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LES MÉMOIRES D'UN PRÊTRE BRETON EXILÉ PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

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Une bienveillante communication [Note : Faite par M. l'abbé Billon, recteur de Mellé, auquel nous offrons ici l'expression de notre gratitude] vient de mettre entre nos mains les papiers autographes d'un vénérable prêtre de notre diocèse, confesseur de la foi pendant la Révolution française, M. l'abbé Le Breton, décédé en 1837 curé démissionnaire de Saint-Malo ; nous croyons être agréable aux lecteurs de la Semaine religieuse de Rennes en rédigeant à l'aide de ces documents inédits une notice historique sur ce respectable ecclésiastique.

François-René-Yves Le Breton naquit au village de Fouillard, en Liffré, le 19 janvier 1761, et fut ordonné prêtre dans la chapelle du Grand-Séminaire de Rennes, le 18 décembre 1784, par Mgr Conen de Saint-Luc, évêque de Quimper. Deux jours après, il fut nommé par Mgr Bareau de Girac, évêque de Rennes, vicaire à Balazé. Mais le 10 février 1788 le Bureau du collège de Rennes, considérant M. Le Breton comme « un ecclésiastique aussi distingué par ses bonnes études que par ses mœurs et ses vertus, » le choisit pour remplir à Rennes la chaire alors vacante de professeur de philosophie.

Il n'occupa pas toutefois très longtemps cette place, car le gouvernement ayant exigé des prêtres professeurs au collège le serment à la Constitution civile du clergé, M. Le Breton refusa de prêter ce serment sacrilège et perdit par suite sa chaire de philosophie.

Ce fut peu après qu'il devint précepteur de deux enfants d'une des plus honorables familles de Rennes, Gustave et Philogène de Coniac. Cette famille, voyant la Révolution envahir la Bretagne, résolut de quitter momentanément Rennes el de gagner Paris. M. Le Breton accompagna donc dans la capitale M. et Mme de Coniac et leurs enfants ; avec eux se trouvaient aussi MM. et Mmes Thierry de la Prévalaye, parents de Mme de Coniac.

A partir de ce moment M. Le Breton a raconté tout ce qui lui arriva dans d'intéressants Mémoires ms. dont quelques cahiers sont malheureusement perdus. M. de Geoffrion, frère de Mme de la Prévalaye, l'aînée ayant offert à toute sa famille un asile à Valenciennes, M. et Mme de Coniac ne séjournèrent pas longtemps à Paris ; ils se rendirent à Valenciennes en compagnie de MM. et Mmes de la Prévalaye, et M. Le Breton les y suivit naturellement ; on était alors à la fin de février 1791. Mais au bout d'un an la guerre qui se faisait sur les frontières menaça de s'étendre jusqu'à Valenciennes et M. et Mme de Coniac revinrent à Paris avec M. Le Breton ; ils y rentrèrent le 11 mai 1792 et se logèrent dans un hôtel garni du faubourg Saint-Germain. C'est de la qu'ils assistèrent aux affreux massacres de septembre ; des fenêtres de leur hôtel ils voyaient, en effet, les cours de l'abbaye de Saint-Germain où succombèrent tant d'innocentes victimes. Cet horrible spectacle saisit tellement M. Le Breton que, craignant pour sa propre vie et pour la sécurité de l'excellente famille chez laquelle il vivait, il résolut de quitter la France ; il fit donc ses adieux à M. et Mme de Coniac et à ses jeunes élèves qu'il avait appris à aimer, et le 11 septembre il sortit de Paris et gagna d'abord Rouen, puis Dieppe, sous le déguisement d'un patriote marseillais.

Ce fut le 17 septembre 1792 que M. Le Breton abandonna sa patrie et s'embarqua pour l'Angleterre comme prêtre déporté ayant refusé le serment à la Constitution. Il aborda le 19, près de Bright-Helmston, en compagnie d'une cinquantaine de prêtres français, également déportés, qui fuyaient comme lui la Terreur régnant dans notre malheureux pays. Tous se rendirent à Londres où ils furent reçus avec bienveillance par Mgr de la Marche, évêque de Saint-Pol de Léon qui s'y trouvait à la tête d'un bureau chargé d'accueillir les prêtres français. Mais quoique M. Le Breton admirât « l'inépuisable bienfaisance des Anglais envers les Français victimes de la Révolution » il ne demeura que dix jours à Londres ; au bout de ce temps il retourna s'embarquer à Douvres pour gagner les Pays Bas et débarqua à Ostende ; puis il se rendit d'abord à Bruges, ensuite à Gand et enfin à Bruxelles.

