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Jean-Baptiste TOSTIVINT, prêtre guillotiné à Rennes
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.
 

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73. — Jean-Baptiste-François-Marie Tostivint naquit à Landujan, alors du doyenné de Plumaudan et de l’évêché de Saint-Malo, le 31 juillet 1754, d'une de ces pieuses familles qui se font un honneur de fournir à l’Eglise un prêtre à chacune de leurs générations.

Son père, Jean Tostivint, et sa mère, Anne Tostivint, cultivateurs recommandables par leurs vertus, l’envoyèrent étudier à Dinan, au Collège des Laurents, puis il passa au Séminaire de Saint-Méen, où les Lazaristes le formèrent aux sciences sacrées.

L’abbé Tostivint reçut la tonsure et les ordres mineurs le 24 septembre 1774. Il fut ordonné sous-diacre à Dol, par dimissoire en date du 16 mars 1776, et diacre le 15 mars 1777. Enfin son évêque, Mgr des Laurents, l’éleva au sacerdoce le 19 septembre 1778, dans la chapelle de Saint-Méen.

Ses notes de Séminaire, qui ont été conservées, ne renseignent que sur la valeur intellectuelle de ses examens, qui furent jugés « passables » en général. On lui trouva aussi « de la voix et du chant ». (Arch. d'I.-et-V., G, 98).

Employé comme précepteur des enfants de M. et Mme de Bedée, sieur et dame du Moulin-Tizon, aussitôt après sa prêtrise, M. Tostivint conserva ces fonctions environ deux ans. L’éducation de ses élèves achevée, il demeura dans sa paroisse natale en attendant un poste et, le 14 avril 1783, il y obtint la desserte de la chapellenie des Aubry, en Landujan. Le 10 septembre suivant, il reçut des lettres de vicaire pour l’importante paroisse d’Evran, où il déploya son zèle jusqu’au mois de septembre 1792.

74. — Lorsque se déchaîna la Révolution, l’abbé Tostivint se refusa à faire dans les termes exigés par la loi le serment de fidélité à la Constitution schismatique du Clergé, mais, ainsi qu’il le déclara lui-même en 1794 devant ses juges, « ce n’était pas par antipathie préconçue contre le nouveau régime ». Cet ecclésiastique prêta, en effet, deux autres serments : « l’un, dit-il, quand les électeurs d’Evran l’élurent comme notable, l’autre, à l’occasion de sa nomination à une administration civile », qu’il nous a été impossible jusqu’ici de déterminer davantage. Seuls donc les scrupules religieux les plus honorables le guidèrent dans son refus et l’exposèrent à toutes les persécutions.

La loi du 26 août 1792 vint condamner à l’exil tous les recteurs insermentés et leurs vicaires, M. Regnault, recteur d’Evran, s’étant embarqué pour Jersey, M. Tostivint, qui s’était attiré, dit l’abbé Carron, la haine des révolutionnaires, le suivit dans sa déportation.

75. — Les pièces du procès de l’abbé Tostivint ne font pas mention de son séjour à l'étranger, que ses juges semblèrent ignorer. Cependant les listes de l’époque, rédigées par le vicaire général Gofvry et par Lefebvre d’Anneville, signalent sa présence à Jersey. Du reste, l’abbé Carron, son premier biographe, exilé lui-même dans cette île à cette époque, semble parfaitement informé de la durée du séjour de M. Tostivint sur la terre anglaise : « A peine deux mois s’étaient-ils écoulés, écrit-il, qu’avisé des persécutions violentes qui arrachaient déjà tant de vertueux ministres aux autels et à la vie, il ne put résister au désir de rentrer dans sa patrie. Sa première tentative échoua. Il ne fut pas plutôt embarqué, que la tempête força les matelots de revenir à terre. Il se rembarqua quinze jours après, essuya beaucoup de fatigues et parvint enfin dans la paroisse de Landujan, le premier dimanche de l’Avent ».

