d'être délivré de ces étrangers qui, en peu de temps, si Dieu n'y eût pourvu, eussent rendu leur place imprenable, outre le danger qu'ils eussent de plus en plus empiété pour leur servir d'une plus assurée retraite d'entre l'Espagne et la Flandre, joint que ce leur était comme un échelon au pont pour passer en Angleterre. 

Il mourut un grand nombre de soldats en ce siège, non tant par les mains de l'ennemi que des froidures, malaises et pauvreté car, comme a été dit ci-dessus, en six semaines que dura le siège, à peine y eut-il trois jours de beau temps, ainsi une pluie continuelle et tourmentes qui affligèrent extrêmement les soldats, entre autres l'infanterie qui n'avait autre retraite presque qu'aux tranchées qui étaient pleines d'eau, aussi en rapportèrent-ils une maladie plus dangereuse que la contagion, car ceux qui en étaient atteints, étaient emportés le troisième jour. 

De seigneurs de remarque je n'ai point appris que autres que le seigneur du Liscoët, le sieur de Romégou, qui y moururent ; de blessé, le sieur marquis de Moullac, Bertrand de Rosmadec, l'un des plus vaillants cavaliers du pays, qui fit paraître aux assauts qu'il y était ; aussi il fut blessé à la tête, néanmoins son casque. Le sieur de Kerollain (Note : C'est le fils du sieur Jégado de Kerollain et de la dame de Trémillec-Kerlot. Pierre de Jégado, sieur de Kerollain, Kerlot, etc., fonda l'abbaye de Kerlot dans son château de Kerlot en Plomelin, le 26 mars 1652. Elisabeth de Jégado, sa soeur, en fut la première abbesse), marié à la dame de Trémillec-Kerlot, y fit merveilles. Bref, plusieurs en rapportèrent de l'honneur et des coups tout ensemble. Kerollain y eut une arquebusade dans la joue qui lui fit une grande balaffre lui emportant les dents de ce côté-là. 

Le maréchal regretta beaucoup le sieur de Romégou, et confessa qu'il avait été cause de la prise du fort et, en mémoire de sa vertu, bailla à son frère, le sieur de Champfleury, son poste, qui puis après prit alliance en ce pays, se mariant à la soeur dudit Kerollain. Aussi loua-t-on beaucoup la vaillance du capitaine Praxède, et disait-on que s'il eût vécu le fort n'était pas pris, et qu'il avait soutenu les trois premiers assauts, chacun desquels n'était pas moins furieux que le dernier. Mais quand le chef est à bas, les membres s'étonnent. 

Les corps de Romégou et de Praxède furent, par le commandement du maréchal, portés à Brest, et en l'église dudit lieu inhumés en même sépulcre et avec pompe, et telle que l'on a coutume de faire en guerre à gens de tel mérite. 

Plusieurs épitaphes furent faites à leur louange, desquelles j'en ai recouvert une qui s'ensuit : 

Praxède, éjouis-toi, mourant de voir mourir 

Romégou enterré sur le haut de ta brèche. 

Pâris éternisa par Achille sa flèche ; 

Par Romégou tu vis ton honneur refleurir ! 

Romégou ne veut point, ô Praxède, souffrir 

Que son nom soit éteint dans les lis de la France. 

Praxède, avise-toi, et fais en récompense 

Que Romégou ne puisse en Castille mourir. 

Troie vante son Hector, la Grèce son Achille, 

La France Romégou, son Praxède Castille ; 

Moi, dans mes tristes vers, de ces deux cavaliers 

Je chanterai le los, l'honneur et la victoire ; 

Un autre les peindra au temple de mémoire, 

Donnant à Romégou les myrtes, les lauriers. 

Ce siège est le plus beau qui ait été en Bretagne pendant les présentes guerres, où il n'y avait à gagner que des coups, car le pillage était moins que rien. On n'avait pas affaire à des habitants de ville, desquels on peut espérer rançon, ou le butin du sac de la place, ce qui encourage souvent les soldats, avides de la proie de l'ennemi ; mais à des gens vraiment aguerris, n'ayant, comme on dit communément, que la cape et l'épée, résolus contre une armée, quoique puissante et forte, de tous mourir les armes à la main, ou bien garder leur fort à leur maître ; que si la force les a enfin emportés lorsqu'ils étaient beaucoup affaiblis par les précédents assauts, ç'a été pour vendre leur mort bien cher, car les trois cents qui étaient dedans en coûtèrent aux nôtres plus de trois mille sur les lieux, sans y comprendre ceux qui y moururent puis après de fatigues, au nombre de plus d'autant. J'avais oublié de dire que les balles et munitions faillirent aux assiégés, et furent contraints de faire des carreaux ou quartiers de verges de fer, de pierres, de pièces d'argent de huit réales et autres choses, pour mettre en leurs arquebuses, après avoir employé plein une barrique de balles de plomb du magasin qu'ils y avaient. 

