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Notice historique sur la ville de Landerneau.

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Lorsque César, l'an 696 de la fondation de Rome, ou 57 ans avant notre ère, eut achevé la conquête des Gaules, après 9 ans de combats, les Armoricains qui en occupaient l'extrémité avaient été les derniers à se rendre. César n'arriva pas lui-même d'abord jusqu'à eux. Publius Crassus, son lieutenant, crut les avoir soumis, mais ils ne tardèrent pas à se révolter dès que le conquérant eut repris la route de l'Italie. Il revint donc en personne pour les combattre, et après avoir battu les Vénètes dans la fameuse bataille navale qui se donna dans le golfe du Morbihan, près de Dariorigum (Locmariaquer), après que l'armée de terre, que les Occismiens et d'autres tribus avaient envoyée au secours des Vénètes eut été elle-même défaite par Titurius Sabinus, les Armoricains furent obligés de mettre bas les armes, et implorèrent en vain la clémence du vainqueur. Celui-ci, pour les asservir plus sûrement, ouvrit des routes dans l'Armorique, et, d'après la table de Peutinger, dont on fait remonter l'origine au temps d'Alexandre Sévère (vers 230) (Ant. Monum., par M. de Caumont, part. II), Landerneau, qui n'était encore qu'une simple mansio, se trouva sur la route qui conduisait de Vorgium (Carliaix) écrit Vorganium dans Ptolomée, à Gesocribate (Brest) [Note : On voit, en effet, à la jonction du vieux chemin (hent cos) de Carhaix et de celui dé Morlaix (mons relaxus appelé aussi Julia), un grand nombre de briques el de tuiles romaines (tegulæ hamatæ) extraites des champs qui touchent l'auberge appelée de temps immémorial la Maison rouge, probablement parce qu'une hôtellerie bâtie en briques existait dans le même lieu du temps des Romains. On trouve aussi beaucoup de tuiles romaines de l'autre côté de la rivière dans les champs qui avoisinent la croix de la Vierge ; le moulin de Touronce, où comme son nom l'indique, il y avait une tour ; à Traon-Elorn ; sur la route de Botiguéry ; entrera Roche et Ploudiry prés du Guermeur et de Trégastel dont les noms indiquent aussi, l'un une habitation importante et l'autre un château (3). Plusieurs emplacemens de châteaux se voient, en effet, dans ce territoire ; l'un à Camblan en Saint-Urbain, un autre à Parlavant, en Loperhet nommé Castel ; un troisième dans une garenne de Lesquivit en Dirinon, nommée Goarem-ar-C'hastel ; un quatrième au bois du Rouazles, dans la même commune nommé Castel-Douar. On y remarque encore aujourd'hui deux enceintes fortifiées par un vallum et un agger, et un puits en maçonnerie au milieu. Enfin, on a trouvé aux environs de Landerneau un certain nombre de médailles romaines, la plupart des 2ème et 3ème siècle de notre ére, parmi lesquelles les Adrien, les Antonin et les Tétricus dominent]. Placée en outre au dernier passage guéable de la rivière à partir de sa source, et à l'endroit où s'arrête le flux de la mer, cette station dut s'accroître rapidement par suite de l'obligation où étaient les villes voisines de la traverser pour communiquer entre elles. Car pourtant que la mer illec fluctue el court forment, l'appellent ceux du pays Morgul, qui sonne en Gaulois gueule de mer. Et jette celle gueule en celle région par le sage conduit de nature trois bras, desquels l'un court à Lan-Ternoc qui a le rivage montueux, et dedans luy chet le fleuve d'Elorn, environné de bois et de forets, abondant en saulmons, et là pert son nom. Car l’eau douce du dit fleuve courant longuement par les champs, tendant comme pélerine à la grande mer afin destre meslée avesques sa mère, se conjoint légierement come fille avec elle. Et après celle mixtion des eaux douces et amères, elle n'est plus appelée Elorn (Pierre Le Beau. Histoire de Bretagne).

Ville de Landerneau (Bretagne).

Au commencement du 5ème siècle, Conan Mériadec, gouverneur de l'Armorique pour les Romains, profitant des divisions qui régnaient dans l'empire, prit le titre de Roi des Bretons et chassa de ses états les magistrats des Romains. Ceux-ci n'ayant plus l'espoir de faire rentrer les Bretons Armoricains sous leur obéissance, traitèrent avec eux et les mirent au nombre de leurs alliés.

Le roi Salomon, successeur de Conan, épousa la fille d'un Patrice romain, nommé Flavius, qui devint ensuite consul. Il avait voulu réformer plusieurs abus et détruire des superstitions payennes que ses sujets pratiquaient encore [Note : Il existe toujours aux environs de Landerneau quelques monumens celtiques objets aujourd'hui encore de plusieurs croyances superstitieuses de la part des paysans, malgré les prohibitions dont le concile de Nantes, en 658, et les capitulaires de Charlemagne les ont frappées. A Loperhet, au village du Carn, il y a un menhir de 14 pieds, et à quelque distance, sur la montagne nommée Menez-ar-Criminalou, un barrow. Au village de Lesquivit en Plougastel, on trouve deux menhirs très rapprochés qui paraissent avoir été surmontée d'une troisième pierre pour former un lichaven ; au village de Lanvrizan, dans la même commune, on voit deux autres menhirs. A Kerezelec en Treflevenez, on a trouvé dans un bois nommé Coatallouzet, un petit tumulus qui a été fouillé et dont on a retiré des fragmens de poterie ainsi que de goarem-ar-mail. Enfin, dans la plaine de Lanroc'hou, il existe un groupe de rochers nommé Ty-Corric (la maison du nain)], quoiqu'en grand nombre convertis au christianisme depuis la fin du 3ème siècle par les disciples de Saint-Clair. Une sédition éclata contre lui en 434, et la tradition rapporte qu'il fut assiégé dans son château de Castel-ar-Roué [Note : Une enceinte fortifiée sur le chemin de Landerneau à la Martyre entre les villages d'Isgoad et de Rosguervel, a conservé le nom de Castel-ar-Roué (château du Roi)], par une troupe de révoltés qui s' étaient d'abord postés au village nommé depuis Rosguervel (le Tertre de l'Appel), parceque c'était de là que les chefs de la révolte avaient appelé leurs complices aux armes. Le château fut forcé, et le saint Roi massacré au lieu où est aujourd'hui posé, le grand autel de l'église de la Martyre, en breton Merzer-Salaun (Salomon le martyr) [Note : D'Argentré et Albert-le-Grand ont confondu Salomon I avec Salomon III. Celui-ci périt également de mort violente, mais en 874, dans un monastère en Plélan, entre Rennes et Vannes]. La tradicion ajoute aussi que la bataille livrée en cette circonstance fut si sanglante, qu'un torrent de sang fit tourner le moulin de Guernevès, qui a depuis gardé le nom d'Isgoad (le Vallon du Sang).

Salomon était contemporain de Saint-Riok, Riou ou Rio, religieux de Landevenec, né au château de Traon-Elorn, et dont la légende rapporte une anecdote qui n'est pas sans intérêt. Deux célèbres guerriers de la Grande-Bretagne, Néventer et Derrien, depuis honorés comme saints, revenant d'un pèlerinage dans la Terre-Sainte, passaient sur le territoire arrosé par la rivière de Dourdoun. En approchant d'une forteresse qui, dominait cette rivière à une lieue de la ville actuelle de Landerneau, ils aperçurent un homme se précipitant d'une de ses tours dans la rivière qui coulait aux pieds. Ils se hâtèrent de le secourir, le tirèrent de l'eau, déjà sans connaissance, et le firent transporter au château dont il était seigneur. Elorn, c'était son nom, rappelé à la vie [Note :  Dès ce moment cette rivière, perdant son ancien nom de Dourdoun, fut appelée Elorn, ce pauvre seigneur lui ayant causé par son désespoir ce nom, comme jadis Icarus donna le sien à la mer d'Icarie par sa présomption], leur expliqua la cause de son désespoir. Ils apprirent de lui qu'un épouvantable dragon désolait le pays, et que toutes les fois que la faim le faisait sortir de son repaire, il dévorait hommes et bêtes indifféremment. Un édit du roi de Brest Bristokus avait même ordonné de tirer tous les samedis au sort le nom de la personne qui serait offerte au dragon pour en être dévorée, si elle n'envoyait quelqu'un à sa place. Le sort était tombé si souvent sur Elorn qu'il avait déjà perdu tout son monde, à l'exception de sa femme et de son fils Riok, que le sort venait de désigner à son tour, et dans sa douleur il avait mieux aimé périr que de le livrer à une mort si cruelle. Les deux guerriers firent tous leurs efforts pour consoler et encourager ce malheureux père et se rendirent ensuite à la caverne du dragon auquel ils commandèrent, au nom de. J. -C., de paraître. « Il sortit donc et son sifflement épouvanta tous les assistants ; il estoit long de cinq toises, et gros par le corps comme un cheval ; la teste faicte comme un coq, retirant fort au basilicq, tout couvert de dures écailles, la gueule si grande que d'un seul morceau il avaloit une brebis, la veüe si pernicieuse que de son seul regard, il pouvoit tuer les hommes ». Derrien mit pied à terre, et s'étant avancé vers le dragon, fit le signe de la croix avant de l'attaquer. La grâce de Dieu l'en ayant rendu maître, il lui mit son écharpe au cou, et le donna à conduire au jeune Riok, qui le présenta à son père Elorn. Celui-ci les accompagna à Brest, où ils amenèrent aussi le dragon, et de là à Tollente, alors riche ville [Note : Située en Plouguerneau, vis-à-vis du fort Cezon. Entre Lesneven et Plouguerneau on remarque plusieurs ruines romaines, entre autres deux colonnes milliaires], où ils s'embarquèrent pour retourner dans leur patrie après avoir commandé au dragon de se précipiter dans la mer, ce qu'il fit au lieu appelé depuis Poull-Beuzaneval (la rade où fut noyée la bête), et aujourd'hui par contraction Pontusval, en la paroisse de Plouneour-Trez.

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Grallon, comte de Cornouailles, qui avait accompagné Conan en Armorique, avait succédé à Salomon. Il fut soupçonné d'avoir trempé dans le meurtre de son prédécesseur. Aussi quand le notable Flavius, patrice de Romme, sceut comment ainsi cruellement les barons de Bretaigne avoient occis et mis à mort le bon Roy qui avoit eu espousé sa fille y il en advertit un sien parent rommain moult puissant prince que l'on appeloit Valentianus. César Flavius et Valentianus avaient moult de citez, ports et havres es pays et contrées de la Pouille et de la Callabre ; si firent armer et mettre sus grant nombre de gallères et navires et descendirent en Bretaigne où ils firent plusieurs désolations et ruines (Alain Bouchard, les croniques, annalles des pays d'Angleterre et Bretaigne. Ed. de 153).

L'empereur Valentinien III déclara en effet la guerre à Grallon, et envoya, en 436, Litorius en Bretagne pour venger la mort de son allié. Litorius y fit beaucoup de dégats et détruisit particulièrement de fond en comble la ville de Tollente dont nous avons parlé plus haut. Grallon mourut vers 445, après avoir eu la douleur de voir Aétius reprendre, pour les Romains la ville de Tours dont il s'était lui-même emparé l'année précédente.

De son temps, florissait Saint-Conogan ou Guenegan, successeur de Saint-Corentin sur le siège de Quimper. Ce saint était né auprès de Landerneau, à la Palue, où il construisit une chapelle devenue depuis paroisse de Beuzit-Conogan, dont il n'a pas cessé d'être le patron. Il est appelé Albinus [Note : Albinus est la traduction latine du breton guen-cann ou guenegan, blanc, d'une blancheur éclatante] dans les canons du concile de Vannes auquel il souscrivit en 465, Il y fut défendu, par le onzième canon, aux prêtres et aux clercs d'assister aux festins de noces, et cette prohibition est encore en vigueur [Note : Prœsbyteri, diaconi atque subdiaconi, vel deinceps quibus ducendi uxores licentia non est, etiam elienarum nuptiarum convivîa evitent, nec iis cœtibus admisceantur, ubi amatoria cantantur, et turpia aut obscœni motus corporum choris et saltibus efferuntur, ne auditus et obtutus sacris mysteriis deputates turpium spectaculorum atque verborum contagio polluatur. D. Morice, t, I, pr. col. 184].

Clovis avait plusieurs fois tenté la conquête de l'Armorique, mais le roi Budic lui avait constamment tenu tête.

