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Itinéraires des moines de Landévennec fuyant les invasions normandes.

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Le transport des Reliques du Saint Guénolé (Gwennolé) lors des invasions normandes, et l'Itinéraire suivi par les moines de Landévennec fuyant les pirates avec leur précieux fardeau.

Notre intention n'est point, assurément, de faire passer aujourd'hui sous vos yeux cette suite d'étapes douloureuses que les héroïques religieux durent accomplir alors, de Landévennec au pays des Cénomans, puis jusqu'à Montreuil-sur-Mer, au milieu d'un pays, pour eux totalement inconnu, et souvent à travers des forêts impénétrables. Outre qu'il serait fort difficile d'établir à première vue d'une manière rigoureusement historique, le véritable tracé de ces longues pérégrinations, le temps, ce fuyard indocile qui nous échappe toujours alors qu'on en a le plus besoin, ne nous a point encore permis de retrouver tous les jalons nécessaires qui nous auraient mis à même de vous en faire connaître les détails exacts ou les dramatiques péripéties. Mais à l'aide des souvenirs que nous avons recueillis, nous essayerons seulement de planter le premier de ces jalons, comptant, à l'occasion, sur le concours toujours si bienveillant de nos confrères de l'Association Bretonne, pour résoudre complètement, à l'avenir, s'il est possible, cette intéressante question.

A quelle époque les moines de Landévennec quittèrent-ils leur monastère pour fuir les invasions normandes ? Il est vrai-semblable qu'aux IXème et Xème siècles, dans ces temps de perpétuels qui-vive, les pauvres religieux durent subir bien des alertes et se mettre plus d'une fois en mesure de pourvoir à leur propre sûreté. Mais de l'aveu de tous les auteurs anciens, les incursions normandes qui signalèrent les débuts du Xème siècle (920-921), furent sans contredit les plus terribles et forcèrent alors les moines de l'abbaye, non plus seulement à se défendre ou se refugier aux environs, mais encore à fuir véritablement leur monastère pour échapper aux massacres et surtout pour préserver leurs reliques et leurs précieux trésors.

C'est donc de cette fuite des moines de Landévennec, vers 920, pour sauver les restes de saint Gwennolé que nous nous occuperons spécialement ici, en prenant comme point de départ, outre les récits des principaux historiens bretons, une curieuse tradition du pays de Pierric, paroisse du diocèse de Nantes, que nous avons entendu plusieurs fois rapporter nous-même par des habitants de la contrée et sur laquelle MM. les abbés Picou et Roussel nous ont fourni de précieux détails.

Vers 496, saint Gwennolé devenu abbé du monastère de Landévennec qu'il venait de fonder, vécut dans cette solitude en pratiquant les conseils et les préceptes évangéliques, avec la plus grande ferveur, et y mourut en 550, plein de mérites devant Dieu et devant les hommes, à l'âge de 85 ans. Son corps, inhumé dans l'ancienne église de son abbaye, au lieu que l'on a appelé depuis le Penity (lieu de Pénitence), et où se trouvait la maison abbatiale, fut ensuite transféré dans la nouvelle église de la même abbaye, soumise à la règle de saint Benoît par Louis le Débonnaire, roi de France, en 818. Il y resta jusqu'au temps des invasions et des ravages des Danois, Saxons et hommes du Nord, connus sous le nom générique de Normands. Il en fut alors enlevé et transféré successivement en divers lieux où il fit des miracles et dont il devint le patron. (DOM LOBINEAU, Vie des Saints de Bretagne).

Les incursions et les ravages des Normands eurent lieu sur la fin du IXème siècle, surtout de 878 à 891 et au début du Xème, principalement de 918 à 921. Jusqu'alors les côtes de l'évêché de Vannes et tout l'évêché de Nantes avaient le plus souffert de leurs déprédations. Mais à cette dernière époque (918-921), une bande de compagnons du fameux Roll ou Rollon, chef de ces brigands, s'établit par le meurtre et l'incendie jusque dans l'évêché de Quimper où se trouvait l'abbaye de Landévennec. Bientôt de nouvelles nuées de barbares envahirent la Bretagne par terre et par mer ; et une telle épouvante se répandit dans le pays, que chefs, magistrats, comtes, seigneurs, prirent la fuite. En même temps, les moines quittèrent leurs monastères, emportant les reliques de leurs saints et les objets les plus précieux de leurs églises.

