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HISTOIRE DU PRIEURÉ DE SAINT-MAGLOIRE DE LÉHON

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Les commencements de l’abbaye de Léhon sont vaguement connus ; nous essaierons de résumer ici ce que nous avons pu retrouver de plus certain à ce sujet.

Dans un ouvrage récent, nous avons lu que saint Colomban était le fondateur de Léhon : on s’appuie pour le soutenir sur un vitrail de l’église de Locminé, dans le Morbihan, vitrail où est peinte la légende de saint Colomban. L’un des panneaux, ajoutait-on, porte cette inscription : « Coment Colomban fut esleu abé par ses frères à cause de sa saincté, et fist bastir le monastère de Lehon par congé de Sigibert, roy de France » [Note : L. Odorici, Recherches sur Dinan, p. 561]. Nous avons voulu être édifiés sur ce fait, et, grâce à l’obligeance de M. le chanoine Larbitre-Monferant, curé de Locminé, nous pouvons affirmer qu’une erreur de lecture a seule donné naissance à cet anachronisme : il faut lire Luxon (Luxeuil) et non Léhon.

D’après la tradition conservée par les Bénédictins, Nominoë chassait sur les bords de la Rance, lorsqu’il rencontra, dans un lieu écarté, six solitaires qui le prièrent de leur abandonner le petit territoire sur lequel ils se trouvaient. Nominoë accéda à leur demande, et leur permit même de fonder un monastère, à la condition d’y avoir les reliques de quelque Saint. L’un des solitaires, Condan, se rendit aussitôt à Jersey, où reposait le corps de saint Magloire, et rapporta les reliques de cet évêque. Nominoë tint sa promesse, et l’abbaye fut fondée.

Le premier abbé, par suite de difficultés survenues entre lui et les autres religieux, quitta Léhon, et embrassa de nouveau la vie d’anachorète. Alors un des moines, nommé Brito, se rendit à Redon pour étudier la règle de cette abbaye et la faire adopter à St-Magloire de Léhon [Note : Act. SS. ab. Roton., ap. , D. Morice, I, col. 256. — Annal. Bénéd., II, 685]. Il y mourut.

Peu d’années après commencèrent les ravages des Normands, et l’émigration générale des prêtres et des moines, emportant en France, avec eux, les reliques des cathédrales et des abbayes. L’évêque d’Alet s’enfuit avec les reliques de saint Malo : il était accompagné de Junan, abbé de Léhon, qui sauvait le corps de saint Magloire. Aux marches de Bretagne, ils furent rejoints par le clergé de Dol et celui de Bayeux, qui cherchaient un asile pour eux et pour les reliques des SS. Samson, Senator, Paterne, Scubilion, etc.

Après un long voyage, l’évêque d’Alet, Salvator, et l’abbé Junan vinrent à Paris, où, non sans difficultés, ils reçurent enfin l’hospitalité. Hugues Capet fit déposer les reliques bretonnes dans l’église St-Barthélemy, alors chapelle royale du palais et desservie par des chanoines : à cette occasion, l’église fut agrandie et dédiée sous le double vocable de saint Barthélemy et de saint Magloire [Note : Il paraît qu’une partie de ces reliques fut, au commencement du XIIIème siècle, déposée à Rouen ; car, d’après une charte de 1222, tirée du cartulaire de l’église de Dol et éditée à la page 257 des Instrumenta du Gallia Christiana, XIV, l’archevêque Théobald rendait à Dol « quasdam reliquias Dolensis ecclesie quas ipse tempore guerre inter pie quondam memorie Johannem, regem Anglie, et Britones habite, de manibus raptoriorum subripuerat violenter, qui eas in subversione et combustione Dolensis ecclesie, cum violentia asportaverunt ab eadem, videlicet de ossibus et corpore Beati Samsonis, de pallio ejusdem et de ossibus Beati Maglorii et quasdam alias reliquias ». L’épithète de pieux donnée ici à Jean-sans-Terre aura frappé le lecteur]. Des moines y furent établis, régis par un abbé, et un siècle après, le peuple faisait prévaloir le nom de saint Magloire, oubliant celui de l’Apôtre. Junan mourut à Paris et fut enseveli dans la nouvelle église St-Magloire, alors aux Bénédictins [Note : Annales Bénéd., III, 61. — Thomass., Disc. eccl., 1ère partie, livre III, c. 19-2. — Lebeuf, Hist. du dioc. de Paris, I, 288. — Chastelain, Martyr, univ., 802. — Lobineau, Vie des Saints de Bretagne, p. 144. — Baillet, sous le 24 octobre].