Budic étant mort en 509, les Frisons, barbares alliés des Français ou soumis à leur domination, firent une irruption dans le pays et s'en rendirent maîtres après en avoir chassé les princes et les seigneurs. Cependant Hoël, fils aîné de Budic, s'était retiré dans la Bretagne insulaire à la cour du roi Artur son parent. Il obtint de ce prince quelques troupes avec lesquelles et les seigneurs qui avaient émigré comme lui, il s'embarqua et passa dans la Bretagne-Armorique l'an 513. Il attaqua successivement les Frisons et les Francs et reprit tous les états que son père avait possédés. Il épousa Alma Pompa appelée aussi Copaja dont il eut, suivant les romans de la Table-Ronde, Yseult aux blanches mains épouse de Tristan-du-Léonais. Il repassa ensuite dans l'île de Bretagne pour aider le roi Artur à réprimer des troubles qui s'étaient élevés dans ses états. Artur est comme l'on sait créateur des chevaliers de la Table-Ronde ; il avait épousé une princesse appelée par les romanciers Guennaram, Guennevera ou Genièvre et qui fut maîtresse de Lancelot du Lac. Lancelot ajoutent-ils, s'empara seul d'un château fort gardé par quarante géants et qu'on appelait château de Douloureuse garde. Il en changea le nom en celui de Joyeuse garde [Note : On peut examiner encore à la sortie de la forêt de Landerneau, les ruines du château de la Joyeuse-Garde décrites avec exactitude par M. de Fréminville, dans ses antiquités de la Bretagne] en mémoire des fêtes qu'il y donna ensuite à tous les chevaliers. Tristan ayant appris l'exploit de Lancelot voulut aller lui rendre visite. La blonde Yseult sa mie l'accompagnait, et en approchant du château il descendit de cheval et engaga, Yseult à prendre du repos.

« Qu'il est doux, le chant des oiseaux !

Il peint la tendresse et l'inspire.

0 Mon Yseult, sous ces ormeau ,

Qu'il est doux, le chant des oiseaux !

Peut-être il serait à propos

D'écouter ce qu'il veut nous dire .... » (Comte de Tressan).

Cependant le roi Artur qui était aussi au château s'amusait à faire joûter tous ses paladins. Il avise Tristan dont la visière était baissée, et Yseult qui avait le visage couvert d'un voile, et envoie son sénéchal Queux s'informer du nom, du rang et de la patrie de ces étrangers. Tristan répond d'un air timide que bien qu'il soit chevalier, male fortune l’a laissé de si povre petite chevance, qu'il n'en a d'aultre que ses armes et son destrier, et qu'ores il chemine avec sa sœur à une abbaye de nonnains où (dont li poise) elle va s'enclore.

Queux lui replique : mais ignorez-vous la coustume, nul chevalier ne passe sans jouster : or sus, préparez-vous, car à jouste estes venu. Tristan après avoir résisté quelque temps se décida à jouter et vainquit successivement plusieurs chevaliers. C'est aussi à la Joyeuse garde qu'Artur fit faire, aux dames de sa cour l'épreuve du court mantel qu'il avait reçu de la fée Morgan, sa sœur. Ce manteau se raccourcissait selon que la dame à qui il était essayé avait de droits à plus ou moins d'estime. Il n'allait bien qu'à celle qui n'avait rien à se reprocher.

« Vous devinez l'épouvante des belles

Quand le manteau soit trop court, soit trop long,

Allant déjà très mal à quatre d'elles,

Queux leur apprend quelle en est la raison ». (Creuzé de Lesser, poème de la Table-Ronde).

Artur retourna quelque temps après dans la Grande-Bretagne, laissant à la Joyeuse-Garde Tristan et la blonde Yseult, femme du roi Marc, à qui Tristan l'avait ravie, après avoir délaissé Yseult aux blanches mains. Mais Lancelot ayant enlevé de son côté la reine Genièvre la conduisit aussi à son château de Joyeuse-Garde, et Artur pour venger cet outrage repassa la mer avec ses chevaliers et assiégea en vain le château. Enfin un apostole vint négocier la paix entre les parties et grâce à ses soins, les deux reines furent rendues à leurs époux. Dans la douleur qu'éprouva la blonde Yseult, en se séparant de Tristan, elle lui laissa un souvenir de l'amour qu'ils conservaient encore l'un pour l'autre :

« Ami Tristan j'ai un anel,

Un jaspe vert et un scel,

Beau sire, por l’amor de moi,

Portez l’anel en vostre doi.

..............

Dame, fait-il Dex gré te sace !

Vers soi l'attrait, des bras l'embrace ». (Le roman de Tristan).

Les légendaires ont donné au nom de la Joyeuse-Garde une autre origine sur laquelle nous aurons occasion de revenir.

Ville de Landerneau (Bretagne).

Au temps d'Hoël et d'Artur, le pays renfermait presqu'autant de saints personnages que de nobles chevaliers, et les premiers imploraient probablement le ciel en faveur des autres dont la conduite n'était pas toujours, comme l'on voit fort régulière. Ainsi sainte Nonne terminait dans la pénitence, à Dirinon, une vie commencée dans le palais des princes de Cambrie, et les noms de saint Guenaël, et de sa mère Lévénez, de saint Harn ou Hernin et de saint Paul Aurélien qui ont séjourné dans ce pays et qui ont reçu ou y reçoivent encore un culte, se retrouvent dans les noms de lieux de Botquenal, Treflevenez, Trevharn, Kerbaol [Note : Les moines de Kerbaol en Saint-Urbain et ceux de Daoulas se réunissaient une fois l'an, pour dîner autour d'une table de pierre que l'on montre dans la plaine de Lanroc'hou ; et les premiers allaient à la rencontre des autres jusqu'à Croaz-Marc'hic prés de Penhep] et Lambaol. Saint Guévrock ou Kirec, archidiacre de Léon et patron de Lanneufret et de Treffereur, mourait à la même époque près de Landerneau, et son corps était transporté dans son monastère de Loc-Kirec.

Pendant les guerres mêlées de succès et de revers que les successeurs d'Hoël eureut à soutenir contre les Francs, les Danois ou Saxons, peuples idolâtres, profitèrent des moments où les côtes étaient dégarnies de troupes, pour faire des descentes dans le pays. Ils y avaient tellement répandu l'effroi qu’on ne trouvait plus de sûreté que dans les châteaux et dans les antres les plus obscurs des forêts. Sur ces entrefaites, saint Ténénan, fils d'un prince d'Hibernie nomné Tinidor, et disciple de saint Carantec, s'étant voué à la vie religieuse, s'embarqua pour venir en Armorique.

Il avait été poussé à cette résolution par la vision d'un ange qui l'engageait à venir régir un troupeau que l'heureux Paul Aurélien avait déjà gouverné, l'assurant en outre que « au lieu où il allait, à jamais la foy perseverevoit ». Saint Ténénan aborda vis-à-vis de la forêt de Landerneau où un grand nombre de paysans de divers cantons s'étaient retirés pour éviter la fureur des barbares. Ils avaient amené avec eux leurs troupeaux et ce qu'ils possédaient le plus précieux, et de crainte de surprise, ils s'étaient légèrement retranchés et tenaient garnison dans le château de Gouelet-Forest placé entre la rivière et le grand chemin. Quand la sentinelle aperçut le vaisseau de saint Ténénan, elle s'écria que le serviteur de Dieu qui devait les délivrer des barbares arrivait. Le capitaine et toute la garnison montèrent précipitamment sur les créneaux et guérites du donjon et voyant le navire jeter l'ancre en face du château, ils firent retentir le rivage et toute la forêt de cris de joie prolongés. Les paysans cachés dans la forêt s'enquirent du sujet de ces cris joyeux en disant entre eux meurbet a joa a zeuz er goard, c'est-à-dire, la garde paraît bien joyeuse ; « et de là ce château fut nommé Castel joa eus ar goard, que les François (accoutumez à tordre le nez à notre breton pour l'accomoder à leur idiome) appellent chasteau de la Joyeuse-Garde, ou chasteau de Goy-la-Forest [Note : Froissard et d'Argentré l'appellent en effet Goy-la-Forest, mais en breton on ne le connaît que sous le nom de Castel-Gouelet-Forest, dont l'autre ne peut être qu'une corruption] au lieu de notre breton Castel Gouelet-Forest qui signifie chasteau du bas de la forêt ».

Saint Ténénan qui fonda l'église de la Forêt fut le 7ème évêque de Léon, suivant Albert-le-Grand qui nous a fourni les détails précédents ; il mourut vers 635 et saint Houardon son successeur sur le même siège et patron actuel de Landerneau institua sa fête. On n'a aucune légende sur saint Houardon ; on sait seulement qu'il vécut à Landerneau avant de se rendre à saint-Pol, et qu'il consacra l'église du monastère dont saint Goueznou, son successeur était alors abbé [Note : Perfecto porro monasterio, ecclesiam ejus, quae nunc parrochialis est, sanctus Hoarzonus Leonensis tunc episcopus, rite dedicavit. Propre de Léon]. On le croit, comme saint Ténénan, originaire de la Grande-Bretagne ou de l'Irlande ; sa mort arriva vers 650.

Dans le même temps saint Ernoc (Ternoc, Ernec ou Ternec) dont la ville de Landerneau a conservé le nom (Land-Ernoc) et que l'on dit fils de saint Judicaël, roi des Bretons, quitta son pays pour embrasser dans le Ponthieu la profession religieuse sous la direction de saint Judoc son oncle. Il revint en Léon vers 669 et bâtit près des bords de l'Elorn une cellule remplacée aujourd'hui par le village de saint Ternec, et une chapelle qui a précédé l'église des Récollets et dont le même saint était le patron [Note : Un sculpteur ignorant croyant qu'il s'appelait Lanternoc, l'avait représenté une lanterne à la main ; il est toujours patron de Trégarantec]. La tradition rapporte qu'il devint ensuite évêque du canton d'Illi, qui renfermait vingt ménages. Le bourg de Trégarantec était le siège de ce singulier évêché dans le gouvernement duquel saint Guinien, patron de Ploudaniel, succéda à saint Ernoc. Celui-ci décéda au commencement du huitième siècle.

Nous abandonnerons ici les romanciers et les légendaires, pour rendre à l’histoire sa gravité.

La partage de la Bretagne entre plusieurs princes et les guerres civiles qui en avaient été la suite l'avaient tellement affaiblie qu'elle fut couquise par les Français sous Charlemagne, ce qui ne s'était jamais va auparavant [Note : Et tota Britannorum provincia, quod nunquam antea fuerat à Francis subjugata est. Annales d'Eginhard].

Apres la mort de l'empereur, Morvan, seigneur de Léon, souleva les Bretons en 818, et prit le titre de Roi. Louis-le-Débonnaire qui tenait alors les rênes de l'empire, sentit toutes les conséquences de la démarche que les Bretons venaient de faire et envoya d'abord l'abbé Witchar vers Morvan pour l'engager à rentrer dans l'obéissance. Il le trouva dans son château de la Roche-Morice (Roc'h Morvan ) qu'il avait fait construire [Note : Nous renvoyons encore aux Antiquités de la Bretagne de M. de Fréminville, pour la description du château de la Roch]. Mais ni les prières, ni les menaces ne firent rien sur l'esprit de Morvan qui répondit à l'envoyé de l'empereur : « Va et rapporte promptement ces paroles à ton Maître : je ne cultive pas ses champs et je ne veux pas de ses loix : qu'il se contente des Francs, Morvan gouverne à juste titre les Bretons et refuse tout cens et tout tribut » [Note : « Perge, tuo regi celerans haec verba renarra. - Nec sua rura colo, nec sua jura volo. - Ille habeat francos, Britonica regimina Murman - Rite tenet, censun sive tributa velat ». Ernoldus Nigellus, poète du IXème siècle].

Les forces étaient trop inégales pour que Morvan put tenir la campagne devant l'armée impériale ; il fit la guerre de partisans, occupant les pays difficiles, se tenant dans les bois pour fondre à l'improviste sur quelques détachements ennemis.

Dans une de ces rencontres il fut tué par un Français d'un coup de lance dans les tempes, sur les bords de la rivière d'Ellé près de la forêt de Briziac [Note : Super fluvium Elegium juxtà sylvam quæ dicitur Brisiaci. D, Lobineau, Preuves, col. 25. Ce nom se retrouve dans celui de la commune de Priziac limitrophe de l'Ellé et à une lieue du Faouet].

Après la mort de Louis-le-Débonnaire, Nomenoë, gouverneur de Bretagne pour les Français, profita des guerres que se faisaient entre eux les fils de l'empereur pour se déclarer indépendant à son tour et il vainquit en personne Charles-le-Chauve.

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Parvenu à la loyauté, il nomma à l'évêché de Saint-Pol, en 848, Isaias, natif de Landerneau, après avoir fait déposer l'évêque Liberalis pour crime de simonie.

Les comtes de Léon, eurent à repousser plusieurs incursions des Normands, Danois et Norvégiens qui, dans les IXème et Xème siècle, descendirent en Léon et y ravagèrent le pays, brûlant les églises et monastères, les villes et les châteaux. Les prêtres pour sauver les corps des Saints les transportèrent en France. Le corps de saint Salomon fut déposé de la sorte à Pithiviers ; celui de saint Paul, à Fleury-sur-Loire ; celui de saint Guénégan, à Montreuil, et on eut dans la suite beaucoup de difficultés pour obtenir la restitution de ces reliques.

