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LA VILLE DE LEXOBIE

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A une époque fort reculée de notre histoire, s’élevait dit-on à Saint-Michel-en-Grève une cité maritime puissante et belle, défendue par de bons remparts des attaques de ses ennemis et protégée des envahissements des flots par des digues, dont on ouvrait à certains moments les portes pour laisser entrer ou retenir la mer dans le port.

Si l'on croit la tradition, « c’était une ville splendide, babylonienne. – Elle était bâtie de marbre, peuplée de palais, toute étincelante d’or : des remparts d’une hauteur colossale la défendaient des attaques de ses ennemis d’un côté, et des digues, d’une solidité à toute épreuve, la protégeaient de l’autre contre les irruptions de l'Océan. » Mais il est un moment où tombent les cités les plus magnifiques : Dieu suscite un fléau dévastateur qui les couche dans la poussière. Tantôt c’est un conquérant formidable dont la valeur ne rencontre point d’obstacles qui puissent arrêter sa marche triomphale, tantôt une peste ou un incendie viennent décimer les habitants ou anéantir les maisons : ou bien encore, les flots se soulèvent pour engloutir ces tours altières restées imprenables. Telle fut jadis la ville de Lexobie et telle elle fut renversée par les eaux , au point qu’il en reste à peine quelques traces. C’est du moins ce que dit la légende : il faut bien se garder de rire de ces contes populaires que la tradition nous a transmis par diverses générations qui nous ont précédé : il existe au fond de sages vérités. Il en est qui ont revêtu une autorité impérissable et parmi eux, nous plaçons celui de l’existence de la ville de Lexobie qui est aujourd’hui un fait incontestable.

Mais si cette ville fut puissante, sa fin fut bien terrible. Nous ne pouvons mieux faire pour raconter brièvement sa dernière heure que de laisser parler un élégant écrivain vers 1850 : M. Zaccone, dans un feuilleton intitulé La Ville aux Diamants, s’exprime ainsi : «A Lexobie, il n’y avait rien à craindre, et sûre de l’impunité, la cour du bon roi se livrait avec emportement à ces ténébreux excès qui avaient autrefois attiré la colère du ciel sur Sodome et Gomorre ! – Un jour cependant, Dieu ne pût voir sans être courroucé, le spectacle que la ville de Lexobie donnait à la Bretagne et au monde entier et il résolut de la détruire. – Ce ne fut pas long. – La ville de Lexobie s’endormit la nuit suivante du lourd sommeil de l’orgie et ne se réveilla plus. – L'Océan avait brisé ses digues puissantes, et l’on ne voyait plus à sa place qu’une immense nappe d’eau, silencieuse et morne…. ».

Saint-Michel-en-Grève revendique l’honneur d’être bâtie sur ses ruines. Quelques-uns prétendent qu’elle embrassait tout le pays où sont aujourd’hui les communes de Trédrez et de Ploulech et qu’elle était assez vaste pour qu’une extrémité occupât l’endroit où s’élève le hameau actuel du Yaudet et que l’autre extrémité dépassait la lieue de grève. Sans ajouter foi à cette étendue prodigieuse qui nous semble le fruit de l’exagération populaire, examinons quels sont les titres sur lesquels s’appuie St Michel-en-Grève pour se prétendre située sur l’emplacement de l’antique ville de Lexobie.

Saint-Michel-en-Grève n’a pour elle que l’autorité de légendes anciennes qui assignent pour berceau à Lexobie la lieue de grève « immense plage déserte, où l’on ne voit à gauche que la pleine mer, à droite que des champs pour la plupart incultes, ou des rochers nus bizarrement taillés par l’Océan dans un jour de puissante fantaisie. ». Comme nous venons de le dire, les flots engloutirent cette ville superbe qui est demeurée enfouie au-dessous de ces sables arides, éternel monument des vengeances divines et dont l’aspect désolé remplit le cœur d’une vague tristesse et plonge l’âme dans une mélancolie amère. Elle n’a pas été entièrement détruite : elle existe là, cachée aux regards des mortels : la nuit de la saint Jean chacun peut y descendre par un escalier magnifique pratiqué au fond d’une grotte qui se trouve à l’entrée de la baie, derrière un rocher, lequel cette nuit là s’ébranle pour en livrer l’accès au premier coup de minuit et se referme au dernier son de la cloche. Malheur à celui qui n’a pas été assez prompt à enlever hors de ces lieux souterrains tout l’or dont il s’est chargé, il est à jamais enseveli dans les entrailles de la terre : la condition est expresse et telle est la cupidité humaine qu’on ne dit pas que jamais personne en soit revenu.