Sous le roi Robert, vers le commencement du XIème siècle, le comte Bérenger vint à Paris, et les moines de St-Magloire supplièrent le roi d’être leur interprète auprès du comte breton pour obtenir que l’église de Léhon, ruinée par les Normands, leur fût donnée. Les Annales Bénédictines, auxquelles nous empruntons ce détail, ajoutent que Bérenger s’empressa d’accéder au vœu du roi et aux prières des moines : aussitôt l’abbé Harduin envoya à Léhon six religieux qui rétablirent l’ancienne fondation de Nominoë dans son état primitif [Note : Dès que le calme se fut à peu près rétabli en Bretagne, on voulut faire revenir les reliques par tous les moyens : des auteurs parlent d’une tentative d’enlèvement des restes de saint Samson, déjouée par ordre de Robert, qui fit arrêter les pieux voleurs à Orléans] ; seulement l’abbaye devint un simple prieuré.

Léhon était trop loin de Paris pour que cet état de choses pût se maintenir bien longtemps : les moines de Léhon se souvinrent de l’indépendance de l’antique abbaye. Les Bretons se souciaient peu d’ailleurs de dépendre des Français : les Français de Paris ne leur étaient pas moins antipathiques que ceux de Tours. C’était l’époque de la grande querelle des métropoles de Tours et de Dol ; c’était l’époque où, pour éviter de devenir Français ou Anglais, les Bretons voulaient se soustraire à toute influence étrangère, au spirituel comme au temporel.

Vers la fin du XVème siècle, le prieur de Léhon, Durand, prenait le titre d’abbé : pour se faire des protecteurs et des créatures, il disposait des biens du prieuré, et laissait la licence, s’établir dans le cloître [Note : D. Morice, I, 689. — Bl.-Mant., XXXIX, 207 et 208]. L’évêque d’Alet, soumis à l’archevêque de Tours, et désireux de faire cesser le désordre qui régnait dans le clergé de son diocèse, recourut aux moines de Marmoutiers ; il y avait d’ailleurs une question d’intérêt qui se joignait à la question de discipline :

L’île St-Aaron avait été enlevée à Marmoutiers pour y transférer la cathédrale d’Alet. Pour faire taire les continuelles plaintes des moines de Tours, il fallait une compensation : cette compensation fut le riche prieuré de Léhon. Au moyen de cet échange, préparé secrètement et de longue main, l’évêque conserverait l’île d’Aaron, et des moines réguliers remplaceraient à Léhon les rebelles en froc qui y vivaient indépendants.

En 1181, en effet, pendant que St-Magloire de Léhon refusait toute soumission à St-Magloire de Paris, les délégués du Pape, savoir, l’archevêque de Tours et les abbés de St-Germain-des-Prés et de S’-Pére de Chartres, décidèrent que Léhon passerait sous l’obédience de Marmoutiers, qui abandonnerait à St-Magloire de Paris trois autres prieurés. Albert, évêque de St-Malo, Rolland, sire de Léhon, Geoffroi d’Angleterre, alors duc de Bretagne, le pape Luce III, et le roi Philippe-Auguste, s’empressèrent de souscrire à cet arrangement, et le prieur Durand fut remplacé par Geoffroi de Corseul [Note : D.Morice, I, 687, 688, 690. — Bl.-Mant., XXXVI, 106 ; XXXIX, 207, 208 et 209. — Cart. de St-Magloire, n° 1, f° 52, n° 11, f° 13. — En 1189 et 1198, les papes Clément III et Innocent III confirmèrent le prieuré de Léhon à Marmoutiers]. L’abbé de Marmoutiers choisit ce religieux comme l’un des hommes les plus distingués de sa congrégation, et le plus propre à rétablir l’ordre dans le monastère insoumis.

Peu d’années après, en 1187, Geoffroi de Corseul était élu abbé de Marmoutiers (Gall. Christ., t. XIV, col. 223).