Écoutons, sur ce lamentable sujet, l'un des historiens les plus érudits et les plus judicieux de la Bretagne :

« La mort d'Allain le Grand (Allan Re-bras), qui arriva en 907, fut pour la Bretagne le signal d'effroyables désastres. A cette nouvelle, les Normands dont les incursions avaient cessé depuis 891, accoururent de nouveau et leur fureur, dit la Chronique de Nantes, recommença à bouillonner. De toutes les invasions, celle-là fut la plus terrible. Devant elle, la Bretagne trembla d'épouvante.... Villes, églises, châteaux, monastères, tout fut livré aux flammes. Les comtes, les seigneurs, saisis de terreur, cherchèrent un refuge en France, en Bourgogne, en Aquitaine... De leur côté, les moines quittèrent le pays, emportant les reliques de leurs églises qu'ils voulaient dérober à la profanation des Normands. Le corps de saint Magloire fut transporté à Paris ; celui de saint Corentin à Marmoutiers, celui de saint-Gwennolé à Montreuil-sur-Mer » (AURÉMEN DE COURSON. Edition du Cartulaire de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon. - Prolégomènes).

Aussi bien, est-ce tout ce que nous dit l'histoire ; mais nous remarquerons toutefois, que ces textes divers viennent confirmer pleinement la tradition et les souvenirs que nous allons rapporter ici et qui n'en sont d'ailleurs que le développement naturel.

Voici du reste cette vieille tradition de la paroisse de Pierric, débarrassée de ses circonstances erronées ou invraisemblables et soutenue par des inductions et des déductions sérieuses. « Nous l'avons recueillie nous-même, dit M. l'abbé Picou, dans ses notes, de plusieurs familles fort honorables et très anciennes, dont les membres sont d'accord sur ses divers points. L'une de ces familles remonte à plusieurs siècles. L'autre est mentionnée il y a plus de 100 ans, dans une charte de 1148, de l'abbaye de Redon. Elle résidait alors à Pierric, appelé alors Pirric. ». « Saint Guingalois, disent nos paysans (en latin sanctus Winwaloëus ou Guingaloëus), a passé par Pierric, non pendant sa vie, mais après sa mort. Son corps renfermé dans une châsse très lourde et porté par des hommes tout noirs, vint du côté du soleil couchant et traversa la paroisse en suivant à peu près une ancienne route qui côtoyait la rive gauche de la Chère, à une demie lieue ou trois quarts de lieue de ses bords. Ceci se passait dans la saison d'été, car les arbres étaient entièrement feuillés et il faisait très chaud. Le corps arriva avec de grandes fatigues pour les porteurs, à une suite de rochers élevés et de difficile accès, situés sur le territoire de Pierric, loin de toute habitation et de toute eau potable. Les bons moines qui le portaient éprouvèrent un besoin pressant de se désaltérer, et, ne le pouvant faire, le religieux qui dirigeait la marche, un Saint, pria saint Guingalois d'obtenir du bon Dieu qu'il leur procurât de l'eau, et aussitôt après, animé de la foi la plus vive, il frappa le rocher de son pied qui, en s'enfonçant, forma un pas profond, un creux, d'où sortit une eau claire et fraîche qui permit aux porteurs et à ceux qui les accompagnaient d'étancher leur soif. Il n'y avait alors qu'une chapelle à Pierric, dont une grande partie du territoire était en landes et en bois ; mais plus tard on y bâtit une église, à laquelle on donna saint Guingâ ou Guingalois pour patron, en mémoire du miracle qui avait eu lieu aux rochers de Pengré [Note : Jusqu'au IXème siècle, Pen-creac’h, le sommet du coteau], dont le creux, devenu une petite fontaine, avait pris le nom de Fontaine du Pas de Saint ou plutôt de Pas de Saint qu’il, porte encore aujourd'hui ».