Morvan, comte de Léon en 1066, prit part à la conquête de l'Angleterre, et reçut de Guillaume-le-Bâtard des terres qui passèrent ensuite aux cadets de sa famille. Il se brouilla plus tard avec Alain Caignart, comte de Cornouailles, et succomba dans la lutte qu'il soutint contre lui. Les successeurs de Morvan firent la guerre aux vicomtes du Faou, qu'ils renfermèrent au château de Daoulas. En 1171, Hamon de Léon, évêque de Saint-Pol, ayant été assassiné par ordre de son neveu Guiomarc'h, vicomte de Léon, celui-ci, pour réparer son crime, fonda quelques années après, en 1173, une abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin, dans l'ancien monastère de Daoulas. Ce monastère avait été aussi bâti au VIème siècle, en expiation du double meurtre (Daou-Las) commis par un Seigneur du Faou, sur la personne de saint Tadec et saint Judulus.

Le même Guiomarc'h avait un frère juveigneur, Hervé, qui est la tige des seigneurs de Landerneau. Quant à la branche aînée de la famille de Léon, elle s'éteignit en 1277 dans la personne d'autre Hervé IV, comte de Léon, qui, après avoir vendu pièce à pièce toute sa vicomté au duc Jean-Le-Roux pour avoir de l'argent comptant, s'appauvrit tellement par sa prodigalité, que le duc fut obligé à sa mort de faire une pension à sa veuve.

L'ordre des templiers, fondé en 1118, était alors dans toute sa splendeur. La tradition rapporte que ces religieux-militaires bâtirent dans le courant du XIIIème siècle, à Landerneau, un prieuré de leur ordre et l’église de la Fontaine-Blanche que la révolution a détruite [Note : Depuis la destruction de l'ordre du Temple, les bourgeois de la ville eurent le gouvernement de cette église ; elle dépendit ensuite de l'abbaye de Daoulas et l'on voit encore, au cimetière des Anges, le tombeau d’un des derniers chanoines de Daoulas, avec le titre de prieur-recteur de Saint-Thomas et de la Fontaine-Blanche. Les chapiteaux qui restent de quelques colonnes de cette église annoncent par leur architecture le XIIIème siècle ; on voit en outre , sur des pierres provenant de sa démolition, la croix orientale ou pattée de l'ordre du Temple, et un écusson couché à l'antique et portant écartelées les armes du Lec'h et de Botlavan. On y remarquait aussi un morceau de sculpture exécuté sur un bloc de granit, dont la description qu'en donne Cambry, dans son Voyage du ministère, fait regretter la perte. Enfin on a trouvé à la Fontaine-Blanche un grand nombre de monnaies d'Etienne, comte de Guingamp, Foulques, comte d'Anjou ; Herbert, comte du Mans ; Saint-Martin de Tours, et Geffroy et Hervé, comtes de Gien. Elles sont toutes des XIème et XIIème siècle, et conséquement antérieures à la fondation de l'église].

C'est dans la seconde moitié du même siècle que naquit, au manoir de Kermadec (en Pencran, trève de Ploudiry), près de Landerneau, Olivier Salahadin ou Saladin, qui devint recteur de l'université de Paris, en 1318, puis évêque de Nantes, et qu'on surnomma la fleur des prélats de son temps [Note : Chronique de saint Brieuc, Pierre Le Beau y Albert-le-Grand, etc. Ce prélat était frère de Pigette Saladin, dame de Kermadec, épouse de messire Hervé Huon, chevalier, en faveur duquel Hervé de Léon confirma en 1307, les lettres d'exemption de rachat de la terre de Kermadec octroyées d'abord par Conan de Léon, et en 1270 par Guyomarc'h, son fils, à messire Saladin, père de la dame de Kermadec]. Il se trouva à Avignon à la canonisation de saint Yves, dont il prononça devant le pape le panégyrique.

En 1336, Hervé de Léon, VIème du nom, seigneur de Landerneau, de Châteauneuf et de Noyon-sur-Andèle, fonda l'hôpital de le ville, à la tête du pont de Landerneau et du quai de Cornouailles, sous l'invocation de saint Georges et de saint Julien [Note : Cet hôpital fut ensuite transféré comme nous le dirons en son lieu, dans la rue de Ploudiry, mais les bâtiments de l'ancien ont subsisté jusqu'à nos jours. Le texte de la lettre de fondation nous a été conservé ; en voici le préambule : Universis præsentem paginam inspecturis et etiam audituris, Herveus de Leonia, miles, Dominas de Noyone, salutem et æternam in Domino charitatem : Noveritis nos dedisse et concessisse purè et simpliciter hospitali, sen domui hospitalis, quod nos ad receptionem pauperum infirmorum pro nostro et nostrorum remedio animarum, in capite pontis de Landerneau in parrochià de Plebediri, in terrà et feodo nostro, in diocesi Leonensi in honorem Dei et sanctorum suorum, specialiter beati Georgii martyris et beati Juliani confessoris ex nostrà donatione et liberalitate fundavimus, ac expensis propriis et sumptibus duximus cunstituendum... Suivent les fondations. Dont Morice, t. I, Preuves col. 1376].

Il attribuait à l'entretien de l'hôpital : dix livres de monnaie commune par an à prendre chez son receveur à Landerneau, pour la célébration de trois messes par semaine : cinquante raza de froment de la mesure commune de Landerneau pour l'entretien des malades et garde-malades, à prendre savoir : vingt-cinq sur les dîmes de Ploudaniel, et vingt-cinq sur son droit de minoge à Landerneau ; huit livres de cire pour le luminaire à prendre sur la ferme des moulins du Bourg-Blanc ; cent sous pour la pitance des malades et soixante autres pour le vêtement des infirmiers à prendre sur les tailles de Ploudaniel ; douze lits garnis, un jardin dans la rue de Ploudiry, et le chauffage dans la forêt de Landerneau.

A la mort du duc Jean III, son frère, Jean de Montfort, se rendit à Nantes, où il se fit reconnaître duc de Bretagne, au détriment de Charles de Blois, qui faisait valoir les droits de sa femme Jeanne de Penhièvre. Montfort marcha de Nantes sur Châteauceau, Brest, Rennes, Hennebont, Vannes et Auray dont il s'empara. Il fit de vains efforts pour prendre la Roche-Derrien, et se présenta alors devant le château de Gouelet-Forest (la joyeuse garde), en 1341. Le capitaine qui y commandait était un ancien chevalier qui avait fait plusieurs campagnes avec Hervé VII de Léon, tenant alors le parti de Montfort, et il lui était fort attaché. Aussi, dès qu'il vit son seigneur en la compagnie du comte, il ne balança pas à leur ouvrir les portes. Le comte reçut son hommage et lui laissa le commandement de la place. Hervé de Léon ayant été dans la suite réprimandé par Montfort au siège de Nantes, se piqua si vivement de ses reproches, qu'il quitta son parti et suivit constamment depuis celui de Charles de Blois.

Le château de Gouelet-Forest fut repris l'année suivante par ce dernier prince, qui marcha de là sur Carhaix. Mais il y avait à peine quinze jours qu'il s'était ainsi rendu maître de Gouelet-Forest, que Gautier de Mauny résolut de s'en emparer à son tour pour l'illustre Jeanne de Flandres, qui défendait si bien les droits de son mari, le comte de Montfort, pendant la captivité que le roi de France lui faisait endurer au Louvre. Gautier et ses compagnons, protégés par leurs boucliers, parvinrent à s'approcher des fossés du château, qu'ils comblèrent avec des fascines. Pendant ce temps-là, les archers anglais tiraient si adroitement que les assiégés osaient à peine se montrer au sommet des tours.

Une fois au pied des murailles, les assiégeants pratiquèrent une brèche d'une toise de large, par laquelle ils pénétrèrent dans la place. Tous ceux qui s'y trouvèrent furent passés au fil de l'épée, et dès le lendemain les vainqueurs prenaient la route d'Hennebont.

Froissart, qui nous fournit ces détails, n'ajoute pas si Mauny laissa à Gouelet-Forest des troupes pour le défendre contre Charles de Blois. Le même Mauny, averti par Tanguy du Chatel, que Hervé de Léon le sollicitait continuellement de quitter le parti de Montfort pour celui de Blois, alla, en compagnie du seigneur du Chatel, assaillir Hervé de Léon au château de Portzlec'h en Trégarantec. Ils partirent donc de nuit, et arrivèrent à la pointe du jour devant le château. Toute la garnison était ensevelie dans un profond sommeil, excepté quelques sentinelles, qui donnèrent l'alarme trop tard, si bien que les assaillants purent mettre le feu à l'une des portes et se rendirent maîtres de la place, qui fut brûlée et démolie [Note : On en voit quelques vestiges près de la chapelle Jésus]. Hervé de Léon, seigneur de Landerneau, et les autres prisonniers qu'ils y firent furent envoyés en Angleterre. Hervé fut échangé quelque temps après contre le comte de Salisbury [Note : Guillaume de Montaigu, comte de Salisbury, époux de la fameuse comtesse de Salisbury, qui donna lieu à la fondation de l'ordre de la Jarretière, par Edouard III. Voici en quels termes Froissart parle de la passion que la comtesse avait inspirée à ce prince : « si le férit tantôt une étincelle de fine amour au cœur que madame Vénus lui envoya par Cupido, le dieu d'amour, et qui lui dura par longtemps, car bien lui sembloit que au monde n'avoit dame qui tant fit à aimer comme elle »], prisonnier de Charles de Blois, et il défendait Vannes la même année contre la comtesse de Montfort, soutenue par Robert d'Artois, qui lui avait mené un secours d'Anglais. La ville fut prise, mais reprise bientôt après par Hervé de Léon et Olivier de Clisson ; Robert d'Artois, blessé dangereuement, s'échappa sur un navire pour retourner en Angleterre et mourut dans le trajet [Note : Robert d'Artois, prince du sang de France, fut assez malheureux pour se révolter contre Philippe de Valois, et servir Angleterre]. Pendant le peu de temps qu'il avait possédé Vannes, il avait fait une course jusqu'à Landerneau et Gouelet-Forest, ravageant la campagne, dont il fit un désert, et semant partout la terreur de son nom, si que n’osiot nul demourer au plat païs. La ville de Landerneau, qui n'a jamais eu de clôture, située à une aussi petite distance de deux places fortes, Gouelet-Forest et la Roche, passait altemativement d'un maître à un autre ou plutôt était rançonnée par tous. Elle avait, cependant, à l'extrémité du pont, opposée au vieil hôpital, un château appartenant à son seigneur, Hervé de Léon [Note : Ce château passa dans la suite aux Rohan avec toute la seigneurie de Léon. Il avait une face sur la rivière au-dessus de pont, une autre à l'entrée de la rue des Bouchers, et une troisième qui défendait le passage du pont. Il fut démoli au 17ème siècle, et on bâtit sur son emplacement l'hôtel de Rohan actuel, appelé aussi quelquefois Castel an aot a dré (le château de la rive de derrière)]. Il paraît qu'il n'était pas bien fort, car l'histoire ne mentionne la résistance de Landerneau à aucune attaque ; la Roche, au contraire, devait être imprenable, aussi ne voyons-nous pas qu'on l'ait attaqué à cette époque.

Ville de Landerneau (Bretagne).

Cependant le roi d'Angleterre Edouard III, très affligé de la mort de Robert d'Artois, partit pour la Bretagne, au mois d'octobre 1342, pour faire en personne le siège de Vannes. Hervé de Léon et Olivier de Clisson, qui y commandaient encore, furent pris dans une sortie. Olivier fut échangé ; mais ayant été accusé d'avoir traité secrètement avec Edouard, les Français lui tranchèrent la tête et à quatorze autres gentilshommes bretons. Edouard voulut d’abord user de représailles sur Hervé de Léon, qu'il avait ramené prisonnier en Angleterre, mais il se borna à le mettre à rançon, en lui disant ces paroles : Messire Hervé, mon adversaire Philippe de Valois a monstré sa félonie trop cruellement, quand il a fait mourir ainsi tels chevaliers, dont il me déplaist moult grandement ; et semble à aucuns de nostre partie, qu'il l'ait fait par dépit de nous. Et se je voulais regarder à sa félonie, je ferois de vous le semblable effet, car vous ni avez plus fait de contrariété en Bretaigne et à mes gens que nul autre. Ains je m'en souffrirai à tant, et lui laisserai faire sa volonté. Je garderai mon honneur à mon pouvoir et vous laisserai venir à rancon legiere pour l’amour du comte d’Erby qui m'en a prié, mais que vous veillez faire ce que vous dirai (Chronique de sire Jean Froissart).

Il lui ordonna donc d'aller à Paris déclarer de sa part, la guerre au roi. Hervé de Léon s'acquitta de sa commission, envova en Angleterre les dix mille écus auxquels il avait été taxé pour sa rançon et ayant repris la route de Bretagne par Angers, il mourut dans cette ville, en 1344. Il laissa un fils qui mourut sans postérité [Note : On a conservé des lettres de lui datées du château de la Roche] et une fille, Jeanne de Léon, mariée à Jean, vicomte de Rohan, à qui elle porta la seigneurie de Landerneau avec tous les autres biens de sa maison [Note : Leur contrat de mariage portait : Et si par aucune fortune a venoit que Hervé de Léon décédât sous haer de son cors par quoi sa succession vint à la ditte Jaane, le haer dudit vicomte issu de la ditte Jaane portera les armes de Léon et de Rohan escartelées. D. Morice, T. I, pr. col. 1463. Ce sont les armes de Landerneau, c'est-à-dire : d'or au lion morné de sable pour Léon, écartelé de gueules à 9 macles d'or pour Rohan.].

