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CAHIER DE DOLÉANCES DE LANRIEC EN 1789

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Subdélégation de Concarneau. — District de Quimper, arrondissement de Quimper, canton de Concarneau.
POPULATION. — 80 feux (Procès-verbal) ; — 900 habitants, en 1790, 169 ménages, 169 feux, 833 habitants en 1794.
CAPITATION. — 124 cotes (3 l. et au-dessous : 59 ; au-dessus : 65). — Total 560 l. 10 s. (capitation : 382 l. 21 deniers p. l. 33 l. ; milice, 51 l. ; casernement, 93 l.).
VINGTIÈMES. — 1.094 l. 5 s.
FOUAGES. — 9 feux 1/2. — Total : 349 l. dont. 213 l. 17 s. 4 d. pour f. ext.
CORVÉE. — Route Quimperlé-Concarneau : 679 toises. Dist. 1 km. 5. Cap. 360 l. — Syndic : Pierre Cariou. — Des terres exactement cultivées et fertiles (OGÉE).
JURIDICTIONS SEIGNEURIALES. — Kergunus (siège à Concarneau) ; Cheffontaines et Coatconq (siège à Pleuven) ; Le Moros (Lanriec).
RECTEUR. — Tanguy, 1.240 l. Décimes : R 56 l. F. 26 l.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 3 avril, sous la présidence de Edme Le Paige (voir la note 1 qui suit), notaire royal et procureur au siège de Concarneau. — Comparants : Jean Glémarec, Jean Nouat, Christophe Glémarec, Marc Lalaison, Jacques Le Bazic, Jean Rouat, procureur terrien ; Jean Lalaison, Yves Le Beuz, Pierre Le Pelleter, Louis Le Fur, Jean Caudan, Michel Cotillard, André Le Guyader, François Le Beuz, Alain Martin, Jacques Le Pézennec, François Le Rodallec, Louis Penven, André Simonou, Jean Le Cloarec, fabrique ; Yves Le Bellec, Jean Cariou, Charles Dubois, Jean Louis Dubois, Oger Malcost, Barthélemy Le Pape, Joseph Le Gall, Guillaume Le Goc, Jean Cotten, Marc Le Sellin, Yves Le Goëdec, Jacques Bolloré, Pierre Cariou, syndic ; Mathieu Jaouen, Yves Lautrou. — Députés : Jean Cotton (voir la note 2 qui suit), Christophe Glémarec, Jean Cariou et Edme Le Paige.

Note 1 : Le Paige (Edme), notaire et procureur à Concarneau, ancien capitaine d’infanterie garde-côtes, était le père du chef de chouans connu sous le nom de Debar le plus capable et le plus audacieux des auxiliaires de Georges Cadoudal, de 1795 à 1802.

Note 2 : Cotten (Jean), électeur du canton de Concarneau aux assemblées du département et du district de Quimper en 1790.

 

Charges et doléances des colons et marins de la paroisse de Lanriec, prises et arrêtées dans leur délibération du 3 avril, présent mois, an la forme prescrite par les lettres du roi pour la convocation des Etats généraux qui s'ouvriront à Versailles le 27 de ce mois et que MM. les Députés aux Etats généraux seront spécialement chargés de solliciter et d'obtenir.

DOLÉANCES DES MARINS.

Note : Le rédacteur des doléances des marins de Lanriec s'est visiblement inspiré des « Doléances et griefs » des marins pêcheurs de Concarneau formulés la veille, 2 avril.

Comme le meilleur des pères, notre bon roi écoute aujour d’hui tous ses enfants. Il aura sans doute égard à nos réclamations, parce qu'elles sont justes, parce qu'elles sont nécessaires. Le mal est à son comble et, si son autorité ne vient au secours de ses marins, ses pêcheries de Bretagne serond bientôt détruites et avec elles la pépinière de ses gens de mer sur les côtes de cette province.