A dater de cette réforme, Léhon, avec son titre de prieuré conventuel, fut une véritable petite abbaye ; et, dans les lettres de créance des ambassadeurs chargés de traiter de la rançon de Charles de Blois, prisonnier des Anglais, nous voyons, à la suite de la signature des abbés bretons, celle du Grand-Prieur de Léhon [Note : Dans les rectifications à ses deux volumes d’histoire, rectifications insérées en tête de la Vie des Saints de Bretagne, p. 12, D. Lobineau dit que le prieur de Léhon a signé ainsi à l’original].

L’évêque diocésain lui reconnaissait des libertés, telles que l’exemption de la juridiction épiscopale, et la faculté de célébrer les offices, les portes closes, en cas d’interdit. Il possédait, à la fin du XIIème siècle, les paroisses de Léhon, Evran, St-Juvat, Trévron, Brusvily, Trélivan, Trigavou, Calorguen, Tréverien, dans l’évêché de St-Malo ; ainsi que les chapelles St-Thurian [Note : Cette chapelle était à St-Urial ou le Haut-Bécherel, en Corseul ; un aveu de 1543 mentionne le bailliage de St-Trya dans cette paroisse. En 1259, Geoffroi, archidiacre de St-Malo, intervenait dans un procès entre le prieuré et Jean L’Asne, écuyer, relativement au fief de la Gaignerie, en Corseul (D. Morice, I, 975)], St-Nicolas des Champs [Note : St-Nicolas des Champs était, en 1679, une métairie noble en Lanvallay], St-Gundofert de Mara et de Coëtmeur [Note : Cette chapelle, située sur le bord de la route de Dinan, en Trélivan, n’existait plus en 1543 ; mais on mentionnait encore le bailliage de Coëtmur : en 1262 et 1260, les deux petits prieurés de Coëtmur et de St-Uriac étaient affermés à la même personne]. Dans l’évêché de Dol, il avait les paroisses de St-Judoce [Note : En 1258, Rolland de Beillat, éeuyer, abandonnait au prieuré tous ses droits sur le prieuré de St-Judoce, (Bl. Mant., XXXIX, 211)], de St-Scophile, de Pleuguenan et la chapelle N.-D. de Lex ; dans le diocèse de Tréguier, St-Magloire de Châtelaudren, et dans celui de St-Brieuc, Lanleff, St-Quay et Bréhat (enclave de Dol), et le bailliage de St-Queneuc, en Quessoy. Léhon avait en outre des droits de dîmes et autres biens en Plouagat, Corseul, Plouër, Caulnes, Tréfumel, Yvignac, Trévérien, et St-Enogat (le bailliage de Dinard). Nous ne parlons que pour mémoire des bénéfices que Léhon eut en Angleterre, et que nous avons vu indiqués ainsi : « Ecclesie de Lodrehan et de Huscour in episcopatu Lincolnensi, et ecclesia Sancti Cirici et Julilte in episcopatu Abrincensi ».