Cette ville était le but du voyage de M. Le Breton qui y rencontra Mgr Bareau de Girac, évêque de Rennes ; celui-ci le reçut avec bonté et l'envoya à Louvain avec quelques autres prêtres de son diocèse. Là se trouvait, en effet, un riche seigneur espagnol, ancien ambassadeur a la Cour de France et ami de Mgr de Girac ; il avait offert à ce prélat de se charger de l'entretien de douze prêtres français, ce qu'il fit avec la plus grande générosité et la plus exquise délicatesse. Malheureusement M. Le Breton et ses compagnons ne purent jouir que pendant un mois de cette gracieuse hospitalité. Le général Dumouriez ayant battu l'armée impériale à Jemmapes, s'avança vers Bruxelles ; ce fut alors dans tous les environs un sauve-qui-peut général, et les prêtres français réfugiés à Louvain durent eux-mêmes prendre la fuite. M. Le Breton, partit à pied, « comme un capucin, » écrit-il, en compagnie de ses confrères de Bretagne, qu'il ne nomme malheureusement pas, et gagna d'abord Maestricht, puis Aix-la-Chapelle. Ils demeurèrent tous en celte ville, relativement tranquille, grâce à la protection d'un pieux ecclésiastique. Prieur des Croisiers, jusqu'à la fin de janvier 1793 ; mais à cette époque l'armée française y entra elle-même et ordonna a tous les émigrés d'en sortir immédiatement. Il fallut donc reprendre le sac au dos et le bâton de voyage, et retourner à Maestricht où avec bien de la peine les pauvres prêtres trouvèrent à se loger cette fois. Mais là encore la Providence vint en aide à M. Le Breton et à ses confrères, dans la personne d'une bonne dame qui se mit complètement à leur service.

Bientôt après, un prélat natif de Rennes, Mgr Champion de Cicé, évêque d'Auxerre, ayant appris la présence de prêtres bretons à Maestricht, — ville près de laquelle il habitait, — les fit mander chez lui et leur offrit ses bons services qu'ils acceptèrent avec empressement.

Ici s'arrêtent les cahiers de Mémoires qui nous ont été communiqués ; il sont évidemment incomplets, mais on croit que la suite a été détruite par M. Le Breton lui-même. Nous avons cependant encore quelques autres feuilles portant pour titre « Mes réflexions en Westphalie » et prouvant que M. Le Breton se rendit ensuite dans ce pays et qu'il y demeura un cerlain temps.

Comment revint-il en France ?

Nous n'en savons malheureusement rien ; mais il était près de Paris, dans la commune de Gentilly lorsque le 6 prairial an IX il obtint un passeport pour retourner à Liffré sa paroisse natale.

Deux ans plus lard, le 12 floréal an XI, le Ministre de la Justice lui accorda un certificat d'amnistie pour fait d'émigration, à la suite du serment de fidélité au gouvernement qu'il avait prêté entre les mains du Préfet d'Ille-et-Vilaine, le 16 prairial an X.

M. Le Breton reprit ensuite le ministère pastoral dans le diocèse de Rennes ; successivement nommé, en février 1806 recteur de La Bouëxière, le 16 décembre de la même année curé de Châteaubourg, le 15 février 1811 curé de Montfort, il fut choisi le 28 décembre 1812 pour occuper la cure de Saint-Malo. Vicaire général et chanoine honoraire de Rennes M. Le Breton fut fait chevalier de Saint-Louis en 1820 et demeura curé de Saint-Malo jusqu'en 1833, époque à laquelle il se retira du saint ministère ; il mourut à Saint-Malo quelques années plus tard, le 29 septembre 1837.

Etant curé de Saint-Malo M. Le Breton eut de fréquents rapports avec Mgr Cortois de Pressigny dernier évêque de Saint-Malo, et plus tard archevêque de Besançon, et avec M. l'abbé Larchant de Grimonville nommé à l'évêché de Saint-Malo, lorsque ce siège fut rétabli en principe par le concordat de 1817.

Il en résulte que les papiers de M. Le Breton renferment un certain nombre de lettres autographes de ces deux personnages ; on y voit combien ils estimaient le vénérable curé de Saint-Malo. On conserve même une croix pectorale en or qui passe pour être celle du dernier évêque de St-Malo offerte à M. Le Breton par Mgr de Pressigny lui-même.

Quant aux Mémoires écrits par M. Le Breton et ne consistant plus qu'en neuf petits cahiers d'environ 50 pages chacun, ils témoignent d'un homme intelligent et instruit, d'un prêtre vertueux et appliqué à l'accomplissement de tous ses devoirs ; l'auteur note avec soin les choses les plus remarquables dans les villes qu’il traverse et accompagne son récit de réflexions toujours judicieuses. Toutefois dans ces Mémoires se trouvent des longueurs, et l'on voit bien que ce n'est point une œuvre destinée à la publicité. Ce qui en fait le plus grand intérêt c'est la position précaire, l'existence au jour le jour du pauvre prêtre victime de son attachement à l'Eglise catholique, condamné par les excès révolutionnaires à errer en pays étranger, sans ressources suffisantes, pendant de longues années ; c'est l'esprit de foi et de piété qui anime le récit ; c'est l'amour de la patrie sagement compris ; c'est, en un mot, le caractère vraiment sacerdotal de l'auteur. Aussi croyons-nous que ceux qui ont connu M. Le Breton curé de Saint-Malo verront avec plaisir évoquer son souvenir.

(abbé Guillotin de Corson).

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