Après la bataille d'Auray, la mauvaise politique du duc de Bretagne, Jean IV, l'ayant conduit à favoriser les Anglais, au détriment de ses propres sujets, ceux-ci se rangèrent, pour la plupart, du côté des Français, en sorte que le duc fut obligé, en 1373, de se réfugier en Angleterre. Le connétable du Guesclin arriva alors, au nom du roi de France, et mit garnison française à Landerneau et à Gouelet-Forest. Mais les Bretons s'étant décidés à rappeler leur duc, il revint avec un secours d'Anglais, en 1375, et passa au fil de l'épée les troupes que du Guesclin avait laissées dans ces deux places.

Le duc mourut en 1399, laissant pour successeur son fils Jean V. Ses officiers voulurent, en 1408, percevoir des droits sur les vaisseaux qu'ils trouvèrent dans le port de Landerneau, et s'emparèrent de ceux dont les capitaines se refusèrent à payer. Alain, vicomte de Rohan et de Léon, s’en plaignit au duc, qui, par ses lettres du 4 janvier 1409, commit le sénéchal de Broerech et le bailli de Léon pour l'informer des droits que le seigneur de Landerneau avait sur ces vaisseaux. Les recherches qu'on fit prouvèrent que la vicomte avait droit d'ancrage sur les côtes, c'est-à-dire, de lever une certaine somme sur les vaisseaux qui entraient dans ce port et sur les marchandises dont ils étaient chargés. Mais malgré la certitude de l'existence de ce privilège, les officiers du duc saisirent encore, en 1413, dans le port de Landerneau, un vaisseau chargé de provisions pour le vicomte lui-même, qui fit de nouvelles plaintes. Le duc lui donna main-levée de ces provisions, mais sans assurance pour l'avenir. En 1420, les receveurs du duc exigèrent vingt sols et souvent plus par chaque tonneau de vin, exposé en vente dans le port de Landerneau.

Le seigneur de Landerneau recommença ses plaintes : le duc renvoya l'affaire au prochain parlement et défendit aux officiers de prendre plus de 15 sols par chaque tonneau de marchandises. Ils exécutèrent ses ordres quant à Landerneau, mais ils prirent 30 sols dans les ports de Daoulas, Camaret et autres villes que le vicomte possédait dans les pays de Léon ou de Cornouailles. Cette contravention irrita le seigneur, qui s'en plaignit, mais inutilement. Le duc autorisa même, en 1421 ses officiers à prendre 30 sols par chaque tonneau de vin et de marchandises, somme dont il adjugea la moitié au vicomte pour le calmer. L'ordonnance donnée à ce sujet fut confirmée en 1423, 1425 et 1437.

Les ducs François Ier et Pierre II la renouvelèrent en 1443 et 1451. Comme il y avait plus de quarante ans que cette affaire durait, et que le jugement en avait toujours été différé sous quelques spécieux prétextes, il y a tout lieu de croire que les derniers ducs s'autorisèrent de la possession pour partager les droits d'ancrage et de bris avec les vicomtes de Léon, comme on l'a pratiqué jusqu'à la révolution.

L'an 1472, Louis de Rosnivinen, seigneur de Keranc'hoat, chambellan du duc François II, fut nommé par celui-ci capitaine du château de la Roche-Morice, appartenant au vicomte de Rohan, sur qui il avait été saisi parce qu'il tenait alors le parti du roi de France en guerre contre le duc.

Les boulets de fer n'étaient pas encore en usage, on y suppléait par des boulets de plomb qu'on appelait plombets, et par des boulets de cuivre. Le prix et la rareté de la matière obligèrent bientôt à user d'une pierre dure et arrondie que l'on appela pierre à canon. Le duc tira de Daoulas, en 1474, dix-huit cents de ces sortes de pierres, à 4 livres 14 sols 6 deniers monnaie le cent. Il traita ensuite de mille autres boulets semblables, une moitié à 2 sols pièce et l'autre moitié à 20 deniers à fournir sans délai, sous peine de prison et d'excommunication par l'évêque en cas de retard [Note : Ces boulets étaient en pierre de Kersanton, et on en trouve encore souvent aux environs de Daoulas, d'où il faut croire qu'il en fut fabriqué plus qu'il n'en avait été commandé].

En 1479, le gouverneur de la Roche-Morice étant mort, le duc François II investit son fils Guillaume de Rosnivinen du commandement de cette place, étant nous (disent les lettres d'institution) à plain confians et acertenez des sens, loyaulté et bonne diligence de notre bien aymé et feal escuyer Guillaume de Rosnivinen ; iceluy pour celles et autres causes à ce nous mouvans, avons commis et ordonné, et par ces présentes commettons et ordonnons garde et capitaine de la dite place et chastel de la Roche-Morice… pour ce que celle place est située sur port de mer où il est bien requis commettre et avoir gens qui s'en prennent et donnent garde [Note : La capitainerie de la Roche valait de 3 à 400 livres, et s'il était pris dans la rivière aucuns mor-hoc'h (marsoins) les preneurs étaient tenus de les apporter à la Roche ou à Gouelet-Forest, où les capitaines les pouvaient retenir à juste prix pour le vicomte].

Le mécontentement de Jean II, vicomte de Rohan et seigneur de Landerneau, contre le duc et surtout contre son ministre Landois, l'avait jeté dans le parti des Français, mais il finit par comprendre que le but de la France était de s'emparer de la Bretagne, et qu'il fallait être ennemi de sa patrie pour favoriser un projet aussi odieux. Il fit donc sa paix avec le duc, en 1488 (D. Morice, d'Argentré, etc. Cette paix ne fut pas de longue durée, car peu de temps après, le vicomte de Rohan s'empara au nom du Roi, des villes du Dinan, Guingamp et Concarneau), et son fils aîné François de Rohan, un des prétendants à la main d'Anne de Bretagne, fut tué la même année à la bataille de Saint-Aubin du Cormier, en combattant pour son souverain et pour la liberté de sa patrie [Note : Sa mère, Marie de Bretagne, était nièce à la mode de Bretagne du duc François II, étant elle-même fille du duc François Ier].

Les Cordeliers de la province de Bretagne, qu'une réforme de leur ordre en 1434, avait portés à se retirer dans des lieux écartés de la fréquentation des hommes, s'étaient construit un pauvre couvent à l'île Vierge, sur la côte de Léon, mais au bout de quelques années, ils abandonnèrent ce lieu, le trouvant inhabitable à cause de sa stérilité et du peu de moyen qu'il y avait de ravitailler de la terre ferme. Jean II de Rohan, seigneur de Landerneau, fonda en conséquence pour eux, en 1488, un couvent sur la lisière de la paroisse Saint-Thomas, à Landerneau, et ils construisirent leur église sur l'emplacement de la chapelle Saint-Ternec. Pour cet effet, le vicomte leur accordait 60 sous de rente annuelle sur les biens qu'il possédait en Saint-Thomas. Il fit encore bâtir la chapelle de la Trinité et unit le prieuré de Dirinon à la mense conventuelle. Une autre réforme de l'ordre de Saint-François, introduite en France à la fin du XVIème siecle, y amena les Récollets, qui occupèrent ce couvent jusqu'à la révolution [Note : Cette communauté, qui existe encore, est occupée en 1842 par les Dames du Calvaire].

Jacques de Rohan, mort sans postérité, construisit le moulin [Note : On y voit cete inscription en caractères gothiques : L’an 15... puissant Jacques vicomte de Rohan, comte de Porhoet, seigneur de Léon, de la Garnache, de Beauvoir-sur-Mer, et de Blain, fist faire ces pont et moulin an dessus de rivière. Sagret procureur, et Jean le Guiriec, receveur de ceste ville. Il est en 1842 en démolition] ainsi que le pont de Landerneau. Jean II, son père, avait confirmé en 1511, la fondation de l’hôpital faite par Hervé de Léon deux siecles avant. Les trois messes qui devaient s'y dire par semaine avaient été négligées, il accorda une somme de 17 livres par an à prendre sur ses recettes de Daoudour, pour la célébration des dites messes, plus une autre, qui devait être célébrée, à l'avenir, le lundi de chaque semaine, à l'église de la Roche-Morice, et 25 livres à prendre sur les recettes de Landerneau, Sizun et Ploudiry pour l'entretien des malades.

Dans le vovage qu'avait fait, en 1505, la reine Anne en Basse-Bretagne, elle avait passé à Landerneau ; la tradition rapporte qu'elle descendit dans cette ville dans l'hôtel de la rue de la Fontaine-blanche, appelé depuis Hôtel de la Reine Anne.

Olivier, seigneur de la Palue, qui avait servi comme homme d'armes sous le maréchal de Rieux et sous le sire de Rohan, dans les guerres de la fin du XVème siècle, mourut au commencement du XVIème et fut enterré dans l'église de Beuzit où l'on voit encore son tombeau [Note : Il laissa une fille Françoise, mariée à un sieur de Montdragon dont la fille épousa un Montmorency. La statue placée sur le tombeau d'Olivier de la Palue le représente les mains jointes et les pieds posés sur un lion. Une cotte de mailles paraît au-dessous de ses tassettes et recouvre le haut de ses cuissarts, son épée nue est posée à côté de lui. Les arcades gothiques qui décorent le tombeau sont remplies d'écussons portant les armes de la grande et de la petite Palue, de Trésiguidy, du Lec'h , etc. Il existe un tombeau du même temps dans le jardin de l'ancien presbytère de Saint-Houardon].

Claude de Rohan, 3ème fils de Jean, vicomte de Rohan et de Léon, fut nommé évêque de Quimper en 1510. Il eut pour héritière Anne de Rohan, sa sœur, laquelle, pour conserver le nom de sa maison, épousa Pierre de Rohan, baron de Frontenai, qui fut tué à la bataille de Pavie, en 1525. Leurs descendants continuèrent à posséder la seigneurie de Léon, depuis l'union de la Bretagne à la France, consommée en 1532.

C'est vers cette époque que fut terminée à Landerneau l'Eglise Saint-Julien, trêve de Ploudiry, diocèse de Léon ; elle avait été commencée en 1521 [Note : Cette église a été détruite depuis la révolution, et sur son emplacement on a bâti la rue Goury. Ses registres de baptêmes, mariages et sépultures existent à la municipalité depuis 1619, époque de son érection en trêve. On a aussi conservé une pierre du portique portant cette double inscription : Sur la première face : En l'an mil cinq cents vingt-ung, - Et le lundy tiers jour de juing, - Fust au portail de ceste esglise - La première pierre mise. Sur la seconde face : A l'honneur de Dieu fils et père - Et Sainct-Esprit et de sa mère - C'est l'hospital de ceste ville - A Sainct Julien domicille. La plus ancienne date de Saint-Houardon est 1589. La tour est placée à l'ouest comme dans la plupart des églises. Elle a une porte en Kersanton, aujourd'hui murée, de la dernière période gothique. Sur de petits pinacles, de chaque côté de la porte, on voit à gauche un joueur de tambourin et un joueur de biniou et à droite un joueur de hautbois et un danseur. Toutes ces sculptures sont malheureusement masquées aujourd'hui par un chantier de bois. Le portail au nord est dans le style de la Renaissance. La corniche hardie qui supporte son fronton, les ornements en pierre, les colonnes d'ordre corinthien qui le décorent sont d'un heureux effet. La colonne qui soutient le bénitier est chargée d'un grand nombre de macles qui sont les armes de Rohan. On lit sur le portail cette inscription : Domum tuam Domine decet sanctitudo in longitudine dierum 1604. L'église renferme quelques tombes plates du même temps. Elle a des arcades pour la plupart ogivales sans chapiteaux. Les enfeux sont de la renaissance et les fenêtres autrefois ogivales ont été modernisées au XVIIIème siècle par l'ingénieur Besnard qui ajouta une abside demi-circulaire au choeur et des fenètres semblables dans le bas-coté du sud. Enfin on vient récemment d'achever de dénaturer le style de cette église par de maladroites restaurations. L'église Saint-Thomas est du même temps que Saint-Houardon, mais elle a heureusement subi moins de restaurations. Ses fenêtres ont conservé leur menaux flamboyants ; celle au-dessus du maître-autel possède encore un vitrail de couleur. On remarque sur une corniche un renard prêchant à des poules, allégorie facile à comprendre, et une satire de l'ivrognerie, représentée par un porc ayant le museau à la clef d’un tonneau de vin. La tour qui porte en supériorité les armes de Rohan, contient cette inscription : Ceste tour fust fondée le dimanche de la trinité, l'an 1607. On remarque dans l'ancien cimetière une chapelle qui était sous l'invocation de saint Cadou. On a conservé à la municipalité les registres de baptêmes de Saint-Thomas depuis 1527 et ceux de Saint-Houardon, depuis 1603]. Il paraît que les deux églises paroissiales de la ville, Saint-Houardon en Léon et Saint-Thomas (de Cantorbéry), diocèse de Cornouailles, tombaient alors en ruines, car on commença leur reconstruction dans le courant du même siècle ; elles ne furent cependant achevées qu'au commencement du suivant.