Je sais que le siège de Morlaix fut bien remarquable, tant pour les faits d'armes qui s'y passèrent que pour la longueur ; mais il fut plus honorable pour les assiégés qu'assiégeants, car ceux-ci furent appelés par les habitants et introduits dedans leur ville sans résistance de personne, et n'y eut que le château qui tint bon, avec tant de résolution qu'ils mangèrent leurs chevaux, et eussent expérimenté toutes sortes de difficultés plutôt que de se rendre, s'ils eussent eu quelque espérance de secours. Mais le duc de Mercoeur ayant été contraint de se retirer, par la fainéantise des Espagnols, qui lui manquèrent à son grand besoin, comme nous avons dit ci-devant, il n'y avait pas apparence de s'opiniâtrer davantage, et s'ils eussent fait autrement c'eût été témérité plutôt que valeur. Et puis les assiégeants n'enduraient aucun malaise à Morlaix au prix de celui de Crozon, parce qu'ils étaient logés en la ville et faubourgs de Morlaix avec toutes sortes de commodités. Quant à celui de Quimper, il ne mérite pas d'être appelé siège, parce qu'il ne dura que depuis le lundi matin jusques au mardi suivant, où il n'y eut aucune batterie ni assaut, les habitants se rendant, sans aucune résistance, à raison de la division qui était entre eux ; tellement que le chef de l'armée ne put rapporter grande louange d'une conquête qui fut sans péril ni perte d'hommes, ni longueur.

Les assiégés se voyant ainsi resserrés de si près, et que les vents étaient contraires à leurs bateaux qu'ils avaient envoyés à la Rochelle, jugèrent bien qu'ils avaient fait une folie et eussent voulu n'y avoir jamais pensé, et de quoi le sieur de La Vigne faisait reproche à Kermassonnet, auteur de cette entreprise, joint que quelques-uns de leurs gens y mouraient toujours, et même un des domestiques du sieur de La Vigne, en qui il avait beaucoup de confiance, parce qu'il était déterminé soldat. Le siège dura depuis le 17 janvier en cette façon jusque au 22 dudit mois, jour et fête de monsieur Saint-Vincent, lorsqu'un jeune habitant chez lequel logeait le sieur de Kermassonnet et quelques autres, et par cette considération n'avait été enfermé comme les autres habitants, il se nommait Charles le Bris, marchand, natif de la ville de Quimper, revenant de la ville en sa maison, il ne trouva que ledit sieur de Kermassonnet et un autre gentilhomme, qui s'étaient jetés sur un lit avec leurs habits et qui dormaient profondément parce qu'ils avaient veillé toute la nuit. Ils avaient seulement posé leurs épées et ceintures avec leurs poignards sur la table près du lit. Ledit de Kermassonnet avait les clefs des portes en une liassée autour du bras, qu'il était impossible et dangereux d'ôter sans l'éveiller, où en tel cas il n'allait que de la vie à celui qui l'eût tenté, s'il eût été découvert. Ce jeune homme ayant considéré combien la ville et le pays étaient misérables, tant pour la religion que pour l'honneur et les moyens, si cette sorte de gens y demeurait, et que si le secours qu'ils attendaient de la Rochelle leur arrivait, combien il serait difficile de l'en délivrer, et l'occasion se présentant belle pour rendre un signalé service au pays, et considérant que tous les autres dormaient chacun en son logis, à la réserve des sentinelles qui étaient sur les murs, et que personne n'était sur la rue, il se résolut de faire un acte d'honneur et de courage et s'en va prendre les deux poignards des deux dormants et leur en donne à tous deux ensemble dans le sein et, en redoublant coup sur coup, les tue tous deux sans qu'ils eurent le temps de jeter un seul cri, mais bien quelques tressauts en mourant. Ces deux morts, ledit le Bris prend les clefs et s'en allant le long de la rue sans faire semblant de rien vers la porte principale de la ville, pour l'ouvrir aux assiégeants, comme il s'acheminait ainsi, il y avait un soldat sur la muraille vers la tour de la Munition, du côté droit en sortant de la place qui, prenant garde à sa contenance un peu émue, eut opinion qu'il voulait attenter quelque chose à leur préjudice, ce qui le fit s'approcher de ladite porte par-dessus ledit mur. Ledit le Bris qui s'approchait, se hâte et le soldat aussi ; puis commençant à courir, savoir l'habitant à la porte pour l'ouvrir, et le soldat pour l'empêcher, l'épée nue au poing et criant trahison. Mais la muraille étant très haute en l'endroit où le soldat voulait descendre et voyant les clefs de la porte entre les mains dudit le Bris, le soldat fit le saut périlleux, se jetant du haut en bas de la muraille sur le pavé. Ce fut comme un miracle qu'il ne se rompit pas le col. Il ne se fit néanmoins aucun mal qui le retardât de se lever promptement et, courant à la porte, pensant prévenir ledit le Bris, et il y était à temps, sans que de bonheur, et par une spéciale grâce de Dieu, ledit le Bris ne connaissant pas en la liasse quelle était la clef de cette porte, sinon par conjecture, la première qu'il essaya était la vraie clef, qu'il n'eut sitôt tournée que le pont-levis tombe et, la porte ouverte, ledit le Bris s'encourut dehors, appelant les assiégeants et ayant le soldat à dos qui le courut loin hors la porte, l'épée presque dans les reins, qui n'appréhendait pas de mourir pourvu qu'il l'eût pu tuer. Et de fait il alla si loin qu'il se trouva engagé, et ne pouvant aller ni avant ni arrière, se jeta dans la vase du côté de la mer où il fut tué, et la ville prise de cette façon, le jour de Saint-Vincent, comme nous l'avons dit, l'an 1576. 