76. — De retour dans sa patrie l’abbé Tostivint se livra sans délai, comme sans ménagement, aux travaux de son ministère, alors plein de périls. N’osant retourner à Evran, où l’exercice de celui-ci lui semblait impossible, il demeura dans sa paroisse natale où il trouva souvent un généreux asile au manoir de Moulin-Tizon, que continuaient d’habiter, malgré mille dangers menaçants, M. et Mme de Bedée. Le premier, Alexis-Louis de Bedée, était né à Henanbihen, dans les Côtes-du-Nord actuelles, le 21 février 1739, du mariage de François-Claude, seigneur de la Ville-ès-Galloux, en Ploubalay, et de Françoise-Pélagie Rogon de Lorgerie. Il avait épousé, avant 1771, Françoise-Thérèse Brunet, née, semble-t-il, à Pluduno, de François-Marie Brunet, seigneur du Moulin-Tizon, et de Françoise-Jeanne Brunet, du Guillier, laquelle habitait la Ville-Robert, en Pluduno, le 7 août 1729.

De Landujan, M. Tostivint répandait les bienfaits de son zèle sur les paroisses avoisinantes : « Ses enfants spirituels d’Evran, rapporte l’abbé Carron, venaient le trouver sur les confins de la paroisse de Plouasne, et là, leur saint ami leur procurait le bonheur d’approcher des sacrements ». Il réussit même avec son frère, prêtre caché comme lui, et plusieurs autres confrères, à célébrer solennellement au milieu de la nuit la procession de la Fête-Dieu dans le parc du château du Lou, sis en la paroisse de la Chapelle-du-Loü.

77. — De pareilles manifestations étaient bien dangereuses à cette époque. Aussi, est-il étonnant que l’abbé Tostivint ait pu se livrer impunément à tant de zèle durant l’année 1793 et la première partie de 1794, alors que les têtes des prêtres fidèles et celles de leurs receleurs étaient mises à prix. Mais un jour du mois de juillet, revenant de voir un malade, Tostivint arriva vers les dix heures du soir au Moulin-Tizon, puis, après avoir entendu quelques confessions, il se retira pour se reposer dans une cabane sise dans le jardin qui lui servait de lieu de retraite. Malheureusement, il avait été vu, reconnu et dénoncé par un individu auquel ce bon prêtre avait fait faire jadis sa première communion. Aussi, dès les premières lueurs de l’aurore du 14 juillet 1794, le manoir de M. de Bedée fut-il cerné par un détachement de la garnison de Montauban, commandé par le sergent-major Vannier, chargé d'appréhender M. Tostivint. Ces hommes faisant brusquement irruption dans la cour et dans le jardin terrorisèrent M. de Bedée, qui, sans prendre le temps de se vêtir, tenta de se sauver en s’enfuyant en chemise par une fenêtre. Effort inutile, du reste, car il fut immédiatement arrêté.

Dans le potager, un autre individu sortit précipitamment de la cabane du jardinier et se glissa dans un carré de choux. Mais un « volontaire » le rejoignit sans peine et, aux « marques de l’ancienne superstition qu’il portait sur lui », le reconnut comme prêtre. Du reste, dans le réduit qu’il habitait, se trouvaient « une veste dans laquelle était un bréviaire, et divers autres livres, une boëte en argent dans laquelle il y avait de l'huile et du cotton et sur laquelle était écrit Oleum infirmorum, un passeport au nom de Julien André, délivré à la Chapelle du Lou le 10 messidor, revêtu de plusieurs signatures ».

Avec les deux prisonniers, Vannier rentra vers 4 heures du matin à Montauban. Dans la journée, le juge de paix leur fit subir un interrogatoire, puis les envoya au district de Montfort. Ils furent de nouveau interrogés dans cette ville, le 15 juillet 1794, par Pierre Bon Alliou, délégué à cet effet par les autorités de cette localité.