Au XIIIème siècle, Léhon jouissait du droit de vendanger librement [Note : L’aveu de 1548 mentionne « le bailliage de Trevron où il y a vignes et pressoir à vin, droit de foire le jour de St-Laurent, patron de la paroisse, droit de coutume et bouteillage »] ; il avait acquis de nouvelles rentes et dîmes en
Plouasne, Plourhan [Note : Nous n’avons pas retrouvé l’acte de donation à Léhon de l’église de Plourhan : la première charte, dans laquelle saint Guillaume s’occupe des dîmes que le prieuré possédait dans cette paroisse, est de 1220. Les Blancs-Manteaux signalent, sans en donner le texte, un acte de 1270, de l’évêque Simon, relatif à l’église de Plourhan ; un autre acte de 1276, de Pierre de Vannes, attribue, après enquête de l’archidiacre de Goëllo, les dîmes et les oblations de Plourhan au prieuré. En 1281, Olivier Rioci, chevalier, dominus feodalis, faisait savoir que Bertrand de Botloy, clerc, recteur démissionnaire de Plorhen, reconnaissait devoir 45 livres aux receveurs de la dîme payée au roi ; en 1324, le recteur de Plourhan était cité par le prieur devant le bailli de Cotentin. (Bl.-Mant., XXXIX, 215, 221)], Lanleff [Note : Les Blancs-Manteaux, XXXIX, 215, contiennent la mention suivante : « Ego Galterus de Leshardre, notum facto omnibus quod cum diu litigatum contra monachos S. Maglorii de Lehon super decima de Lenlem, illam quitavi eis et presentibus litteris sigilum meum apposui »], St-Quay [Note : Nous verrons, en 1278, Alain d’Avaugour, sire de Goëllo, se faire religieux, et restituer à Léhon le manoir et l’hébergement de Portrieux, apud Portum Oricut (D. Mor., I, 1046. — Bl.-Mant., XXXIX, 171). Cette restitution est mentionnée par deux actes de 1268 et 1278 des Archives des Côtes-du-Nord. Nous avons lieu de croire que la première de ces dates est une erreur de la personne qui a rédigé la charte, et que la seconde, indiquée en toutes lettres, est la véritable. — En 1270, Olivier de Bosco, chevalier, et sa femme, se dessaisissaient de ce qu’ils avaient en St-Quay en faveur de leur fils Geoffroi de Boscho Gorhaut (D. Mor., I, 1021). Dix ans plus tard, ce dernier personnage, appelé alors Geoffroi de Bourco Gozurandi, écuyer, engageait à Léhon deux dîmes sises en Sancto Quequelodeco (Bl.-Mant., XXXIX, 211). Geoffroi portait sur son sceau un lion couronné. Le prieuré avait en St-Quay « un rocher sur le bord de la mer, appellé vulgairement l’Isle de la Comtesse, contenant deux à trois journaux de terre labourable, sur le haut duquel y a quelques vestiges de bâtiments ruinés » (Dénombrement de 1679) ; plus une pêcherie au pied], Pleudihen [Note : Le même archidiacre, en 1249, et Josce, doyen de Bobital, constataient le don fait par Robert, fils de Guillaume de Sancto Prato, d’une dîme qu’il possédait en Pleudihen. (Bl.-Mant., XXXIX)], Evran [Note : En 1247, P., archidiaere de St-Malo, intervenait dans un procès entre Geoffroi de Fonteret et sa femmo contre le prieuré, au sujet de la dîme de Trémelin (Bl.-Mant., XXXIX). L’aveu de 1543 mentionnait le bailliage de la Ville-Grouel, en Evran], Trévron [Note : En janvier 1253, Hamon Raoul, chevalier, constatait que Jeanne de la Renaudaie engageait au prieuré sa part de dîme dans cette paroisse. (D. Morice, I, 955)], Yvignac [Note : Eudes de Quividi, en 1255, signifiait que le prieuré devait jouir dans cette paroisse du tiers de la dîme du fief de Eudes Lermine, chevalier. — En 1269, le doyen de Plumaudan faisait savoir que Hamon Paquez, chevalier, avait renoncé à toutes ses prétentions sur les dîmes du prieuré de Léhon, en Yvignac. (Bl.-Mant., XXXIX, 220. — D. Morice, I, 1020)], Tréméreuc [Note : En 1277, Raoul, archidiacre de St-Malo, constatait que Barthélemy de Richebois et Marguerite, sa femme, avaient vendu au prieuré leurs dîmes de Tréméreuc. (Bl.-Mant., XXXIX, 211)] et St-Pôtan [Note : En 1318, Rolland de la Lande et Marie, sa femme, échangeaient avec Léhon les rentes qu’ils avaient sur les hommes du prieuré en St-Pôtan. Les possessions de Léhon dans cette paroisse portaient, dans l’aveu de 1541, le nom de bailliage de Quiveron, et en 1679 d’Yquivy].

De Léhon dépendaient plusieurs petits prieurés : St-Magloire de Châtelaudren, Lavareium, qui était étranger à la Bretagne, et St-Martin de Morlaix. Ce dernier bénéfice paraît avoir été uni à Léhon dans les premières années du XIIIème siècle [Note : Dès le XIIème siècle, St-Martin de Morlaix avait été fondé en faveur de Marmoutiers par le vicomte de Léon : nous ne savons pas à quelle époque ce prieuré, qui eut d’abord une existence indépendante, fut réuni à Léhon ; la première charte qui mentionne cette fusion est de 1246. A cette date, Adam, archidiaere do Rennes, mettait fin aux difficultés qui s’étaient élevées entre le prieur de Léhon et G., évêque de St-Pol, au sujet d’Arnulf, prêtre de l’église St-Martin de Morlaix. (Bl.-Mant., XXXIX)]. Au XIVème, il n’est plus question de Châtelaudren et de Lavareium ; mais nous voyons mentionner sous Léhon les prieurés de Morlaix, Mairo ou Mara, et St-Geran ou Gondran. Nous avons déjà parlé de la Marre, en Trévron : St-Geran était en Plévenon, où, en 1543, il formait le bailliage de ce nom [Note : Bl.-Mant., XXXIX, 171].