Or, quelle est de nos jours la topographie du théâtre de cette pieuse légende. — A 1,200 mètres environ au sud du bourg de Pierric, non loin du village de Geston et de la ferme de la Houssaye, se trouve un champ nommé le Champ de Pengré ou Pigré. Dans ce champ, on voit une masse de rochers plus longue que large, formant une crête de chaque côté de laquelle le terrain subit une déclivité sensible : au nord, vers le ruisseau du Pas-Guillaume qui coule à un kilomètre, et au midi, vers celui de la Renouillère qui coule à deux kilomètres des rochers précités. Une partie de ces rochers, légèrement déprimée, présente, dans une cavité, un pas parfaitement moulé, de grande dimension, qui présente toutes les parties d'un pied dont la direction est orientée vers le bourg de Pierric. Cette cavité, qui peut avoir de 20 à 25 centimètres de profondeur, contient toujours de l'eau, même à l'époque des plus grandes sécheresses, et cette eau épuisée est immédiatement remplacée. C'est cette cavité qu'on appelle dans le pays et dans toutes les paroisses voisines, la Fontaine du Pas de Saint, ou tout simplement et plus souvent le Pas de Saint, ce qui indique clairement qu'il ne faut pas l'attribuer à saint Gwennolé en personne, comme plusieurs le font par erreur, mais bien au religieux inconnu que le P. abbé de Landévennec avait choisi parmi ses moines comme le plus digne de remplir cette pieuse mission, au Saint, en un mot, qui dirigeait le transport des reliques de saint Gwennolé.

Après cela, que peut-on opposer de sérieux à la légende traditionnelle et aux notions historiques rapportées ci-dessus. Quelles objections fondées peut-on leur adrésser ?

Les incursions et ravages des Normands aux IXème et Xème siècles sont un drame lugubre, mais un fait historique.

Les moines de Landévennec furent bien inspirés en enlevant les restes de saint Gwennolé, leur saint fondateur et patron, leur plus précieux trésor, et la preuve en est que quelques années plus tard, les Normands pillèrent leur monastère et firent prisonnier leur abbé (l'abbé Jean), ceci est, encore de l'histoire.

Celle-ci constate en outre que le corps de saint Gwennolé fut porté à Montreuil-sur-Mer, et qu'en un grand nombre de localités où passa, il obtint des miracles et en devint le PATRON.

Par ailleurs, qu'étaient ces hommes tout noirs qui le portaient, sinon des moines de l'abbaye de Landévennec, c'est-à-dire des Bénédictins, dont les vêtements étaient noirs.

De plus, les moines porteurs du corps de saint Gwennolé, ont dû traverser le territoire de Pierric, car il se trouvait sur le parcours qu'il était rationnel de suivre pour se rendre à la destination qu'ils se proposaient. S'il y a eu des écarts, ils ont été nécessités par la crainte de la rencontre des Normands qui parcouraient tout le pays, ou par les difficultés naturelles du sol.

Le Cartulaire de l'abbaye de Redon fait plusieurs fois mention dans ses actes d'un chemin public (via publica), parallèle à la rive gauche de la Chère, qui franchissait la Vilaine à Beslé, où ses vestiges connus encore sous le nom de Chemin de la Duchesse Anne ou de Richebourg, existent encore, et qui se dirigeait vers Châteaubriant.

Le rocher de Pengré ou Pigré existe encore intact, et la fontaine ou petit réservoir nommée : Le Pas du Saint, existe aussi, et probablement telle qu'elle a été formée, sauf peut-être quelques modifications occasionnées par le contact de l'eau ou quelques pieux larcins. Quant au rocher, il serait aussi difficile aujourd'hui, qu'il l'était il y a mille ans, de franchir cette crête rocheuse avec la charge d'un lourd fardeau qui demanderait à être porté avec précaution et respect.

En outre, pourquoi ce nom de Pas de Saint ? Pourquoi les pèlerinages des fidèles à ce lieu plutôt qu'à un autre, et cela de temps immémorial, s'il ne s'y est rien passé d'extraordinaire, rien de miraculeux ? Et cette direction du Pas vers le bourg de Pierric, n'est-elle pas elle-même un indice en faveur de notre thèse ?