«  Parmi les rochers nombreux de la côte, se cache au fond d’une anse une grotte peu profonde et peu faite pour attirer les regards, mais qu’une tradition populaire a rendu célèbre. C’est là qu’est enfermée, avec d’immenses trésors, depuis douze ou quinze siècles, une princesse du pays de Lexobie. Elle n’est point morte ; elle dort par l’effet d’un enchantement qui doit prendre fin lorsqu’un célibataire à l’âme inaccessible à la peur viendra la délivrer. Certes, les Bretons ont du courage, et pourtant nul encore n’a osé tenter l’aventure, bien que personne n’ignore que la main et toutes les richesses de la princesse seront la récompense du libérateur. Mais on se doute bien qu’il ne suffise point de se présenter à la grotte à jeun, le jour de la Pentecôte, à l’heure précise de minuit : l’enchanteur, sans nul doute, ne cédera pas sans combattre ; il se présentera sous la forme de quelque monstrueux dragon, couvert d’écailles et vomissant des flammes!....Voilà pourquoi le cœur manque aux jeunes gens ; voilà pourquoi la princesse n’est pas encore délivrée »

On raconte encore à l'occasion de la Lieue de Grève (Al Lew Drez), les charmantes légendes qui suivent:

"Voici que minuit sonne à l'église de Saint-Michel-en-Grève; minuit de la Pentecôte bénie!

C'est l'heure où les vrais chrétiens reposent leur tête sur l'oreiller de balle, contents de ce que le bon Dieu leur a donné, et s'endorment au cher bruit que fait la respiration des petits enfants endormis.

Mais Perik Scoarn, lui n'a pas de petits enfants. C'est un jeune homme hardi et seul dans la vie. Il a vu les nobles des environs venir à l'église, et il est envieux de leurs chevaux à brides plaquées d'argent, de leurs manteaux de velours et de leurs bas de soie à coins bariolés.

Il voudrait être riche comme eux, afin d'avoir, à l'église, un banc garni de cuir rouge, et de pouvoir conduire au pardon les belles "pennérès", assises sur la croupe de son cheval et un bras appuyé sur son épaule.

Voilà pourquoi Périk se promène sur la "Lew Drez", au pied de la dune de Saint-Efflam, tandis que les chrétiens reposent dans leurs maisons, protégés par la Vierge. Périk est un homme amoureux de grandeurs et de belles filles; les désirs sont aussi nombreux dans son coeur que les nids d'hirondelles de mer sur les grands récifs.

Les vagues soupirent tristement à l'horizon noir, les cancres rongent à petit bruit les cadavres des noyés; le vent qui souffle dans les fentes de Roch-Ellas imite le sifflet des collecteurs (1) de la "Lew Drez"; mais Scoarn se promène toujours.

Il regarde la montagne, et repasse dans sa mémoire ce que lui a dit le vieux mendiant de la croix d'Yar. Le vieux mendiant sait ce qui s'est passé dans la contrée, alors que nos plus vieux chênes étaient encore des glands et nos plus vieilles corneilles des oeufs non couvés.

Or le vieux mendiant d'Yar lui a dit que là où se dresse aujourd'hui la dune de Saint-Efflam s'étendait autrefois une ville puissante (2). Les flottes de cette ville couvraient la mer et elle était gouvernée par un roi ayant pour sceptre une baguette de noisetier, avec laquelle il changeait toute chose selon son désir.

Mais la ville et le roi furent damnés pour leurs crimes, si bien qu'un jour, par l'ordre de Dieu, les grèves s'élevèrent comme les flots d'une eau bouillonnante et engloutirent la cité. Seulement, chaque année, la nuit de la Pentecôte, au premier coup de minuit, un passage s'ouvre dans la montagne et permet d'arriver jusqu'au palais du roi.

Dans la dernière salle de ce palais se trouve suspendue la baguette de noisetier qui donne tout pouvoir; mais pour arriver jusqu'à elle il faut se hâter, car, aussitôt que le dernier son de minuit s'est éteint, le passage se referme et ne doit se rouvrir qu'à la Pentecôte suivante.