Nous formons une classe d'hommes pour ainsi dire séparée des autres citoyens et en même temps la plus utile et la plus avantageuse à la société. Nous habitons un élément terrible ; nous ne vivons que parmi les écueils et les tempêtes. Les périls et les dangers nous présentent partout l’image de la mort. Nous rougissons de notre sang le flot qui nous porte. Pour la défense de nos concitoyens, pour soutenir la couronne de notre roi et l'honneur de son pavillon. Nous rentrons, enfin, dans le port après de longs et pénibles voyages. Nous ne trouvons dans nos demeures que le mépris et l'indigence, une femme flétrie par la misère, des enfants sous des haillons et rongés de besoins. Le produit de nos campagnes est consommé à payer le pain amer que notre famille a mangé dans la détresse, pendant notre absence. Ah ! est-ce là la récompense que méritent de fidèles marins ?

Nous savons combien nous sommes chers à notre bon roi, qu’il veut étendre sur nous ses bontés paternelles ; mais Sa Majesté ignore tous les maux que nous souffrons, l’oppression qui nous accable et l’esclavage qui nous lie dans nos ports.

Elle ignore les causes qui empêchent le nombre de ses marins de s'accroître et sa marine de devenir plus considérable. Il est donc de notre devoir et de notre intérêt de les lui faire connaître.

La pêche de sardines est l'école des gens de mer, sur les côtes de la province de Bretagne. C'est à cette pêche que 60.000 marins, dès leur tendre enfance, apprennent à servir leur roi et à défendre l'Etat. Mais cette pêche touche à son anéantissement par le monopole, les accaparements et les abus qui y règnent.

La rogue, rave ou résure, est une denrée de toute nécessité pour cette pêcherie, puisque c'est cet appât qui conduit le poisson à s'entasser dans les filets. Cette rogue nous vient du Nord où elle est apprêtée. Il y a vingt ans que les Danois, en venant prendre des marchandises en France, nous l’apportaient pour lest. Ils la revendaient alors 3 et 4 livres le baril. Les marchands capitalistes, dans les ports, nous la fournissaient à 6 livres et 8 livres le baril. Le profil était énorme. Il était de cent pour cent, mais encore nous étions satisfaits. Nos pêcheries nous mettaient dans l'aisance et le nombre des marins augmentait de jour en jour.

L'esprit d'intérêt réveilla la cupidité de capitalistes avides qui se saisirent de cette branche de commerce, Dès ce moment, le prix de la rogue a haussé annuellement et nous la payans aujourd'hui jusqu'à cent livres le baril (voir la note qui suit). Le pêcheur sort souvent du port pour se rendre au lieu de la pêche, mais effrayé de cette énormité de prix et considérant la cherté de l'appât qu'il va jeter à la mer, il s'en retourne tristement, sans avoir osé tenter la pêche.

Note : Le mode d'achat des rogues est réglementé par une ordonnance du 26 août 1727, confirmée, dans ses dispositions essentielles, par un arrêt du Parlement de Bretagne (5 février 1785). Les pêcheurs et maîtres de chaloupes ont le privilège de se fournir de rogue, à l’arrivée des bâtiments de Norvège, avant tout particulier qui veut seulement « se pourvoir de rogues pour les revendre ». Ils peuvent concourir à tout marché conclu entre les négociants et les propriétaires des cargaisons. A cet effet, les acheteurs en gros sont tenus de déposer leurs traités, pendant 24 heures, au greffe de l’Amirauté. Tout pêcheur peut souscrire pendant ce délai. Mais, en fait, les réglements sont violés : des négociants traitent directement en Norvège ; on omet de publier les marchés, et, au moyen « d’interprètes des langues, les négociants passent des marchés clandestins » (Cahier de Fouesnant, art. 11 ; cahier de Camaret, art. 1er). — Les règlements anciens sont strictement appliqués pendant la Révolution. Le prix du baril de rogue fraîche (stock-fish) est de 20 l. en 1790 et 1792, de 24 l. en Juin 1793, de 40 l. en septembre 1793 et en 1794 (Arch. municipales de Douarnenez, reg. des délibérations : 25 juin et 30 juillet 1792, 22 juin et 16 septembre 1793, 2 frimaire et 13 ventôse an III).