78. — On a publié ailleurs cet interrogatoire remarquable tout autant par la franchise que par la prudence du vicaire d’Evran. M. Tostivint, sans crainte, y proclame sa qualité de prêtre insermenté, proscrit par le fait même. Il déclare qu’il récite habituellement son bréviaire et qu’il voit parfois sa famille. Il reconnaît même avoir prié une de ses sœurs de remettre en son nom 400 livres aux pauvres. Quant à son ministère extérieur, il refuse d’en parler, sachant bien combien il lui était difficile en s’en ouvrant de ne pas compromettre des tiers. Cependant si réservées qu’aient été les réponses de l’abbé Tostivint, il avait entraîné dans sa perte celle de son hôte, M. de Bedée. Leurs deux arrestations avaient été simultanées. Le premier était prêtre réfractaire, le second coupable de lui avoir donné asile : Deux crimes irrémissibles à cette époque. M. de Bedée fut donc emmené à Montfort à la suite de M. Tostivint. Son cas comme celui de M. Tostivint était clair aux yeux des Révolutionnaires. Aussi, dès le 15 juillet, les administrateurs de Montfort les adressèrent-ils l’un et l’autre à l’accusateur public du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, et le libellé de leur incarcération à la Tour Le Bat figure le lendemain sur le registre d’écrou de cette prison.

79. — Quelques jours après, on réunissait aux deux prévenus Mme de Bedée, comme accusée de complicité avec son mari dans le recelage de l’abbé Tostivint. Les juges de Rennes attendirent l’arrivée de cette personne pour instruire l’affaire des deux inculpés. Elle présente, la fournée était au complet. On commença donc aussitôt. Au reste, se conformant à la loi, les tribunaux à cette époque ne faisaient pas traîner : un interrogatoire pour s’assurer de l’identité des prévenus, quelques questions pour la forme sur les principaux griefs qu’on reprochait aux accusés, et la conscience des juges se trouvait suffisamment éclairée pour pouvoir, loi en mains, condamner à la peine capitale.

C’est ce qui se passa pour l’abbé Tostivint et ses deux généreux receleurs. M. Tostivint déclara n’avoir pas prêté le serment constitutionnel. Quant au reste des charges qu’on lui imputait, il les nia, sans doute pour ne pas fournir de nouveaux griefs aux révolutionnaires contre ses co-accusés et tâcher de les soustraire à la mort. Quant â lui, sa seule qualité de prêtre réfractaire suffisait alors pour lui faire subir la peine capitale.

Voici quelques extraits de ses réponses :

« Déclare se nommer Jean Tostivint, âgé de quarante ans, prêtre, originaire de la commune de Landujan, sans domicile fixe depuis deux ans et, avant ce temps, vicaire de la commune d’Evran. Interrogé s’il a prêté le serment prescrit par la Loi, et notamment celui relatif à la Constitution civile du Clergé ? — Répond qu’il a prêté deux sermens : le dernier il y a deux ans et demi, lorsqu’il fut nommé notable de sa commune, et l’autre auparavant, sans se rapeller l’époque ; que ces sermens furent prêtés alors de ses nominations aux administrations civiles, qu’ils contenaient fidélité à la Nation, à la Loi et au Roi ; que, quant au serment sur la Constitution civile du Clergé, il ne l'a pas prêté.

Interrogé dans quel lieu il a été arrêté et par qui ? — Répond qu’il a été arrêté par la force armée dans le jardin du nommé Bedée, commune de Landujan, qu’il avait couché dans une loge située au bas du dit jardin.

Interrogé si plusieurs fois il n’a pas couché dans la maison du nommé Bedée et plusieurs fois dans la loge dont il vient de nous parler ? — Répond que jamais il n’a couché dans la maison du nommé Bedée et qu’il n’avait couché dans cette loge que dans la nuit où il a été arrêté.