Le calvinisme, qui avait fait des progrès dans le royaume dès le temps du roi François Ier, ne pénétra en Bretagne qu'en 1558. Ce fut François de Coligny, seigneur d'Andelot, frère de l'amiral, qui y amena les premiers ministres. Ils furent reçus au château de Blein par la vicomtesse de Rohan.

Ville de Landerneau (Bretagne).

Cette princesse était Isabeau de Navarre, fille de Jean d'Albret, roi de Navarre, et tante de Jeanne d'Albret, mère du roi Henri IV. Quoique faisant profession de la religion catholique, elle favorisait la réforme, et ses enfants qui étaient élevés auprès des Jeanne d'Albret, leur cousine germaine, en furent dans la suite les plus zélés partisans et renoncèrent à la foi catholique. Lorsque Henri III publia en 1576 un édit de pacification avec les huguenots, les catholiques zélés, indignés du rétablissement du calvinisme, qu'ils regardaient comme la ruine entière de la religion catholique se liguèrent entre eux pour en maintenir l'exercice exclusif ; le Roi finit par leur accorder ce qu'ils demandaient et publia, en 1585, un édit qui annulait le précédent. Il avait cru par là anéantir la ligue ; mais voyant que la puissance du duc de Guise, qui en était le chef, croissait toujours au détriment de la sienne, il le fit assassiner aux états de Blois, en 1588. Il fut assassiné à son tour l'année suivante, et le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne, profita avec habileté de cet événement pour se refuser à reconnaître Henri IV, qui ne descendait ni des Valois, ni de la maison de Bretagne. On pouvait donc dire que la maison de Bretagne n'étant éteinte que dans sa postérité masculine. C’était à ceux qui représentaient la postérité féminine que le duché revenait naturellement; or, le Duc de Mercœur représentait par sa femme les anciens droits de Charles de Blois, et beaucoup de Bretons qui ne voulaient pas d'un roi huguenot et qui regrettaient leur ancienne indépendance, saisirent avec empressement l'occasion de la recouvrer.

Dans toutes les guerres civiles, on rencontre des hommes qui, sous la couleur d'un parti auquel ils nuisent au lieu de lui être utile, vivent de dilapidations et de rapines commises sur tous indifféremment. Ce n'est point d'après eux qu'on doit juger des intentions générales : et en effet, en Basse-Bretagne, Fontenelle, parmi les ligueurs, ne fut qu'une exception , et les brigandages dont il se rendit souvent coupable furent toujours désavoués par le parti catholique. En 1592, il s'empara, par surprise, de Landerneau qu'il pilla, et il s'avança jusqu'au Bas-Léon, d'où la crainte de la garnison de Brest, qui tenait le parti du Roi, le fit revenir sur ses pas mais dans une seconde course dans l'évêché de Léon, où il laissa partout des traces de sa fureur et de sa rapacité, il pilla le château de Mezarnou, en Plounéventer, et enleva la fille [Note : Marie le Chevoir qui avait à peine 10 ans. Elle était fille de Lancelot le Chevoir, sieur de Coetelan et de Renée de Coetlogon mariée en secondes noces à Hervé de Parcevaux, sieur de Mezarnou] de la dame de de Mezarnou.

En 1594, les nobles de l'évêché de Léon, qui avaient suivi le parti de la ligue, s'étant soumis à Henri IV, demandèrent dans leur capitulation, à être maintenus dans le même état qu'avant les troubles ; qu'on fit sortir en conséquence de l'évêché tous les gens de guerre pour ne garder que la garnison de Brest, prenant eux-mêmes l'engagement de servir toutes les fois qu'ils en seraient requis. On leur accorda le départ des gens de guerre qu'ils sollicitaient, excepté pour Landerneau, dont la garnison fut maintenue pour empêcher l'entrée de l'étranger. Le seigneur de Sourdéac, gouverneur de Brest, consentit cependant, afin de soulager le peuple, à entretenir la garnison avec une partie des deniers destinés au paiement de celle de Brest.

Les Etats de Bretagne, dans leur cahier de remontrances au Roi, le suppliaient d'embrasser la religion catholique et de faire élever dans la même religion le seigneur de Rohan [Note : Henri IV avait conçu une violente passion pour la sœur de ce seigneur, et elle répondit un jour à ses propositions qu'elle était trop pauvre pour être sa femme et de trop bonne maison pour être sa maîtresse].

Le Roi abjura en effet en 1595, et le duc de Mercœur se soumit deux ans après, et donna sa fille en mariage à César, duc de Vendôme, fils naturel de Henri IV.

Le duc de Vendôme succéda en même temps à son beau-père dans son gouvernement de Bretagne, et la paix fut définitivement conclue dans cette province.

Le vicomte de Léon, en faveur duquel Henri IV avait érigé en duché la vicomte de Rohan, étant mort en 1638, sa fille unique Marguerite, duchesse de Rohan, épousa, en 1645, Henri Chabot, seigneur de Sainte-Aulaye, à qui elle porta tous les biens de sa maison avec substitution expresse des noms et armes de Rohan à leur fils aîné qui prit, comme son père, le titre de prince de Léon. Un brevet de 1645 portait promesse de conservation aux descendants du feu duc de Rohan, des honneurs que lui avait accordés Henri IV, comme son parent le plus proche dans la ligne d'Albret, et même son héritier présomptif en Navarre avant la naissance de ses enfants et aussi comme descendant des Rois et Ducs de Bretagne, des Rois d'Ecosse et de plusieurs branches de la famille royale. C'est en vertu de ce brevet que les Rohan jouissaient des honneurs dûs aux princes étrangers. Le seigneur de Chabot professait le catholicisme et ses enfants furent élevés dans la même religion, qui continua à prospérer seule dans la principauté de Léon où il n'existait plus aucun sectaire.

Le corps politique de Landerneau accueillit en 1634 les Capucins, qui fondèrent un couvent dans la ville [Note : Les bâtiments de ce couvent renferment aujourd'hui une manufacture de toiles]. Ils furent suivis dans le courant du même siècle des religieuses Ursulines qui construisirent aussi à Landerneau un fort beau bâtiment qui subsiste encore [Note : Il sert en 1842 de caserne à la marine].

En 1649, la congrégation et assemblée générale des nobles, bourgeois et habitants de la ville et communauté de Landerneau tenue en l'auditoire et lieu tribunal d’icelle après le son de campane faict, ou présidoit écuyer Hervé de Kersulguen, sieur de Chef-Dubois, sénéchal et premier magistrat dans la juridiction de la principauté de Léon, etc.  ; à la poursuite et diligence de noble homme Jacques Le Gac, sieur de Lestaridec, syndic des habitants, etc., suppliait le révérend père Julien Maunoir, de la compagnie de Jésus, d'accepter la somme de deux cents livres tournois, pour avoir prêché le carême à Saint-Thomas de Landerneau.

Le procureur fiscal de la juridiction remontrait en 1655, « Qu'ayant eu advis du décès arrivé à monseigneur le duc de Rohan, prince de Léon, seigneur de cette cour, et étant du debvoir d'un chacun en particulier et de tous en général, de témoigner le respect qu'ils doivent avoir et conserver à la mémoire du dit feu seigneur, que Dieu absolve, il a trouvé à propos et nécessaire après avoir exposé un subject si triste à toute la compagnie, et dommageant à la communaulté d'exhorter MM. les habitants à ce que pour témoignage de leurs ressentiments et de l'honneur qu'ils ont porté au dit seigneur défunt pendant sa vie, et à sa mémoire après sa mort, de délibérer sur l'ordre qu'ils entendoient faire tenir pour l'office solemnel qui se doibt faire en la principale église de ceste ville, avec l'assistance des prêtres et suppôts des autres églises d'icelle, et de la pompe funèbre et autres cérémonies qui se pourront le plus sortablement faire à personne de si haulte qualité et qui a tant affectionné et protégé ceste communaulté ».

Les habitants chargèrent en conséquence les sieurs Corran de Launay et Le Gac de Kergonnan de pourvoir à la pompe funèbre, tentes, lisières, écussons, lampes, chapelles ardentes et autres cérémonies en l'église de Monsieur sainct Houardon, et de prier en même temps le père prédicateur de prononcer l'oraison funèbre du défunt seigneur.

En 1656, les négociants armateurs de Landerneau, en exécution du traité fait par le Roi avec la république d'Angleterre, dressèrent l'état exact de tous les vaisseaux que leur avaient pris les Anglais depuis l'année 1640, et l'envoyèrent en Angleterre aux députés chargés de la liquidation des prises.

En 1660, Guillaume Le Pontois, sieur dudit lieu, offrit 1000 livres au profit des pauvres de l'hôpital, à la condition expresse d'obtenir de Mme la duchesse de Rohan, princesse usufruitière de Léon, permission de transporter ledit hôpital dans un lieu plus commode. Le syndic Le Goarant offrit lui-même dix louis d'or pour aider aux constructions qui furent élevées daus la rue de Ploudiry, sur un jardin appartenant à l'hôpital depuis sa fondation en 1336, La duchesse de Rohan donna aussi son agrément en 1664 pour la construction, à l'angle du pont et des quais, de parapets en pierres de taille.

Les deniers d'octroi de la ville étaient d'un sol par pot de vin et ne produisaient que 2300 livres. Les états les augmentèrent de 6 deniers, tant par pot de vin que par pot de bierre.

Les assemblées de la communauté étaient fréquemment troublées par le désordre et mutinerie de partie des jurats et habitants, lesquels au lieu de délibérer pausément et chacun à son ordre, s'efforçoiente hacun en soi de faire prévaloir son advis, causoient du tumulte, venoient aux invectives, et par ce moyen empêchoient la résolution des choses proposées. Le parlement ordonna que les manquants ou perturbateurs fussent punis de 30 livres d'amende.

Les R. P. Récollets ayant dédié à la communauté une thèse de théologie en 1665, recevaient en reconnaissance une somme de cent cinquante livres pour subvenir en partie aux frais de tenue de leur chapitre général.

Le duc de Mazarin arriva la même année à Landerneau, en l'absence du capitaine de la ville, Hervé Corran, sieur de Launay, qui avait été député aux états. Les capitaines, cinquanteniers et caporaux des rues firent cependant tenir prêts et en état pour la réception du duc les habitants sujets à montre, et l'on fit une enseigne neuve aux armes du Roi et de Rohan.

Quand les seigneurs de cette maison arrivaient dans un de leurs châteaux de Bretagne, Pontivy, Josselin ou autres, la communauté envoyait deux de ses officiers leur rendre en son nom des témoignages de respect et d'obéissance. A l'entrée d'un nouvel évêque de Léon à Saint-Pol, la communauté députait aussi, dans cette ville, deux de ses membres pour le complimenter.

En 1669, la duchesse de Rohan obtint du roi érection pour Landerneau d'une nouvelle foire après Pâques, et la translation dans cette ville de la foire de la Martyre [Note : Il paraît que cette ordonnance ne fut pas exécutée, car la foire de la Martyre, la plus célèbre du Finistère, a continué à se tenir au bourg de la Martyre ; elle vient d'acquérir une importance plus grande encore, par l'établissement de courses départementales de chevaux].

La communauté de Landerneau, comme la plupart de celles de Bretagne, était fort endettée ; le roi ordonna que les charges ordinaires de la communauté, montant à 1458 livres, fussent payées de préférence à toutes autres charges et dettes sur la somme de 3010 livres provenant du dernier bail des deniers d'octroi de la ville. Nous pensons qu'on lira avec intérêt le détail d'un budget de Landerneau en 1670. Ainsi, il était alloué annuellement : au prédicateur 40 livres, au conseil de la communauté 20 livres, au greffier 20 livres, aux deux héraults 32 livres, au tambour 18 livres, à celui qui sonne la campane 3 livres, au médecin 50 livres, à l'horloger 60 livres, pour l'obtention des lettres d'octroi 40 livres, aux généraux pour les 6 deniers pour livre à cause de l'adjudication desdits octrois 25 livres, pour le sou pour livre du syndic et miseur 150 livres, pour les épices de la chambre 100 livres, pour la députalion aux états 100 livres, pour le bâtiment de l'hôpital 500 livres, pour les réparations des quais, ponts, pavés, etc., 300 livres.

Les 1552 livres restant devaient être affectées à l'extinction successive de toutes les dettes contractées par la communauté.