Nous ne cherchons pas à trouver des coupable, chez lesquels l’habitude de gagner a étouffé le remords, encore moins à les nommer pour exciter la vengeance de notre bon roi ; nous ne demandons qu'à être soulagés.

Il y a monople, accaparement dans ce qui concerne la pêcherie de sardines en Bretagne. Nous achetons à un prix excessif tout ce qui nous est nécessaire pour notre pêcherie et l’on nous force à vendre notre poisson à des prix arbitraires.

Nous supplions Sa Majesté de considérer que ces abus nous ôtent nos moyens de subsistance, qu'ils sont préjudiciables à elle-même, à sa marine et à ses marins. A Sa Majeslé, parce que la nation étrangère qui fournit la rogue reçoit un bénéfice excessif de cette denrée et soustrait de son royaume une finance qui circulerait pour le bonheur de ses sujets ; ils préjudicient à ses marins, parce que cet appât de première nécessité absorbe, et souvent surpasse, tout le fruit de leur pêche. Ils sont préjudiciables à sa marine parce qu'ils obstruent la source qui produit ses marins, en Bretagne.

Ces motifs sont puissants et nous sommes persuadés que nos réclamations seront entendues. Notre bon roi ne tardera pas à nous secourir et réformera infailliblement les monopoles que nous lui dénonçons, avec la franchise qu’il connaît à ses braves marins.

Qu'il plaise à sa Majesté prendre en considération les réclamations de ses marins de la paroisse de Lanriec, qui seront sans doute celles de tous les gens de mer de Bretagne.

En conséquence, établir un magasin exclusif, en son nom, dans chaque port considérable de sa province de Bretagne, où l'on fait la pêche de sardines et notamment dans celui de Concarneau ; lequel magasin sera approvisionné de toutes les marchandises et denrées concernant les pêcheries, que Sa Majesté aura la complaisance de nous faire délivrer au meilleur marché possible, avec défense expresse à tout capitaliste, marchand ou négociant, d’aller accaper [Note : Sans doute pour « accaparer »] et former des demandes de rogues chez l’étranger, sous les peines qu’elles voudra bien infliger à cet effet ; de défendre toute collusion entre les interprètes des langues et les marchands ; déclarant adhérer à toutes les autres charges prises par les marins de Concarneau.

 

DOLÉANCES DES COLONS DE LANRIEC.

Note : Les parties imprimées en italiques sont empruntées aux « Charges d’un bon citoyen de campagne ».

1° — Les habitants de la paroisse de Lanriec se plaignent d'être seuls assujettis à la corvée des grandes routes qui a dépeuplé nos campagnes ; que l'entretien [de ces routes] ne soit plus à leur charge, mais que la dépense en soit faite par le trésor public puisque c'est pour l'utilité de tous [§ 1 et § 16].

2° — Des corvées et servitudes féodales trop onéreuses [§ 3].

3° — De l'inégalité de la répartition des impôts qui fait que nous sommes trop imposés [§ 5].

4° — De l'injustice des impôts particuliers à notre ordre, ce qui nous fait payer seuls les fouages extraordinaires, le casernement, les milices, le franc-fief, les droits sur les eaux-de-vie et liqueurs, etc... [§ 6].

5° — Ils souhaitent que tous les impôts soient à l'avenir supportés dune manière égale et, par chacun, en proportion de sa fortune, sans distinction d'ordres ; qu'il n'y ait qu'un seul rôle pour tous [§ 15].

6° — Que les domaines congéables, les francs-fiefs, le centième denier, toutes les rentes, soient affranchies par une loi qui permette à chaque vassal de les franchir sur le pied de leur valeur fixée par notre Coutume [§ 17].

7° — Que la justice ne puisse être rendue qu'au nom du roi [§18] par ses seuls juges ; qu'il soit établi par chaque diacèse une caisse pour le soulagement des pauvres [§ 20] auxquels il sera ordonné de ne point sortir de leurs paroisses.

Fait à Lanriec, le 3 avril 1789.

Jean Cariou, Jean Cotten, Christophe Glémarec, Alain Martin, Le Paige, notaire.

(H. E. Sée).

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