D’autres dépendances du prieuré, les villages de la Grande et de la Petite-Haie, en Léhon et Dinan, s’élevaient sur une partie de l’emplacement de la Ahia, forêt des sires de Dinan. Nous allons voir un d’eux, Alain, permettre au prieur d’y prendre chaque jour une quantité de bois égale à une charge de cheval : cette libéralité, confirmée, en 1209, par Juhel de Mayenne, était l’objet d’un accord, en 1218, avec Dreux de Mello. Gervaise de Dinan, en 1233, pour disposer à son gré du reste de sa forêt, en abandonna une portion aux moines en toute propriété. Ceux-ci défrichèrent leur part : en 1298, Guillaume, abbé de Beaulieu, scellait un acte par lequel Geoffroi Mengui et Thomasse, sa femme, terminaient les contestations qu’ils avaient avec le prieur de Léhon, au sujet d’un moulin « apud Haiam Dinanni ». Un demi-siècle plus tard, un village avait remplacé la forêt : Yves, évêque de St-Malo, avec l’assentiment du prieur de Léhon, reconnaissait que le village de Haia, alors très-peuplé , était trop éloigné de l’église paroissiale pour que ses habitants pussent entendre exactement la messe ; sur la prière d’Olivier de Pinu, clerc, et d’Olivier du Chalonge, le prélat ordonnait qu’une chapelle serait établie « prope viam publicam, in territorio seculari », sous le vocable de Notre-Dame et de saint Martin ; le prieur de Léhon devait en être patron et présentateur (D. Mor.. I, 604, 838. — Bl.-Mant., XXXVI, 108 ; XXXIX, 218).

De son ancienne splendeur abbatiale, Léhon avait conservé le droit de haute, basse et moyenne justice [Note : Aveu de 1543, rendu nu dauphin comme duc de Bretagne. (Arch. des Côtes-du-Nord)] : des actes du XIVème siècle montrent le prieur usant de ce privilège féodal, et nous le lui voyons continuer à une époque assez rapprochée de nous. Ainsi, en août 1601, le Parlement confirmait la sentence du sénéchal de Léhon qui avait condamné Fr. Racine, de Corseul, à subir la torture de l’escarpin ; puis à être mené tête nue, la corde au cou, devant la porte du prieuré, pour y avoir le poing coupé et cloué à un poteau ; et enfin être pendu et étranglé au gibet du prieuré, près du village de la Grande-Haie. Fr. Racine était coupable de plusieurs meurtres commis à la fin des troubles de la Ligue ; quelques mois avant son supplice, il avait pillé le manoir de Chanteloup et assassiné le propriétaire, Thomas Hugues, ainsi que sa servante. En 1657, 1716, et 1731, il y eut d’autres exécutions capitales pour meurtres et incestes.

La charge de prévôt féodé, et par conséquent d’exécuteur des sentences de la juridiction de Léhon, était attachée à la seigneurie de Le Chapt : le titulaire de ce fief recevait un repas dont la compositien était fixée par les actes ; au XVIème siècle , le seigneur du Chapt changea cette redevance en nature contre une redevance en argent. Plus tard, il semble que les successeurs des anciens sergents féodés du prieuré voulurent se faire passer pour fondateurs et premiers prééminenciers à Léhon : pour appuyer ses prétentions, en 1680, Alexis Guitton, Sr de l’Echapt, alléguait la présence, dans la maîtresse vitre de St-Magloire, d’un homme d’armes et d’une dame, agenouillés aux pieds d’un crucifix, et portant les armes de l’Echapt. Alexis Guitton finit par reconnaître qu’il n’était pas fondateur, qu’il n’avait droit au pain bénit qu’après le prieur et les moines, que les pierres tombales appartenant à son fief étaient dans un rang inférieur aux sépultures des religieux, qu’enfin il ne pouvait faire moudre aux moulins de Léhon qu’après les moines, et qu’il devait leur rendre aveu.