Enfin la paroisse de Pierric, érigée vers le XIIème siècle, a, comme celle de Batz, saint Gwennolé pour Patron. Aucune autre paroisse du diocèse de Nantes, aucune du diocèse de Rennes limitrophe dans toute son étendue méridionale de celui de Nantes, ne jouit de ce patronage. Et pourtant, l'histoire qui fait connaître l'origine du patronage de la paroisse de Batz, reste muette sur l'origine de celui de Pierric. Le prieuré de Batz fut fondé en l'an 945, par le duc de Bretagne, Alain Barbe-Torte, qui le donna à Jean, abbé de Landévennec, et celui-ci, naturellement, plaça l'église sous le patronage de saint Gwennolé. Pourquoi donc aurait-on donné à Pierric, pour Patron, un saint inconnu dans le pays, si quelque prodige le concernant ne s'y était opéré ? N'oublions pas aussi, comme nous l'avons déjà dit, que le corps de saint Gwennolé enlevé de Landévennec fut, d'après l'histoire, transporté successivement en divers lieux où il opéra des miracles et dont le saint devint le Patron. Et, si tant de saints, tant de héros de la vieille Armorique furent jadis choisis par nos ancêtres comme protecteurs et comme modèles, ce ne fut point sans motifs sérieux. Leurs mérites, leur renom ou leurs labeurs quotidiens, avaient produit de trop merveilleuses moissons, pour qu'on oubliât d'honorer leurs fatigues et leurs peines, et chacun se fit dès lors un impérieux devoir de conservé le souvenir de ces véritables bienfaiteurs de la Patrie.

Dans le même diocèse, on peut citer du reste un autre fait du même genre. Si l'on admet l'origine surnaturelle de la fontaine dite : de Sainte-Marie, située sur les coteaux occupés actuellement à Nantes par la rue du Calvaire, et accordée, dit la tradition, à la prière d'Alain Barbe-Torte, alors que ses guerriers mouraient de soif, pendant leur lutte contre les Normands en 938, pourquoi n'accorderait-on pas la même origine à celle de Pigré ou du Pas du Saint demandée par le religieux, le Saint, qui dirigeait le transport des reliques de saint Gwennolé ?

En résumé, il nous semble acquis, d'après les faits et les traditions populaires ci-dessus cités, que les reliques de saint Gwennolé ont dû reposer sur le sol de la paroisse de Pierric et que l'on peut regarder cette modeste paroisse comme une des haltes presque certaines du grand voyage des moines de Landévennec. — Si nous ignorons encore quels autres points de la Bretagne, de Landévennec à Beslé, eurent l'honneur de voir passer l'humble troupe monastique ou de lui donner asile, nous demeurons du moins convaincus, qu'à partir de Beslé, elle dût suivre l'antique grand chemin (via publica), encore aujourd'hui pavé en partie, qui sous le nom de chemin de Richebourg ou de la Duchesse Anne, passe près de Trenon et à Tremé en Beslé, au Gué-Colin, à Lanviais (Lan-via), à Geston aux Queux en Pierric, à la Venourais (Veneria), Saint-Clair, Quibut en Derval, au Carrefour, au Drul en Luzanger, puis gagne à Domnèche l’importante voie romaine de Blain à Beré par Saint-Aubin-des-Châteaux.

Et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que non seulement la paroisse de Pierric est pénétrée d'une foi profonde en cette tradition séculaire, mais les paroisses voisines ou situés aux environs de ce parcours en conservent également le souvenir — De nombreuses frairies en Massérac, Avessac, Guéméné, Conquereuil, Luzanger, ont pour Patrons de saints moines de l'antique abbaye du roi Gradlon. Ici c'est la frairie de Conq en la paroisse de Massérac, sous le patronage de saint Rioc ; là, les frairies de Penhoët et de Gavresac en la paroisse d'Avessac, sous les patronages respectifs de saint Walay et de saint Martin d'Armorique. Comment la réputation de sainteté des fils de saint Gwennolé serait-elle parvenue dans ces régions assez éloignées de la Cornouaille, comment le souvenir de ces bons saints, sur lesquels il ne nous reste pour ainsi dire aucuns documents écrits, aurait-il pu demeurer jusqu'à nous, si leurs vertus n'avaient été précisément divulguées par les pieux religieux, continuateurs de leurs traditions.

Bien plus, il n'y a pas jusqu'à une frairie de la paroisse de Derval, limitrophe de celle de Pierric, la frairie de Nillac, qui ne s'honore toujours d'aller prier au pied de la croix de saint Guingalois (saint Gwennolé), qui la protège du coin de l'un de ses carrefours.

Saint Guingalois,
Du fond des bois,
Veille sur nous
Et sur nos toits,

chantent encore les petits pastours de Luzanger ou de Derval en gardant leurs bestiaux.

L'histoire, la tradition, comme la topographie locale sont donc également d'accord sur ces faits. Puissent les recherches futures de nos confrères de Bretagne apporter à notre Itinéraire de nouveaux et intéressants jalons !.

(Régis de l'Estourbeillon).

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