Les ennemis qui étaient, partie sur la muraille, partie endormis dans leurs logis, furent tous tués. Le sieur de La Vigne s'était mis dans une fenerie et caché dans le foin, où il fut trouvé et tué puis jeté tout nu par la fenêtre sur le pavé, où fut un monceau de corps morts pareillement tout nus. La fureur du soldat étant passée, ils se jettent sur un domestique du sieur de La Vigne, qui restait encore, que l'on fit passer par les armes hors la ville, et lorsqu'on le menait, il ouït nommer le sieur de Pratmaria, et demanda si le sieur de Pratmaria était là. Ceux qui le tenaient lui dirent qu'oui. Faites-moi lui parlez, ce dit-il. Et lui étant mené, il lui dit tout bas : Si vous pouvez me sauver la vie, je vous ferai avoir, tout présentement, la chaîne d'or de M. de La Vigne, mon maître. Le sieur de Pratmaria lui dit qu'il empêcherait bien qu'il ne mourût, et lui fit délivrer ladite chaîne que lui-même avait baillée à garder à la femme de celui chez qui était logé le sieur de La Vigne. Le sieur de Pratmaria remontrant à la noblesse que tous les autres avaient été tués, et qu'il ne restait plus que celui-là duquel on pût découvrir l'origine et les auteurs de cette entreprise, qui pouvait s'étendre plus loin sur d'autres places que Concarneau ; qu'il était de la prudence de le réserver à cette fin de savoir la vérité du tout par son moyen et, à cet effet, de l'envoyer à la cour du parlement de Rennes, ce qui fut fait, où, six ou sept mois après, il fut exécuté à mort. 

Voilà la prise et la reprise de Concarneau : il n'y eut que six jours entre les deux. Cependant le bateau que l'on avait dépêché en mer était arrivé à la Rochelle. L'on ordonna que le secours leur serait envoyé ; mais aussitôt ils reçurent les nouvelles de la reprise et de la défaite de leurs gens. S'ils avaient emprisonnés tous les habitants, sans nul excepter, ils seraient encore maîtres de la place ; car ils ne pouvaient manquer de secours de la Rochelle, d'où l'on peut arriver en vingt-quatre heures à Concarneau, et cela étant, les huguenots eussent eu une grande retraite en Basse-Bretagne, qu'ils confessent eux-mêmes être plus forte que la Rochelle. 

Kermassonnet fut lourdement trompé en ses projets, car il faisait son compte que de quinze jours l'on n'eût pas pu les assiéger ; que les Bas-Bretons étaient des casaniers ; qu'ils ne prendraient les armes qu'ils n'eussent des ordres précis du roi et bonnes escortes de gens de guerre, et bouffonnant, contrefaisait le Bas-Breton qui veut parler français, et disait : moi, aller point en guerre si mon femme ne donne congé, et semblables goailles. Mais il les connaissait mal ; ils n'ont jamais été accusés de couardise, les anciennes histoires et les modernes en donnent des preuves en la bataille des Trente, entre Josselin et Ploërmel, dont le sire de Beaumanoir (Note : L'auteur se trompe ; Jean de Beaumanoir, qui commandait les Bretons à la bataille des Trentes, était né aux environs de Dinan, dans l'évêché de Saint-Malo), chef de l'entreprise contre les Anglais, était Bas-Breton, de l'évêché de Cornouaille ; en la défaite des Anglais en Léon, environ l'an 1572, qui descendirent avec de grandes forces, et tout cela s'est fait sans demander congé aux femmes ni escorte de gens de guerre. Ils n'ont jamais refusé le collet à aucune autre nation. L'on sait en quelle estime ils ont toujours été aux universités ; je pourrais en citer un grand nombre d'exemples. Bref, si les Bas-Bretons ne savent pas si bien jouer de la langue comme les Français, ils jouent aussi bien des mains et en sont en possession de tous temps. Cette heureuse reprise de Concarneau est due à ce généreux Bas-Breton, natif de Quimper, sur la place, marchand de profession.

(M. le chanoine Moreau)  

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