Au mois de juin 1677, la duchesse de Rohan vint visiter sa principauté. Un grand nombre d'habitants de Landerneau, accompagnés de leur syndic, se rendirent à cheval au devant de S. A. S. ; le canon tira à son arrivée, et la communauté lui offrit une collation splendide, composée de confitures, d'hypocras, et des vins de ville. Le seigneur de Kermadec [Note : Cette famille a donné à la marine un chef d'escadre et plusieurs autres officiers distingués. Nous citerons parmi eux le chevalier Huon de Kermadec, capitaine de vaisseau commandant la frégate l'Espérance dans l'expédition à la recherche de la Pérouse, en 1791] était alors prévôt féodé de Landerneau, pour toutes les dépendances de la principauté de Léon, et Jean Corran sieur de Kergoat, enseigne de Landerneau, et des châteaux de Joyeuse-Garde, la Roche-Morice, Daoulas et Coatmeal.

L'office de maire, fut créé à Landerneau en 1694 et le syndic François de Keroulas en fit les fonctions le premier.

En 1695, ainsi. que le portent deux aveux de ce temps fournis au roi, « les châteaux et forteresses de la Roche-Morice et de Joyeuse-Garde, entre lesquels, à la portée de canon, est située la ville de Landerneau, estoient à demy ruinez, avec leurs tours, douves, fossez, remparts, terrasses, esperons, guérittes, jardins, chapelles et colombiers ».

On éleva en 1717, au haut de la rue de Ploudiry, une chapelle dépendante de Saint-Julien et dédiée à Saint-Roch ; la chapelle du cimetière des Anges fut aussi construite dans le courant de ce siècle, on en voyait une autre près de la route de Brest, en l'honneur de Saint-Sébastien : mais celle-ci est totalement ruinée aujourd'hui.

Plusieurs gentilshommes bretons entrèrent, en 1718, dans la conjuration que le prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne à Paris, avait tramée dans le but de déférer la régence au roi d'Espagne, Philippe V, en renversant le duc d'Orléans. Ce fut, dit-on, à la foire de la Martyre que les conjurés bretons se réunirent et reçurent les ouvertures que leur fit faire le ministre espagnol, cardinal Albéroni. Mais la conjuration ayant été découverte, les gentilshommes bretons compromis dans cette affaire, et parmi eux le baron de Penmarc'h et le seigneur de Kersauzon passèrent la mer, pour la plupart, afin d'éviter d'être pris, et furent condamnés à mort par contumace.

Le régent parvint cependant à en saisir quatre, par trahison, et ils furent décapités à Nantes, en 1720. Ce furent MM. de Guer-Pontcalec, de Talhouet, du Couëdic et de Montlouis.

Satisfait de cette exécution, le régent fit alors publier des lettres patentes accordant amnistie aux autres contumaces. Les biens meubles et immeubles possédés par le baron de Penmarc'h et le seigneur de Kersauzon, aux environs de Landerneau, et qui avaient été confisqués, leur furent alors rendus, et ils purent revenir dans leurs terres.

Pendant la longue paix que l'administration du cardinal de Fleury procura à la France, le commerce de Landerneau prit un grand accroissement ; les toiles en étaient, comme aujourd'hui, le principal produit, mais elles étaient tissées par une infinité d'ouvriers répandus dans les campagnes, sans une seule manufacture en grand. L'Espagne et le Portugal consommaient une grande partie de la fabrication. Bordeaux et Bayonne recevaient aussi de Landerneau des beurres, des graisses et des suifs en abondance, et les armateurs rapportaient à leur retour de Bordeaux des vins, et de Bayonne des résines et des planches. La marine royale entretenait en outre dans la ville un commis qui veillait à la mouture des grains, un autre qui surveillait les vins destinés aux escadres de Brest, un troisième soignait les fèves et les pois qui devaient servir à l'approvisionnement des mêmes escadres, et un quatrième était chargé des salaisons.

Une ordonnance royale, enregistrée à Landerneau, interdit, à cette époque, les pèlerinages à Saint-Jacques en Galice, N. D. de Montferrat, N. D. de Lorette et autres, hors du royaume, alors à la mode, sous peine des galères à perpétuité pour les hommes, et pour les femmes de telles peines afflictives que les juges estimeraient convenables. « Le roi étant informé que sous prétexte spécieux de dévotion, plusieurs quittent leur famille, leurs parents ou leurs maîtres et leur profession pour s'abandonner à une vie errante, pleine de fainéantise et d'un libertinage qui les porte souvent au crime ».

Dans le courant du XVIIIème siècle, un violent incendie détruisit un pâté de maisons sur la place aux Pots ; la communauté en acheta l'emplacement, et fit élever au même lieu, en 1750, l'hôtel-de-ville qu'elle prit alors pour lieu de ses séances, au lieu de l'auditoire, situé au-dessus des Halles, aujourd'hui détruites [Note : La construction des halles ne remontait pas au de-là de la 1ère moitié du XVIIème siècle. Avant cette époque l'église St. Julien était le lieu ordinaire des délibérations de la communauté].

Un arrêt du conseil de 1767, ordonna l'alignement des rues de la ville, et, en 1787, on plantait la jolie promenade du champ-de-bataille qui borde le quai de Léon.

Lors du voyage que fit à Brest, en 1777, Monsieur, comte d'Artois, depuis Charles X, il passa par Landerneau et s'arrêta au château de Brézal, situé dans les environs, et qui appartenait alors à M. de Kersauzon [Note : Ce château, qui passa ensuite par alliance aux Tintenac, fut acheté et en partie détruit pendant la révolution par un ex-valet de cette famille]. Le duc de Chartres, depuis tristement célèbre sous le nom de duc d'Orléans et d'Egalité, fut aussi fêté à Brézal quelque temps avant le combat d'Ouessant. Enfin, Joseph II, empereur d'Allemagne, voyageant incognito, sous le nom de comte de Falkenstein, passa la même année à Landerneau.

A cette époque vivaient plusieurs personnages originaires de cette ville, et qui se sont fait un nom dans les lettres ; le père Querbœuf, Jésuite, et les frères Mazéas, l’un chanoine de Vannes et de l'académie royale de Londres, l'autre de celle de Berlin et professeur de philosophie au collège de Navarre à Paris.

La révolution approchait, mais Landerneau ne paraissait pas s'en douter encore. Ainsi la communauté, entourée d'un nombreux cortège et précédée d'un cheval couvert de fleurs et de lauriers, parcourait la ville le dernier samedi de l'année, et s'arrêtait à chaque porte demandant pour les pauvres l'argent, le pain, la viande qu'on ne manquait jamais d'accorder, depuis tant de siècles au cri de Eguin an ed (le blé germe) [Note : D. Le Pelletier, dictionnaire Breton ; Mahé, antiquités du Morbihan. Cet usage a survécu à la révolution à Landerneau. Nous savons qu'il est encore pratiqué à Lesneven et à Saint-Pol] dont on a voulu faire au guy l'an neuf. Le charivari [Note : Quelques auteurs font dériver ce terme du mot chalybarium à cause des instruments de cuivre ou d'acier dont on se sert dans les charivaris], défendu au moyen-âge sous peine d'excommunication et d'amende, était en grande faveur à Landerneau pour les femmes qui convolaient à de secondes noces ; on prétendait par cet usage éloigner l'esprit du premier mari mécontent de l'infidélité de sa femme ; enfin la ville applaudissait au bord de la rivière au jeu de la Quintaine, devoir dont étaient tenus de s'acquitter une fois l'an, le premier dimanche de mai les nouveaux mariés vassaux du prince de Léon et ceux qui édifiaient maisons neuves ou vaisseaux. Le jeu s'exerçait en bateau en frappant par trois coups le pal de la quintaine planté en la plus proche rivière du châtel du seigneur, et s'ils se feignoient rompre leurs perches, ou défaillaient aux jours, lieu et heures accoutumés, il y avait amende au profit du seigneur [Note : A Josselin, qui appartenait aussi aux Rohan, l'amende était de 3 livres 4 sols. Voir Ogée].

Le 24 juillet 1788, le corps municipal, composé, de MM. Chalupt, maire, Cosson, ancien maire, Gillart, Louis Leyer, Ollivier l'aîné, Brichet, Le Bris-Durumain, Kerros, Robert, Cruzel et Chapplain, greffier, après avoir pris lecture d'une lettre adressée à la communauté par M. de Botherel, procureur-générale syndic des Etats, avec copie de ses protestations au parlement pour la conservation des droits, franchises et libertés de la province, chargeait M. le maire de témoigner à M. de Botherel la reconnaissance de la communauté de l'envoi qu'il lui avait fait de ses protestations et du zèle qu'il mettait à maintenir les droits de la Bretagne. Le 6 Août suivant, l'assemblée adhérait également « aux démarches de MM. les commissaires intermédiaires des états du bureau de Rennes, pour la conservation des droits et libertés de la province que la communauté a déjà approuvées et à celles qu'ils ont aussi faites pour obtenir la liberté de MM. les députés de la noblesse ».

M. Gillart remplaça peu de temps après M Chalup dans la place de lieutenant Maire, et à l'occasion des prochains états généraux, il disait au conseil :

« Toute la France, inspirée par son auguste maître, se meut et s'agite en ce moment pour donner à la formation des prochains états généraux une consistance ferme et stable. D'un côté, le roi après avoir consulté son peuple entier, a rappelé ses bons et fidèles notables ; il leur demande aujourd'hui des conseils, des protections pour que tout soit fait au contentement de la nation. D'un autre côté, par le canal des ministres, toutes les classes de sujets font passer au pied du trône leurs humbles et respectueuses observations et leurs justes doléances.

Peut-il se présenter un moment plus heureux pour porter l'ordre du tiers à faire écouter les siennes ? Nous nous devons à nous-mêmes, nous devons à la confiance dont nous honorent nos concitoyens de ne rien négliger pour prendre une délibération, afin d'adresser les vœux du tiers-état à M. le garde des sceaux ».

Sur quoi, l'assemblée délibérant arrête de demander très-humblement à sa majesté :

1° Que les curés ou recteurs, tant des villes que des campagnes, comme étant plus instruits des besoins et de la misère du peuple, soient appelés aux états généraux dans l'ordre de l'église, pour y avoir suffrage et voix délibérative à l'effet de quoi ils puissent élire entre eux des députés au moins en nombre égal à ceux des évêques, abbayes et chapitres, lesquels députés ne pourront être pris que dans la classe roturière.

2° Que l'ordre du tiers, sur lequel tombe la majeure partie du poids des subsides et des charges de l'état, puisse se faire représenter par des députés au moins en nombre égal à celui des députés réunis du clergé et de la noblesse.

3° Que l'ordre du tiers choisisse lui seul en pleine liberté ses députés entre gens indépendants de toute influence étrangère, et qu'en conséquence, dans le nombre de ses représentants, non plus que pour son président qu'il élira également de la manière la plus libre, il ne puisse être proposé aucun noble, annobli ou même jouissant des priviléges des nobles et annoblis sans l'être, subdélégué du commissaire départi, sénéchaux et procureurs fiscaux des seigneurs : régisseurs, receveurs, agents, ou fermiers de la noblesse ou du clergé, employés dans les fermes ou régies du roi ou de la province, de quelques dignités, charges ou offices dont ils puissent être revêtus.

4° Que les députés du tiers ne soient pas seulement pris dans les villes, mais qu'il en soit pris en nombre suffisant parmi les habitants des campagnes, et à cet effet, ils s'assembleront par districts pour en faire l'élection. Enfin, que tous lesdits députés soient pris autant que faire se pourra dans toutes les classes de citoyens du tiers-état.

Le 1er Avril 1789 eut lieu à Lesneven la réunion des électeurs de la sénéchaussée royale, qui avait son siège dans cette ville, à l'effet d'élire deux députés pour les états généraux et de rédiger en commun le cahier des doléances, tant des villes que des campagnes du ressort.

Les électeurs de Landerneau se rendirent donc à Lesneven. Un des vœux exprimés par leur communauté avait été exaucé, car sur le rapport de M. Necker, un édit du roi portait que le nombre des représentants du tiers serait égal à celui des deux autres ordres réunis. La noblesse de Bretagne et le haut clergé aimèrent mieux ne point nommer de députés que de souffrir des élections faites hors du sein des états de Bretagne ; les curés bretons ne suivirent point l'exemple de leurs supérieurs ; ils firent leurs choix, et leurs députés allèrent dans l'assemblée générale grossir les rangs du tiers-état.

Les électeurs du tiers étaient pour Landerneau MM. Gillart, Duthoya-Kerlavarec, Lacaze fils aîné, Lavau, Mazurié-Kervoalin et Bodros ; ils prêtèrent serment entre les mains du sénéchal de Lesneven de se bien et fidèlement comporter, et en conscience dans l’élection à faire des deux députés. MM.
Lacaze, Gillart, Lavau et. Duthoya, de Landerneau, faisaient partie, d'après le scrutin, des commissaires chargés de la rédaction du cahier commun des doléances.

Le scrutin ayant été également dépouillé pour la députation, les sieurs Guy Le Guen de Kerangal, de Landivisiau, et François-Augustin Prud'homme de Keraugon de Saint Pol, furent nommés députés aux états généraux.