Léhon avait encore un autre droit qui rappelait la puissance temporelle des anciens abbés : ce droit, très-répandu dans la société laïque, n’appartenait guère, dans la société religieuse, qu’aux évêques, à St-Magloire et aux commanderies de St-Jean-de-Jérusalem: nous voulons parler du droit de quintaine. Le second dimanche de la Pentecôte, tous les nouveaux mariés de la paroisse de Léhon devaient venir rompre des lances sur la quintaine, en présence du prieur et des moines : le dernier marié, tenant sa femme par la main, dansait devant le prieur en chantant : « Si je suis marié, vous le savez bien ; - Si je suis à mal aise, vous n’en savez rien : - Ma chanson est dite, je ne vous dois plus rien ».

Alors le sénéchal répliquait : « Vous devez encore honneur et respect à Monseigneur, et l’accolée aussi » ; et le prieur embrassait la mariée. Nous n’avons pas besoin de dire que ce devoir féodal n’avait aucun rapport avec le fameux droit du seigneur dont on chercherait vainement des traces dans toute la Bretagne [Note : Le P. Noël Mars avait rédigé une histoire de Léhon que nous n’avons pu retrouver et dont voici le titre : « Le récit véritable de l’heureuse naissance, progrez et fin du royal prieuré do Lehon, près Dinan, par Fr. Noël Mars ». Ce manuserit était indiqué comme existant à la bibliothèque du roi ; nous en avons trouvé un fragment dans les Miscell. Benedict., t. II, résidu St-Germain, n° 1090, p. 329 : ce fragment, dont nous nous sommes servis pour parler de la Société de Bretagne, porte ce titre : « Récit véritable de l’heureuse naissance, progrès et fin de la Société de Bretagne, tirée de l’histoire du royal prieuré de Lehon, près Dinan, par Fr. Noël Mars, religieux Bénédictin de la Congrégation de St-Maur ». — Dans le Monasticum Benedictinum (résidu St-Germain, n° 1024 ; XXII M), nous avons aussi consulté une histoire du prieuré de Léhon qui nous a paru avoir été rédigée par Fr. Simon Le Tort, prieur de Blanche-Couronne].

Au commencement du XVIIème siècle, Léhon fut le centre d’un dernier effort de quelques saints religieux dans le but de ramener la vie monacale à sa pureté primitive.

Le 1er août 1603, six anciens religieux de Marmoutiers, déplorant le désordre que ne pouvait arrêter la Congrégation de France, fondée depuis quelques années, demandèrent à être autorisés à vivre ensemble, en observant strictement la règle de saint Benoît : pendant quelques mois, ils restèrent ainsi dans l’infirmerie de Marmoutiers, en butte aux tracasseries et aux sarcasmes de leurs jeunes confrères. Vers la fin de novembre, des religieux firent le voyage de Paris pour demander à Henri IV de leur fixer une résidence : leur demande n’eut qu’un résultat profitable ; ce fut d’enrôler dans leur pieux projet Noël Mars, qui etudiait alors au collège de Marmoutiers.

Grâce à la protection de la maison de Bruslart, dont plusieurs membres figurent parmi les prieurs commendataires de Léhon, nos religieux obtinrent de se fixer dans ce bénéfice : les anciens moines de St-Magloire furent envoyés, non sans récriminations, dans d’autres prieurés, et Noël Mars fut élu premier prieur claustral de la nouvelle communauté. Il eut à lutter longtemps contre le mauvais vouloir et l’entêtement de René Gautier, recteur et sacriste de Léhon ; c’était un vieillard qui se souciait peu de réformes, et le seul des anciens moines qui fût resté à St-Magloire. Mais Noël Mars l’emporta enfin, et avec lui la piété, le travail et la vie austère. Plusieurs abbayes acceptèrent la règle de la nouvelle société, et la Congrégation de Bretagne fut fondée.

Noël Mars mourut en odeur de sainteté en 1611, à l’âge de 34 ans ; sa tombe devint un lieu de pèlerinage où s’accomplirent, dit-on, de fréquents miracles. Sa canonisation fut même entamée : les circonstances politiques la firent abandonner [Note : D. Lobinoau a écrit sa vie. Ses successeurs furent : en 1609, Hélye Touchon ; en 1610, François Stample ; de 1611 à 1614, P. Meneust ; de 1614 à 1621, F.Stample ; en 1621, Fr. Hardy ; de 1622 à 1623, Ant. Guynard ; en 1621, Fr. Hardy ; de 1625 à 1626, Bernard Pichon ; en 1627, Gilles Denti. En 1726, Marmoutiers abandonna au prieuré tout ce qui relevait de Léhon, moyennant une pension annuelle de 4,000 liv. Le revenu, au siècle dernier, était à peu près de 20,000 liv., et les charges s’élevaient à 11,000. La mesure prise par Marmoutiers en 1726 eut pour résultat de rendre au prieuré et aux moines le revenu des terres dont ils étaient frustrés par les commendataires depuis l’an 1440].