Scoarn a retenu ce récit du vieux mendiant d'Yar, et voilà pourquoi il se promène si tard sur le "Lew Drez".

Enfin un tintement aigu retentit au clocher de Saint-Michel; Scoarn tressaille! il regarde, à la clarté des étoiles, le rocher de granit qui forme la tête de la montagne, et le voit s'entrouvrir lentement comme la gueule d'un dragon qui s'éveille.

Il assure alors à son poignet le cordon de cuir qui retient son "Pen-bas" et se précipite dans le passage, d'abord obscur, puis éclairé par une lumière semblable à celles qui brillent, la nuit, dans les cimetières. Il arrive ainsi à un palais immense dont les pierres sont sculptées comme celles de l'église du "Fou du bois" ou de Quimper sur l'Odet.

La première salle où il entre est pleine de bahuts où est entassé autant d'argent que l'on voit de grains de blé dans les herbes, après la moisson; mais Périk veut plus que de l'argent et il passe outre! - Dans ce moment sonne le sixième coup de minuit !

Il trouve une seconde salle de coffres qui regorgent de plus d'or que les rateliers ne regorgent d'herbes en fleur au mois de juin. Périk Scoarn aime l'or; mais il veut encore davantage et il va encore plus loin. - Le septième coup vient de sonner.

La troisième salle où il entre est garnie de corbeilles où les perles ruissellent comme le lait dans les terrines de terre de Cornouailles, aux premiers jours du printemps. Scoarn eût bien voulu en emporter pour les jolies filles du coin; mais il continue sa route, en entendant sonner le huitième coup.

La quatrième salle était toute éclairée par des coffrets remplis de diamants, jetant plus de flammes que les bûchers d'ajoncs sur les coteaux du Douron, le soir de la Saint-Jean. Scoarn est ébloui! Il s'arrête un instant, puis court vers la dernière salle en entendant frapper le neuvième coup.

Mais là, il demeure subitement d'admiration! Devant la baguette de noisetier que l'on voit suspendue au fond, sont rangées cent jeunes filles belles à perdre les saints. Chacune d'elles tient, d'une main, une couronne de chêne, et, de l'autre, une coupe de vin de feu. Scoarn, qui a résisté à l'argent, à l'or, aux perles et aux diamants, ne peut résister à la vue de ces belles créatures, amies du péché.

Le dixième coup sonne et il ne l'entend point; le onzième se fait entendre et il demeure immobile; enfin, le douzième retentit aussi lugubre que le coup de canon d'un navire en perdition parmi les brisants !...

Périk épouvanté veut retourner en arrière; mais il n'est plus temps! toutes les portes se sont refermées; les cents belles jeunes filles ont fait place à cent statues de granit et tout rentre dans la nuit !

Voilà comment les vieillards ont raconté l'histoire de Scoarn. Vous savez maintenant ce qui arriva à ce jeune homme pour avoir ouvert trop facilement son coeur aux séductions. Que la jeunesse prenne son enseignement: il est bon de marcher les yeux baissés vers la terre, de peur de désirer les étoiles qui sont à Dieu et à ses anges.

[1] On donnait ce nom à de hardis brigands (ceci est historique), qui exploitèrent longtemps ces côtes dangereuses. Ils avaient imaginé de placer un chapeau au bout d'un pieu, au bord de la route. Si le voyageur passait sans rien y déposer, un coup de sifflet l'annonçait au reste de la bande qui le dépouillait un peu plus loin.

[2] Les habitants de Saint-Michel revendiquent pour leur grève l'antique ville d'Is que les légendes ont rendue si célèbre. De nos jours encore, un vieux pêcheur raconte à qui veut l'écouter qu'il y a quelques années la mer, après un orage épouvantable, se retira bien au-delà de ses limites ordinaires, laissant si peu d'eau près de la côte, qu'il distingua parfaitement des pointes de clocher sortant des sables qui parsèment le fond de la grève. La grève de Saint-Michel a été autrefois un grand bois ou une forêt.

[extrait du Livre "Les Côtes-du-Nord, histoire et géographie de toutes les villes et communes du département", tome IV (par B. Jollivet, paru en 1859)]

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