Avant de se séparer, l'assemblée arrêta qu'il serait établi plusieurs bureaux avec lesquels correspondraient les députés, pour donner connaissance à toutes les paroisses du ressort de ce qui se passerait aux états généraux et prendre leur avis sur les matières qui les intéresseraient. Le bureau de correspondance de Landerneau fut établi chez le sieur Lavau.

C'est ici le lieu de mentionner les principaux articles du cahier des doléances, et surtout ceux qui avaient trait à Landerneau. Ainsi ils demandaient :

Art. 1er. Que tous les droits, privilèges et immunités de la province soient conservés et maintenus.

Art... 10. L'admission des roturiers dans toutes les charges ou emplois civils, militaires ou de finances, dignités ecclésiastiques, et en tous les établissements dont ils étaient ci-devant exclus ; et, en conséquence abrogation de toutes les lois ou arrétés de corps qui exigent des preuves de noblesse, pour y être admis ou en être pourvus.

Art. 55. Qu'on accorde la rétractation d'une décision particulière du ministre des finances, en 1784, qui prescrit aux préposés de la régie générale, de tolérer, à Landerneau, l'emmagasinement des cuirs verts, contre la disposition formelle de l'acte 26 des lettres patentes du 10 janvier 1772 qui veillaient à la conservation des matières premières, et de la main-d'œuvre dans la province ; qu'on observe que cette décision a porté le coup le plus funeste aux manufactures et aux fabricants, en opérant la rareté et la cherté des matières premières, et en enlevant aux ouvriers les ressources de leur travail et de leur industrie. Les tanneurs de Landerneau, Lambaul et autres endroits se plaignent de l'excès des droits sur les cuirs, sollicitent une diminution, ou du moins une régie moins oppressive. Il serait possible de donner au commerce de la tannerie une nouvelle faveur, par un abonnement qui assurerait à l'état un revenu fixe et rendrait à la manufacture une liberté si nécessaire pour sa perfection, et de défendre que l'on emploie de l'orge et d'autre blé, de quelque espèce que ce soit, à la fabrication ou préparation des cuirs.

Art. 56. Qu'on sollicite le redressement et le curage de la rivière et de l'entrée du port de Landerneau, qui s'encombrent journellement par les vases [Note : L’ingénieur Le Roux, retiré à Landerneau, développait, sous la république, un plan de travaux analogues, rapporté par Cambry. Ces travaux sont en 1842 en pleine exécution] ; qu'on observe pour y parvenir combien ce port est intéressant à conserver, non seulement à cause de l'intérêt particulier du commerce des habitants de Landerneau, Lesneven, Landivisiau et leurs campagnes, mais encore à raison de son utilité pour le service de la marine royale de Brest, qui n'en est éloigné que de quatre lieues.

Il est notoire que dans la dernière guerre il se faisait beaucoup plus de service dans le port de Landerneau que dans le port de Brest, pour l'approvisionnement des vivres de la marine, et même pour le service des navires marchands, qui ne pouvant entrer à Brest, venaient dans le port de Landerneau pour renouveler leurs provisions ou pour attendre les convois.

Art. 57. L'établissement de casernes pour les villes de Saint-Pol, Roscoff, et pour celles de Lesneven et de Landerneau, ces dernières servant en temps de guerre d'entrepôt et de magasin à la ville de Brest, qui est presque toujours garnie de troupes.

Landerneau est d'ailleurs sujette au passage des troupes qui continuellement vont à Brest ou en reviennent. L'établissement de ces casernes à Landerneau, qui soulagerait l'habitant d'un fardeau très onéreux ne serait pas d'une dépense fort considérable, en les formant dans deux communautés de mendiants fort inutiles, les Récollets et les Capucins, qui, quoiqu'au nombre de trois ou quatre, ont la plus grande peine à vivre des charités publiques, qui, toutes réunies, seraient à peine suffisantes pour les besoins de l'hôpital.

............

Art. 58. Ils faisaient observer que ledit hôpital ne reçoit que seize sous par jour pour le traitement de chaque soldat malade. Cette somme est insuffisante par elle-même, d'ailleurs la retenue de quatre sous par homme pour le chirurgien, et celle des quatre deniers pour livre, réduit le paiement à moins de 12 sous. Il ne jouit, cependant que d'un faible revenu qui peut à peine fournir à la subsistance des pauvres de la ville, dont le malheur des temps augmente le nombre depuis plusieurs années. Il est prouvé, par différents états des administrateurs, que sur vingt soldats, l'hôpital perd six francs par jour, sans y comprendre le linge et charpie pour les pansements.....

Le même hôpital de Landerneau, à raison des cinq grandes routes qui viennent aboutir à cette ville, est grevé et surchargé d'une infinité de passagers de toute espèce qui viennent s'y loger et s'y reposer, et enlèvent une subsistance spécialement consacrée aux pauvres des lieux. Il serait essentiel et juste pour conserver à ces malheureuses victimes de l'indigence la ressource que la piété des fondateurs a voulu leur ménager, d'accorder audit hôpital une indemnité « égale au moins a celle dont jouit l'hôpital de Brest ».

Art. 80. La réduction de la dîme dans toutes les paroisses, à la trente-sixième gerbe.

Enfin, par l'art. 87, qu'il soit fait aux états généraux une loi pénale contre les ivrognes d'habitude des deux sexes, contre les personnes du sexe qui se prostituent et contre ceux qui leur en facilitent les moyens.

Pendant qu'on s'occupait ainsi de la rédaction de ces doléances, la populace de Landerneau pillait et enlevait des blés en magasin chez les sieurs Pluchon et Froter ; mais ces désordres étant loin de rendre l’abondance à la ville, la municipalité, pour conjurer de nouvelles émeutes, demandait du blé au munitionnaire de la marine de Brest, pour être distribué aux indigents. Le munitionnaire en accorda, après avoir pris l'agrément de l’intendant et du ministre.

Quelques mois après, à la demande des jeunes citoyens, le maire obtint de M. le comte d'Hector, commandant de la marine à Brest, 200 fusils pour leur armement.

Ville de Landerneau (Bretagne).

Dans la fameuse séance de l'assemblée nationale du 4 août 1789, M. Le Guen de Kerangal, député de la sénéchaussée de Lesneven, à propos de certaines prestations. et redevances féodales, dont des membres de la noblesse proposaient d'eux-mêmes l'abolition, cita « l'obligation imposée à certains vassaux de passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leur seigneur ». Si ce droit féodal existait, le ridicule en avait fait depuis longtemps justice, et cependant ce fut là ce qui décida les sacrifices de cette nuit célèbre où les deux ordres du clergé et de la noblesse se dépouillèrent généreusement et à l’envi l'un de l'autre de tous leurs droits et privilèges, sans que la nation ait en la justice de leur tenir compte de cette renonciation volontaire faite dans l'espoir de sauver la monarchie.

Tous les biens de la principauté de Léon étaient presque entièrement composés de rentes féodales. La suppression de ces rentes dépouilla donc, dans une seule nuit, la maison de Rohan, l'une des plus anciennes et des plus riches seigneuries de France.

La nouvelle de cet événement arriva à Landerneau le 12 août 1789, et le maire, M. Gillart, réunissant aussitôt la municipalité, lui adressa ces paroles :

« Livrons-nous aux transports de la plus vive reconnaissance, et donnons un libre cours à nos sentiments d'estime et d'admiration. La France jouit d'un bienfait qu'elle ne doit qu'à la généreuse et libre renonciation des seigneurs eux-mêmes. Ils se dépouillent des droits de propriété les plus chers, en faveur de la liberté française et déposent entre les mains du Roi toute la puissance que ses prédécesseurs leur avait accordée, et qu'ils exerçaient en son nom depuis tant de siècles. Quel sacrifice, Messieurs, et quels éloges ne lui devons-nous point ! Je pense donc que donnant un libre cours à nos sentiments, nous devons employer nos premiers moments à faire de sincères remerciements à l'assemblée nationale, qui s'occupe si essentiellement de notre bonheur, en priant M. Le Chapelier, notre illustre compatriote, d'être notre interpréte auprès d'elle, et de lui faire agréer nos hommages respectueux.

Mais, Messieurs, ne devons-nous pas encore fixer en ce moment, nos regards sur l'état de notre ville ? Nous touchons à l'instant où elle va peut-être devenir sans justice active, où elle va vraisemblablement être réunie à quelque siège voisin qui exerce par commission du Roi. Demandons donc que notre tribunal soit érigé en cour royale, et au cas que pour des raisons qui nous sont inconnues, nous soyons refusés, sollicitons au moins la translation du siége royal de Lesneven en cette ville.

Landerneau irait alors de pair avec Morlaix et Brest....... ».

En septembre 1789, la municipalité adhérait à la déclaration des citoyens de Rennes, assemblés dans l'église des Cordeliers de cette ville les 2 et 7 septembre.

Au mois de janvier de l'année suivante les sieurs Goury et Leissègues-Legerville assistaient en qualité de députés de Landerneau à la fédération des jeunes citoyens militaires de Bretagne et d'Anjou réunis à Pontivy, sous la présidence du célèbre Moreau.

Le même mois, les citoyens actifs de Landerneau s'étant réunis pour procéder à l'organisation de la nouvelle municipalité, élurent pour maire, après avoir entendu la messe aux R. P. Capucins, M. Le Gall de Lalande, A cette occasion, les pères capucins furent remerciés de leurs soins par une députation composée du maire et de deux municipaux, et recurent soixante livres de gratification et aumône.

Un des premiers actes de la nouvelle municipalité fut une adresse à l'assemblée nationale, en date du 7 mars 1790.

« Elus, nosseigneurs, par le suffrage libre de nos concitoyens, nous sommes les bouches de la commune. Nos cris d'admiration et de reconnaissance, notre adhésion à vos décrets sont l'expression de la volonté générale. C'est le vœu de toute notre ville que nous vous portons, notre hommage est pur comme notre patriotisme et nous le présentons avec une juste confiance aux créateurs de la constitution française.

Oui, nosseigneurs l’établissement des nouvelles municipalités, la liberté, la gloire et le bonheur de la nation, n'ont que le même berceau ; l'amour, le respect et le courage des bons patriotes l'environnent. Mais quel garant plus sûr, plus affectueux, et plus digne de vous et des français que la déclaration généreuse et paternelle du monarque de ne professer avec nous, avec qu'une seule opinion, qu'un seul intérêt, qu'une seule volonté ! Permettez-nous, nosseigneurs, de rappeler ses paroles mémorables : Je trouve une compensation pleine et entière dans le bonheur de la nation, c'est du fond, de mon cœur que j'exprime ce sentiment.

Louis XVII les a prononcées au milieu de vous, quelle émotion devait agiter vos cœurs, les notres en éprouvent une indicible en les répétant. Nous devons, aussi nosseigneurs, vous faire parvenir les bénédictions touchantes des hahitants de nos campagnes. Ces hommes précieux depuis si longtemps avilis et gémissants dans les liens de fer de la servitude féodale, affranchis par vous dans tout le royaume, ne seront plus attachés à la glèbe que par leurs soins utiles et laborieux. La population, l'économie rurale reprendront leur énergie. Le cultivateur plus industrieux nourrira sa nombreuse famille, parce que vous lui avez dit : Soyez libre, vivez !

Daignez, nosseigneurs, accueillir les offrandes que M. le Guen de Kerangal, un des honorables membres de votre auguste assemblée, déposera au nom de notre ville et des campagnes voisines sur l'Autel de la patrie ».

Le même M. Le Guen avait fait une motion à l'assemblée nationale pour demander un chef-lieu de département à Landerneau, et la municipalité avait rédigé un mémoire dans le même but ; mais malgré ses efforts et ceux des municipalités de Brest, Lesneven et Morlaix, le département fut fixé à Quimper, en août 1790, et le décret de sa formation ne fut enregistré à Landerneau qu’avec protestation.

Les sieurs Leisségues-Legerville, avocat, et Duthoya-Kerlavarec, négociant à Landerneau furent compris dans la premiere formation des administrateurs du Finistère. Les sieurs Cornec, Leguen et Ledeu, venaient d'arriver à Landerneau, de retour de la fédération du Champ-de-Mars, à Paris, le 14 juillet 1790.

En novembre 1790, la municipalité chargeait le procureur de la commune d'écrire à M. le duc de Rohan pour l'inviter à faire retirer les poteaux sur lesquels étaient inscrits ses droits féodaux, nouvellement supprimés. Peu après ou supprimait aussi les armoiries gravés sur la porte de la maison- commune pour les remplacer par ces mots : la Loi et le Roi.

Les capucins furent expulsés à la même époque, mais les récollets tenaient encore, car la municipalité ayant à se pourvoir au commencement de 1791 d'un prédicateur zélé et patriote pour la station du carême, choisit à cet effet le père gardien des récollets qui avait prêté le serment civique. Les sœurs de la sagesse, récemment établies à Landerneau par M. de la Marche, évêque de Léon, s'étaient au contraire réfusées à prêter ce serment ; elles recurent en conséquence l'ordre de cesser toute instruction publique aux enfants. Elles furent plus tard, en 1792, déclarées inutiles ainsi que les ursulines et expulsées les unes et les autres de leurs couvents.