Ce qui reste aujourd’hui de l’ancienne église de Léhon est un des derniers spécimens de la transition du roman au style ogival. M. de La Monneraye l’attribue à la première moitié du XIIIème siècle ; nous croirions plus exact de dire à la fin du XIIème s. ; c’est ce que nous semble confirmer sa comparaison avec Beauport.

Comme dans l’abbatiale des Prémontrés, un mur droit remplace l’abside ; mais ici la baie est à plein cintre, aussi bien que le portail occidental, orné d’une archivolte à dents de scie. Une grande fenêtre ogivale, accompagnée, comme la porte, d’arcatures à ogives, complète la décoration de cette façade. Elle date, tout semble l’indiquer, de la restauration du prieuré, et c’est vraisemblablement à Geoffroi de Corseul qu’il faut en rapporter l’honneur.

L’édifice, qui formait d’abord un simple rectangle, au quel peu après, vers le milieu du XIIIème siècle, on ajouta une chapelle extérieure dite des Beaumanoir, n’a pas de bas-côtés. Elle est, dit M. de La Monneraye, « divisée en quatre travées par des colonnes ou des pieds droits à colonnes engagées qui s’élèvent le long de ses murs latéraux, et reçoivent sur les chapitaux qui les couronnent les retombées des nervures de la voûte. Cette voûte, détruite pour la meilleure partie, était d’une hauteur et d’une légèreté remarquables. Les fenêtres qui s’ouvrent dans chacune de ces travées se composent de deux simples lancettes ogivales enveloppantes, et du côté extérieur du mur sous un cintre surbaissé » [Note : Essai sur l’architecture religieuse en Bretagne, p. 144]. Toute l’ornementation est végétale.

La chapelle des Beaumanoir, qui communique avec l’église par une porte à ogive, est tout entière du XIII siècle, du style le plus élégant et le plus pur. La fenêtre du chevet, subdivisée en trois lancettes, offre la même disposition d’ogives que certaines fenêtres de Beauport. Les belles pierres tombales qui décoraient ce gracieux édicule ont été transportées au musée de Dinan [Note : La collection des Bl.-Mant. (XXXIX, 437) signale six tombeaux de chevaliers, disposés par trois de chaque côtés de l’autel: à droite, « le premier a un lion sur un semé de billettes ; le deuxième, tout joignant, porte bordé avec dix billettes, 4, 3, 2, 1 » ; aucune indication pour le troisième. A gauche, « le premier, une croix et une étoile en brisure au franc canton, avec cette épilaphe : « Cy gist monsieur Fr. Pollo de Redon, père du prieur de céans qui trépassa le XVIIIème jour de novembre l’an mil IIIIcc, et XVI. Dieu lui pardoint, amen ». Le deuxième, bordé avec 10 billettes. Le troisième, sans armes qui paraissent. Dans la nef au côté de l’évangile, un homme habillé en moine, avec des souliers pointus et ces mots : « Cy gist Piel, bourgeois de Dinan. » — Les bâtiments conventuels n’offrent aucun intérêt : un devis, dressé vers la fin du XVIIème siècle, et que nous avons consulté à la Bibliothèque impériale (Arch. de St-Magloire, section des Plans, A, I), nous apprend qu’ils eurent souvent à souffrir des inondations de la Rance ; il y existait alors de belles constructions des XIVème et XVème siècles, et l’on considérait à ce moment les revenus du prieuré comme à peine suffisants pour nourrir douze moines].

Nous ne terminerons pas cet aperçu sur St-Magloire de Léhon sans dire quelques mots du temple de Lanleff, qui fut donné au prieuré, au milieu du XIIème siècle. Nous serons très-concis, car tout a été dit, même des choses très sensées, sur cet étrange monument, que des constructions et une végétation parasites rendaient plus étrange encore.