Interrogé si Bedée, sa femme, ses enfans ou ses aides, connaissaient qu'il fût couché dans la loge dont il vient de parler ? — Répond que non (sans doute, qu'il sous-entendait « ce soir-là »).

Interrogé pourquoi il quitta la loge de nuit et qui l’obligeait à se lever si matin ? — Répond qu’ayant été éveillé par le bruit que faisaient les chiens et ayant aperçu la force armée, il se leva et fut se cacher dans les choux.

Interrogé si, depuis qu’il a quitté ses fonctions de vicaire, il n’a pas dit la messe, administré les prétendus sacremens et en un mot exercé les fonctions curiales, en quelle commune et chez qui ? — Répond que non. (Il n'était pas obligé de répondre davantage à cette question compromettante pour des tiers).

Interrogé quels étoient ses moyens de subsistance depuis deux ans, que de son aveu il étoit vagabond, et quelles étaient les personnes qui lui procuraient des secours ? — Répond qu’il mendiait son pain, qu’il a parcouru différentes communes où il n’étoit pas connu, et dont il ne se rappelle pas les noms.

Représenté à l’interrogé qu’il en impose à la justice en disant qu’il n’a administré aucun sacremens, puisqu'il a été arrêté saisi d'une boîte en argent dans laquelle il y avoit de l'huile et qui porte comme inscription Oleum infirmorum, sommé de répondre et de dire vérité ? — Répond que, comptant passer en Angleterre et sachant qu’il n’y avoit point de ces huiles dans ce païs-là, il en emportait tant pour son propre soulagement, que pour celui de ses confrères ».

80. — Quelles que puissent être les réponses de M. Tostivint, sa sentence fut ce que la faisait prévoir la loi : Déclaré convaincu d’avoir été sujet à la déportation comme insermenté et d’être resté en France en contravention aux lois, il fut condamné à mort, M. et Mme de Bedée, ses receleurs, malgré leurs dénégations répétées, n’échappèrent pas à son sort.

L’abbé Tostivint ne cessa de se montrer à la hauteur de sa divine mission. Il donnait à ses amis le sublime exemple de la plus parfaite conformité à la volonté de Dieu et sa grandeur d’âme ne se démentit point.

Arrivé au pied de l’échafaud, voyant M. et Mme de Bedée effrayés à la vue de l’horrible instrument de supplice, M. Tostivint, qui devait être exécuté le premier, demanda et obtint de l’être le dernier, afin de pouvoir encourager ses amis. Il les exhorta jusqu’au dernier moment en leur montrant le Ciel, et, quelques instants après, il reçut lui-même le coup de la mort.

L’abbé Chilou, dont nous parlerons tout de suite et qui avait été condamné à périr avec M. Tostivint et les époux de Bedée, bien qu’il n’y eût aucun rapport entre son affaire et celle de ces derniers, fut guillotiné en même temps qu’eux.

Le procès-verbal de cette quadruple exécution figure sur les Registres de l'Etat Civil de Rennes.

Quoique sa famille paraisse éteinte dans son pays natal, celui qui écrit ces lignes a trouvé lui-même à Landujan une personne qui gardait encore le pieux souvenir de l’héroïque abbé Tostivint vers 1921.

Quelques autres maisons notables de cette localité conservent aussi sa mémoire et croient à son martyre.

BIBLIOGRAPHIE. — Carron, Les Confesseurs de la Foi de l'Eglise gallicane, 4 in-8°, Paris, 1820, t. II, p. 561 et sq. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, 4 in-8°, Paris, 1821, t. IV, p. 654. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révol. en Bretagne, 2 in-8°, Paris, 1845, t. II, p. 27 et sq. — Guillotin de Corson, Les Confesseurs de la Foi, etc., Rennes, 1900, p. 44 et sq. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l'archidiocèse de Rennes, op. cit., p. 92-110, où l’on a publié toutes les pièces officielles du procès de M. Tostivint.

(Dossier n° 257 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement, aux archives d’Ille-et-Vilaine).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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