D'un autre côté, la municipalité acquittait un mémoire de 48 francs pour le service qu'elle avait fait célébrer à Saint-Houardon pour le le repos de l’âme de M. Riquetti dit Mirabeau, député à l’assemblée et zélé défenseur de la liberté française.

Le sieur Claude-Marie de Laé, juge au tribunal du district et auteur du fameux Michel Morin breton mourut à Landerneau en juin 1791. Le corps municipal autorisa la même année les administrateurs de l'hôpital à se retirer vers le sieur Goury ou autres préposés des ci-devant devoirs de Bretagne, pour se procurer le paiement du prorata dû audit hôpital du 1er janvier au 1er avril 1791 sur le droit de papegault qui y était affecté.

Dans le même temps, M. Louis-Julien Roujoux, de Landerneau, ancien maire de cette ville, fut élu député du Finistère à l’assemblée législative. Le 12 octobre il prit la parole sur la question relative aux prêtres insermentés, se déclara en faveur de la tolérance, et demanda qu'il fût fait une adresse au peuple pour le ramener à ce sentiment.

Le 25 du même mois il essaya de prouver qu'une loi générale sur les émigrés ne s'accordait avec aucun principe de liberté, que l'état n'avait de compte à demander qu'aux fonctionnaires publics et à l'héritier de la couronne dont l'absence pouvait compromettre les intérêts du royaume. Il n'en écrivit pas moins dans les premiers mois de 1792 à la municipalité de Landerneau pour prescrire le désarmement des ci-devant nobles, ce qui fut effectué. Les arrestations avaient déjà commencé, et les personnes les plus suspectes étaient gardées aux ci-devant ursulines.

Une pétition au Roi, souscrite à Landerneau par 139 signataires, portait : « Roi des Français, la patrie est en danger, des enfants rebelles veulent la mettre en lambeaux, proposez la guerre, elle sera décrétée, et nous y volerons pour vaincre ou pour mourir ! ». Les pétitionnaires furent immédiatement incorporés dans les bataillons du Finistère, et se mirent en route dans le courant de 1792.

Le conseil arrêta en septembre de la même année qu'on apposerait les scellés sur les appartements qui seraient supposés renfermer des titres de noblesse, et cette opération eut lieu en l'absence des propriétaires détenus ou émigrés, chez MM. Du Rozel, Quengo de Tonquédec, Urvoy de portzamparc, d'Arnault, Heussaff-d'Oïxant, de Keropartz, Conen, de Kerret veuve Le Bihannic, veuve Kerdaniel, de Penfeunteniou, veuve Le Deauguer de Kerautret du Refuge, de Coatlus, veuve de Méherenc de Saint-Pierre, Gourio, de Tronjoly, veuve Le Gentil de Quélern, du Drénec, de Kérobézan, veuve Le Gonidec, Le Borgne de la Tour, Raison du Cleuziou, de Moëliens, Le Brun de Kerlayno, etc.

Ville de Landerneau (Bretagne).

On voit qu'alors Landerneau renfermait un grand nombre de familles nobles, dont plusieurs sont éteintes aujourd'hui ; on trouvait aussi dans son territoire les manoirs de l’Avalot, Chef du Bois, Kerlézérien, Penanrue, Kermoalec, Kerbiriou, Keroman, Keranguiriec, Lannurien. Le Lec’h Lesguy, Mesgral, Vieux-Bourg, Traonélorn, Penquélen, Tromeur et la Petite-Palue, mais la plupart avaient cessé d'être habités par leurs seigneurs, et étaient déjà convertis en fermes.

Quand les événements du 10 août furent connus à Landerneau, le citoyen Legall proposa à la convention, une adresse qui fut votée d'enthousiasme. Il y était dit entre autres choses : « Les vils et cruels agens du despotisme ont levé leurs bras pour nous immoler ou nous asservir ; qu'ils meurent esclaves, eux qui ne voulaient pas que nous eussions vécus libres ». Au commencement de la révolution on avait planté à Landerneau un arbre de la liberté. Celui-ci étant mort, on procéda, le 25 novembre 1792, à la plantation d'un nouvel arbre. Cette cérémonie se fit avec beaucoup de pompe. L'hymne des Marseillais fut chanté à cette occasion, et le citoyen Leissègues, procureur de la commune, prononça les paroles suivantes :

« Citoyens, nous célébrons en ce jour la fête de la liberté française. Avant la fameuse journée du 10 août les français n'étaient pas véritablement libres ; ils l'étaient d'autant moins qu ils semblaient l'être davantage. L'arbre de la liberté a déjà été planté, mais il le fut dans un temps où le parjure Louis XVI régnait encore. Alors, l'aristocratie faisait un dernier effort pour conserver son sceptre de fer. Citoyens, le souffle brûlant et empesté du despotisme a desséché l'arbre sacré. Les Français se sont levés, ils ont couru aux armes, le trône du traitre Louis a été renversé dans la poussière, la royauté est abolie sans retour, le gouvernement républicain est proclamé : ce n'est plus en vain que les droits de l'homme ont été déclarés. Les rois criminels vont enfin recevoir le châtiment dû à leurs forfaits ; trop longtemps ils ont cruellement joui du sang et des larmes qu'ils ont fait verser aux peuples opprimés sous le joug barbare de leur tyrannie. Le jour de la vengeance approche : leurs trônes ébranlés vont bientôt s'écrouler devant l'étendard de la liberté déployé par le peuple français. Déjà les Savoyards, les Nicéens, les Brabançons partagent avec nous les faveurs de la liberté ; ils jurent de ne vivre que sous son règne, ils jurent de ne jamais se séparer des Français leurs libérateurs et leurs frères. La France victorieuse s'entoure majestueusement de peuples libres prêts à combattre pour sa défense. Leurs cœurs, leurs armes, et leurs bras forment un rempart assuré contre les attaques des êtres couronnés et de leurs vils satellites. La liberté combat pour eux et pour nous.

Cette déesse guerrière et bienfaisante tient d'une main les droits de l'homme, de l'autre une pique redoutable ; la victoire la conduit, l'égalité l'accompagne, la fraternité la suit. Des millions de combattants s'arment pour elle : ils combattent et cependant la paix est à leurs côtés ; paix aux peuples, guerre aux tyrans, c'est la devise des hommes libres ; ils ne voient dans les peuples esclaves que des frères aveuglés, égarés et malheureux.

Célébrons, citoyens, célébrons les rapides succès de nos armes et de nos principes. C'est dans ces jours de gloire, d'allégresse et de satisfaction, c'est sous ces heureux auspices qu'il convient de planter une seconde fois l'arbre de la liberté. Cet arbre sera le signe de ralliement des amis de la patrie ; ils en écarteront soigneusement la hache aiguë de l'anarchie, fléau mille fois plus terrible que le despotisme : c'est à l'ombrage de ce chêne antique que les bons citovens viendront chaque année renouveler religieusement le serment de maintenir la liberté, l'égalité, la sûreté des personnes et des propriétés, et de mourir, s'il le faut, pour l'exécution de la loi ».

Lors de la condamnation de Louis XVI, un des hommes que Landerneau doit s'honorer le plus d'avoir produit, M. l'abbé Legris-Duval, quittant Versailles, où le malheur des temps l'avait forcé à se cacher, se rendit en bravant tous les dangers à la commune de Paris. C'était le 20 janvier au soir, veille de l'exécution du Roi. Il se présente avec un calme et une simplicité à laquelle sa jeunesse même [Note : Il n'avait pas alors 28 ans. Il mourut en 1819, prédicateur ordinaire du Roi] ajoutait une expression touchante, et il se borne à prononcer ces seuls mots : « Je suis prêtre ; j'ai appris que Louis XVI était condamné à mort ; je viens lui offrir le secours de mon ministère. Je demande que mon offre lui soit soumise ». Il lui fut répondu que Louis Capet avait déjà fait choix d'un confesseur, et plusieurs voix s'élevaient déjà pour demander son arrestation, lorqu’un de ses anciens camarades de collége, Mathieu, député à la convention, le reconnut et répondit de lui. Il put alors retourner dans sa retraite, où il passa le temps de la terreur.

Ce régime de sang ne tarda pas à s'établir dans le pays, et, en effet, dès le lendemain de la mort de Louis XVI, les conventionnels Rochegude, Defermon et Prieur (de la Côte-d'Or) partirent pour la Bretagne. Après avoir réprimé, en mars 1793, aidés du général Canclaux, l'insurrection de Saint-Pol et de ses environs, ils arrivèrent à Landerneau, puis à Brest, dont la défense leur avait été particulièrement confiée.

L'administration du Finistère prit part à la lutte qui s'engagea entre la Montagne et la Gironde au sein de la convention, dès que celle-ci fut seule maîtresse du gouvernement de la France. Robespierre parvint à faire mettre hors la loi les Girondins, mais le Finistère et plusieurs autres départements organisèrent promptement des bataillons de fédérés et chargèrent des députés de réclamer l'entière inviolabilité des membres de la convention, constitués en état d'arrestation. Les administrateurs du Finistère nommèrent pour leur député le citoyen Roujoux, dont nous avons déjà parlé [Note : Il devint préfet sous l'empire, ainsi que son fils, né aussi à Landerneau, auteur d'une Histoire de Bretagne, traducteur de l'Histoire d'Angleterre du docteur Lingard, etc.], mais les fédérés, vaincus à Vernon, en Normandie, par les bataillons montagnards, se replièrent sur Caen, puis sur la Bretagne. Roujoux, mis hors la loi par un décret spécial de la convention, parvint à se soustraire aux poursuites dont il était l’objet. Mais de nouveaux décrets envoyèrent dans les départements de l'ouest les représentants les plus féroces de la Montagne. Prieur (de la Marne), Jeanbon Saint-André, Tréhouart, Bréard et Laignelot arrivèrent successivement à Landerneau, puis à Brest ; et le 19 juillet 1793, sur le rapport du comité du salut public, les administrateurs du Finistère étaient aussi décrétés d’accusation pour avoir tenté d’avilir la représentation nationale et d'usurper l'autorité souveraine et comme coupables d’entreprises contre–révolutionnaires. Le siége de l’administration du département fut en même temps transporté provisoirement de Quimper à Landerneau, où une commission administrative, composée d'un membre choisi dans chaque district, fut chargée d'exercer toutes les fonctions attribuées aux directoires des administrateurs du département.

Au commencement de 1794, un tribunal révolutionnaire, à l'instar de celui de Paris, fut installé à Brest, protégé par le 3ème bataillon de la Montagne, qui venait d'y arriver. Ce bataillon fut chargé d'escorter jusqu'à Brest les administrateurs du Finistère écroués dans les prisons de Landerneau et de Carhaix. Les citoyens Le Hir et Riou, principaux défenseurs des prévenus, parvinrent à en arracher quatre à la mort, vingt-six autres furent exécutés à Brest, le 3 prairial an 2 (22 mai 1794), et plusieurs périrent en criant Vive la République !

Nous nous sommes assez étendus sur cette époque déplorable, depuis laquelle du reste il ne s'est passé rien de remarquable dans la ville de Landerneau, la révolution lui ayant fait perdre toute son importance.

Autrefois, capitale de la baronnie et principauté de Léon, l'une des plus anciennes et des plus considérables de la province, qui donnait au seigneur propriétaire le droit de présider aux états alternativement avec le baron de Vitré, elle était en outre le siège d'une juridiction haute, moyenne et basse, connaissant de tous les délits, à l'exception de celui de fausse monnaie, et possédant patibulaires de six pilliers. La principauté avait de plus son usement particulier et local contenu dans 13 articles insérés à la suite de la coutume de Bretagne, et quarante-deux paroisses et trêves dans son ressort, outre le juridictions de Coatmeal et de Daoulas qui étaient deux de ses membres. Enfin, elle avait neuf lieues bretonnes de long sur sept de large, « joignante et aboutissante aux juridictions royales de Saint-Renan et Lesneven, seigneurie de Seizploué (Maillé), régaires de Saint-Pol, Daoudour et Penzez, l'abbaye du Relecq, la Feuillée, Irvillac et Logonna ».

En 1842, Landerneau, comme chef-lieu de canton, a une justice de paix, dont l'arrondissement se borne à neuf communes. Les recettes de la ville s'élèvent à 40.000 fr. environ, mais la fondation de plusieurs établissements d'enseignement public a grevé momentanément ses ressources. Nous ne pouvons donc que déplorer la décadence de notre ville natale, mais nous faisons des vœux pour que l'industrie de ses habitants la dédommage de l'importance politique qu'elle a perdue.

Malheureusement son importance commerciale a aussi déchu depuis le début du XIXème siècle, mais elle pourrait reprendre un nouvel accroissement ; et les travaux considérables que l'on exécute au milieu du XIXème siècle dans son port, la rectification des grandes routes qui y aboutissent, doivent sans aucun doute, donner un nouvel essor au commerce de Landerneau et augmenter la prospérité de ses habitants.

(P. de Courcy).

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