Aujourd’hui, il est débarrassé de tout cela, et ce qu’on y voit clairement, ce sont les restes d’un édifice circulaire, à deux enceintes concentriques. L’enceinte intérieure, de près de 5 mètres de rayon, se compose de douze arcades, portées par des piliers rectangulaires ; sur chaque face est une colonne cylindrique engagée. Les arcades ont 3 mètres d’élévation et 1m 60 de largeur.

L’enceinte extérieure, à 3 mètres de celle-ci, est décorée d’arcatures répondant aux arcades de l’enceinte intérieure. Chacune est subdivisée en deux arcatures secondaires ; toutes sont supportées par des colonnes cylindriques. Dans chacune des arcatures secondaires, une fenêtre en meurtrière, très-évasée à l’intérieur ; entre deux, au-dessus de la colonne qui les sépare, un œil-de-bœuf. Dans l’enceinte intérieure, le seul pan de mur qui s’élève encore au-dessus des arcades contient une petite fenêtre se terminant en mitre ; nous n’oserions pas dire qu’elle ait appartenu au monument primitif. Tout est par ailleurs en plein cintre, y compris la voûte d’arête qui recouvrait le collatéral circulaire, et dont trois travées sont encore conservées. Les chapiteaux, en pyramide tronquée et renversée, sont, ainsi que les bases des colonnes, cantonnés de têtes et couverts de quelques personnages, de zigzags, de molettes, d’autres traits qu’on ne saurait définir, le tout du faire le plus grossier [Note : Les personnes qui voudraient plus de détails ne peuvent consulter rien de mieux que la description généralement exacte que M. de la Monneraye en donne dans son Essai sur l’architecture religieuse en Bretagne, p. 113 ; mais nous ne pouvons toutefois en partager les conclusions].

Jamais monument n’a plus que celui-ci exercé la sagacité et l’imagination des archéologues : il a été attribué à tout le monde, depuis les Egyptiens jusqu’aux Templiers. La première de ces opinions ne se discute plus ; la dernière, soutenue par des hommes dont le nom fait autorité, est malheureusement démentie par la charte de 1148 que nous allons publier. Nous y lisons que le père du donateur, qui disposait de biens considérables en Châtelaudren, Plouagat, Lanleff et Bréhat, était déjà en possession de cette église ; ce qui en fait remonter l’existence à la fin du XIIème siècle au moins.

Si, sans s’arrêter à la grossièreté des sculptures, qui s’explique par la dureté des matériaux et l’inhabileté de l’artiste, on examine le plan général, on ne peut y méconnaître, en effet, la copie d’un édifice d’architecture savante; probablement, comme le croit M. Ramé, de l’église du St-Sépulcre ou Temple de Jérusalem. Avec cet archéologue, nous ne pouvons voir dans Lanleff qu’une église bâtie par un pèlerin ou croisé, au retour de la Terre-Sainte, à la fin du XIème siècle, très-probablement.

M. Ramé considère comme appartenant à la première construction une petite chapelle semi-circulaire, à voûte en cul-de-four, qui se détache sur l’enceinte extérieure ; il en a conclu à une ressemblance de plus avec le St-Sépulcre, et suppose deux autres absides, symétriquement placées et semblables, qui ont cessé d’exister. Deux tranchées faites par lui, ainsi qu’un examen minutieux, l’ont convaincu de la justesse de son hypothèse. Nos propres observations en dirigeant les travaux qui ont dégagé le monument, et les fouilles que nous y avons fait pratiquer [Note : M. Auguste Bourel-Roncière, assisté de MM. les recteurs de Lanleff et de Plouézec, a bien voulu se charger de diriger ces fouilles et en a dressé procès-verbal], n’ont rien révélé qui infirmât ou confirmât d’une manière absolue l’assertion de M. Ramé [Note : Voir le Bulletin de l’Association bretonne, VI, 17].

Ce qu’il y a de sûr, c’est que jamais la tradition locale n’a placé là ni Moines rouges, ni Templiers ; que les Bretons ne disent pas le temple, mais la tour, l’édifice circulaire de Lanleff ; que le don de cette église à Léhon explique fort bien l’inscription funéraire de Frat. Alfridi presbyteri, placée à l’entrée du village, sur une croix monolithe du XIIème siècle. Nous ignorons l’époque où St-Marie de Lanleff cessa d’appartenir à Léhon ; elle n’a été érigée en paroisse que depuis peu d’années.

(J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy).

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